Épinal - Strasbourg (18 novembre 2006)

 

Match comptant pour la onzième journée de la Ligue Magnus 2006-2007.

Un but d'avance, mais une classe d'écart

La trêve internationale n'aura pas enrayé la bonne dynamique spinalienne. Après deux farouches batailles livrées devant deux cadors de Ligue Magnus (et deux défaites très honorables, quoique frustrantes), l'ICE a repris le collier cette semaine pour le compte de la Coupe de France. Et sur une glace toujours piégeuse, les Vosgiens ont su mettre leur rival dijonnais au pas (3-2) au bénéfice d'une belle poussée finale. Mais voilà, comme de coutume, la bataille fut rude et c'est avec un Radoslav Regenda touché au genou que les Lorrains auront regagné leur fief de Poissompré. Et c'est également sans renfort(s) qu'ils s'engagent dans les derniers mois de compétition, le Polonais Slawomir Krzak n'ayant pas été retenu à l'issue de sa période d'essai. Testé depuis une semaine, cet attaquant arrivé du GKS Tychy (Ekstraklasa polonaise) dans l'optique d'éventuellement densifier les lignes offensives a été redirigé vers Reims (comme si les Phénix n'étaient pas suffisamment armés comme cela pour le contexte de la division 2...). Il s'agirait là d'un choix plutôt éthique que financier, l'état-major spinalien ne souhaitant pas mettre à l'écart un des rares joueurs du crû rescapés au profit d'un nouveau mercenaire. Le souhait de Pierre-Yves Eisenring n'a donc pas été exaucé et le technicien helvète, suspendu pour ce match après son exclusion mardi, devra faire avec son contingent actuel.

Sitôt ce derby de l'est bouclé, le sort place dès ce soir son autre voisin d'élite, Strasbourg. Les néo-promus, après une nette baisse de régime en octobre (six défaites de rang), ont su redresser la voilure en terrassant dernièrement des Ducs d'Angers irréguliers (5-3). La confiance est donc revenue dans la garnison de Daniel Bourdages, fourbue après deux premiers mois éreintants et régénérés par une trêve bienvenue. Les Alsaciens sont plus méfiants que jamais à l'idée de se frotter à un adversaire toujours redoutable dans ses meubles et redoutent comme la peste cette fameuse grinta faisant doucement la réputation des Dauphins.

L'occasion fait le larron

Daniel Bourdages ne cessait d'afficher ses craintes avant la rencontre au sujet de Ján Plch. Soucieux de l'impact de l'électron libre slovaque sur le jeu de son équipe, l'emblématique manager québécois de l'Étoile Noire avait clairement mis en garde ses troupes contre le phénomène. Las, Plch se retrouve rapidement en action en débutant son travail de torture sur ses vis-à-vis. Étourdis, les Alsaciens se retrouvent rapidement noyés de pénalités, sans que le jeu de puissance local ne tienne pas ses promesses même si un slap appuyé de Peter Listiak côté droit pousse Juraj Nemcák à s'employer une première fois de la mitaine (01'19"). Le reste ne sera qu'approximations et Strasbourg en profite évidemment, sortant progressivement la tête du bassin pour venir provoquer aux avant-postes. Il suffit ainsi d'un pressing de Stéphane Hohnadel pour pousser Jan Bohácek à la faute (04'43") mais à son tour le powerplay visiteur peine à prendre ses marques devant une arrière-garde soudée autour de l'axe Buda-Plch. Illustrant une première fois cette fameuse rapidité d'exécution tant redoutée par Daniel Bourdages, les deux compères matérialisent cette force spinalienne faite de percussion et d'engagement défensif (06'05").

Néanmoins, on sent l'ICE fébrile, comme en témoigne ce léger relâchement dans le repli défensif, lourd de conséquence. Après une première alerte de Maxime Catelin, Todd Norman mène un contre cinglant dans son couloir droit et trouve l'offensif Pavol Resetka au second poteau pour une conclusion imparable (0-1 à 07'56"). On appelle cela le réalisme à l'alsacienne...

