Chamonix - Saint-Gervais (27 avril 1974)

 

Finale de la Coupe de France 1974.

Deux semaines après la conclusion du championnat de France qui a vu le sacre de Saint-Gervais, les deux meilleures équipes du hockey haut-savoyard - et du hockey français - se retrouvent pour la finale de la Coupe de France. Il avait été envisagé un temps que ce derby du Mont-Blanc se dispute à proximité, dans la voisine Megève. Mais comme l'année dernière à Châlons-sur-Marne, le président de la FFSG Jean Ferrand a insisté pour organiser la finale de coupe sur une nouvelle terre de hockey, Rouen. Un accord est d'abord conclu pour que les deux équipes rivales partagent le même autocar pour faire les 800 kilomètres, mais des complications surviennent. Les grands rivaux voyagent donc séparément. Le Maire de Saint-Gervais, Maurice Martel, a pris place dans le bus de son équipe.

L'objectif de ce derby "déporté", qui ne se sera jamais joué aussi loin des Alpes, est de faire connaître le hockey sur glace de haut niveau à la Normandie. Le plus célèbre sportif normand est dans les tribunes : le recordman de victoires dans le Tour de France cycliste, Jacques Anquetil, avait promis sa présence car il est citoyen d'honneur de Saint-Gervais, où il avait l'habitude de passer une partie de l'année durant sa carrière avec sa famille.

Lors du match qui a amené le titre contre les Français Volants, un match qui a aussi servi de demi-finale de cette Coupe de France, Saint-Gervais a perdu Georges Orset, victime d'une fracture du péroné, et ne tourne donc qu'à trois arrières. Chamonix est privé pour sa part de son entraîneur Robert Robetin, qui est retourné en Tchécoslovaquie mais a laissé des instructions. Terren fait office de coach ce soir. Après avoir passé toute la saison sans étranger, le CHC a engagé pour une pige Larry Hutchinson, qui a fini sa saison aux Pays-Bas avec Tilburg. L'attaquant néerlando-canadien a joué un seul match de championnat, le dernier, plus cette finale de Coupe de France. Guennelon et Charlet étaient en revanche annoncés incertains...

Était-ce du bluff ? Le meilleur marqueur de la saison chamoniarde Patrick Charlet paraît très en forme en tout cas. Après seulement 50 secondes, il ouvre déjà le score sur une mise au jeu en zone offensive. Chamonix est percutant, à l'instar d'un Alain Mazza très rapide qui creuse l'écart avec un doublé. S'il a entretenu l'espoir de Saint-Gervais en réduisant le score dans l'intervalle juste avant la pause, Jean-Michel Boissonnier, récemment rentré de blessure, ne semble pas dans sa meilleure forme et n'a pas fait la différence de la manière qu'on lui connaît. Après le 3-1 de Mazza, Boissonnier se frappe le front devant l'arbitre pour contester une prison et prend dix minutes supplémentaires de méconduite. Il ne reviendra pas sur la glace à l'échéance, ni lui ni la table de marque encore un peu débutante de Rouen ne se rendant compte que la pénalité est écoulée. Pendant ce temps, ses coéquipiers ont encaissé trois nouveaux buts, trois de Charlet et l'un accordé à Hutchinson et inscrit en fait contre son camp par René Blanchard.

Le match est plié mais les deux équipes continuent de livrer en troisième période pour les dernières minutes de hockey de la saison, ce qui leur vaudra les applaudissements des spectateurs enchantés par le spectacle malgré l'heure très tardive. La finale de Coupe de France minimes organisée en lever de rideau entre Gap et Reims s'est en effet achevée par une prolongation puis une séance de pénaltys interminable. La finale des seniors n'a donc débuté qu'à 22h30, et c'est à 1h30 du matin que le président Ferrand remet la Coupe de France à Chamonix, pour la plus grande joie des 4 uniques supporters du CHC qui ont fait le déplacement pour assister à ce qui aura été le plus beau match de leur équipe cette saison.

