"J'ai failli démissionner"

 

Article de Sud Ouest (3 mai 2001).

Marqué, blessé par les déclarations publiques des joueurs qu'il a entraînés pendant trois saisons, Karlos Gordovil a envie de tout sauf de polémiquer avec ceux qui mettent en cause ses qualités. Tout juste se déclare-t-il déçu et s'interroge-t-il sur la "mémoire courte" de quelques-uns. Pourtant, si on insiste un peu, on sent que l'homme est injustement touché. "De quel droit, se demande-t-il, certains peuvent-ils s'arroger les succès d'aujourd'hui et prétendre que l'entraîneur n'y est pour rien ?"

"Ce que je sais, c'est qu'en trois ans, nous avons beaucoup construit dans ce club. Quand je suis arrivé à l'Hormadi, les jeunes partaient ailleurs car l'Elite n'avait aucun prolongement chez les jeunes. Nous avons mis en place une équipe juniors, dont je me suis occupé au même titre que l'Elite, nous avons parié sur la formation avec le succès que l'on sait. Le fait que des joueurs aient été intégrés dans l'équipe première tout au long de cette saison prouve qu'il y a eu un travail dans la continuité".

Contesté dans ses qualités de technicien, Karlos Gordovil ose quelques rappels. "Personnellement, je sais d'où je viens. Cela fait quinze ans que je suis entraîneur dans le hockey français, j'ai des titres à tous les échelons où je suis passé, je n'ai jamais été remercié nulle part et je suis toujours parti de mon plein gré, une fois les objectifs atteints. Ici, à mon arrivée, il y avait une équipe qui perdait tous ses matches. Ceux qui sont venus la renforcer ne sont pas tombés du ciel par accident. Pas plus que les résultats d'aujourd'hui ne sont le fruit du hasard. Il faut de la patience, de l'expérience et fournir beaucoup d'efforts pour gérer un groupe avec six nationalités. Alors, que chacun se regarde dans la glace !"

Karlos Gordovil avoue qu'il a même songé à démissionner. Non pas suite à sa mise en cause, mais au lendemain des évènements de Reims, qu'il n'a jamais cautionnés. "Ce qui s'est passé là-bas est à mes yeux inadmissible. Je ne conçois pas que des sportifs disputent un match sans vouloir le gagner. C'est la plus triste expérience sportive que j'ai jamais vécue. On m'a demandé d'être solidaire, je l'ai été, mais cela m'avait aussi conduit à envisager à faire autre chose après ces trois saisons passées à l'Hormadi. Mais les choses ont changé avec ce qui s'est produit. On n'a pas été correct envers moi et cela m'a déterminé à rester et à faire front".

Le coach se défend de vouloir remettre en cause le vieux principe qui veut qu'en sport l'entraîneur soit responsable quand cela ne va pas et qu'à l'inverse la gloire soit sur les épaules des joueurs en situation inverse. "En revanche, dit-il, il y a des normes qu'on n'a pas le droit d'enfreindre en sport. Or, la ligne rouge de l'éthique sportive a été franchie dans cette affaire rémoise (NDLR : en accord avec le vice-président Alain Bédère, aujourd'hui démissionnaire, les joueurs avaient évolué crosse en l'air). Et elle l'a été une seconde fois dans la manière dont j'ai été mis en cause. Il y avait d'autres moyens pour régler des différends. Mais là, on a visé l'homme et, à travers lui, on a fait mal à sa famille. De quel droit ?"

Philippe Hemmert

 

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