Suisse - Slovaquie (10 février 2007)

 

Match comptant pour la Skoda Cup, à Bâle.

Quand la défense va...

Suisse-Slovaquie, toute une histoire. Presque un roman au vu des antécédents récents entre ces deux nations, qui se connaissent sur le bout des doigts et retrouvent pour la troisième fois de la saison après la Deustchland Cup (victoire slovaque en finale) et la Loto Cup (victoire finale suisse). À ce petit jeu, les hommes de Julius Supler ne semblent pas vraiment bénéficier de l'ascendant psychologique et restent sur un revers embarrassant à Bratislava dans leur Loto Cup. À l'époque, Daniel Manzato s'était personnellement chargé de leur cas (0-3)...

Ces dernières prestations internationales confirment la bonne tenue d'une Nati plus sereine que jamais et ont permis de constater la profondeur du réservoir helvète. Sans pouvoir frapper à la porte d'un HC Davos toujours aussi hermétique à la cause nationale, Ralph Krueger conjugue immanquablement sa Nati au futur, avec un Patrick von Gunten découvrant tout juste la Ligue A avec Kloten. Davos, le point sensible de Ralph Krueger. L'actuel leader de LNA qui ne compte, au grand désespoir des autres clubs de l'élite, qu'un seul sélectionné pour ce tournoi (l'attaquant-défensif Andres Ambühl), alimente les controverses. Ralph Krueger n'y voit pourtant aucun signe et se borne à déclarer qu'Ambühl et Hiller (blessé depuis) sont les seuls Grisons à être apte au tricot national. C'est ainsi que la Suisse se passe des services de ses deux attaquants de pointe, Reto von Arx et surtout un Michel Riesen affichant un rendement exceptionnel cette saison avec plus de trente buts à son compteur. Hormis ces absences précitées et le maintien d'un autre davosien, Loïc Burkhalter, en réserve de la république, Krueger aligne en effet une équipe de joueurs en forme de la LNA.

Dans ce contexte, le renouvellement des cadres tourne à plein régime et les "rookies" transposent immanquablement leurs excellentes dispositions en club sous le tricot frappé de la croix blanche. Si Patrik Bärtschi semble avoir une longueur d'avance, les Michael Ngoy, Duri Camichel et autres Thibaut Monnet joueront certainement leur participation pour le Mondial russe. Une tâche qui apparaissait dans leurs cordes cette automne, notamment pour un Monnet portant actuellement sur ses épaules l'offensive de Fribourg-Gottéron. Malgré les performances médiocres de l'EHC Bâle, Daniel Manzato garde toute la confiance d'un Ralph Krueger séduit par les prestations remarquables du portier romand en sélection. En concurrence directe avec Jonas Hiller pour le poste de numéro un, Manzato fera toutefois équipe avec le Bernois Marco Bührer suite au forfait du gardien grison. Enfin, ce tournoi "régional" marque le retour en sélection d'un Paul Di Pietro revenu, au contraire d'Olivier Keller, sur sa retraite internationale. Un atout de plus au vu de la seconde jeunesse vécue par le top-scoreur de Zoug...

Composer avec les forfaits et les indisponibilités en tout genre, voilà qui reste un exercice de style auquel tout sélectionneur slovaque digne de ce nom doit savoir jongler. Une fois encore, les Slovaques ont dû ratisser large pour réunir une petite partie de leurs forces basées aux quatre coins de l'Europe. Le nouveau sélectionneur Julius Supler, s'il ne dispose pas de sa vieille garde, ne peut que miser sur un contingent hybride. Favorite toute désignée, la Slovaquie a eu moult fois l'occasion de se frotter aux nations engagées à ce tournoi rhénan. Elle sait donc à quoi s'attendre et reste méfiante.

Les locaux attendent la première infraction slovaque, un retenir d'Ivan Svarny (01'37"), pour réellement décanter la situation. Convié de dernière minute, Duri Camichel s'offre une remontée et trouve le relais de son coéquipier de Zoug, Paul Di Pietro. D'une petite déviation, le Canadien naturalisé décale ainsi Romano Lemm au second poteau et la reprise écrasée du capitaine de Kloten surprend Miroslav Simonovic dans sa lucarne opposée (1-0 à 03'24").

