Épinal - Morzine-Avoriaz (19 janvier 2008)

 

Match comptant pour la vingt-et-unième journée de la Ligue Magnus.

Puisque Shawn Allard a fini d'insuffler à ses boys un certain esprit-commando, garant des bonnes prestations des semaines passées et de l'émergence d'une toute nouvelle discipline (aussi bien collective qu'individuelle), Épinal a retrouvé la santé. Un gros travail d'ensemble, généré par une meilleure gestion des pénalités et un implication générale de tous les blocs dans les deux sens glaçon. Et tout cela, encore démontré le week-end passé à Grenoble, où le verdict fut plus indécis que prévu (2-5), c'est nouveau à Épinal. Enfin, ça l'était jusqu'à ce soir...

Une indigence stupéfiante

Jan Plch encore écarté pour quelques semaines, c'est tout l'équilibre du groupe qui s'en retrouve dramatiquement chamboulé. Et du coup l'ICE, de sérieux prétendant au huitième rang, passa ce soir à celui de simple faire-valoir. L'absence du maître à jouer slovaque n'altéra pas seulement le rendement offensif d'une attaque décapitée. Elle fut également rédhibitoire pour tous les secteurs du jeu spinalien, équipes spéciales et défensive comprises.

De quoi en faire une proie facile pour des Pingouins certes usés par leur récent duel en Coupe de France perdu devant Grenoble, mais qui auront su mettre toutes les chances de leur côté pour s'épargner une soirée contrariante. Automatismes grippés, approximations inhabituelles et défense pour le moins fébrile (avec un Peter Listiak au meilleur de sa forme en terme d'étourderies et de palets égarés), Épinal affiche rapidement ses faiblesses à un adversaire expérimenté et suffisamment rigoureux dans sa zone pour repousser les timides incursions locales.

À ce rythme, les premiers contres se dessinent. Les premières rechutes aussi, comme celles d'un Stanislav Petrik jusqu'alors repenti. Sur un jeu posé du troisième bloc alpin, le cerbère slovaque déjoue totalement sur un lancer en pointe de Christian Elian, qu'il repousse pourtant du bouclier... sans pour autant l'empêcher de franchir la ligne. Le ton est donné (0-1 à 01'47").

La mise en route est idéale pour les partenaires du vénérable John Miner (qui, du grand Edmonton des années 80 aux fastes de la LNA suisse en aura vu durant sa très longue carrière) et les conforte dans leur stratégie d'attente. Leur métier suffit ainsi à bloquer des individualités spinaliennes incapables d'assumer les responsabilités nées de l'absence de leur chef d'orchestre et contraintes, le plus souvent, d'actions finalement peu dangereuses pour Fredrik Jensen. Devant un adversaire aussi piégeux, qu'ils n'auront finalement jamais su prendre par le bon bout, les Vosgiens sombrent au fil des minutes.

Et c'est-là qu'entrent en jeu les Rozenthal...

Des Rozenthal vraiment pas manchots

Les deux frangins, plus complices que jamais, sont les seules individualités à émerger d'un bloc morzinois prenant naturellement le dessus sur son hôte mais sans jamais trop se livrer. Et à eux deux, ils tuent tout simplement le match. François, en relais de Maurice sur une percée initiée par son frère (après avoir enrhumé, au passage, le fantôme de Simo Romo), passe la seconde couche. En deux temps, sur une rondelle mal dégagée ouvrant tout le flanc gauche à l'ex-Amiénois (0-2 à 11'01").

En fait, seules de fréquentes pénalités troublent la quiétude apparente des Haut-Savoyards. Mais sans Jan Plch, le powerplay n'a ce soir aucune envergure, contraint de s'en remettre à un axe Petrak-Gervais pour le moins téléphoné. Et pour eux s'ajoute aux difficultés de construction la prestance de Jensen devant son filet. Le gardien suédois, sur toutes les trajectoires possibles et imaginables, fait bonne garde et ne laisse en plus que très peu de secondes chances...