Chamonix a donc raflé les 3 coupes mises en jeu depuis la création de cette nouvelle compétition. Les deux clubs de référence ont montré qu'ils étaient bien les meilleurs du pays, y compris pour former de nouveaux talents. Le cadet Michel Claret-Tournier a ainsi été très bon au sein de la défense chamoniarde. Le CHC a su finir par un titre et semble mieux gérer cette longue saison : l'équipe première a disputé 55 matches en incluant les rencontres amicales pour Chamonix. Saint-Gervais était plus fatigué, et son entraîneur et président Jean-Claude Hurvoy a livré ainsi son sentiment après la fin tardive de ce match : "Ras le bol".

L'organisation de ce premier évènement a été compliquée pour les dirigeants rouennais qui ont semblé dépassés par la gestion du temps de cette soirée avec ce match d'ouverture qui n'en finissait pas. Les vainqueurs chamoniards se sont retrouvés à errer dans les rues de Rouen à la recherche d'un restaurant ouvert à 2h du matin avant de rentrer dans les dortoirs qui leur étaient réservés au circuit automobile des Essarts, un hébergement qui n'a guère été à leur goût.

Outre son hommage à des joueurs chamoniards "frétillants comme des truites de l'Arve", on retiendra cette conclusion de l'article d'Albert Fontaine, le journaliste du Dauphiné Libéré que ce week-end à Rouen a soudain transformé en un soutien du premier candidat écologiste à l'élection présidentielle : "Une dernière précision pour les amateurs d'histoire de France : la place où fut brûlée Jeanne d'Arc est devenue un affreux parking ; comme nous sommes de cœur avec le candidat des présidentielles, Monsieur Dumont !"

Commentaires d'après-match (dans le Dauphiné Libéré)

Bernard Deschamps (gardien de Chamonix) : "Le match a démarré très rapidement. Les avants ont joué admirablement, pratiquant un jeu de passe très ouvert, bien construit et terriblement efficace. Et puis pour une fois, les gars ont eu de la chance, surtout Charlet qui par cinq fois a mis le puck dans la cage de Jaccaz qui, on peut le dire, n'était pas au mieux de sa forme."

 

Chamonix HC - HC Saint-Gervais 10-5 (2-1,5-1,3-3)
Samedi 27 avril 1974 à la patinoire de l'île Lacroix, Rouen.

Évolution du score :
1-0 à 00'50" : Charlet assisté de Mazza
2-0 à 14'21" : Mazza
2-1 à 19'50" : Boissonnier
3-1 à 25'40" : Mazza assisté de Charlet
4-1 à 29'00" : Charlet assisté de Caux
4-2 à 30'00" : L. Bibier
5-2 à 32'30" : Charlet
6-2 à 34'00" : Charlet
7-2 à 39'00" : Hutchinson
8-2 à 42'10" : Charlet
8-3 à 43'00" : Godeau
9-3 à 43'30" : Hutchinson
9-4 à 44'00" : Boissonnier
10-4 à 45'20" : Caux
10-5 à 57'00" : L. Bibier
 

Chamonix

Attaquants :
Alain Mazza - Michel Caux - Patrick Charlet
Jean-Louis Colin - Jean-Claude Guennelon (C) - Larry Hutchinson (HOL/CAN)
Michel Bianchi - Michel Pastore - Gilbert Ravanel

Défenseurs :
Pierre Cheylan - Marcel Gentina
Stéphane Dudas - Michel Claret-Tournier

Gardien :
Bernard Deschamps

Remplaçant : Jean-Pierre Vouillamoz (G).

Saint-Gervais

Attaquants :
Laurent Bibier - Denis Bibier - Jean-Michel Boissonnier
Maurice Chappot - John Genz (USA) - Yann Sage
Jean-Loup Perroud - Jean Bochatay - Thierry Delachat
J. Orset

Défenseurs :
Joël Godeau - René Blanchard
Gérard Larrivaz (C)

Gardien :
André Jaccaz

Remplaçant : Eyrard (G). Absent : George Orset (fracture du péroné).