Russie - Lettonie (19 février 2006)

 

Jeux Olympiques de Turin 2006, groupe B.

Russie-Lettonie, ce ne sera jamais un match comme les autres. Que cela soit en football, comme lors des dernières éliminatoires pour la coupe du monde en Allemagne, ou en hockey, c'est une rencontre qui passionne les foules et les médias des deux pays. Comme ce match a été programmé en week-end, les supporters des deux camps sont venus en masse. Cette semaine, la presse lettone a affirmée que 2000 à 2500 "fanatiques" grenats feraient le déplacement depuis Riga, et comme les inconditionnels de la Sbornaïa sont également très nombreux depuis le début du tournoi olympique, cela promet du spectacle également dans les tribunes.

En ce qui concerne la glace, la Lettonie a toujours causée des troubles aux Russes. L'on se souvient évidement de la retentissante victoire balte lors du mondial russe de Saint-Pétersbourg. Ceci dit, après un très bon nul 3-3 contre les États-Unis, les Lettons ont baissé de patin, s'inclinant 6-3 contre la Slovaquie et surtout 6-1 face à la Suède. Mais, lorsqu'un Letton se retrouve face à un Russe, pour des raisons qui ne sont pas uniquement dues à la proximité géographique des deux pays, ses forces sont décuplées.

Côté russe, les choses sont différentes. L'équipe de Vladimir Krikounov fonctionne un peu sur courant alternatif dans cette quinzaine olympique. Un coup sans tension (face à la Slovaquie), un coup survoltée (contre la Suède), et un coup en service minimum (devant le Kazakhstan). Donc quelle Sbornaïa va-t-on voir face aux Baltes ? La seule chose de certaine, c'est que la Russie fonctionne à la motivation. Et comment ne pas être motivée pour ce "derby de la Baltique" ?

À signaler que dans les cages lettones, Leonids Beresnevs, l'entraîneur letton joue l'alternance. Arturs Irbe (qui joue à Salzbourg en Autriche, après avoir débuté la saison dans son club du Riga 2000) retrouve sa place qu'il avait laissée à Sergejs Naumovs (Khimik Voskresensk, D2 russe) contre la Suède, et c'est au tour d'Edgars Masalskis (Neftyanik Almetievsk, D2 russe également) d'être sur le banc. Certains s'étaient d'ailleurs étonnés de la non sélection de l'excellent gardien letton du CSKA Moscou, Peteris Skudra.

Côté russe, pas de surprise, Evgueni Nabokov a définitivement conquis ses galons de titulaire. Ilya Bryzgalov est désormais en tribunes. Toujours côté russe, Andreï Taratoukhine, l'attaquant du Lokomotiv Iaroslavl, remplace Alexandre Frolov , blessé à l'épaule après une charge d'Ogorodnikov hier et déjà retourné se soigner à Los Angeles.

La première minute n'est pas terminée qu'Evgueni Malkine se distingue. Pas en bien. Il envoie sur les roses, l'attaquant du Torpedo Nijnji-Novgorod (D2 russe) Aleksandrs Nizivijs. Les Lettons n'en profitent pas et la Sbornaïa peut tranquillement attendre la fin de son infériorité. C'est même Malkine qui sonne la charge en sortant de prison. Il récupère la rondelle et file sur l'aile droite et met en danger Arturs Irbe. Le Roi Arturs de Riga bloque cependant le tir du Prince de Magnitogorsk. Ne voulant pas être en reste, le Tsarevitch de Moscou, Alexandre Ovetchkine envoie également un lancer puissant. Les jeunes loups, c'est bien, mais rien ne vaut les valeurs établies. Et c'est Ilia 1er, Roi de Kovaltchoukie, qui débloque le compteur. Suite à un beau travail de Pavel Datsiouk derrière la cage lettone, il part de derrière cette cage, file le long du poteau, se retourne et loge la rondelle dans le célèbre trou de souris (1-0 à 07'26"). Un but incroyable d'opportunisme et de facilité apparente. Les ennuis des Lettons ne sont pas finis, puisque neuf secondes plus tard, l'ancien Spartakiste Aigars Cipruss est sanctionné pour avoir accroché un attaquant russe. Et cela continue, avec un coup de crosse d'Aleksandrs Semjonovs, également sanctionné par Monsieur Larue. À cinq contre trois, la Sbornaïa ne tarde pas à doubler la mise par Maxime Souchinski qui profite d'une passe magnifique de son coéquipier du Dynamo Alexandre Kharitonov qui avait décalé Arturs Irbe (2-0 à 09'15"). Les Russes ont pris les Lettons à la gorge. Mais les Baltes vont réagir. Aigars Cipruss, qui vient de sortir de prison, file sur l'aile, se présente face à Evgueni Nabokov, mime la passe à Grigorijs Pantelejevs, et choisit le tir. Cela surprend le gardien russe qui encaisse ainsi son premier but du tournoi, et par là même son premier sous le maillot de la Russie (2-1 à 09'55").