Mis devant le fait accompli, les boys de Shawn Allard savent qu'un (maigre) espoir demeure. Marquer rapidement dès la fin de l'entracte, ce qui les avait par exemple relancé face à Angers quelques semaines auparavant. Mais voilà, Jensen n'est pas Koivula. Et les Pingouins, au contraire des Ducs d'alors, parviendront à creuser leur avance sur une glace rendue difficile après chaque surfaçage. Dans le coup, on retrouve forcément un Rozenthal. François en l'occurrence, rivalisant de maladresse devant un Stanislav Petrik livré à lui-même avec un Chris Neiszner guère plus inspiré (22'34"). Mais lorsque Maurice est là, ce n'est plus la même musique. Servi en pointe, le diablotin voit son jumeau démarqué au second poteau et dépose, dans sa palette, un caviar destiné à gonfler la note (0-3 à 24'37"). Oui, c'est bien dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs soupes !

Tout paraît simple pour les hommes de Stéphane Gros, indéniablement supérieurs, ce soir, à des Dauphins sans âme et privés de tous repères, voire incapables d'organiser un soupçon de jeu construit. De là à tomber dans la facilité il n'y a qu'un pas... qu'ils franchiront allégrement, gaspillant proprement leur tout premier avantage numérique de la partie. À force de ronronner en faisant tourner le disque, les Pingouins pêchent par suffisance et se font surprendre en contre par Jan Simko, lequel remet dans son dos vers un Michal Petrak balayant la lucarne opposée (1-3 à 26'58").

Le léger regain aussitôt engendré ne survivra pas bien longtemps. Le temps que le métronome finlandais Santeri Immonen ne touche du bois (27'58") et que Cyril Trabichet, pourtant seul devant la cage, ne rate étonnement le coche (29'29"). Le temps, aussi, que Guillaume Drozdz, sur un contrôle douteux, ne voit Jan Simko s'engouffrer dans la brèche. Pour mieux buter, vous l'aurez deviné, sur un Fredrik Jensen imperturbable (32'33") !

En s'appuyant notamment sur les Rozenthal, Morzine-Avoriaz dispense quelques leçons de tableau noir sur jeu placé, maîtrise technique, individuelle et collective à son hôte d'un soir, dépourvu lui de toutes ces qualités. Le disque circule souvent vite et bien mais la finition n'est pas au rendez-vous, à l'image de ce centre tendu de Jonathan Zwikel vers un François Rozenthal ouvrant trop sa palette (33'29"). Il faudra une action nettement moins esthétique, un rebond arraché par Marc Billieras dans le slot, pour que le HCMA parvienne à davantage étoffer son avance (1-4 à 33'45").

Dire ensuite que le club du Chablais s'applique à gérer n'est pas un vain mot. Néanmoins Fredrik Jensen, encore lui, saura à lui-seul rendre ces ultime minutes palpitantes par des arrêts de grande classe sur le feu nourri d'un jeu de puissance bénéficiant, pourtant, d'un double avantage numérique. Frustré en coin (39e), Ilpo Salmivirta, le Nik Antropov local, peut témoigner de l'efficacité d'un routinier scandinave vraiment assuré tous risques ce soir !

Le scénario de la rencontre permet donc aux Morzinois de s'économiser et de faire tourner la montre, et ce depuis de longues minutes déjà. Une certaine tendance à l'attentisme se ressent donc jusque dans les powerplays, se limitant peu ou prou à de petites séances de passes à dix. Le premier bloc, tendance gothique avec les Rozenthal et Zwikel, n'est donc pas le dernier à en abuser alors que sa relève, conduite par Luc Tardif Jr, tentera, en vain, d'être plus spontanée. Comment donc s'étonner de l'inefficacité totale du jeu de puissance dépourvu de mouvement et même, parfois, de présence dans l'enclave...

Côté lorrain, le constat en la matière n'est guère plus flatteur. Malgré sa bonne volonté, Michal Petrak n'aura jamais su apporter la diversité nécessaire à un fonctionnement optimal. Pas plus que Stéphane Gervais d'ailleurs, gavé jusqu'à plus soif mais longtemps malchanceux avant qu'un de ses plomb ne finisse par toucher le fond de la cible (2-5 à 57'59"). Quant à Guillaume Chassard, placé en réserve de la république pour la prochaine virée lausannoise des Tricolores, il n'aura jamais trouvé le bon rythme. Reflétant même l'insipide sentiment général produit par ses troupes. Comme si le costume, en l'absence de Plch, était trop grand pour eux...

Là où les comptes sont bons, c'est évidemment dans la moisson récoltée par ce diable de François Rozenthal. L'international, monté au second poteau, complète son tour du chapeau (1-5 à 45'25") avant que la fin de match ne se résume à une escalade de provocations, de sales coups et autres représailles.

