Article du Dauphiné Libéré (31 mars 2000).

Il est arrivé comme ça, sur la pointe des patins, un jour de septembre 98 à Grenoble. L'été, il l'avait passé à travailler en Haute-Savoie, quand les Brûleurs de Loups, champions en titre, préparaient la saison, un redressement judiciaire sur la tête. Depuis un mois et demi, la préparation physique, technique et tactique mise en place par Jaroslav Jagr lui avait totalement échappé : << En fait, j'arrivais à Grenoble pour poursuivre mes études (un DUT informatique) après le bac. Et si je souhaitais continuer à jouer au hockey, je ne pensais sûrement pas intégrer les seniors. Je me posais déjà la question de savoir si j'aurai une place en juniors élite ! >>.

Sa silhouette longiligne, son regard mutin qui perce sous la casquette de rigueur, deviennent vite connues de Jagr, qui remarque cet attaquant rapide et volontaire. Après trois ans de sport-études à Megève, il n'a aucun mal dans un premier temps à s'imposer chez les jeunes. << Ces bons matchs en juniors ont attiré l'attention de Jagr, qui cherchait un attaquant car l'effectif ne comptait que huit seniors pour neuf places. Mais m'entraîner avec l'élite fut une surprise. Alors, quand il m'a demandé d'évoluer contre Caen, je n'en suis pas revenu. >> Pour son baptême, ses partenaires se nomment Benoît Bachelet et Konstantinidis. Pas les moindres, mais pas de quoi non plus l'effrayer : << Jaro m'avait surmotivé toute la semaine et j'ai tâché de faire mon boulot. A la fin du match, des joueurs comme Koïvisto ou Nokkosmäki m'ont félicité. >>

A peine le temps de se remettre, que le voilà plongé pour son deuxième match en Ligue européenne, à Magnitogorsk, futur champion en titre ! << Sans être à fond, sans être au complet, ils étaient largement au-dessus de nous. J'en garde toutefois un beau souvenir : ma première assistance en seniors. >> Les premières lignes de son CV sportif s'écrivent ainsi en lettres d'or, et il ne cessera de confirmer ces bonnes impressions, tout au long d'une saison, dont il fut la révélation, malgré un emploi du temps surchargé : << J'effectue le DUT en alternance, et mes obligations avec mon employeur ne m'ont pas facilité la tâche, pour les déplacements notamment. Mon cursus universitaire passant avant tout, j'ai dû faire des choix. Je n'envisage pas pour l'instant de faire une carrière, seulement de m'investir un peu plus dans le hockey et de retrouver le haut niveau. >> Car cet été, après la rétrogradation grenobloise, il se voit plongé dans l'enfer de la division 3. Heureusement les catégories d'âge ayant été gelées pendant un an, il évolue encore en juniors élite : << Il n'empêche, la D3 ne m'a pas permis de progresser. Au contraire, j'ai peur d'avoir régressé tant la grande majorité des matchs est sans intérêt. >>

Après avoir franchi les paliers à toute vitesse, le voilà à rudoyer face à des joueurs sans talent, sans énergie, sans pas mal de choses en fait... Et à s'entraîner sans ces joueurs professionnels qui incitent au dépassement. Un contexte qui prendra fin dès aujourd'hui, avec ce tournoi demi-finale beaucoup plus relevé : << Là, nous n'avons plus cette confortable marge de manœuvre. Nos adversaires seront autrement plus redoutables, même si moins homogènes sans doute. Mais pour tout dire, je ne nous vois pas éliminés, en sachant que le tournoi final se déroulera à Grenoble. Non, je n'imagine pas cette ultime épreuve à Clémenceau sans nous. >>

Les Brûleurs de Loups compteront sur leur jeune garde - les internationaux juniors Billiéras et Bellet notamment - et ses grands anciens "anachroniques" en D3 tels Salo et Lemoine, Grenoble a les moyens d'aller loin. Quant à Bergamelli, étonnamment jamais retenu en équipe nationale malgré des qualités énormes - << même si je dois encore progresser question discipline >> -, il continuera à slalomer dans les défenses en buteur averti. Les Brûleurs de Loups en ont besoin.

Jean-Benoît Vigny

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