New York Rangers - Metallurg Magnitogorsk (1er octobre 2008)

 

Victoria Cup.

L'IIHF souhaite depuis longtemps organiser un défi au sommet entre le vainqueur de la Coupe Stanley et le champion d'Europe, une compétition définissant la suprématie mondiale. La NHL ne partage pas ces plans et ne veut en aucune façon dévaloriser son propre trophée. C'est pourquoi elle ne souhaite pas envoyer son champion sortant. L'équipe envoyée a été sélectionnée pour son attractivité mais aussi sur des critères historiques. Le nom de cette Coupe Victoria est lui-même un hommage au passé puisque la patinoire Victoria est celle qui a abrité le premier match reconnu de l'histoire du hockey sur glace - reconnu comme tel depuis trois ans par l'IIHF même s'il a arrêté avant la fin... - en 1875 à Montréal.

Les New York Rangers ont été la première équipe de NHL à affronter une formation venue d'URSS (le CSKA Moscou le 28 décembre 1975, score 3-7). Ils deviennent maintenant la première équipe de NHL à affronter une équipe de la Fédération de Russie. Ils ont un mauvais bilan à faire oublier puisqu'ils n'ont jamais gagné contre les représentants soviétiques : trois défaites contre le CSKA et une contre les Krylia Sovietov.

Duel de titans ?

Cette affiche - le premier affrontement russo-américain de clubs à se jouer en Europe et sur grande glace - prend une toute autre tournure au relief de ce qui s'est passé cet été. La KHL, la nouvelle ligue russe, s'est posée de manière encore plus frontale que la Superliga en concurrente de la NHL. D'ailleurs, le meilleur marqueur des Rangers, Jaromir Jagr, a signé en juin à Omsk, retournant jouer dans le club sibérien. Mais c'est surtout en recrutant un joueur sous contrat avec Nashville (Radulov) que la Russie a voulu rendre à la NHL la monnaie de sa pièce, pour tous les hockeyeurs partis dans la direction opposée par le passé. La ligue nord-américaine, qui faisait la sourde oreille aux revendications russes (respect des contrats et négociation des transferts), a ainsi été cueillie à froid.

Froid, comme la... guerre qui s'est engagée entre les deux puissances du hockey mondial. Les discours belliqueux avaient des réminiscences d'une autre époque, quand les confrontations russo-américaines avaient une forte connotation politique. On semble vraiment revenu à l'époque de la guerre froide quand on entend les géants se "partager le monde". Aussitôt le patron de la KHL Aleksandr Medvedev a-t-il déclaré vouloir créer des équipes à Londres, Paris et Milan, dans la plus totale ignorance de la situation du hockey dans ces villes, que la NHL annonce envisager la formation d'une Conférence européenne de huit équipes dès... la saison prochaine ! Il y a quelques mois, la NHL disait ne pas envisager cette expansion avant dix ans. Autant dire que le réalisme a été oublié au profit d'une surenchère politico-médiatique entre ces deux "éléphants" qui tapent du pied. Le reste du hockey mondial - un magasin de procelaine ? - espère juste ne pas se retrouver en dessous...

Le contexte donne un peu de piment au match, mais sportivement, l'affiche a pris un peu de plomb dans l'aile car dans ce qui devrait être un choc de titans, les deux adversaires ne paraissent pas au meilleur de leur forme. Le Metallurg connaît un début de saison très moyen en KHL (6 victoires, 6 défaites, et une différence de buts de -8). Il reste sur un sévère 1-5 à domicile domanche contre le champion en titre Ufa. Les Rangers, qui ont donc perdu leur star Jagr, ont été peu performants lors de la partie nord-américaine de leur pré-saison (une seule victoire en six rencontres), certes avec un effectif élargi puisque cinquante joueurs étaient répartis en deux équipes. Certains leur ont reproché de jouer trop de matches au lieu de s'entraîner, d'autres ont relativisé les résultats de cette simple préparation. Hier, les New-Yorkais ont joué dans cette même patinoire de Berne, mais face au club local. Ils ont été très convaincants... en fin de match. Ils menaient seulement 2-1 en début de troisième période mais ont fini par exploser le second gardien suisse Jonas Müller (rentré à la mi-match).