Profitant de l'aspiration pour brièvement se porter devant la cage d'un Petrik bienheureux au passage de voir Himler rater sa frappe à bout portant (9e), Strasbourg se replie ensuite dans sa zone sous les coups de boutoir de Spinaliens tout à coup plus toniques et appliqués. Cela se ressent notamment sur la fréquentation des cachots, assidue chez des Strasbourgeois devant s'y relayer pour punir leur impuissance à maîtriser licitement la vista locale. Dominés, ceux-ci s'en remettent alors à leur ange gardien Juraj Nemcák, de retour à son meilleur niveau pour faire front au barrage d'artillerie spinalien. Enfilant la tenue de pompier de service, le Slovaque engage son festival en repoussant inlassablement le pilonnage. Dans ce déluge de caoutchouc, il multiplie les prouesses, voyant tantôt Slovák rater la mire de près (09'34") avant de détourner de la botte un frappé court de Regenda (09'38") et de stopper sur sa ligne et d'une mitaine ferme une reprise à bout pourtant de Plch (10'15"). Nemcák semble insubmersible et barre à nouveau la route à Jelínek (10'42") avant de se coucher pour bloquer un revers menaçant de Petrak (11'52").

Comme le craignait Daniel Bourdages, l'aisance technique spinalienne fait de gros dégâts au sein de son alignement, devant une fière chandelle à la forme étincelante de Juraj Nemcák. Ainsi, même un retenir de Luc Mazerolle (12'25") ne brise pas l'élan bleu et le portier slovaque doit à nouveau intervenir pour contrecarrer les desseins de la paire Plch-Regenda, partie en deux contre un (12'56"). Nemcák retarde au mieux l'échéance mais souffre, à l'instar de ses coéquipiers figurant dans le collimateur du trio arbitral. Plus rapides et surtout plus complémentaires, les Spinaliens dominent outrageusement cette fin de période sans toutefois parvenir à déverrouiller le coffre-fort bas-rhinois.

Assurément dans le bon tempo, les Spinaliens vont pourtant aggraver leur cas au sortir des vestiaires en assistant, sans broncher, à un sacré numéro de Mika Suoraniemi. Parti dans une série de dribbles chaloupés, l'ailier finlandais met minable la défense et traverse la zone de vérité pour s'en aller servir un Todd Norman oublié au second poteau. Là encore la sanction tombe et l'Ontarien, dans un fauteuil, ne laisse pas passer sa chance en marquant côté opposé (0-2 à 20'17").

Plch-Buda, la combinaison gagnante

L'affaire se complique mais les Dauphins bénéficient rapidement d'une nouvelle indiscipline adverse pour installer leurs batteries en zone offensive (21'47"). Et cette fois-ci, après plusieurs vaines tentatives, le résultat sera au rendez-vous suite à un rebond gagnant de Ján Plch, à l'affût dans le slot pour reprendre un slap puissant de Jan Bohácek (1-2 à 22'31").

L'état de grâce de Juraj Nemcák ne pouvait pas durer éternellement et Strasbourg, sur la corde raide depuis de longues minutes, semble au bord de la rupture. Dépassés par les événements, les hommes de Daniel Bourdages semblent jouer avec un temps de retard sur leurs hôtes et chacune de leurs approximations se voit transformée en occasion de but comme sur cette récupération de Luc Mazerolle (23'06"). Tout semble aller de travers et même leur unique opportunité en supériorité numérique de la période est couronnée d'insuccès. Car, tourmentés par une abnégation spinalienne symbolisée par ce forecheck appuyé de Ján Simko (24'08"), les Alsaciens ne montrent strictement rien. Au régime sec, ils doivent recourir aux gestes illicites pour contenir cette pression soutenue et finissent logiquement par payer cette accumulation de pensums. En effet, assiégés dans leur camp, ils fléchissent à nouveau sur une longue phase de circulation de puck où Milan Buda, à bout portant et d'une reprise sèche entre les bottes, poursuit le travail de Michal Petrák derrière la cage (2-2 à 28'33").

Inexorablement, Épinal se détache et prend davantage l'ascendant au fil des minutes. C'est encore plus flagrant lorsque Luc Mazerolle transperce ce qu'il reste d'un rideau défensif ne devant son salut qu'à la présence d'un Juraj Nemcák royal devant son filet (30'02"). C'est dire les possibilités offertes aux Lorrains mais ceux-ci jouent de malchance : Tomás Jelínek, lancé en profondeur par Peter Listiak, voit son tir du poignet frapper la base du montant (32'56"). Il est presque miraculeux que Strasbourg reste dans le match tant la maîtrise spinalienne paraît totale, bien aidée il est vrai par ces trente-quatre minutes d'infamie récoltées par les visiteurs durant cette période ô combien carcérale...

