Canada - Suède (16 mai 2008)

 

Demi-finale des championnats du monde.

Vers l'apothéose

L'excitation est à son comble avant cette seconde demi-finale. Le Colisée de Québec accueille pour la première fois ce Team Canada qui a dominé son sujet à Halifax et reste sur 15 victoires consécutives en championnat du monde. En face, la Suède va devoir résister à une énorme pression, et elle devra le faire sans son capitaine Kenny Jönsson. Diminué depuis un coup reçu au niveau de la nuque, il était rentré pour le quart de finale, mais a déclaré forfait aujourd'hui. Niklas Bäckström récupère donc le "C" à vingt ans pour le match le plus important de cette jeune carrière.

On peut même parler de surexcitation au moment du coup d'envoi. Un grondement monte des tribunes, et il y a de l'électricité dans l'air. Le Canada est transcendé par cette atmosphère et part très, très fort. La première ligne lance la machine à fond et obtient tout de suite une première pénalité contre Anton Strålman. Les tirs se multiplient sur Henrik Lundqvist qui subit une énorme pression. Une petite échauffourée finit par éclater devant sa cage, et Magnus Johansson est pénalisé pour une charge avec la crosse. Brent Burns lance l'attaque sur la droite et centre pour la parfaite déviation décroisée du serial-buteur Dany Heatley (1-0, 05'35"). Le Canada est parti à cent à l'heure et compte déjà huit tirs. L'intensité est phénoménale, l'intimidation permanente : la Suède a-t-elle les moyens de rivaliser à ce jeu-là ?

Elle prouve que oui. Elle a aussi des joueurs qui peuvent empoisonner l'adversaire, à l'instar de Per Ledin, qui va mettre la pression sur le but et provoque la première pénalité de Bouwmeester. Autre profil hargneux et direct, Marcus Nilson, qui insiste dans le slot. Niklas Bäckström arrive pour le rebond, mais en dignes représentants du pays du castor, les Canadiens font tous barrage...

Au fil des minutes, dans ce véritable bras de fer, la Suède, dont les poils commençaient à roussir en lisière de flamme de la bougie, arrive à renverser la tendance. Et à la dernière minute de la période, elle égalise. Tout part encore d'un bon travail de Per Ledin qui est allé droit au but et a poursuivi son effort en fond de zone. La passe de derrière la cage de Mattias Weinhandl est parfaitement reprise par le défenseur Anton Strålman (1-1, 19'15"). La Tre Kronor a répondu coup pour coup au défi canadien.

Le rythme ne décroît pas en deuxième période. Après une montée offensive et un bon lancer de Mike Green, la Suède repart dans l'autre sens. Mattias Weinhandl envoie à la cage dans un angle très fermé, un palet idéal pour le rebond de Per Ledin, puis pour celui de Niclas Wallin qui glisse le palet sous Leclaire (1-2, 22'48"). Le Canada ne s'en laisse pas compter et provoque une pénalité de Strålman dès l'action suivante. En supériorité numérique, e jeune Ryan Getzlaf marque un but sur un exploit individuel. Après avoir passé la ligne bleue, il utilise son énorme avantage de gabarit et son allonge supérieure pour protéger son palet en contournant le petit défenseur Magnus Johansson. Il repique vers la cage et fait passer le palet sous le bras de Henrik Lundqvist (2-2, 23'56"). Une action qui en dit long sur le potentiel physique canadien.

Le message est clair pour la défense suédoise : la moindre faiblesse individuelle sera fatale. C'est Douglas Murray qui n'arrive pas à dégager de sa zone et se fait contrer par Jason Chimera. Le palet revient vers l'enclave, droit sur Jamal Mayers qui le propulse aussitôt ans le haut du filet (3-2, 28'31"). Pour mieux marquer le coup psychologiquement Getzlaf refait le même débordement en puissance autour du défenseur que sur son but, cette fois sur Edler.

