Retrouver l'équilibre

 

Article de Sud Ouest (4 janvier 2002).

Les Bleus comptent sur les Jeux olympiques pour donner un second souffle à un sport miné par les problèmes d'argent et de reconnaissance. Bien loin, en tout cas, des espoirs qu'avaient créé le quart de finale de 1992 à Albertville.

"On part en portant la bannière et on donnera tout ce que l'on a. Après, on verra..." Les propos de Nano Pourtier laissent percer une pointe de fatalité. Le manager général de l'équipe de France et sa troupe s'apprêtent à aller chercher des crosses aux meilleures nations mondiales à Salt Lake City. Ils pourraient même croiser les vedettes américaines, canadiennes, tchèques ou encore russes s'ils se qualifient en deuxième semaine (1). Mais ils ne se font guère d'illusions. L'objectif de la Fédération, un quart de finale, est à peine évoqué. Pour une fois, Nano Pourtier devra se passer de médailles. Celui qui a conduit Grospiron à l'or en 1992 en ski de bosses et Mingeon au bronze avec le bob à quatre en 1998 regardera le podium de loin. Car le hockey français est en reconstruction et le chantier est loin d'être achevé.

La fondation de l'édifice, les Jeux olympiques d'Albertville 1992, s'est avérée plus fragile que prévu. Les Bleus, qui avaient mis le feu à la glace savoyarde, attirant un Français sur dix devant la télévision pour leur quart de finale contre les Etats-Unis, ont été vite oubliés. Et, en 1999, c'est une équipe qui frôle chaque année la relégation dans le groupe B, la Deuxième Division mondiale, qu'a récupérée Pourtier. "J'ai été surpris par ce monde où on donnait un statut de professionnel à des joueurs qui ne s'entraînaient que huit mois sur douze, raconte le manager général. Il y avait des manques flagrants au niveau de la préparation. Or, comme dans n'importe quel sport, vous avez beau être doué, si vous ne faites pas de physique, vous vous faites passer devant."

"Une culture à réapprendre"

L'ancien membre de l'équipe de France de ski acrobatique (à la fin des années 1970) a donc décidé de muscler le programme des Tricolores, de les faire travailler "au moins dix mois par an" en s'entourant de préparateurs spécialisés. Sans résultats. La qualification pour les JO de Salt Lake City ne masque pas la descente dans l'antichambre de l'élite en 2000, ni l'échec de l'opération remontée, avec l'organisation du Mondial B à Grenoble en avril dernier. "S'il y a eu des erreurs, tout n'a pas été négatif, se rassure pourtant Pourtier. Il faut être réaliste : la France n'a pas sa place dans le groupe A actuellement. C'était même important de descendre pour prendre une claque dans la figure et se remettre en question. Aujourd'hui, il y a des progrès, les mentalités ont changé. Mais il y a une culture à réapprendre, la nouvelle génération doit se faire les dents. Il faudra du temps. Et puis il y a encore des manques : pour préparer un grand événement, au moins 120 jours sont nécessaires. Nous, pour les Jeux, on en a 62. Mais on n'a pas les moyens de faire plus." La Fédération française des sports de glace doit essuyer une dette estimée à 60 MF à l'arrivée du nouveau président, Didier Gailhaguet, et le hockey qui lui est rattaché en souffre. D'autant que les revenus ne courent pas les patinoires. En 1995, un contrat rapportant 400 000 francs de droits TV par club devait être signé avec TF1. Un seul match a finalement été diffusé à... 1 heure du matin ! Quant aux Bleus, si on a pu les apercevoir sur Pathé Sport en avril et un samedi après-midi de novembre sur France 2 (proximité olympique oblige), il est bien difficile de suivre leurs performances via le petit écran. "Aujourd'hui, toute la famille est consciente que notre avenir passe par une meilleure médiatisation, reprend Pourtier. Mais pour cela, il faut que notre championnat puisse le promouvoir."

Un championnat bancal

Pas la moindre des difficultés. Car, depuis plus de dix ans, l'élite nationale multiplie les glissades. Les différents champions, à force de vivre au-dessus de leurs moyens ou de se rattacher aux subventions municipales, ont fêté leurs titres par des dépôts de bilan (Megève, Français Volants, Mont-Blanc), des sabordements volontaires (Brest) ou de lourds déficits (Rouen). Les formules des championnats changent avec les saisons, mais manquent de lisibilité. Et alors que, l'an passé, Didier Gailhaguet se targuait d'un équilibre retrouvé, l'intersaison a été de nouveau agitée : Villard-de-Lans, champion de National 1, a refusé de s'inscrire en Elite, Viry-Châtillon a abandonné sa place et les clubs ne se sont retrouvés qu'à sept sur la ligne de départ avec la motivante perspective de se rencontrer six fois chacun. Du coup, les internationaux préfèrent s'exiler. Et c'est peut-être là le point positif. "Si on veut avoir des bons joueurs, il faut qu'ils aillent à l'étranger acquérir des techniques et expériences nouvelles, conclut Pourtier. Aujourd'hui, notre championnat n'est pas assez fort pour développer leurs qualités. Reste qu'il y a une volonté générale de construire et de progresser. La formule du championnat n'est pas mal compte tenu des problèmes financiers, la plupart des clubs ont décidé d'arrêter de recruter des étrangers (Reims, actuel leader, n'en compte que trois) au profit des jeunes Français et la formation est en train de se mettre en place. La tendance est en train de tourner à la rigueur et au sérieux." Deux éléments indispensables pour un retour à l'ambition.

Nicolas Le Gardien

 

(1) La France affrontera la Suisse, la Biélorussie et la Suède (respectivement les 9, 11 et 13 février) en poule de préqualification. Le vainqueur retrouvera ensuite la Russie, la Finlande et les Etats-Unis dans un groupe dont le classement déterminera les quarts de finale (selon une formule croisée avec un autre groupe de 4).

 

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