Yorick Treille poursuit son rêve

 

Article du Dauphiné Libéré (24 décembre 1999).

Dès l'âge de quatre ans, Yorick a pratiqué le hockey, héritage familial oblige. Mais il a rapidement volé de ses propres ailes pour devenir cet été le premier Français "drafté" par la puissante Ligue Nationale de Hockey nord-américaine.

Il suffit d'évoquer la NHL pour que les yeux de tout hockeyeur s'illuminent. Gretzky, Lemieux, Roy, Hasek, Jagr, les stars peuplent l'histoire de la Ligue Nationale, les contrats se chiffrent en dizaines de millions et la France regarde depuis longtemps cette autre planète avec les yeux de Chimène. Certes, Philippe Bozon a été un précurseur, sous le maillot des Blues de Saint Louis. Mais jamais un "Frenchie" n'avait eu l'honneur de la "draft", ce classement des meilleurs jeunes qui permet aux clubs professionnels de prendre une option sur un joueur universitaire ou de junior majeur.

Cette disette, que l'on croyait quasi-éternelle, a pris fin au beau milieu de l'été. Et la nouvelle a franchi l'Atlantique : Yorick Treille, le Grenoblois, était choisi au septième tour (195ème position) par les Chicago Blackhawks. Malgré un rang qui ne lui garantit rien, le coup de tonnerre est énorme.

Et pourtant, l'histoire de Yorick outre-Atlantique n'était pas toute tracée : << En fait à quinze ans, explique-t-il, je suis parti un an au Canada. Une famille d'amis m'a accueilli, et je partais essentiellement pour apprendre l'anglais et vivre une autre expérience. Finalement, je suis resté. >> En effet, tout s'enchaîne pour Yorick qui, dans la province de l'Alberta, va découvrir les joies du haut niveau. Si la technique ne souffre pas énormément face aux Canadiens, c'est physiquement que le changement va s'avérer difficile : << J'ai dû faire de la musculation, car le jeu est très physique, sur des petites patinoires où les contacts sont fréquents. >> Mais sa chance, c'est d'avoir commencé à quinze ans dans cet univers sans concession, le temps de faire ses armes et de s'habituer aux nouvelles exigences nord-américaines. Aujourd'hui, à 19 ans, il trimbale allègrement son mètre 90 et ses 90 kgs au centre de l'université du Massachusetts, à trente minutes de Boston, sur la côte Est. Du Canada aux États-Unis, il continue sa route avec la même envie de conjuguer études (en commerce) et sport : << Tout est plus facile pour pratiquer le hockey dans de bonnes conditions, dit-il. J'ai les cours le matin et nous nous entraînons chaque après-midi. >> Étudiant en deuxième année (sophomore selon le terme US), il lui restera encore deux années universitaires avant de pouvoir décrocher son diplôme.

Mais la "révolution" s'est produite l'an passé. << Les règles de la draft sont assez complexes et je ne savais pas exactement quand je pouvais être choisi. Mais des listes circulent tout au long de l'année et j'espérais en faire partie. Aussi, quand j'ai appris que j'étais sélectionné en 195ème position par Chicago, j'étais soulagé, quoiqu'un peu déçu car j'ambitionnais une place plus haut dans la hiérarchie. >> N'empêche, les Blackhawks ont une option sur Yorick : << Ils m'ont appelé en début de saison pour un premier contact et depuis, je ne sais pas s'ils me suivent. Le règlement dit que je leur appartiens. Au bout de mes quatre années, soit ils me prennent, ou pas, soit ils m'échangent. Mais rien ne pourra se faire sans leur consentement. >>

Désormais, Yorick doit encore progresser et montrer à son éventuel futur employeur qu'il a eu raison de miser sur lui. Pour, ensuite, participer à un camp d'entraînement et saisir l'opportunité d'entrer par la grande porte en NHL : << Au départ, quand je suis arrivé ici, c'était plus un rêve qu'un objectif. >> Maintenant que la réalité rattrape doucement la fiction, il compte sur les conseils de son père, qui lui répétera de << travailler dur, de me remettre sans cesse en question. >> Cette saison, nanti de plus de responsabilités, il doit se "bagarrer" chaque jour pour mériter la confiance d'un entraîneur qui dispose d'un gros effectif. Et prouver, à chaque présence, son nouveau statut : << Les matchs se jouent souvent pour un but. Dans ce cas, le mental et les équipes spéciales font la différence. >> La tête bien posée sur de solides épaules, Yorick a accompli une partie du chemin qui mène au Panthéon du sport. Un chemin qu'il gère tranquillement, mas avec l'intime conviction que l'avenir appartient aux hommes qui gardent en eux leurs rêves d'enfant. Les siens sont magiques.

Jean-Benoît Vigny

 

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