Luxembourg - Grèce (6 avril 2008)

 

Championnats du monde de division III, cinquième et dernière journée.

Les voies du destin veulent que la Grèce joue ce soir pour que la médaille de bronze revienne... à la Turquie, sa meilleure ennemie qui l'a corrigée hier. Mais l'équipe locale part favorite pour cette médaille, devant son public.

En plus, les Grecs sont dans une configuration inédite ce soir, sans leur capitaine Dimitrios Kalyvas, forfait sans surprise après sa blessure hier. Certes, les Luxembourgeois jouent eux aussi sans leur leader offensif Robert Beran, mais ils ont plus de profondeur de banc pour compenser. Un autre attaquant de première ligne, Ben Houdremont, est cependant reconverti en défense à cause d'une blessure, faisant monter Joel Holtzem à l'avant.

Il est donc un peu étonnant de voir la Grèce dominer le début de match, aidée en partie par les supériorités numériques. Elle peine tout de même à construire son jeu, Kesidis et Koufis commettant un bête hors-jeu lors du bref passage à 5 contre 3. Ce sont des occasions qui ne représentent pas toujours. La première pénalité grecque arrive à la quinzième minute, Benny Welter mène l'offensive et prend une charge avec le coude de Iatridis vingt secondes plus tard. Le Luxembourg a donc une longue double supériorité numérique, mais il n'arrive pas à prendre de bons lancers. Il sort finalement de lui-même de la zone offensive, quand Georges Scheier donne le palet en retrait à la bleue contre la bande... alors que François Schons en est nettement éloigné. C'est la faute du casque, ça : il est tellement plus facile de repérer où est le défenseur aux cheveux violets lorsqu'il est tête nue. Le score de 0-0 à la pause semble logique.

Les Luxembourgeois ont un bon gardien pour couvrir leurs arrières. Pachos s'en rend compte qui s'échine vainement sur la muraille Philippe Lepage en breakaway. Ce qui manque aux joueurs locaux, c'est de convertir leurs supériorités numériques. Georges Scheier, seul à la pointe, distribue bien passes et tirs, mais il manque une présence décisive dans le slot. Pour l'instant, l'autre unité de jeu de puissance ne fonctionne pas : les passes sont trop lentes, Welter est moins utilisé à la bleue, et en plus, le capitaine Ronnie Scheier manque ses contrôles. Pour l'instant...

À la mi-match, l'arbitre signale un surnombre alors que tout le banc luxembourgeois fait "non" d'un même geste du doigt. Puis une obstruction de Joel Holtzem est sanctionnée et la Grèce joue pendant 48 secondes à 5 contre 3. Ce joueur qui va se sacrifier dans le slot, elle l'a pour sa part avec Georgios Kalyvas. Un peu trop peut-être puisque sa présence dans la zone du gardien vaut à son équipe de sortir de la zone offensive à la fin de cette phase.

Deux minutes plus tard, Lambridis donne un coup de crosse au gardien et est puni par une charge avec la crosse de Milano. On joue à 4 contre 4, mais Papadopoulos prend une pénalité stupide en poussant un adversaire dans les filets, puis le gardien Ploutsis fait trébucher Strasser. C'est le moment ou jamais pour le Luxembourg. Le défenseur François Schons gagne la mise au jeu puis prépare un bon lancer qu'il a eu le temps d'armer, mais que Ploutsis capte sans rebond. Le 5 contre 3 est gâché par un nouveau surnombre local, mais même à 4 contre 3, Yves Dessouroux s'impose enfin dans cette zone cruciale devant la cage et dévie un lancer de Ronnie Scheier entre les jambes du gardien (1-0, 37'35").

Seconde pause, pendant laquelle les Sud-Africains, dans l'attente de la cérémonie de clôture, se mêlent à la foule, bien sapés dans leurs élégants blazers. Les jeunes Luxembourgeoises curieuses se jaugent à l'aune du gabarit de l'imposant gardien sud-africain Ashley Bock, en s'avançant vers lui bien droites, les yeux... dans le milieu du torse. Son "two-o-two" qui se voudrait explicatif quant à sa taille (2m02) ne suscite qu'incompréhension chez les adolescentes locales peu anglophones.