Lundqvist à genoux

Le point commun des deux équipes, c'est que leur gardien ne donne pas tous les gages de sécurité en ce moment. Le vétéran Andrei Mezin s'est encore fait sortir en cours de match et ne rassure pas en ce moment. Il a encore été chassé dimanche. Henrik Lundqvist a aussi connu un mauvais match contre les Devils avant d'embarquer pour l'Europe, et il a dû partiellement démentir une rumeur sur l'état de ses genoux touchés lors des derniers play-offs. Un journal suédois prétendait qu'il prenait des injections de cortisone hebdomadaire. Il a répondu qu'il a une seule infiltration dans chaque genou début août, et que depuis lors il ne ressent plus de douleur quand il est bien échauffé.

Ce ne sont pas les genoux du champion olympique qui sont en cause sur le premier but, sinon par le fait qu'ils ont peut-être touché la glace un peu vite quand il s'est mis en papillon. En effet, alors que lematch est parti vite, Denis Platonov lance une contre-attaque et se sert du défenseur Daniel Girardi pour déclencher un joli tir du poignet qui passe au-dessus de l'épaule gauche de Henrik Lundqvist, peu en forme en ce moment (0-1). La comparaison des jeux de puissance est logiquement plus favorable aux Rangers. Par rapport à la plus mauvaise équipe de KHL en supériorité numérique, les New-Yorkais sont plus actifs et amènent plus vite le palet dans le slot. Sur un rebond, le revers de Chris Drury frôle la lucarne.

À mi-tiers, Markus Näslund retient le cou de Seluyanov du bras pour lui passer devant à la poursuite du palet. Une pénalité bête en zone offensive qui est sans conséquence. Magnitogorsk temporise trop et n'est pas dangereux à cinq contre quatre. La seule menace pour Lundqvist est une déviation... de Gilardi qui a failli tromper son propre gardien. À ce compte-là, les Rangers n'ont pas à se gêner pour faire des fautes. C'est au tour de Paul Mara d'être sanctionné pour retenir. Le powerplay du Metallurg paraît toujours poussif, et pourtant un lancer de la ligne bleue de Vladimir Malenkikh trompe Lundqvist qui a touché le palet du bras (0-2).

La KHL, on en fait grand K...

Le gardien suédois est plus rassurant au deuxième tiers-temps. Il joue sur son point fort en couvrant tout le bas de la cage, en particulier sur une double déviation avec le premier buteur Platonov à l'affût dans le slot. Mais les Russes, bien regroupés en bas de la zone quand ils sont en infériorité numérique, sont maintenant précis et appliqués en défense. Ce ne sera vraiment pas facile pour les Américains, et encore moins après une pénalité de Prucha. Comme un sentiment de déjà-vu, Magnitogorsk marque encore sur un lancer axial de la bleue. Cette fois Lundqvist n'y est pour rien. Nikolai Zavarukhin, champion de Russie au printemps avec Ufa, lui a dévié le palet entre les jambières sur le tir d'Atyushov. Le défenseur Wade Redden lui a laissé trop de liberté dans l'enclave (0-3).

Tom Renney demande un temps mort pour réveiller ses troupes, mais elles paraissent sous le choc. Un tir à bout portant de Gusmanov est paré par la botte gauche de Lundqvist. Les maillots bleus enchaînent ensuite deux pénalités, dont une obstruction inutile de Wade Redden, recrue-phare de l'intersaison très critiquée lors de ses premières prestations. Les Américains repassent ensuite à l'attaque, sans grand effet malgré quelques frayeurs de Mezin. À l'avant-dernière minute, Lundqvist reste debout pour un bon arrêt de l'épaule face à Tomas Rolinek. Il reste une cinquantaine de secondes mais les Rangers les utilisent. Andrei Mezin réussit un magnifique arrêt-mitaine sur un rebond de près de Dubinsky, mais sa défense a concédé une pénalité. Magnitogorsk en prend une autre sur l'engagement, et à cinq contre trois, la passe en retrait de Nikolaï Zherdev trouve Chris Drury qui fusille Mezin à bout portant (1-3).