Cette entame perturbe diablement une formation slovaque privée de Tomas Surovy (touché hier et remplacé par Milan Bartovic rappelé en voisin des ZSC Lions) et contrainte à faire le jeu devant des Suisses attentistes et fidèles à leurs habitudes. C'est qu'il s'y connaît, Ralph Krueger, et le bougre musèle au mieux le jeu tout en bridant chaque velléité adverse. Empruntés offensivement, les Slovaques peinent donc à contourner ce bloc défensif mais profitent d'une étourderie en zone neutre pour remettre les choses à plat. Un palet oublié par la garde helvète profite inévitablement à Tibor Melicharek, lancé en profondeur par Marcel Sterbak et qui ne se fait pas prier pour confondre un Marco Bührer préféré devant le filet au régional de l'étape Manzato, aligné hier (1-1 à 12'24").

Relancés, les Slaves retrouvent alors leurs couleurs mais restent bloqués en première. S'ils distribuent le jeu proprement et distillent une partition collective honorable, les hommes de Julius Supler restent désespérément stériles devant la défense suisse. Celle-ci tient bien son rang malgré l'avalanche de forfaits et s'en remet à un Bührer efficace pour couvrir ses arrières. Le Bernois devra toutefois enfiler le bleu de chauffe durant une fin de période difficile pour ses couleurs, confinées dans leur terrain et sujettes à un certain relâchement. La Slovaquie, sans être franchement menaçante, impose lentement son emprise sur le jeu. Mais reste incapable de faire la différence.

Cela se confirme à l'amorce d'un tiers médian débuté en supériorité mais non concrétisé. Le box-play cher à Krueger fait déjà son œuvre et les Slovaques n'ont d'autre choix que d'abuser de déviations pour espérer troubler un Bührer solide. Le portier du CP Berne retarde l'échéance et s'affirme en muraille infranchissable en gobant de la mitaine un frappé court de Dusan Milo (25'22"). De son côté, Miroslav Simonovic en fait de même en frustrant l'échappée du Zurichois Thierry Paterlini (23'58") avant que Duri Camichel, pourtant démarqué devant la cage, ne vendange un caviar de Romano Lemm (27e). Entre-temps, l'ailier Miroslav Hlinka écopait d'un 2'+10' pour une charge par derrière sur le débutant Von Gunten (25'41") et réduisait la voilure pour ses coéquipiers. Désormais installés en zone offensive au bénéfice de ce jeu de puissance, les locaux doublent la mise sur une déviation pleine lucarne d'Ivo Rüthemann sur un tir excentré d'Adrian Wichser (2-1 à 26'49").

À l'usure, la Nati refait surface et retrouve tous ses fondamentaux pour placer les têtes slovaques sous l'eau. Bousculés par les forechecks et barrés en zone neutre, les coéquipiers de Robert Petrovicky subissent l'engagement helvétique et restent cantonnés à chercher, en vain, des solutions. Le zèle suisse frise par instants la régularité mais Marco Bührer reste sur son nuage en maintenant l'inviolabilité de sa cage au plus fort de l'adversité. Voilà qui a le don d'agacer et de frustrer les Slovaques, qui finissent par en oublier Raffaelle Sannitz. L'attaquant de Lugano, fraîchement libéré de son pensum, est alerté par Wirz, effectue une petite erreur de contrôle mais poursuit malgré tout son geste pour servir devant la cage l'autre "régional de l'étape". Patric Della Rossa, puisque c'est de lui dont il s'agit, fait à nouveau mentir ses détracteurs en redirigeant le centre du Tessinois hors de portée de Simonovic, là-haut, dans son coin gauche (3-1 à 36'37").

Agacés par cette réussite qui les fuit continuellement, les Slovaques profitent d'un nouvel avantage numérique accordé dans la foulée et constatent de visu que Marco Bührer a bien la "baraka" ce soir. L'attaquant de Cologne Ivan Ciernik enrage encore d'avoir logé sa reprise en pivot sur le montant droit du cerbère bernois (38'09")...