Les pénalités s'accumulent encore à la reprise, et sur une nouvelle phase à quatre contre trois, Benny Welter double la mise d'un lancer de la bleue (2-0, 42'21"). Un surnombre imputable à Welter et un accrocher de Milano réduit encore les Luxembourgeois à trois, pour 1'25", mais ils résistent vaillamment en se couchant sur les lancers.

Le gardien Philippe Lepage, solide sur le gros lancer de Papadopoulous, finit de dégouter les Grecs qui sont au bout de leurs forces et sont parfaitement sous contrôle luxembourgeois pendant les dix dernières minutes. Le match semble fini, le tournoi aussi, et on voit les trois spectateurs venus des Pays-Bas quitter les tribunes pour entamer leur voyage de retour sous l'inattendue neige d'avril... Que ne vont-ils pas rater !

Puis arrive une dernière pénalité, contre Serge Milano pour faire trébucher, à l'avant-dernière minute. Ioannis Koufis finit alors par vaincre le double signe indien de Lepage et des difficultés grecques en powerplay (2-1, 58'51"). Un léger doute subsiste encore mais personne n'ose croire à ce qui est en train de se passer. Le palet revient devant la cage locale et Koufis marque un nouveau but (2-2, 59'10"). C'est du délire dans la troupe de supporters grecs, où la famille et les amis de Koufis, venus spécialement de Chicago, font figure de meneurs et de meneuses... Ils sont évidemment aux anges.

Il y a donc cinq minutes de prolongation. Et au bout d'une minute et demie, à la ligne bleue grecque, la crosse haute de Georges Scheier ouvre l'arcade de Kesidis : 5'+20'. La Grèce joue le reste de la prolongation à quatre contre trois. Certains joueurs turcs ont fait irruption dans la tribune grecque où ils scandent "Hellas, Hellas" ! Leurs coéquipiers sont derrière le banc hellène pour prodiguer les encouragements.

Incroyable moment de fraternité à vivre, surtout lorsqu'on se souvient combien, hier après-midi, les organisateurs étaient particulièrement sourcilleux de respecter la procédure de la rentrée aux vestiaires, sans que les joueurs grecs et turcs ne puissent se côtoyer. Aujourd'hui, ils sont tout près les uns des autres, à palpiter pour une même cause, la médaille turque, l'exploit grec, la fraternité entre les peuples.

Athanasios Kesidis, du haut de ses 43 ans, a vite épongé son arcade et ne quitte plus la glace dans cette fin de prolongation. Il prend deux tirs, un dans le plastron et un à ras glace parfaitement bloqué. Lepage arrête aussi un lancer de la bleue de Papadopoulos.

L'ambiance est incroyable, dans la tribune luxembourgeoise d'un côté, et plus encore dans la tribune gréco-turque de l'autre côté. C'est parti pour les tirs au but. Benny Welter vise entre les jambes de Ploutsis qui ne se laisse pas faire. Nikolaos Papadopoulos part à gauche, repique devant le gardien et le trompe. L'alliance méditerranéenne y croit très fort.

Mais les belles histoires n'ont pas toujours une fin heureuse. Ronnie Scheier et Yves Dessouroux tirent tous deux dans le haut du filet, Tilios et Pachos échouent, et la séance de tirs au but se renverse complètement. Cela n'empêche pas les joueurs grecs de danser et de plonger sur la glace pour saluer leurs supporters, ni l'équipe turque de les féliciter chaleureusement de leur match. Le hockey sur glace aura donc offert à ces deux nations supposées ennemies un grand moment de communion fraternelle.

Le Luxembourg n'en avait cure. Ce qui lui importait ce soir, c'était ce dénouement parfait, ce podium. L'an passé en Irlande, pour le premier match international de Philippe Lepage (aligné déjà à l'époque parce que Michel Welter s'était blessé), il avait été solide mais avait perdu aux tirs au but. Ce soir, il prend une petite revanche en gagnant cette séance des tirs au but synonyme de présence de son équipe sur la glace pour la cérémonie des récompenses.

Désignés meilleurs joueurs (par les entraîneurs) : Serge Milano pour le Luxembourg et Nikolaos Papadopoulos pour la Grèce.