... mais la NHL a la N

Il reste un espoir aux Rangers : réussir le même dernier tiers-temps que contre Berne. Ils reviennent des vestiaires regonflés à bloc et toujours en supériorité numérique. Magnitogorsk a tout juste le temps de revenir à cinq que son capitaine Atyushov est à la faute. La défense est héroïque. Elle ne laisse que des tirs où Mezin a de la visibilité, et elle gêne les joueurs qui arrivent dans le slot, comme Petr Prucha qui ne peut que dévier hors cadre. On voit même l'arrière tchèque Karel Pilar, ayant perdu sa crosse, se jeter en avant sur un tir travaillé. Mais alors qu'on revient à cinq contre cinq, le Metallurg reste sous pression face à des New-Yorkais requinqués. Et c'est Mezin qui craque sur un lancer en angle fermé de Dan Fritsche (2-3).

Magnitogorsk reprend possession du palet et cherchent à reprendre leur avance. Vadim Ermolaev échoue sur Lundqvist après une passe de derrière la cage de Gusmanov. Mais les blancs sont moins sereins, et une mauvaise relance aboutit à une séquence très difficile : palet perdu, coup de crosse de Chistov sur Dubinsky parti en contre, pénalité différée et très longue séquence installée rendue plus dangereuse encore parce qu'un défenseur a perdu sa crosse. La pause "pub" permet aux Russes de souffler à cet instant, mais l'infériorité numérique leur est fatale. C'est encore Drury qui vient s'imposer dans l'enclave en se jetant sur le palet (3-3).

Varlamov fait trébucher Zherdev en zone offensive et ce n'est pas la meilleure idée qui soit à neuf minutes de la fin et alors que son équipe a dilapidé son capital en prison. La meilleure occasion sera pourtant pour Denis Platonov, servi à la ligne bleue en infériorité, mais il manque de peu le cadre.

On revient au complet et on peut se calmer... En fait, ce n'est pas tout à fait le mot. Après une action chaude devant le but de Mezin, qui s'est couché sur le dos sur un palet de Prucha, la première échauffourée de la soirée éclate dans cette partie très correcte. On joue donc à quatre contre quatre, et cete phase de jeu est à l'avantage des Russes. Le bon travail derrière la cage de Rolinek est terminé par Evgeni Fedorov, mais Lundqvist bloque. Les bleus attendent d'être à cinq. C'est dans ces dernières minutes que l'opposition de styles est la plus nette : passes rapides pour Magnitogorsk, palet envoyé au fond et grattage dans les bandes pour New York. Chaque équipe a le dessus quand elle impose son jeu.

L'erreur de toute une carrière

On semble se neutraliser quand, à vingt secondes de la fin, Vladimir Malenkikh tente une passe transversale à la bleue défensive. Le jeune Ryan Callahan intercepte cet incroyable cadeau et part contourner Mezin en face-à-face (3-4). Malenkikh reste prostré, tête basse, appuyé contre la balustrade. Le défenseur de Togliatti sait que sa monumentale erreur a coûté le match à son équipe et le poursuivra longtemps.

Comme pour embêter un peu plus les dirigeants de la KHL, ce sont les deux Russes des Rangers, Nikolaï Zherdev et Dmitri Kalinin, qui vont chercher le trophée de la Victoria Cup des mains de René Fasel. Ceux-là sont encore à nous, messieurs...

Joli trophée en cristal, d'ailleurs, que ces crosses alignées pour former un V. On espère d'autres éditions, peut-être d'un niveau encore plus haut. Pour cette première, l'important est que le match ait été riche en émotions. Pendant une moitié de match, la défense de Magnitogorsk a maîtrisé la situation en coupant les lignes de passes et en récupérant proprement les palets. Mais ces faiblesses actuelles se sont manifestées par la suite, avec d'intolérables relances dans l'axe, jusqu'au bouquet final. Le dynamisme était de plus en plus new-yorkais, et les Russes n'ont pas pu briser l'élan adverse car ils n'affichaient plus la même sérénité défensive.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Ryan Callahan (attaquant des New York Rangers) : "Je l'ai pressé le long de la bande et il s'est retourné, donc j'ai espéré qu'il essaierait une passe vers l'autre défenseur en pensant que j'étais encore près de la bande. Il l'a fait, et quand j'ai vu le gardien sortir, je l'ai feinté et j'ai eu la cage ouverte."

