Xavier De Murcia, deux ans après

 

Article du Dauphiné Libéré (2 décembre 2000).

En novembre 98, le jeune attaquant des Brûleurs de Loups, est victime d'un terrible accident de la route. Après de multiples opérations et une longue rééducation, il est aujourd'hui titulaire à Grenoble. Une trajectoire qui relativise bien des résultats.

Une route, l'hiver. Un voile de verglas recouvre le bitume du chemin départemental 64, à Champagnier. Un virage. Un autre, celui de trop. Celui où la voiture bascule, et la vie avec. En ce 23 novembre 98, à 21 h, Xavier De Murcia s'encastre entre deux arbres au sortir d'une courbe. Le lendemain, il devait jouer avec les Brûleurs de Loups contre Lyon, qu'il avait intégrés durablement au début de saison, avec la confiance de Jaroslav Jagr. Le match se fera sans lui, la saison aussi. Car l'accident brouille plus que les cartes du destin, il modifie en substance l'idée que l'on se fait de la douleur, de la patience, du courage, de l'entourage.

C'est un homme en piteux état qu'on emmène alors à l'hôpital. Verdict des médecins : fracture des lombaires L3 et L4, fracture de la malléole interne de la cheville gauche, facture du plancher orbital gauche. << C'était en mille morceaux à l'intérieur >> dit-il aujourd'hui. Son visage n'est plus vraiment le sien, en tout cas pas celui qu'il apercevait dans les miroirs d'avant le 23 novembre. Xavier subit les opérations comme avant les mises en échec. << Je m'en suis voulu, car j'étais responsable de ce qui m'arrivait >> avance-t-il sobrement.

La rééducation sera longue, semée d'embûches, de deux nouvelles opérations, une par le ventre, l'autre par le dos, << car des bouts d'os touchaient la moelle. Les vertèbres ont dû être soudées. Auparavant, j'avais rapidement essayé de me mettre debout. Avec le tempérament d'un sportif, on se persuade, malgré les avertissements du corps médical, qu'on peut se lever avec une assistance. J'ai voulu trop en faire, j'ai perdu l'équilibre et me suis évanoui >>. Pire qu'un exercice de hockeyeur, qui répète une phase de jeu pour la dominer, Xavier doit apprendre à... réapprendre. A marcher, surtout.

Lui qui s'entraînait cinq fois par semaine, voit défiler les jours sur son lit de souffrance. Quasiment trois mois passeront, allongé. Pendant ce temps, ses anciens coéquipiers poursuivent une belle saison qui les mènera en demi-finale. Il s'accroche comme il peut à l'espoir de revenir, mais tord aujourd'hui le cou aux idées reçues : << On m'a souvent parlé du courage que j'avais eu. Mais à l'hôpital, on se laisse faire, on se laisse vivre. On attend que ça se passe. C'est lors de la rééducation qu'il en faut : physiquement d'abord, car la douleur ne vous quitte pas, et mentalement, parce qu'on mesure vite le boulot à accomplir >>.

Dans un coin de sa tête, le hockey garde sa place, et avec lui l'espoir de rejouer au plus haut niveau français. << Les premiers jours, je ne pensais pas trop sport. Mais, au bout d'une semaine, j'ai posé la question aux chirurgiens : "pourrai-je repratiquer le hockey". Ils m'ont d'abord dit que je remarcherai sans problèmes, puis qu'il n'y avait aucune contre-indication à ce que je rechausse les patins. En me soudant les vertèbres, ils m'ont même solidifié mon dos ! >>

Doucement, il reprendra le chemin de la patinoire. Ce sera en Division 3 l'an passé, la liquidation judiciaire étant passée par là : << Beaucoup me disent que cette rétrogradation m'a arrangé, pour effectuer un retour en douceur. Je ne crois pas, car le contact de l'élite, aux entraînements surtout, aurait accéléré ma remise à niveau. D'ailleurs cette année, on me promettait que je serai en forme en janvier. Résultat, j'ai atteint la plénitude de mes moyens en novembre >>.

Aujourd'hui, à 22 ans, Xavier est titulaire en élite. Rien, ou presque, n'a changé, même si sa cheville, lors de certains mouvements sur la glace, le fait grimacer de douleur. Il poursuit pourtant son ascension, après avoir saisi sa chance en début d'année, mais sans se projeter plus loin que le bout de la saison. Seulement, chaque soir après les matchs, il sacrifie à un nouveau rituel : << Dès la rencontre terminée, je dois appeler mes parents pour leur dire que je vais bien >>. Jamais il ne parle de "revanche sur le sort", simplement du bonheur d'être là. Et c'est déjà énorme.

Jean-Benoît Vigny

 

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