Les nerfs à vif, la tête ailleurs et le bec dans l'eau

Le ton devenant houleux (grabuge garanti avec 130 minutes de cachot récoltées de part et d'autres en une dizaine de minutes), l'occasion est rêvée pour Daniel Scott, la grande farce de cette campagne 2007/08, de sortir de sa boîte. La culotte usée par un cirage assidu du banc de touche, l'Anglais profite d'un brassage aux abords de la cage de Jensen pour gonfler ses stats personnelles. N'allez pas chercher un quelconque apport offensif (qu'il serait de toute façon incapable d'apporter vu son calibre insignifiant) mais plutôt un ratio temps de jeu / minutes d'infamies proprement remarquable ! En compagnie de Mathieu Mille, le "shérif de Nottingham" s'en va rejoindre aux vestiaires son coéquipier Marc Lefebvre, préalablement sanctionné d'une méconduite pour le match (58'57").

Pour la première fois depuis novembre, l'ICE n'a pas été à la hauteur. Sans passion, sans cohésion, sans réussite aussi, à l'image d'une partie trop vite jouée et devenue fatalement dépassionnée (pour ne pas dire ennuyeuse). Les conséquences immédiates sont là. Les Pingouins s'échappent au classement tandis que le Mont-Blanc, vainqueur du derby télévisé à Chamonix, s'empare du huitième accessit. Inutile donc d'insister sur l'importance que revêtira le tout prochain "choc" géographique de Ligue Magnus, du côté de Dijon cette fois-ci. Les Ducs restant à portée de fusil, renouveler une prestation aussi édifiante en Bourgogne compliquerait passablement la tâche de Spinaliens orphelins, pour de longues semaines encore, de leur leader slovaque. Un seul être vous manque...

Compte-rendu signé Jérémie Dubief

 

Épinal - Morzine-Avoriaz 2-5 (0-2 ,1-2, 1-2)

Samedi 19 janvier 2008 à 20h15 à la patinoire de Poissompré. 1001 spectateurs.

Arbitrage de Jimmy Bergamelli assisté d'Éric Bouguin et Adrien Ernecq.

Pénalités : Épinal 89' (0', 6', 8'+10'+10'+10'+20'+5'+20'), Morzine 59' (8', 4', 12'+10'+5'+20').

Évolution du score :

0-1 à 01'47" : Elian assisté de Drozdz et Trabichet

0-2 à 11'01" : F. Rozenthal assisté de M. Rozenthal et Brodin

0-3 à 24'37" : F. Rozenthal assisté de M. Rozenthal et Zwikel

1-3 à 26'58" : Petrak assisté de Simko (inf.num.)

1-4 à 33'45" : Billieras assisté de Zwikel et F. Rozenthal

1-5 à 45'25" : F. Rozenthal assisté de Brodin et Immonen

2-5 à 57'55" : Gervais assisté de Simko et Petrak (double sup.num.)

 

Épinal

Gardien : Stanislav Petrik.

Défenseurs : Peter Slovák - Stéphane Gervais ; Marc-André Crête - Peter Listiak ; Lionel Simon - Borislav Ilic.

Attaquants : Ján Simko - Michal Petrák - Shawn Allard ; Ilpo Salmivirta - Simo Romo - Guillaume Chassard (C) ; Luc Mazerolle (A) - Marc Lefebvre - Tarik Chipaux ; Daniel Scott.

Remplaçants : Franck Constantin (G) , Anthony Pernot. Absents : Ján Plch (fracture au niveau carpe-métacarpe pour l'annulaire et l'auriculaire), Radoslav Regenda (côtes), Guillaume Papelier (cheville).

Morzine-Avoriaz

Gardien : Frederik Jensen.

Défenseurs : Santeri Immonen - Nicolas Pousset (A) ; John Miner - Mathieu Mille ; Guillaume Drozdz - Christian Elian.

Attaquants : Maurice Rozenthal (A) - Jonathan Zwikel (C) - François Rozenthal ; Luc Tardif Jr - Chris Neiszner - Jonny Ågren ; Marc Billieras - Mickaël Brodin - Cyril Trabichet.

Remplaçants : Johan Bäckö (G), Loïc Gaydon. Absents : Pierre-Yves Albert (adducteurs), Julien Lebey.

 

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