Dans ces conditions éprouvantes, les nerfs lâchent, et c'est ce qui arrive au blueliner canadien Jonathan Jolette, frustré de la tournure des événements et renvoyé précipitamment aux vestiaires pour l'avoir fait remarquer à l'arbitre (35'10"). Cette indiscipline chronique, couplée à un précédent accrocher de Peter Himler (34'22"), causera la perte de l'Étoile Noire. Car sitôt le jeu de puissance installé, un schéma d'école en "tic-tac-toe" fera la différence. Et comme par hasard, ce diable de Plch se retrouve dans le coup, se trouvant cette fois-ci au relais de Bohácek pour servir un caviar au second poteau vers Milan Buda (3-2 à 35'21").

Pleinement libérés, les Spinaliens poursuivent leur démonstration de force en martyrisant la défense. Mais si Guillaume Chassard voit le cadre se dérober dans son face à face (35'45"), Michal Petrák trouve lui l'ouverture en expédiant la rondelle dans les filets suite à une frappe de mule de Radoslav Regenda. Enfin, c'est ce qu'il croit, puisque le centre tchèque, excentré à la droite de Nemcák, verra son filet être annulé par un corps arbitral prétextant la présence gênante d'un Dauphin dans la zone (36'42"). La menace ne s'écarte pas pour autant et Nemcák doit se substituer à une défensive si perdue que même Anthony Maurice parvient à la prendre de vitesse avant d'envoyer son revers dans les nuages (38e) ! À contrario, l'ICE se base elle sur une arrière-garde propre lui offrant de nombreuses solutions en contre. Et ce petit jeu, Strasbourg ne peut rivaliser. Surtout en désavantage numérique...

On ferme

Soumis à rude épreuve au cours d'un acte médian à sens unique, les promus tentent de se montrer plus entreprenants aux avant-postes. Une stratégie volontaire dictée par ce retard d'un but qu'ils accusent désormais, mais stérile face à un adversaire fermant clairement le jeu. En effet les locaux, regroupés en zone neutre, campent sur leurs positions et laissent venir les visiteurs pour mieux les cueillir en contre, à l'image de ce jaillissement de Mazerolle et ce service en direction de Chassard, une nouvelle fois mis en échec par Nemcák (42'04"). Moins tranchants, les Dauphins offrent donc un certain répit à une Étoile Noire retrouvant même le chemin du jeu de puissance. Mais celui-ci, peut-être rouillé par une longue inactivité, ne casse toujours pas trois pattes à un canard et reste à la merci d'une intervention de Jan Bohácek et consorts.

Épinal s'applique donc à gérer ces dernières minutes avec sérénité, se contenant visiblement du score et de défendre bas pour bloquer les initiatives désordonnées de l'Étoile Noire. Ces dernières se heurtent ainsi à un Stanislav Petrik impeccable alors que son alter ego Juraj Nemcák doit également rester vigilant sur les dernières escarmouches locales. La domination territoriale de Strasbourg reste donc lettre morte et l'ICE, moins fringante qu'auparavant, tire profit de sa stratégie conservatrice (et d'une assise défensive solide) pour laisser tranquillement filer les minutes. Privés de solutions, les Strasbourgeois ne baissent toutefois pas encore les armes mais leur ultime ruée aux abords de la cage adverse ne donnera rien.

