Grenoble - Kazzinc-Torpedo Ust-Kamenogorsk (16 novembre 2007)

 

Coupe Continentale, troisième tour.

Frustrant comme le Kazakhstan

Les Grenoblois, qui ont connu leurs premiers revers avant la trêve (élimination en coupe de la ligue et première défaite en championnat), abordent le grand week-end attendu depuis le début de saison : leur grand défi européen. Un évènement pour lequel ils ont fait confectionner un maillot spécial fortement teinté de orange. Le résultat ne fait pas l'unanimité pour des motifs esthétiques ou chromatico-historiques, mais a le mérite de marquer le coup.

Les Brûleurs de Loups affrontent d'entrée les champions du Kazakhstan, avec l'arrière-pensée de réaliser le même coup que Podhale au tour précédent, les piéger au sortir de leur long voyage depuis les steppes d'Asie centrale... Affronter tout de suite l'adversaire le plus fort présente habituellement un risque, celui de perdre rapidement ses chances. Ce n'est pas le cas dans ce tournoi-ci, car il déterminera non pas un mais deux qualifiés. Grenoble n'a donc pas tant que ça à perdre.

Ce Kazzinc-Torpedo Ust-Kamenogorsk est le club-phare du Kazakhstan, l'embryon habituel de l'équipe nationale. Son entraîneur Erlan Sagimbaïev a d'ailleurs été nommé sélectionneur national il y a trois semaines ! Mais, à voir se créer des concurrents, il perd un peu de son prestige. Il y a tout juste huit jours, il a été frappé par un départ-choc : son capitaine Aleksandr Koreshkov, légendaire star du hockey national, a été transféré en compagnie du défenseur Denis Shemelin vers le club de la capitale, le Barys Astana. Celui-ci est deuxième au classement de la poule orientale de Vysshaïa liga (le deuxième niveau russe), devant Ust-Kamenogorsk qui se contente de la troisième place. Au fil des départs, la suprématie du Torpedo dans son propre pays s'érode. Accéder à une finale de compétition européenne aiderait à rappeler qui est le berceau du hockey au Kazakhstan.

Grenoble s'était contenté de jouer à trois lignes en début de championnat, mais Mats Lusth entame ce week-end à quatre blocs, mais avec onze attaquants, en n'utilisant pas Montesinos. Et c'est le trio français, celui de Fleury, qui est aligné en premier face au meilleur bloc adverse, celui de Troshchinsky. Le rythme des matches est plus soutenu, et le niveau un cran au-dessus. On le découvre rapidement : Forsander fait trébucher Miroshnichenko, et les visiteurs ne mettent que neuf secondes à concrétiser la supériorité : un tir dans le slot, un premier rebond puis un autre en angle fermé, sur lequel Yessirkenov glisse le palet dans un trou de souris entre la mitaine, la jambière et le poteau de Ferhi (0-1, 04'57"). Le gardien grenoblois doit aussitôt s'employer à éviter le deuxième but alors que son défenseur Wallin a été totalement piégé par une passe en profondeur de Troshchinsky pour Ogorodnikov. On sait combien les équipes du Kazakhstan sont fortes quand elles mènent au score, et la rapidité des contres témoigne de l'ampleur de la tâche.

C'est en sortant de prison que Martin Masa déclenche une contre-offensive à partir de laquelle le match change totalement d'âme. Elle aboutit immédiatement à une longue séquence en zone d'attaque, signe intéressant que les Grenoblois sont capables de jouer à haut rythme. Plus rassurant encore, ils parviennent à rivaliser techniquement, comme sur ce coast-to-coast de Kevin Hecquefeuille qui n'est contré qu'au dernier moment par le bon retour d'Aleksei Koledaïev.

Un Koledaïev qui prend 2'+2' un peu plus tard pour une crosse haute qui a fait saigner Valcak. Une seconde crosse haute est sifflée ensuite contre Kovalenko (elle n'était qu'indirecte : il a heurté un bâton grenoblois qui est monté vers le visage d'un coéquipier) et offre deux minutes de 5 contre 3 pour Grenoble. Voilà qui laisse de la place pour que Jimmy Lindström arme son slap. Le premier est sur la barre ! Le second laisse un beau rebond devant la cage dont Masa ne peut se saisir. La pression grenobloise est énorme et Spiridonov est sanctionné à son tour pour cinglage. Il reste encore une minute trente d'avantage numérique pour le début de la deuxième période. Elles ne donnent rien non plus...

