Bâle - Langnau (24 mars 2007)

 

Play-out de LNA, deuxième tour, match 6.

Comment transformer le destin d'une équipe moribonde, improductive et indigente à l'extrême hors de ses bases (une seule victoire, rappelons-là, en saison régulière) ? En y injectant avant cette finale du play-out quelques "gros bras" étrangers pas seulement motivés pour arrondir leur fin de mois, mais aussi pour réussir une authentique "mission sauvetage". L'impact de ces jokers (Domenichelli, Sevc, Divisek) est ainsi devenu une solide garantie de succès pour l'EHC Bâle.

La situation, compromise après le massacre de samedi dernier dans la campagne bernoise (2-9), fut renversée dans la semaine au bénéfice de deux gains très nets, deux fois sur le même score (4-0). Pourvu d'une dimension offensive totalement nouvelle (et qui lui a grandement sauvé la face), Bâle a donc changé de registre pour se muer dans la peau du prédateur. Et aux Rhénans de se placer en position préférentielle. À une victoire d'un maintien inespéré au vu d'une saison régulière plus que médiocre...

Langnau fut de nouveau matraqué dans sa tanière jeudi soir (4-0). Ce soir-là, ce fut l'habituel "troisième larron", un Mike Maneluk retrouvé aux côtés du percutant Tomas Divisek et de l'indomptable Hnat Domenichelli, qui fut la grande vedette en réalisant un doublé décisif. Comme le colosse Thomas Nüssli, de retour mardi d'une longue blessure et auteur, ce soir-là, de deux buts. Voilà qui n'est pas pour arranger les affaires emmentaloises, d'autant plus que Daniel Manzato, jusqu'alors en deçà des attentes, reste sur deux jeux blancs de rang...

Guerre des nerfs

Il n'est pas toujours simple de conclure une série. Les résultats des derniers quarts de finale en LNA l'auront confirmé. Aussi Bâle, nanti de trois victoires, montre dès le coup d'envoi quelques signes de fébrilité dans ses lignes arrières. Imputables, sans doutes, à cette pression inhérente à la situation. Remontés comme des pendules, les Tigres emmentalois se placent très hauts en zone adverse et tentent d'y maintenir le danger. Les premiers espaces se libèrent pour quelques contres bâlois, furtifs et sans véritable impact. Et dès que l'on parle d'impact, on évoque forcément ce fameux trio de jokers. Martin Sevc et Tomas Divisek signent ainsi une première séquence pleine, aussi bien défensivement qu'offensivement, et réalisent les premières vraies incursions en territoire bernois. Bien que ballottés par cette ligne de gala, les SCL Tigers n'en restent pas moins appliqués et toujours enclins à travailler en férocité le fief de Daniel Manzato. Invincible depuis plus de deux matchs, le Romand, qui livre peut-être là son dernier match avant de filer en Amérique du nord, prolonge sa série en déviant de la botte un premier coup de griffe du turbulent Josh Holden (05'26").

Il semble acquis que dans ce match, disputé au possible, chaque petit détail fera la différence tant les compétences et les forces en présence semblent proches. Un retenir de Patric Della Rossa (06'096") accorde donc aux visiteurs une première cartouche, mais Tuomainen, glissant devant la cage sur un service de Holden, rate la cible à bout portant (07'45"). Tout comme son compatriote Niki Sirén, servi par ses soins dans le slot mais lui aussi incapable d'ajuster la mire (10e). Au chapitre des ratés, les Rhénans ne sont pas en reste mais possèdent plus que jamais, en la personne de Tomas Divisek, un véritable centre d'impact. La présence oppressante du Tchèque en échec-avant reste un problème insoluble pour les arrières emmentalois, constamment larcinés par l'opiniâtreté de l'ancien de Plzen.

Une relance ratée d'Arne Ramholt dans sa zone, récupérée par Julian Walker, permet au jeune ailier rhénan de provoquer une première infamie bernoise (10'29"). Une occasion en or pour le coach Mike McParland de sortir ses gros bras. Le jeu de puissance semble, à première vue, réglé comme du papier en musique tant la combinaison Domenichelli-Divisek-Maneluk-Astley-Sevc semble être complémentaire, mais la défense de Langnau parvient à quelque peu limiter son emprise. Pourtant, il s'en est fallu de peu pour que la passe venue de l'arrière du but de Domenichelli ne soit exploitée du revers par Maneluk (11'15").

Le mano a mano se poursuit dès le retour à forces égales et chacun tente tour à tour de prendre le jeu à son compte. Sans réellement y parvenir tant les lignes sont serrées et les débats équilibrés. Pas de doutes, la tension est là et se fait sentir dans tous les coins du glaçon, accentuée par une intensité digne d'un vrai match se séries. Alors que le duel de costauds Divisek-Tuomainen bat son plein contre les balustrades, la vivacité de Josh Holden ne cesse de s'affirmer. Le diablotin canadien se paye ainsi le luxe de déshabiller Martin Sevc avant de s'en venir buter sur Daniel Manzato (19'17"). Holden, un authentique poison...