Sans l'ombre d'un doute

Le score est serré mais la victoire ne souffre d'aucune contestation tant Épinal a maîtrisé les débats. Malgré deux moments de latence, punis à chaque fois d'un but, les Dauphins ont su rester calmes et faire déjouer l'Étoile Noire en l'assommant de jeu rapide. Incapables de maîtriser les enchaînements des deux premiers bloc locaux et d'en contenir l'activité, les hommes de Daniel Bourdages ont sans cesse été poussés à la faute. Le coach québécois a beau remettre en cause l'impartialité des décisions arbitrales, il n'en demeure pas moins que celles-ci étaient justifiées tant ses troupes ont paru en deçà de la vivacité locale. Ce zèle arbitral, favorable à la créativité offensive, fut donc fatal aux promus, dès lors contraints de disputer l'essentiel du match sur la défensive. Sans pour autant rivaliser offensivement - ou si peu en fin de match - tant la sûreté était de mise côté spinalien. Et pourtant, Juraj Nemcák (près de quarante arrêts) a longtemps entretenu l'illusion de par sa vista devant le filet, mais la succession de pénalités couplée à l'énorme abattage vosgien auront eu raison de sa vaillance. Ce match, Strasbourg l'a incontestablement perdu sur le banc d'infamie. Il ne pouvait décemment pas en être autrement vu les circonstances. Solides derrière et percutants devant, les Spinaliens ont logiquement tiré les marrons du feu et les Alsaciens n'y ont vu que du bleu.

Décidément, le replacement de Milan Buda sur la ligne de parade a complètement bouleversé le visage des lignes d'attaque. Un temps en sous-régime, le Tchèque a totalement retrouvé ses fondamentaux aux côtés de Ján Plch et se sera distingué ce soir, outre son doublé, par un travail de tous les instants. Il en va de même pour Michal Petrák, le col-bleu par excellence et subordonné en chef d'un Ján Plch imprimant toujours plus sa marque sur le jeu de l'équipe. Tomás Jelínek ne cesse lui de surprendre par son activité sans faille dans les deux sens et une certaine propension à se faufiler dans les espaces alors que le capitaine Guillaume Chassard et son acolyte Luc Mazerolle se contentent de faire le métier, et ce plutôt bien. Mais c'est derrière que le bât blesse, et malgré une évidente bonne volonté, le troisième bloc vosgien souffre toujours autant.

Qu'importe, l'ICE a su jouer sur sa valeur intrinsèque et ses points forts pour étouffer un opposant certes opportuniste, mais bien trop fébrile. Et mine de rien, Épinal gonfle son capital psychologique sur Strasbourg, déjà battu à deux reprises dans la vétuste arène de Poissompré.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Épinal - Strasbourg 3-2 (0-1, 3-1, 0-0)

Samedi 18 novembre 2006 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 1111 spectateurs

Arbitrage de Didier Bocquet assisté de Jérémy Rauline et Benjamin Gremion.

Pénalités : Épinal 10' (4', 2', 4'), Strasbourg 46' (10', 14'+20', 2').

Tirs : Épinal 39 (12, 21, 6), Strasbourg 24 (9, 3, 11).

Évolution du score :

0-1 à 07'56" : Resetka assisté de Norman et Jolette

0-2 à 20'17" : Norman assisté de Suoraniemi et Himler

1-2 à 22'31" : Plch assisté de Buda et Bohácek (sup. num.)

2-2 à 28'33" : Buda assisté de Petrák et Plch (sup. num.)

3-2 à 35'21" : Buda assisté de Plch et Bohácek (double sup. num.)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Jan Bohácek - Radoslav Regenda ; Peter Listiak - Peter Slovák ; Peter Strapatý - Borislav Ilic.

Attaquants : Milan Buda - Michal Petrák - Ján Plch (A) ; Luc Mazerolle - Tomás Jelínek - Guillaume Chassard (C) ; Ján Simko - Anthony Maurice (A) - Lionel Simon.

Remplaçants : Franck Constantin (G), Anthony Pernot, Kévin Benchabane, Sébastien Geoffroy, Guillaume Papelier.

Strasbourg

Gardien : Juraj Nemcák.

Défenseurs : Pavol Resetka - Jonathan Jolette ; Roman Gurican - Milan Dirnbach ; Wesley Jarvis - Hugues Cruchandeau.

Attaquants : Mika Suoraniemi - Peter Himler (A) - Todd Norman ; Jaroslav Jacko - Stéphane Hohnadel (C) - Daniel Sevcík ; Mathieu Reverdin - Philippe Choinière - Maxime Catelin ; Mathieu Saint-Marc.

Remplaçant : Gilles Beck (G). Absents : Tommi Flinck (rupture du ligament antérieur gauche du genou), Thibault Dumuis (blessé), Damien Brau-Arnauty (pouce).

 

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