Pas le temps d'avoir des regrets qu'une autre opportunité similaire se présente déjà. En infériorité, Troshchinsky pousse la cage de la main sous les yeux de l'arbitre, et Grenoble a encore 1'27" de plus à cinq contre trois. Les lancers de Broz ou de Hecquefeuille ne sont malheureusement pas cadrés et c'est encore une chance qui file sous le nez des Isérois. La précision fait défaut dans le dernier geste, et c'est valable aussi à cinq contre cinq : Masa reprend juste à côté du cadre une belle passe du coin de Valcak. Et quand le palet rentre enfin dans ces maudits filets, Lindström est rentré dans la zone du gardien et M. Konc refuse immédiatement le but.

Après vingt minutes totalement grenobloises, Ust-Kamenogorsk retrouve à la fois une supériorité (Masa a fait trébucher Antipin) et une occasion après la mi-match : Roman Starchenko déshabille Brad Woods en un contre un, sans mal pour Ferhi. À cinq contre cinq, Rymarev est envoyé en breakaway mais sa crosse est frappée par celle de Johan Forsander et sa tentative est ainsi gênée. Alors qu'Amar est en prison pour retenir, c'est cette fois Forsander qui s'échappe... mais la crosse de Koledaïev contre le palet avant d'atteindre dans le mouvement le visage du Suédois. Le travail dans le coin de Broz provoque ensuite une charge contre la bande de Savchenko et un 4 contre 3. Encore une fois, Poloshkov pare et sa défense évacue les rebonds.

Le troisième tiers-temps est une véritable litanie d'actions grenobloises... Débordement sur la droite de Forsander, trop gêné par Lipin pour conclure... Fleury s'essaie aussi à un contre mais voit Miroshnichenko le contrer proprement... Bien servi par Scott devant la cage, Forsander tire au-dessus... Amar voit pour sa part le gardien Poloshkov repousser sa tentative d'un réflexe de l'épaule... À quatre contre quatre, Scott dans l'enclave rate le cadre... Une passe de Scott est déviée par Valcak pour un tir à bout portant de Fleury, et la défense kazakhe fait bloc sur ce palet traînant.

Après cette énième action chaude, l'entraîneur d'Ustinka demande même un temps mort. Grenoble contrôle toujours le palet en zone offensive et Pettersson marque... du patin. Mouvement volontaire selon l'arbitre. Deux buts refusés, mais toujours aucun accepté... sauf pour le Torpedo bien sûr. Starchenko se fait oublier à la bleue, reçoit le palet et bat Ferhi à mi-hauteur (0-2, 58'25"). Comme pour ajouter à la frustration - mais aussi aider au goal-average si jamais Aalborg battait cette équipe kazakhe - c'est à trois secondes de la fin que Sacha Treille, qui a réintégré l'alignement après ses blessures de début de saison, marque le but tant attendu en embuscade dans le slot (1-2, 59'57").

Il n'y a rien de plus rageant que ce genre de défaite face à une équipe qui gère un avantage précoce. On ne peut pas dire que les Français ne soient pas avertis, eux qui avaient été privés de Jeux olympiques par ces briseurs de rêves du Kazakhstan (0-1). À l'époque, ils avaient découvert un gardien inconnu nommé Kolesnik, aujourd'hui ils ont fait la rencontre d'Ivan Poloshkov. On ne parlera même pas de micro-climat d'Ust-Kamenogorsk, sûrement le seul endroit dans l'ex-URSS réputé pour ses gardiens, car ce jeune portier de 21 ans a fait ses premiers pas en hockey à Novokuznetsk, en Russie. Des premiers pas assez tardifs d'ailleurs, à neuf ans, d'où son placement dans les cages au bout d'un an. Poloshkov est en fait le seul joueur non formé au club de l'effectif d'Ustinka ! Il a été appelé en équipe nationale junior du Kazakhstan et est maintenant "étranger" en Russie...

Le reste de l'équipe a bel et bien la couleur locale et correspond aux habitudes de l'école kazakhe : technique, rigueur, rythme faux lent et contres rapides. On ne peut pas résumer la défaite de Grenoble au seul gardien, car ce serait oublier le bon placement des défenseurs adverses, leur retour souvent opportun et in extremis, ainsi que ces nombreux tirs passés de peu à côté, dans une volonté de chercher les angles impossibles face à un gardien agile et en confiance, au lieu de forcer la chance par des écrans. C'est bien sûr durant ces presque quatre minutes avec deux joueurs de plus que le manque d'opportunisme reste le plus regrettable.