Ce coup du sort (un but encaissé en supériorité numérique) ne semble cependant pas perturber plus que cela la Russie qui reprend son impressionnante marche en avant. Et c'est encore une fois la doublette aux noms ukrainiens Datsiouk-Kovaltchouk qui sème la désolation dans le camp letton. Ilia Kovaltchouk démarre à fond dans la zone neutre et lance Pavel Datsiouk qui met dans le vent les défenseurs baltes dans un slalom impressionnant pour redonner à Kovaltchouk qui instantanément tire le long du poteau d'Arturs Irbe (3-1 à 12'36"). Magnifique. Et de deux buts pour l'attaquant d'Atlanta, formé au Spartak (et oui Ilia !)...

Les Lettons ont l'occasion de se reprendre suite à deux pénalités consécutives sifflées contre Fedor Tioutine (13'16) puis à Alexandre Koroliouk (16'48). Les Blancs font tourner le palet dans la zone, mais leur inefficacité en jeu de puissance (6% de réussite à ce moment du tournoi...) font que rien ne passe. Surtout que Leonids Tambijevs tombe dans le piège du "très fin" Darius Kasparaitis et se trouve à son tour sanctionné (15'54). La double supériorité numérique lettone a fait long feu. Il faut même un beau dégagement du bouclier d'Irbe pour éviter le contre russe meurtrier. Une dernière tentative de Iachine sur une passe de rêve d'Ovetchkine et il est temps d'aller se reposer un quart d'heure, après un premier temps où la Russie n'a pas laissé la Lettonie respirer.

Et cela débute des plus mal pour les Baltes. Trente-deux secondes dans ce deuxième tiers et le défenseur des Panthères d'Augsbourg, en Allemagne, est sanctionné. Une belle contre-attaque d'Aleksandrs Nizivijs et le calvaire des Lettons peut reprendre. Maxime Souchinski, par deux fois lors de ce jeu de puissance, puis Alexandre Ovetchkine mettent Irbe en danger, mais le coup de grâce vient juste après la fin de la prison de Nizivijs. Et c'est, devinez, qui se trouve à la conclusion pour le quatrième but russe ? Mon "chouchou" Ilia évidement ! Kovaltchouk, nettement plus en forme qu'avec Kazan l'an passé contre le Spartak, trompe Irbe d'un tir puissant et lointain, sur l'extrémité du rond rouge d'engagement. 4-1, puis rapidement 5-1 par Kozlov qui récupère un palet dégagé du gant par Irbe. Leonids Tambijevs demande alors à Edgars Masalskis de s'échauffer sur le banc. Le jeune gardien letton remplace le maître à la vingt-huitième minute. Cela fait d'ailleurs un peu de peine de voir l'idole d'un peuple le visage aussi marqué par la déception. Même si, évidemment, personne en Lettonie ne se permettra le moindre reproche au roi Arturs, le gardien letton sait par lui-même que ce match tourne au cauchemar pour les Grenats, qui jouent en blanc... On verra d'ailleurs plus tard, Leonids Tambijevs en grande conversation avec Arturs Irbe.

Une charge coude en avant de Maxime Souchinski permet aux Lettons de posséder une chance de sortir la tête de l'eau. Ce n'est pas le jour des Baltes, car Leonids Tambijevs, en bonne position, rate le palet au moment de tirer... La chance est passée, car Herberts Vasiljevs fait faute sur Daniil Markov et est rejoint en prison trente secondes plus tard par Aleksandrs Semjonovs. Les Russes évoluent donc à cinq contre trois. Edgars Masalskis effectue quelques arrêts importants et recule ainsi l'échéance. Surtout que juste avant la fin de cette double supériorité russe, les Lettons sont soulagés par la faute commise par Darius Kasparaitis. Sauf que trente secondes plus tard, c'est Arvids Rekis qui est "tolérancézéro" par Monsieur Larue, pour être rentré dans Evgueni Nabokov, sur l'une des très rares incursions lettones dans la zone défensive russe. C'est donc à quatre contre quatre, qu'avec une facilité déconcertante, et un talent sortant par tous les pores de sa peau, qu'Ilia Kovaltchouk inscrit son quatrième but pour son quatrième tir du match. Un tir tellement tranquille seul face à Masalskis, avec une fois encore Pavel Datsiouk à l'origine de l'action victorieuse (6-1 à 35'16").