Le match est toujours auissi rugueux et Duncan Keith multiplie les cross-checks sous les yeux de l'arbitre. Patrick Sharp tue le début de l'infériorité en gagnant l'engagement et en pressant en zone offensive, mais les Suédois finissent par s'installer. Le tir dévié de la ligne bleue de Strålman termine dans la lucarne de Leclaire (3-3, 31'26"). Rick Nash coupe à l'intérieur devant Alexander Edler pour recevoir à la bleue la passe de Getzlaf et foncer vers le but dans l'axe. Le Canada reprend l'avantage (4-3, 32'29").

Tout va tellement vite que les Canadiens ne se rendent pas compte qu'ils jouent à quatre pendant une attaque suédoise. Le palet de Nicklas Bäckström longe la cage locale... S'ensuit un coast-to-coast d'Eric Staal, revenu dans l'équipe après le décès de son grand-père. Lundqvist ferme les jambières. Burnes fait trébucher Weinhandl, et la Suède a encore l'occasion de revenir dans la partie en supériorité numérique. Mattias Weinhandl laisse intelligemment passer le centre de Tony Mårtensson, mais cette action est peut-être un peu trop subtile pour le basique Per Ledin, qui ne s'attend pas à devoir reprendre ce palet en si bonne position. Cette pénalité-ci est tuée.

Le Canada remet évidemment la pression et Wallin se fait pénaliser. La pointe de la crosse de Frögren ouvre involontairement (le défenseur regardait de l'autre côté) la pommette d'Eric Staal. La coupure est nette, tout comme l'est le règlement : 2'+2'. La Suède doit finir le tiers-temps à trois, et normalement commencer le suivant dans la même situation... Il reste quinze secondes, quand Mike Green commence à prendre de la vitesse depuis son camp. C'est alors que Douglas Murray trébuche dans sa zone après un contact avec son propre coéquipier Johan Andersson. En voyant les deux Scandinaves se marcher dessus, on comprend tout de suite : Green continue dans son élan pour bombarder Lundqvist du cercle droit (5-3, 39'53"). Une crosse baladeuse, une mésentente, et voilà les efforts de la Tre Kronor presque ruinés.

Henrik Lundqvist, candidat au titre de meilleur gardien du tournoi il y a encore deux heures, devra sans doute abandonner cette couronne à Nabokov. Le gardien des New York Rangers a concédé cinq buts dans le haut du filet et doit laisser sa place pour la dernière période à Mikael Tellqvist, qui débute par trois minutes et demie d'infériorité. Il fait une très bonne entrée.

Le problème, c'est qu'il en faut plus pour les Suédois, avec leurs deux buts de retard. Le chrono défile à toute vitesse sans occasion suédoise à se mettre sous la dent. Le Canada semnble avoir cadenassé le fort. Mais à six minutes de la fin, Fredrik Warg prend deux rebonds, le palet continue de traîner, et Warg le met au fond après avoir fait le tour de la cage (5-4).

Peu après, Anton Strålman chute en zone neutre et laisse Rick Nash partir en breakaway. Ce pourrait être le coup de grâce, mais Tellqvist remporte son duel. Strålman est bien sûr le premier à venir féliciter son gardien, soulagé de ne pas être rendu responsable de la défaite après son doublé.

On entre dans la dernière minute et les décibels montent encore dans un Colisée ravi de voir les Suédois pressés et incapables de réussir une sortie de zone. Bengt-Åke Gustafsson demande son temps mort. La Tre Kronor a été archi-dominée aux mises au jeu durant tout le match, mais Johan Andersson est utilisé en spécialiste. Il remporte les trois derniers engagements, deux face à Getzlaf et un face à Staal. Trop tard.

La Suède est éliminée avec les honneurs, après avoir livré un combat grandiose. En l'absence de leur leader Kenny Jönsson, les défenseurs auront été battus souvent individuellement, en un contre un, par plus forts qu'eux. Henrik Lundqvist, qui se faisait tresser des lauriers par la presse suédoise, n'aura pas été le héros annoncé.

Ce Mondial canadien est déjà un évènement. En livrant enfin cette finale de rêve Russie-Canada, récurrente dans les compétitions juniors mais inédites en senior, il ne pouvait connaître meilleure conclusion. Entre les buts esthétiques des Russes et l'intensité physique énorme des Canadiens, les demi-finales ont préparé la voie de la meilleure des façons à cette apothéose.