Match satisfaisant quant à la manière, car Grenoble a prouvé avoir le niveau pour se qualifier. En jouant comme ça, les BDL ont les moyens de gagner leurs deux matches suivants. Dominer ne suffira pas, il faudra marquer.

Désignés joueurs du match : Kevin Hecquefeuille pour Grenoble et Ivan Poloshkov pour Ust-Kamenogorsk.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match (devant les caméras de Sport+ et dans le Dauphiné Libéré)

Jean-François Bonnard (défenseur de Grenoble) : "Je ne connais pas les stats mais je suis sûr que les tirs sont largement en notre faveur. Je ne pense pas que sur tous les shoots on ait été assez dangereux. On a oublié d'aller à l'essentiel et de mettre du trafic devant la cage. On sait que ces nations de l'est n'ont pas de très grands gardiens de but, ce soir a démontré le contraire. Ces quatre ou cinq minutes de double supériorité numérique, où on n'arrive pas à recoller au score, nous font une fois de plus du mal. Quand on domine comme ça sans marquer, on dépense aussi beaucoup d'énergie, donc il faudra bien se reposer pour demain."

Baptiste Amar (capitaine de Grenoble) : "On n'a pas encore digéré mais il va falloir le faire rapidement. On réalise un match presque parfait mais on n'est pas capable de marquer sauf à la toute fin du match. Un but refusé, un penalty ou deux aussi... il faut tourner la page. On a encore deux matchs, il y a deux places qualificatives, tout peut encore arriver."

Erlan Sagymbaev (entraîneur du Kazzinc-Torpedo) : "Nous avons l'habitude des longs trajets dans notre ligue et ça ne nous a pas posé de problème de venir ici. En Chine, au printemps dernier, le Kazakhstan avait perdu face à la France pour le match de la remontée en élite mondiale et on savait que les Français étaient des compétiteurs. On avait choisi de subir, de jouer en contre-attaque et ça nous a réussi même si ça a vraiment été très, très serré et difficile pour nous en raison des pénalités."

 

Grenoble - Kazzinc-Torpedo Ust-Kamenogorsk 1-2 (0-1, 0-0, 1-1)

Vendredi 16 novembre 2007 à 20h00 à Pôle sud. 3163 spectateurs.

Arbitrage de Daniel Konc (SVK) et Rick Looker (USA) assistés de Damien Bliek et Benjamin Gremion (FRA).

Pénalités : Grenoble 16' (4', 4', 8'), Torpedo 26' (8', 10', 8').

Tirs : Grenoble 40 (10, 14, 16), Torpedo 22 (11, 6, 5).

Engagements : Grenoble 34 (11, 15, 8), Torpedo 31 (10, 10, 11).

Évolution du score :

0-1 à 04'55" : Yessirkenov (sup. num.)

0-2 à 58'25" : Starchenko assisté de A. Savchenko

1-2 à 59'57" : Treille assisté de Forsander

 

Grenoble

Gardien : Eddy Ferhi.

Défenseurs : Viktor Wallin - Tyler Scott ; Baptiste Amar (C, 2') - Antonin Manavian ; Brad Woods - Jean-François Bonnard.

Attaquants : Mickaël Perez [puis Treille à 20'] - Damien Fleury - Kévin Hecquefeuille ; Patrik Valcak (2') - Ludek Broz (A) - Martin Masa (5x2') ; Mikael Pettersson - Johan Forsander (A, 2') - Jimmy Lindström ; Sacha Treille [puis Perez à 20'] - Christophe Tartari - [tournant].

Remplaçants : Frédéric Dorthe (G), Teddy Trabichet, Joan Montesinos.

Kazzinc-Torpedo Ust-Kamenogorsk

Gardien : Ivan Poloshkov.

Défenseurs : Evgeni Mazunin (2') - Oleg Kovalenko (2') ; Aleksei Koledayev (6') - Sergei Miroshnichenko (2') ; Vladislav Kolesnikov - Andreï Savchenko (2')  Roman Savchenko (2').

Attaquants : Vadim Rifel - Andrei Troshchinsky (C, 2') - Andrei Ogorodnikov ; Sergei Aleksandrov (A) - Nikolaï Zarzhitsky - Aleksei Vorontsov ; Aleksandr Lipin (2') - Andrei Spiridonov (2') - Roman Starchenko ; Aleksandr Shin - Doszhan Yessirkenov (4') - Evgeni Rymarev.

Remplaçant : Ivan Bazileïev (G). Absent : Evgeni Gasnikov (ligaments du poignet).

 

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