...qui n'aura besoin que d'une poignée de secondes pour briser ce round d'observation. En surgissant sur l'engagement à travers la zone neutre pour transpercer la garde de Manzato d'un tir à mi-hauteur dans le petit filet droit (0-1 à 20'10"). Ce terrible coup de semonce, aussi brutal qu'inattendu, force ainsi l'EHC Bâle à davantage se découvrir. Toujours de manière mesurée et prudente. Un contact illicite signalé sur la personne de Patric Della Rossa (23'32") décante la situation et permet à Mark Astley de servir le maître-bombardier Martin Sevc. Démarqué, le franc-tireur tchèque dégaine un slap surpuissant à mi-distance, filant comme un obus dans la lucarne de Mathias Schoder (1-1 à 23'57").

L'artillerie lourde a de nouveau fait effet et permet de pleinement relancer Bâle. Si le duo Walker-Bright, dans la foulée, manque de peu d'exploiter un puck perdu devant la cage, les Rhénans concèdent aussitôt une nouvelle pénalité (25'39"). Malgré le travail en pivot de Jeff Toms et l'abattage constant d'un Josh Holden endiablé, Langnau laisse à nouveau passer sa chance. Cet engagement total des deux côtés donne lieu à une lutte intense et acharnée malgré une légère maîtrise de la rondelle pour les hommes de Christian Weber. Au fil des minutes, le duel perd en fluidité tout en gagnant en âpreté, sans jamais tomber dans l'excès. Bernois et Rhénans redoublent d'efforts en pressings et en récupération pour se rendre coup pour coup. Jusqu'à ce que ce diable de Josh Holden, encore lui, ne surgisse dans l'enclave pour dévier imparablement une passe de Peter Högardh (1-2 à 39'17"). L'ancien Fribourgeois, plus indomptable que jamais, vient ainsi de jeter un sacré froid dans une arena grondant cette charge par derrière non sanctionnée par l'arbitre canadien Brent Reiber sur l'ailier Stefan Voegele...

Intensité et nervosité

En parlant d'arène, les spectateurs en ont pour leur argent avec ce duel haletant. Venu en nombre (record de la saison atteint), attiré par une politique tarifaire avantageuse (pour les abonnés du moins) et la perspective de voir ses favoris sauver leur peau en LNA, le peuple bâlois se prend au jeu et constate que les Tigres, toujours hargneux, ne sont pas encore morts dans cette série. Poussés dans leurs derniers retranchements à l'entame de l'acte final, les Rhénans obtiennent un sursis sur une incursion de Hnat Domenichelli qui, bien que retenu par Tommi Miettinen, parvient tout de même à lancer vers Mathias Schoder (43'40"). Incarcéré pour son forfait, l'ailier finlandais laisse ses coéquipiers affronter une nouvelle fois le jeu de puissance local. Le déploiement des Domenichelli et Divisek ouvre bien quelques brèches dans la défense emmentaloise mais c'est le deuxième bloc qui passe la seconde couche après avoir cherché l'ouverture durant de longues secondes. Du coin gauche de la cage, Andreas Camenzind trouve ainsi Patric Della Rossa au second poteau, lequel reprend instantanément mais voit Mathias Schoder sortir l'arrêt in extremis. L'international lève les bras, les Bâlois aussi, convaincus que le disque a bien franchi la ligne fatidique, au contraire de Bernois évidemment contestataires. La vidéo est appelée à la rescousse et donne raison aux locaux (2-2 à 44'38").

Entre des Rhénans requinqués par leur égalisation et des Langnau Tigers plus coriaces que jamais, la tension est sans cesse plus palpable au fil des minutes et promet une fin de match à suspens. Résistants au pressing et l'engagement physique des coéquipiers de l'énergique Chris Bright, les Emmentalois ne baissent pas de régime dans cette fin de partie. Néanmoins, cette intensité finit, à la longue, par éroder leur assise défensive, qui contient plus difficilement les montées adverses. Celles-ci, provoquées par des récupérations de plus en plus fréquentes, manquent d'un rien de faire la différence mais Julian Walker, servi par Franco Collenberg et Sandro Tschuor, ne peut valider un joli contrôle orienté dans le slot (53'34"). Un air de KO flotte sur la glace et Fabian Sutter, pris par la patrouille pour une charge à la crosse, offre une première balle de match à ses hôtes d'un soir (53'40"). Marquée du sceau d'un penalty-killing intransigeant, cette supériorité numérique reste pourtant lettre morte. Usés par le rythme, les deux protagonistes jettent leurs dernière forces dans la bataille. Michael Liniger, le capitaine des SCL Tigers, décoche une dernière flèche auquel Daniel Manzato répond du bouclier (58'10"). La mort subite est devenue inévitable...