Désignés joueurs du match : Mike Green pour le Canada et Anton Strålman pour la Suède.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après match :

Ken Hitchcock (entraîneur du Canada) : "C'était un match très émotionnel. J'ai été très impressionné par la hargne et la détermination des Suédois, mais nous sommes une équipe qui a la capacité de faire monter la température. À chaque fois que nous sommes poussés, nous réagissons. Nous sommes capables de passer une autre vitesse. C'est ce qui est le plus impressionnant dans cette équipe. Les Russes peuvent vous faire payer même une petite erreur. Il faudra être agressifs et prudents à la fois. Il faudra être vigilants comme jamais."

Shane Doan (capitaine du Canada) : "Il y a des gars qui se hissent à la hauteur de l'évènement quand il faut marquer un but. Nash l'a fait contre la Norvège, Heatley l'a fait contre les États-Unis. Je ne peux pas en dire assez sur le genre de but qu'a mis Getzlaf. En tant que fan, c'est super de regarder ces trois-là. Les Russes ont beaucoup de talent. Notre force est d'utiliser notre gabarit en fond de zone et il faudra continuer à le faire."

Bengt-Åke Gustafsson (entraîneur de la Suède) : "J'espérais que nous irions en finale, mais nous avons rencontré une grande équipe aujourd'hui. Ce n'est pas juste leur première ligne. Ils en ont trois autres qui ont aussi de très bons joueurs. [Henrik Lundqvist] était cramé. Il fait très chaud et il était à court d'énergie."

 

Canada - Suède 5-4 (1-1, 4-2, 0-1)

Vendredi 16 mai 2008 à 17h00 au Colisée Pepsi de Québec. 13026 spectateurs.

Arbitrage de Rick Looker (USA) et Jyri Petteri Rönn (FIN) assistés de Stefan Fonselius (FIN) et Milan Novak (SVK).

Pénalités : Canada 8' (2', 6', 0'), Suède 14' (4', 10', 0').

Tirs : Canada 39 (12, 15, 11), Suède 34 (11, 12, 11).

Évolution du score :

1-0 à 05'35" : Heatley assisté de Burns et Green (sup. num.)

1-1 à 19'15" : Strålman assisté de Weinhandl et Ledin

1-2 à 22'46" : Wallin assisté de Mårtensson et Weinhandl

2-2 à 23'58" : Getzlaf assisté de Green (sup. num.)

3-2 à 28'31" : Mayers assisté de Chimera et Spezza

3-3 à 31'26" : Strålman assisté de Nilsson (sup. num.)

4-3 à 32'29" : Nash assisté de Getzlaf et Heatley

5-3 à 39'53" : Green assisté de Leclaire (double sup. num.)

5-4 à 54'21" : Warg assisté de Fabricius et Wallin

 

Canada

Gardien : Pascal Leclaire.

Défenseurs : Ed Jovanovski - Jay Bouwmeester ; Duncan Keith - Brent Burns ; Dan Hamhuis - Mike Green ; Steve Staios (A).

Attaquants : Rick Nash - Ryan Getzlaf - Ryan Heatley ; Shane Doan (C) - Jonathan Toews - Derek Roy ; Chris Kunitz - Eric Staal - Martin Saint-Louis (A) ; Jamal Mayers - Jason Spezza - Jason Chimera ; Patrick Sharp.

Remplaçant : Cam Ward (G). Absents : Mark Giordano, Sam Gagner (surnuméraires).

Suède

Gardien : Henrik Lundqvist puis Mikael Tellqvist à 40'00".

Défenseurs : Douglas Murray - Anton Strålman ; Niclas Wallin (A) - Alexander Edler ; Jonas Frögren - Magnus Johansson (A).

Attaquants : Robert Nilsson - Nicklas Bäckström (C) - Patric Hörnqvist ; Nils Ekman - Rickard Wallin - Marcus Nilson ; Per Ledin - Tony Mårtensson - Mattias Weinhandl ; Karl Fabricius - Johan Andersson - Fredrik Warg ; Michael Holmqvist.

Remplaçant : Daniel Fernholm. Absents : Stefan Liv (G), Kenny Jönsson (dos et nuque), Daniel Widing (surnuméraire).

 

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