Meilleurs joueurs de leur équipe dans le tournoi : Benny Welter pour le Luxembourg et Dimitrios Kalyvas pour la Grèce.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Ioannis Koufis (attaquant de la Grèce) : "Vous rêvez de moments comme ça, mais vous ne pensez pas que ça puisse vraiment vous arriver, à vous. Dimitrios Kalyvas a toujours été là pour la Grèce et nous a si souvent portés sur ses épaules, je pouvais bien faire cette petite chose à la fin du match pour aider mon pays. C'est la première fois que l'on jouait sans notre capitaine, cela montre le coeur que nous avons. La Grèce est restée neuf ans sans participer à un championnat du monde, et nous avons montré que nous avons notre place. Nous entendrons reparler de l'équipe de Grèce à l'avenir. Tout le monde connaît la rivalité entre Grèce et Turquie, mais le monde est petit, on doit être ensemble. Mes proches sont là, mon petit garçon qui joue au hockey est avec moi. C'était une soirée magique. Il a juste manqué un petit morceau du rêve à la fin."

Serge Milano (défenseur du Luxembourg) : "On avait déjà vécu beaucoup d'émotions cette semaine. Aujourd'hui, c'était pire. On est en avance 2-0, il reste une minute et on est remonté. On doit rester calme, car si on commence à être nerveux, on peut tout perdre. On a toujours un peu peur, mais j'ai foi dans mon équipe."

Håkan Grönlund (entraîneur du Luxembourg) : "Nous avons tout donné au public pour le prix du billet. La fin était celle que nous espérions, mais pas de la façon dont nous l'espérions. Le premier but est en fait une erreur derrière notre cage, nous n'avons pas dégagé le palet. Le 2-2 était de la chance pure, un tir de la ligne bleue qui heurte un patin. Je n'avais pas besoin de remotiver l'équipe, elle jouait pour une médaille. Ce championnat du monde était la meilleure chose qui pouvait arriver pour le hockey sur glace dans cette région."

 

Luxembourg - Grèce 2-2 (0-0, 1-0, 1-2, 0-0) / 2-1 aux tirs au but

Dimanche 6 avril 2008 à 20h00 à la patinoire de Kockelscheuer. 520 spectateurs.

Arbitrage de Jacob Grumsen (DAN) assisté de Nicolas Fluri (SUI) et Morten Thomsen (DAN).

Pénalités : Luxembourg 55' (10', 10', 10', 5'+20"), Grèce 26' (4', 12', 10', 0').

Tirs : Luxembourg 45 (14, 15, 13, 3), Grèce 29 (9, 8, 8, 4).

Évolution du score :

1-0 à 37'35" : Dessouroux assisté de R. Scheier et Welter (sup. num.)

2-0 à 42'21" : B. Welter assisté de R. Scheier (sup. num.)

2-1 à 58'51" : Koufis assisté de Papadopoulos (sup. num.)

2-2 à 59'10" : Koufis assisté de Papadopoulos et Tilios (sup. num.)

 

Luxembourg

Gardien : Philippe Lepage.

Défenseurs : Ben Houdremont - Ronny Scheier (C) ; Serge Milano - François Schons ; Jean-Claude Strasser - Rafael Springer.

Attaquants : Steven Minden - Benny Welter (A) - Joel Holtzem ; Eric Wambach - Georges Scheier - Thierry Holtzem ; Yannick Back - Patrick Schon (A) - Yves Dessouroux ; Kai Linster.

Remplaçants : Gilles Mangen (G), Jean-Marie Funk. Absent : Robert Beran (genou).

Grèce

Gardien : Ntalimpor Ploutsis.

Défenseurs : Panagiotis Iatridis - Nikolaos Papadopoulos ; Ioannis Ziakas - Orestis Tilios (A) ; Nikolaos Chatzigiannis - Konstantinos Lempesis.

Attaquants : Lazaros Efkarpidis - Georgios Kalyvas - Ioannis Koufis ; Alexandros Valsamas-Rallis - Athanasios Kesidis - Iason Pachos ; Ioannis Giatagantzidis - Themistoklis Lambridis - Diogenis Souras.

Remplaçants : Georgios Fiotakis (G), Foivos Kaminis (A). Absents : Igor Apostolidis (blessé au visage), Dimitrios Kalyvas (C, blessé à la cuisse).

 

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