Russie - Ukraine (11 mai 2006)

 

Championnats du monde 2006, deuxième tour, groupe F.

Sushinsky fait sauter la banque

En tête de sa poule à l'issue du premier tour après avoir broyé le Kazakhstan (10-1), souffert face au petit frère biélorusse (3-2) puis remporté la mise face aux Slovaques (4-3), la Russie à plus que jamais rejoint le clan des favoris. Si sa principale faiblesse réside comme souvent au poste de gardien (Zvyagin ne fut pas exempt de tout reproche face à la Slovaquie), la Sbornaïa mise avant tout sur son axe fort, le duo d'étoiles Evgeni Malkin - Aleksandr Ovechkin. Ces deux-là ont fait feu de tout bois dans cette première ronde et ont pris les rênes de l'attaque. On l'a bien compris, cette Russie est talentueuse et possède la fougue de la jeunesse. Toutefois, le rendez-vous qui s'annonce face à leurs cousins ukrainiens peut s'apparenter à un match à risques.

Besogneuse, combative mais vieillissante, l'Ukraine a d'ores et déjà rempli sa mission à Riga, le maintien (acquis la veille aux dépends de l'Italie au terme d'une partie marquée par la sortie sur civière de Denis Isayenko et les incidents ayant opposés l'Italo-canadien Anthony Iob à d'autres membres de la sélection ukrainienne). Dans cette affaire, son capitaine Sergei Klymentyev, impliqué dans la bagarre avec Iob dans le couloir des vestiaires, s'est vu infliger une suspension de deux matchs, dont celui-là. Difficile pour l'Ukraine de mettre en place son système défensif avec trois arrières en moins, car Zavalnyuk est aussi blessé. Les deux jokers présents - Bobkin et Donika - sont tous deux attaquants, et c'est donc Bobrovnikov qui est obligé de passer en défense.

D'entrée, l'Ukraine éprouve les pires difficultés à contenir les assauts russes. Le chapitre des pénalités a beau être équilibré en ce début de match (une de chaque côté avant la huitième minute), c'est bien Igor Karpenko qui voit le plus d'action. Harcelé toute le match durant par l'intenable duo Ovechkin-Malkin, le gardien du Sokol de Kiev enraye une à une les offensives adverses, que ce soit cette reprise à bout portant de Malkin sur un service de Sushinsky, cette reprise surpuissante de Semin qui manque de le décapiter ou cet essai en angle fermé de Kharitonov. La menace rouge se précise donc de minutes en minutes même si l'Ukraine arrive parfois à s'immiscer en zone offensive. Une nouvelle fois impérial sur ce mouvement Ovechkin-Kulemin (8e), Karpenko obtient un peu de répit sur un retenir sifflé à l'encontre d'Aleksandr Semin (07'31"). Le jeu de puissance ukrainien s'installe et Vadim Shakhraïchuk, servi au second poteau par Konstantin Kasyanchuk, enrage encore d'avoir vu Sergei Zvyagin réaliser l'arrêt à bout portant (9e). Là-dessus, les hommes d'Oleksandr Seukand ne sont vraiment pas passés loin de l'ouverture du score, mais Oleksandr Bobkin, laissant traîner son genou, provoque la blessure d'Aleksandr Kharitonov. Touché au genou, Kharitonov ne finit pas le match à l'instar de son "bourreau" ukrainien qui écope d'une pénalité majeure (14'01").

Avec cinq minutes de supériorité numérique, Karpenko peut s'attendre à souffrir. Et si le portier ukrainien ne se laisse pas avoir sur l'astucieuse déviation d'Evgeni Malkin (17e), il ne peut rien en revanche devant Maksim Sushinsky, servi derrière la cage par Aleksandr Ovechkin et qui contourne le but pour placer le palet entre ses bottes (1-0 à 16'06"). Le Dynamiste, vraiment pas inquiété par la défense sur ce coup-là, signe ainsi son premier filet du tournoi. La Russie à fait le plus dur et ne relâche pas la bride jusqu'à la fin de la pénalité majeure et porte encore le danger par son bloc numéro un en jeu de puissance, Ovechkin trouvant le relais de Sushinsky pour la reprise à bout portant de Malkin (19e).