Valeri Belousov (entraîneur du Metallurg Magnitogorsk) : "Nous sommes bien partis, mais ensuite nous avons pris trop de pénalités. Les Rangers avaient montré la qualité de leur powerplay contre Berne. Nous n'avons pas perdu le match. Nous en avons simplement perdu une petite partie à cause d'une erreur de notre défenseur. Si nous étions allés en prolongation, qui sait ce qui se serait passé ?"

Tom Renney (entraîneur des New York Rangers) : "Cela a un effet galvanisant avant d'aller à Prague [NDLR : pour l'ouverture de la saison NHL contre Tampa Bay]. Cela a certainement servi de fondation pour notre confiance... Nous avons eu les mains pleines avec un très bon adversaire. Le Metallurg Magnitogorsk est une équipe bien coachée qui comprend comment jouer sur grande glace. Nous étions menés 3-0 et la situation n'était pas bonne du tout. Tout comeback est important pour l'équipe. [Le trophée reçu par Zherdev et Kalinin] était une touche sympa de nos joueurs. Cela a permis de reconnaître deux bons équipiers qui sont profondément attachés au fait de jouer pour les Rangers, et nos leaders ont voulu le leur faire savoir.

 

New York Rangers - Metallurg Magnitogorsk 4-3 (0-2, 1-1, 3-0)

Mercredi 1er octobre 2008 à 19h30 à la BernArena. 13794 spectateurs.

Arbitrage de Dan O'Halloran (CAN) et Jyri Rönn (FIN) assisté de Lonnie Cameron (CAN) et Stefan Fonselius (FIN).

Pénalités : New York Rangers 14' (6', 6', 2') ; Magnitogorsk 20' (2', 10', 8').

Tirs : New York Rangers 44 (11, 14, 19) ; Magnitogorsk 25 (7, 12, 6).

Évolution du score :

0-1 à 01'28" : Platonov assisté de Chistov

0-2 à 18'07" : Malenkikh (sup. num.)

0-3 à 30'20" : Zavarukhin assisté d'Atyushov et Marek (sup. num.)

1-3 à 39'37" : Drury assisté de Zherdev (double sup. num.)

2-3 à 45'45" : Fritsche assisté de Rozsival

3-3 à 50'13" : Drury assisté de Gomez et Näslund (sup. num.)

4-3 à 59'40" : Callahan

 

New York Rangers

Gardien : Henrik Lundqvist.

Défenseurs : Wade Redden - Michal Rozsival ; Daniel Girardi - Dmitri Kalinin ; Paul Mara - Marc Staal.

Attaquants : Markus Näslund - Scott Gomez (A) - Chris Drury (A) ; Dan Fritsche - Blair Betts - Patrick Rissmiller ; Nigel Dawes - Brandon Dubinsky - Nikolaï Zherdev ; Ryan Callahan - Lauri Korpikoski - Petr Prucha.

Remplaçants : Stephen Valiquette (G), Corey Potter, Colton Orr. Absents : Brian Fahey, Fredrik Sjöström (surnuméraires).

Metallurg Magnitogorsk

Gardien : Andrei Mezin [sorti de sa cage à 59'55"].

Défenseurs : Evgeni Varlamov - Vitali Atyushov (C) ; Evgeni Biryukov - Karel Pilar ; Aleksandr Seluyanov - Vladimir Malenkikh ; Vladislav Bulin (A).

Attaquants : Aleksei Simakov - Aleksei Kaigorodov - Jan Marek ; Stanislav Chistov - Nikolai Zavarukhin - Denis Platonov ; Tomas Rolinek - Evgeni Fedorov - Denis Khlystov ; Vadim Ermolaev - Ravil Gusmanov (A) - Jaroslav Kudrna.

Remplaçants : Ilya Proskuryakov (G), Rinat Ibrahimov. Absents : Igor Mirnov (poignet cassé), Anton Glovatsky, Mikhaïl Churlyaev (blessés).