La pause est mise à profit par les entraîneurs russes pour lancer dans le bain olympique leur gardien Maxime Sokolov, habituel cerbère du SKA de Saint-Pétersbourg et champion de Russie avec l'Avangard Omsk en 2004. Mais que ce soit Nabokov ou Sokolov dans les cages russes, cela ne change rien à la domination écrasante de la Sbornaïa. Pas encore deux minutes de jeu dans le troisième tiers et septième but russe ! Alexeï Iachine récupère seul en embuscade un tir renvoyé par Edgars Masalskis. Un magnifique but, en finesse, sous la barre. À la décharge du gardien letton, où était sa défense ?

Le temps de tuer une pénalité de Tioutine, et hop, voilà le numéro huit de la grande famille des buts russes. Et c'est Evgueni Malkine qui s'y colle ! Un beau travail sur l'aile droite de Maxime Souchinski et une reprise instantanée de Malkine, une fois encore, laissé seul devant le pauvre Masalskis (8-1 à 47'32"). Surtout que deux minutes plus tard, Leonids Tambijevs est sanctionné pour une crosse haute. Mais les Russes ont la "politesse" d'attendre la fin de la prison pour corser le score. Bon, alors qui ne n'est pas encore mis en évidence ? Voyons ? Ah oui ! Ovetchkine ! Il suffit de demander ! Après un jeu à trois, le buteur de Washington trompe de près, et une fois de plus sans opposition, le gardien letton d'Almetievsk. L'après-midi est longue, très longue, pour les Lettons qui, en plus, n'arrivent pas à entrer dans la zone défensive russe : trois tirs au premier tiers, quatre au second, et tout aussi peu à ce moment de la dernière période ! Pourtant, les Lettons vont se réveiller en toute fin de rencontre, profitant sans doute d'un compréhensible relâchement des Russes. Les Baltes ont le mérite de ne pas baisser les bras et d'inscrire un deuxième but par l'intermédiaire de l'attaquant de Björklöven, en D2 suédoise, Mikelis Redlihs. Ce dernier récupère un palet renvoyé par Maxime Sokolov après un premier tir d'Armands Berzins. Un but qui déclenche la joie des supporters lettons, qui eux aussi ont le mérite de faire leur "boulot" jusqu'au bout !

Une dernière pénalité pour Ovetchkine à dix-sept secondes de la fin et il est temps d'en terminer avec cette rencontre. Un match dominée de la tête, des épaules et du reste par la Russie, qui s'installe de plus en plus dans le fauteuil des favoris pour l'or olympique. Quant aux Lettons, ils n'ont pas à avoir de regrets, ils n'étaient pas dans le match et ils ont été battus par - beaucoup - plus forts qu'eux.

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Commentaires d'après-match

Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : "Non, je n'ai même pas pensé au quadruplé de Pavel Bure en demi-finale à Nagano. D'autant qu'il est maintenant le manager de l'équipe, il aurait été mieux de rester à un but de son record (co-détenu dans un match des JO par Bobrov et Shadrin). J'ai fêté le premier but. Le deuxième, Pasha Datsyuk me fait la passe dans la cage vide, c'était pour lui que j'étais content. Mais quand le score était de 5-1 ou 6-1, pas besoin de dépenser des émotions à célébrer les buts. Mieux vaut les garder pour la suite."

Vladimir Krikunov (entraîneur de la Russie) : "J'ai en mon temps joué sur la même paire défensive que Leonids Beresnevs au Dynamo Riga. Mais l'élève a dépassé le maître... Pour rester sérieux, j'avais demandé aux joueurs de ne pas commencer sur le même rythme que contre le Kazakhstan. Dès l'échauffement, il était évident qu'ils étaient prêts. Ils ont marqué rapidement, ils ont joué avec caractère et enthousiasme. Kovalchuk voulait marquer, c'est évident, et Pasha lui en a donné la possibilité avec des passes splendides, même quand il aurait pu marquer lui-même. Nous avons terminé le match à sept défenseurs car Volchenkov avait une petite blessure. Kozlov n'est pas dans une forme optimale, mais sa compréhension du jeu se rapproche plus de celle de Yashin et Ovechkin. Avec les nouvelles règles, un joueur rapide comme Afinogenov doit jouer mieux que ça. Les meilleurs jusqu'ici sont Nabokov, Datsyuk et Kovalev. En défense, Andreï Markov. J'attend plus d'Ovechkin, il doit jouer au moins aussi bien que l'an passé."