Le cadeau d'adieu de Gaétan Voisard

Sans surprises, celle-ci est nerveuse et aussi indécise que le match en lui-même. À bout portant devant Manzato, le vétéran suédois Peter Högardh frise la réussite mais les Bâlois, tout aussi déterminés, répondent du tac au tac. Une relance ratée d'Arne Ramholt ne profite pas au duo Divisek-Maneluk (41e) mais Michael Stettler, sous pression, commet alors l'erreur de dégager vers le banc de touche. Le retard de jeu est appelé (62'31") et la petite déviation de Tomas Divisek, sur un lancer de Mark Astley, rebondit sous le nez de Mathias Schoder (64e). Le cerbère de Langnau est même sauvé par la base de son montant gauche sur un contre de Stefan Tschannen (68e). À ce stade, la décision se joue à pile ou face et la chance va sourire aux Bâlois. Sur une ultime présence en zone offensive, le puck finit par ressortir vers un Gaétan Voisard démarqué et très légèrement excentré sur le flanc gauche, qui décoche aussitôt un slap gagnant dans la lucarne droite (3-2 à 69'10"). Pour son dernier match sous le chandail noir frappé de la crosse, le Jurassien, en partance pour Rapperswil, ne pouvait offrir plus beau cadeau de départ. Une véritable délivrance pour une escouade rhénane qui a finit, envers et contre tout(s), par arracher un maintien inenvisageable après une saison en tous points chaotique.

Les jokers enrôlés il y a peu par Bâle (et honorés comme il se doit en fin de match) pour corriger l'indigence de son compartiment offensif furent déterminants dans le succès de cette mission sauvetage. Si le trio Högardh-Holden-Tuomainen pesa tout autant qu'elle sur le jeu, la ligne Maneluk-Divisek-Domenichelli impulsa régulièrement les contre-offensives tout en apportant son écot dans les phases plus obscures. Sans omettre, évidemment, le tireur d'élite Martin Sevc, aussi sûr à l'arrière que redoutable à la ligne bleue offensive et qui porte également sur ses épaules une grande partie de ce maintien arraché de haute lutte. L'heure de la retraite a sonné pour le vétéran Mark Astley, après douze années de service en LNA, alors que Daniel Manzato, auteur d'un match très solide, a gardé pour la dernière fois la cage rhénane. L'international ira prochainement poursuivre sa carrière en Ligue américaine et boucle là, à l'instar de ses coéquipiers, une saison irrégulière, souvent frustrante mais sauvée de la plus belle des manières devant un public enfin enthousiaste.

Le tigre, une espèce en voie d'extinction ?

La fête pouvait battre son plein dans les gradins et le doute s'installer pour de bon dans l'esprit des SCL Tigers, qui n'ont pas démérité, à l'image d'un Josh Holden saignant et à surveiller comme le lait sur le feu. Langnau devra désormais se consacrer aux barrages de promotion/relégation. Qui pourraient fort bien lui réserver un derby cantonal aussi passionné que disputé, face à une armada de Bienne bien partie pour vaincre Viège et plus que jamais décidée à réussir son coup. Retourner, enfin, dans la cour des grands...

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Bâle - Langnau 3-2 après prolongation (0-0, 1-2, 1-0, 1-0)

Samedi 24 mars à 19h45 à la St.Jakob-Arena. 5754 spectateurs.

Arbitrage de M. Reiber assisté de MM. Simmen et Sommer.

Pénalités : Bâle 16', Langnau 16'.

Évolution du score :

0-1 à 20'11" : Holden assisté de Stettler et Blum

1-1 à 23'57" : Sevc assisté de Domenichelli (sup. num.)

1-2 à 39'17" : Holden assisté d'Högardh et Tuomainen

2-2 à 44'38" : Della Rossa (sup. num.)

3-2 à 69'10" : Voisard

 

Bâle

Gardien : Daniel Manzato.

Défenseurs : Mark Astley (C) - Martin Sevc ; Adrien Plavsic - Gaétan Voisard ; Ralf Bundi (A) - Lukas Gerber.

Attaquants : Mike Maneluk - Tomás Divisek - Hnat Domenichelli ; Thomas Nüssli [puis Stefan Voegele à 20'00"] - Chris Bright - Patric Della Rossa ; Stefan Tschannen - Sandro Tschuor - Franco Collenberg ; Andreas Camenzind, Julian Walker.

Remplaçants : Flavio Streit (G), Daniel Boss, Tassilo Schwarz. Absents : Niklas Anger et Yorick Treille (étrangers surnuméraires), Markus Wüthrich, Alex Chatelain, Stefan Schnyder, Régis Fuchs, Petri Liimatainen (tous blessés), Sinuhe Wallinheimo (gardien réserviste).

Langnau

Gardien : Mathias Schoder.

Défenseurs : Marc Leuenberger (A) - Martin Stettler ; Arne Ramholt - Simon Lüthi ; Christian Moser - Daniel Aegerter ; Eric Blum - Antonio Rizzello.

Attaquants : Peter Högardh - Josh Holden - Marko Tuomainen ; Tommi Miettinen - Michael Liniger (C) - Jeff Toms ; Matthias Joggi - Fabian Sutter (A) - Claudio Neff ; Fabian Debrunner Niki Sirén - Adrian Gerber - Stephan Moser.

Remplaçant : Reto Schürch (G). Absents : Scott Langkow et Antti Virtanen (étrangers surnuméraires), Brad Fast (blessé), Jason Doig (malade).

 

Retour au championnat de Suisse