La Suisse a clairement haussé le ton en deuxième période. Pas seulement au tableau d'affichage mais aussi dans le jeu, bien maîtrisé et quadrillé par une formation à forte connotation défensive. Ceci ne sied guère les intérêts slovaques, empêtrés dans ce faux rythme et toujours incapables de passer la seconde. Leur homogénéité n'est pas suffisante pour bousculer une Nati bien dans ses baskets. Regroupés en zone neutre, les Helvètes se font une joie de rafler les montées slovaques mais n'exploitent pas les fruits de leur cueillette. Mis sur orbite par une relance très précise d'un Goran Bezina taille patron, Roman Lemm ne parvient pas à déjouer un Miroslav Simonovic vigilant (47e).

Alors que Marco Bührer poursuit sur sa lancée en dégoûtant proprement ces attaquants slaves désorientés, la Nati gère efficacement son acquis en exploitant chaque faille du jeu adverse. Ce n'est pas ce qui manque, la Slovaquie s'étant semble-t-il résignée à force de toujours buter sur le même problème. Ce souci, c'est cette organisation remarquable et cette forme étincelante affichée par un Bührer de gala. Mais voilà, nul n'est invincible et le défenseur René Vydareny, d'un slap détonant à ras de glace et au ras du poteau gauche, exécute le Bernois et relance complètement les débats (3-2 à 57'44").

La cause paraissait entendue pour la Suisse, mais voilà que ce coup de canon du solide arrière de Ceské Budejovice, associé à une obstruction malvenue de Michael Ngoy (58'52"), complique passablement les choses. Comme elle l'a toujours fait ce soir, la Suisse fait toutefois front et résiste avec vigueur face à une pression désordonnée. Un retenir la crosse du vétéran des ZSC Lions Robert Petrovicky (59'50") condamne définitivement les maigres chances d'une formation slovaque sans génie et prolonge la belle série suisse.

Outre cette victoire rapprochant Ralph Krueger et sa bande du gain de ce tournoi, la performance suisse conforte les bonnes dispositions également affichées la veille face aux Allemands. La Nati a su resserrer la vis au bon moment et garder une intensité défensive constante sur une grande partie de la rencontre. Tout en comptant sur des unités spéciales compétentes, ce qui doit forcément réjouir un Krueger satisfait de l'étanchéité de son penalty-killing et de l'efficacité de son jeu de puissance.

C'est dans ce contexte particulier que le blueliner Martin Steinegger aura fêté sa 214e sélection nationale, dépassant d'une unité le record longtemps détenu par le bras droit de Krueger, le sélectionneur des moins de 20 ans Köbi Kölliker, formé comme Steinegger à Bienne.

Attendu au tournant après plusieurs performances de choix sous le chandail rouge à la croix blanche, Thibaut Monnet n'a pas fait d'étincelles, se contentant d'un second rôle aux côtés d'Adrian Wichser et de Patric Della Rossa. Chaque bloc suisse a malgré tout tiré dans le même sens, et tous ont, à des degrés moindres à en attaque, fourni un abattage de tous les instants en défense à l'image d'un Paul Di Pietro jamais avare d'efforts. Très sûr dans ses placements, le robuste Genevois Goran Bezina fut le patron d'une défensive homogène qui a totalement pris son essor au cours d'une deuxième période de référence.

Malgré cette partition collective de haute tenue, personne ne peut nier l'apport décisif de Marco Bührer devant son filet. Solide et inspiré, le Bernois a su être déterminant dans les instants cruciaux. Les réservistes slovaques, quand ils franchissaient ce rideau défensif, se sont cassé les dents sur le dernier rempart helvétique. Une constante ce soir, comme leur impuissance chronique à percer les lignes de Krueger. Sous cette configuration, la Slovaquie n'ira nulle part et a cruellement manqué de leaders offensifs capables de la sortir de sa petite routine.

Désignés joueurs du match : Marco Bührer pour la Suisse et Tibor Melicharek pour la Slovaquie.