Ce match semble se résumer à un duel entre Igor Karpenko et l'arsenal offensif d'une Sbornaïa dominatrice. Karpenko en voit de toutes les couleurs mais garde inexorablement sa cage inviolée. Même devant cette longue ouverture d'Ovechkin à destination de Sushinsky qui trouve Emeleïev au second poteau (22'10") ou ce rebond chaud-bouillant lâché devant Evgeni Malkin (23'47"). Pris à la gorge, les Ukrainiens ne peuvent que se dégager mais provoquent quand même, sur leur première montée du deuxième tiers, une faute russe (25'17"). Guère dangereux devant Zvyagin, les Ukrainiens n'ont guère le temps d'en profiter puisqu'un retenir de Kasyanchuk rétablit rapidement la parité (26'08").

Soumis à rude épreuve devant ces diables de Malkin et Ovechkin (31e), Igor Karpenko sauve sans cesse la patrie et maintien ses couleurs dans un match unidimensionnel et peu intensif: la Russie attaque, l'Ukraine, aux abois, défend et joue les contres quand elle le peut. Un but d'avance, c'est bien peu cher payé pour la Sbornaïa mais l'omniprésent Ovechkin n'est pourtant avare d'efforts. On retrouve ainsi la super-gâchette des Capitals de Washington à l'interception d'une relance dans l'axe de Vasyl Polonitsky puis au service de Maskim Sushinsky, lancé seul côté gauche mais malchanceux dans son un-contre-un pour déjouer Karpenko du revers (36'51").

Après deux tiers-temps de domination, la question est posée : qu'est ce qui peut faire flancher ce Karpenko ? Jusqu'à présent seul le vétéran Maksim Sushinsky est parvenu à ses fins. On dirait bien que le Moscovite est le seul à posséder la clé du coffre ukrainien, lorsqu'on le retrouve, opportunément placé à gauche du gardien, à la conclusion d'un bon jeu entre les deux jeunes stars du hockey russe. Servi dans l'enclave par Malkin, Ovechkin reprend en pivot et pousse Karpenko à relâcher un palet aussitôt repris par Sushinsky. Limpide, net et sans bavures (2-0 à 41'03").

Hormis un slalom de Protsenko (44e) et quelques escarmouches repoussées sans coup férir par Zvyagin, le jeu reste solidement ancré en zone défensive ukrainienne. Les mouvements s'enchaînent mais Emeleïev ne peut reprendre une passe tendue devant la cage de Malkin. Cela n'a que peu d'importance puisque Sushinsky remet la rondelle en arrière vers Kruchinin qui arme un lancer frappé dévié, ou plutôt effleuré, par Ovechkin dans le filet (3-0 à 46'06"). Les attaquants russes sont trop forts, trop rapides, trop techniques pour la défense ukrainienne et celle-ci se voit poussée à la faute. Deux sanctions consécutives offrent un double avantage numérique à la Sbornaïa et Denis Kulyash, d'un slap aussi puissant que précis, nettoie la lucarne et en rajoute un quatrième (4-0 à 48'19").

La muraille Karpenko a cédé en quelques minutes devant les coups de butoir rouges et Vladimir Krikunov profite de cette fin de match en roue-libre pour donner un peu de glace au back-up Aleksandr Fomichev (51'28"). Le gardien du CSKA Moscou n'aura que peu à se mettre sous la dent mais verra de sa position privilégiée, la fin du récital russe. Propre sur le lancer du poignet d'Aleksandr Ovechkin (53'23"), Karpenko ne peut contrôler le lancer de Georgy Misharin et dirige malgré lui le retour sur Sergei Mozyakin, qui lui ne laisse pas passer l'opportunité (5-0 à 53'47"). L'Ukraine boira le calice jusqu'à la lie avec ce tir de la bleue de Gorovikov, freiné par l'arrière ukrainien Andrei Sryubko juste devant son gardien et repris victorieusement par Igor Grigorenko (6-0 à 57'03"). Une ultime réalisation en supériorité numérique, la quatrième dans un match monotone mais éclairé par le génie des duettistes Malkin et Ovechkin.

L'Ukraine, portée par un admirable Igor Karpenko (44 arrêts), a longtemps muselé la terrible attaque russe. Mais à force de plier, la digue a fini par céder mais le score lourd reflète assez bien la physionomie d'une partie à sens unique. Ce match fut un bon galop d'entraînement avant d'enchaîner sur un adversaire plus redoutable encore, cette Suisse capable de se sublimer sur n'importe quel match, comme elle l'a fait la veille en revenant au score face aux Suédois (4-4). Mais, toujours invaincue dans ce tournoi et véhiculant une image forte à ses adversaires, la troupe manœuvrée par Vladimir Krikunov ne craint personne.