Leonids Beresnevs (entraîneur de la Lettonie) : "Sans avoir de fraîcheur physique, il est très difficile d'affronter une équipe du niveau de la Russie. Ce match a été notre moins bon à Turin."

Arturs Irbe (gardien de la Lettonie) : "Il ne faut pas oublier que nos hockeyeurs dans les années 40 ont appris le hockey sur glace aux joueurs russes de bandy. C'étaient d'extraordinaires joueurs qui sont arrivés à Moscou pour jouer pour le VVS. Ceci dit, les Russes étaient de très bons étudiants, et pendant longtemps l'équipe d'URSS a dominé le monde du hockey. J'ai joué avec elle, mais il a été très agréable, quand notre pays est redevenu libre, de pouvoir jouer pour la Lettonie. Le premier match contre la Russie, lors du Mondial en Suisse, ne m'a pas réussi, mais les deux suivants s'étaient soldés par deux victoires. Mais maintenant, aux Jeux Olympiques, c'est la douche froide."

 

Russie - Lettonie 9-2 (3-1, 3-0, 3-1)

Dimanche 19 février 2006 à 13h05 à Torino Esposizioni. 4310 spectateurs.

Arbitrage de Dennis LaRue (USA) assisté de Petr Blümel (TCH) et Stefan Fonselius (FIN).

Pénalités : Russie 16' (6', 6', 4'), Lettonie 18' (6', 10', 2').

Tirs : Russie 39 (10, 16, 13), Lettonie 11 (3, 4, 4).

Évolution du score :

1-0 à 07'26" : Kovalchuk assisté de Kovalev et D. Markov

2-0 à 09'15" : Sushinsky assisté de Kharitonov et Gonchar (double sup. num.)

2-1 à 09'55" : Cipruss (inf. num.)

3-1 à 12'36" : Kovalchuk assisté de Datsyuk

4-1 à 23'32" : Kovalchuk assisté de Kovalev et Datsyuk

5-1 à 25'45" : Kozlov assisté de Yashin

6-1 à 35'16" : Kovalchuk assisté de Datsyuk

7-1 à 41'58" : Yashin assisté de Kozlov et Zhukov

8-1 à 47'32" : Malkin assisté de Sushinsky et Vishnevsky

9-1 à 56'27" : Ovechkin assisté de Kozlov et Yashin

9-2 à 58'04" : Redlihs assisté de Berzins

 

Russie

Gardiens : Evgeni Nabokov puis Maksim Sokolov à 40'00".

Défenseurs : Andreï Markov - Daniil Markov ; Fedor Tyutin - Anton Volchenkov ; Darius Kasparaitis (A) - Sergei Gonchar ; Vitali Vishnevsky - Sergei Zhukov.

Attaquants : Ilya Kovalchuk - Pavel Datsyuk - Alekseï Kovalev (C) ; Aleksandr Ovechkin - Alekseï Yashin (A) - Viktor Kozlov ; Aleksandr Kharitonov - Evgeni Malkin - Maksim Sushinsky ; Maksim Afinogenov - Andreï Taratukhin - Aleksandr Korolyuk.

Absents : Ilya Bryzgalov (G), Aleksandr Frolov (épaule, remplacé par Taratukhin).

Lettonie

Gardiens : Arturs Irbe puis Edgars Masalskis à 27'58".

Défenseurs : Karlis Skrastinš - Arvids Rekis ; Sandis Ozolinš - Atvars Tribuncovs ; Rodrigo Lavins - Krisjanis Redlihs ; Agris Saviels - Georgijs Pujacs.

Attaquants : Grigorijs Pantelejevs - Aigars Cipruss - Martins Cipulis ; Leonids Tambijevs - Aleksandrs Semjonovs - Aleksandrs Nizivijs ; Vladimirs Mamonovs - Herberts Vasiljevs - Girts Ankipans ; Maris Ziedins - Armands Berzins - Mikelis Redlihs.

 

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