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "C'était une rencontre d'excellent niveau, par sa vitesse et son intensité un test très significatif. Nous sommes entrés tout de suite dans le match, comme nous devrions toujours le faire, et puis, quand ils ont pressé et que nous avons joué de manière trop compliquée, nous sommes sortis de ce quart d'heure difficile avec un minimum de dommages Après la pause, nous avons réussi à nous retrouver complètement et à jouer les quarante minutes suivantes comme nous le voulions. La Slovaquie nous a porté à nos limites, avec et sans palet, en power-play comme en box-play, et c'est pourquoi nous sommes encore plus satisfaits de la façon dont nous avons géré et gagné cette partie. [...] Celui qui joue dans et pour cette équipe le fait parce qu'il le veut de tout son cœur et qu'il le démontre dans les faits. Les paroles, nous les laissons aux autres [NB : Riesen et Von Arx ont récemment réaffirmé qu'ils ne rejoueraient pas pour l'équipe nationale de Krueger]."

Martin Steinegger (214 sélections, nouveau recordman en Suisse) : "Je n'ai jamais été un fanatique de statistiques. Je connais les chiffres de ma carrière, mais pas avec une précision absolue, si ce n'est qu'en ce moment, tout le monde m'en parle, entre les supporters, les amis et les journalistes. C'est un honneur de dépasser Köbi dans l'histoire, également parce que nos vies et nos carrières ont eu des points communs, et pas seulement parce que nous venons de la même ville. Pour commencer, son père était le responsable de la glace de la piste de Bienne, et mon père a été son successeur. Et puis, lors de mes débuts en équipe première en 1990, j'étais sur la même ligne que lui !"

 

Suisse - Slovaquie 3-2 (1-1, 2-0, 0-1)

Samedi 10 février 2007 à 20h00 à la St.Jakob-Arena (Bâle). 2617 spectateurs.

Arbitrage de Richard Schütz (ALL) assisté de Roger Arm et Julien Dumoulin (SUI).

Pénalités : Suisse 12' (6', 4', 2'), Slovaquie 20' (2', 2'+10', 6').

Tirs : Suisse 21, Slovaquie 25.

Évolution du score :

1-0 à 03'24" : Lemm assisté de Di Pietro et Camichel (sup. num.)

1-1 à 12'25" : Melicharek assisté de Sterbak

2-1 à 26'49" : Rüthemann assisté de Wichser et Monnet (sup. num.)

3-1 à 36'37" : Della Rossa assisté de Sannitz et Wirz

3-2 à 57'45" : Vydareny assisté de Hlinka

 

Suisse

Gardien : Marco Bührer.

Défenseurs : Beat Forster - David Jobin ; Martin Steinegger (C, 2') - Mathias Seger (2') ; Goran Bezina - Patric von Gunten ; Michael Ngoy (4') - Steve Hirschi.

Attaquants : Ivo Rüthemann (A) - Andres Ambühl - Thierry Paterlini (A) ; Romano Lemm - Valentin Wirz - Marc Reichert ; Paul Di Pietro - Raffaelle Sannitz (4') - Duri Camichel ; Adrian Wichser - Thibaut Monnet - Patric Della Rossa.

Remplaçants : Daniel Manzato (G), Félicien Du Bois. En réserve : Patrik Bärtschi.

Slovaquie

Gardien : Miroslav Simonovic (sorti de sa cage de 58'52" à 59'02" et de 59'35" à 59'50").

Défenseurs : Tomas Starosta - Daniel Babka ; René Vydareny - Dusan Milo ; Ivan Svarny (2') - Jan Homer ; Richard Stehlik - Marcel Sterbak.

Attaquants : Frantisek Skladany - Rastislav Pavlikovsky - Robert Petrovicky (C, 2') ; Ivan Ciernik - Miroslav Hlinka (A, 2'+10') - Radovan Somik ; Milan Bartovic (2') - René Skoliak - Michal Hudec ; Roman Tomas - Roman Kukumberg (2') - Tibor Melicharek.

Remplaçant : Peter Hamerlik (G). Absents : Tomas Surovy (blessé), Martin Strbak (blessé).

 

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