Désignés meilleurs joueurs du match : Maksim Sushinsky pour la Russie et Igor Karpenko pour l'Ukraine.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Commentaires d'après-match

Vladimir Krikunov (entraîneur de la Russie) : "Le match a été tendu pendant deux périodes, et après avoir marqué les premiers dans le dernier tiers, nous avons retrouvé notre jeu alors que nos adversaires ont perdu le leur. Malheureusement, nous avons perdu Kharitonov, il est à l'hôpital. C'était une blessure volontaire. On ne peur prendre un genou comme ça ! Un athlète se doit de respecter l'homme qui joue avec lui. [...] Je n'ai pas voulu de Perezhogin comme joker parce qu'il n'est pas plus fort que les joueurs ici. Ses neuf buts dans sa saison à Montréal équivalent à peu près à deux buts marqués en Superliga."

Aleksandr Seukand (entraîneur de l'Ukraine) : "Nous avons joué tant qu'il nous restait des forces. Malheureusement, nous en avions pour deux périodes. Perdre trois défenseurs à la fois est une perte irremplaçable. Trop d'émotions ont été laissées dans le match contre l'Italie : vous ne vous rendez pas compte de ce que ça représente de jouer deux fois en vingt-quatre heures. On ne peut pas dire que Bobkin ait réussi ses débuts, il était dépassé par le rythme. Je suis triste qu'il ait infligé une blessure à un joueur russe. Nos joueurs sont amis avec ceux de la Russie et c'est doublement déplaisant pour nous. Ce genre d'épisode n'honore ni le hockey ni notre sélection ni Sasha Bobkin lui-même."

 

Russie - Ukraine 6-0 (1-0, 0-0, 5-0)

Jeudi 11 mai 2006 à 16h15 à l'Arena Riga. 6963 spectateurs.

Arbitrage de Richard Schütz (ALL) assisté de Ansis Eglitis (LET) et Leo Takula (SUE).

Pénalités : Russie 8' (6', 2', 0'), Ukraine 41' (4'+5'+20', 6', 6').

Tirs : Russie 50 (15, 16, 19), Ukraine 25 (11, 6, 8).

Évolution du score :

1-0 à 16'06" : Sushinsky assisté d'Ovechkin et Kulyash (sup. num.)

2-0 à 41'03" : Sushinsky assisté d'Ovechkin et Malkin (sup. num.)

3-0 à 46'06" : Ovechkin assisté de Kruchinin et Sushinsky

4-0 à 48'19" : Kulyash assisté de Nikulin (double sup. num.)

5-0 à 53'47" : Mozyakin assisté de Misharin

6-0 à 57'03" : Grigorenko assisté de Mozyakin et Gorovikov (sup. num.)

 

Russie

Gardiens : Sergei Zvyagin puis Aleksandr Fomichev à 51'28".

Défenseurs : Vitali Atyushov - Denis Kulyash ; Andrei Kruchinin - Dmitri Bykov ; Sergei Zhukov - Ilya Nikulin ; Georgy Misharin - Vadim Khomitsky.

Attaquants : Aleksandr Ovechkin (A) - Evgeni Malkin - Nikolaï Kulemin ; Aleksandr Kharitonov - Igor Emeleïev - Maksim Sushinsky (C) ; Aleksandr Semin - Denis Arkhipov (A) - Aleksei Mikhnov ; Sergei Mozyakin - Konstantin Gorovikov - Igor Grigorenko.

Absents : Kirill Koltsov (suspendu), Denis Zaripov (se plaint d'être fatigué).

Ukraine

Gardien : Igor Karpenko.

Défenseurs : Vasyl Polonitsky - Yuri Gunko ; Artem Ostroushko - Youri Navarenko ; Andrei Sryubko - Vasyl Bobrovnikov.

Attaquants : Vitaly Lytvynenko - Vadim Shakhraichuk - Konstantin Kasyanchuk ; Andrei Mikhnov - Oleg Shafarenko - Oleksandr Materukhin ; Roman Salnikov - Valentin Oletsky - Yuri Dyachenko ; Vitaly Donika - Boris Protsenko - Oleksandr Bobkin.

Remplaçant : Konstantin Simchuk (G). Absents : Denis Isayenko (doit porter une minerve par précaution, tournoi terminé), Vyacheslav Zavalnyuk (blessé au pied), Sergei Klymentyev (suspendu), Vitali Semenchenko (a quitté l'équipe, déçu de son temps de jeu).

 

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