Que reste-t-il de ces beaux jours ?

 

Article de Ouest France (14 mars 2002).

Voilà deux ans, jour pour jour, le Hockey Caen Calvados dirigé par Jean-Jacques Hascoët remportait la coupe de France. C'était le premier titre national enlevé par une équipe caennaise. Elle a aujourd'hui disparu.

14 mars 2000. A Boulogne-Billancourt, devant 2000 personnes, le HC Caen brandit la coupe de France au nez et à la barbe des Rouennais.

Vainqueurs 4-1, les hommes de Heikki Leime écrivaient là une des plus belles pages de l'histoire du sport normand. Ils étaient à leur apogée, signant encore un exploit en demi-finale du championnat face à ces mêmes Rouennais, s'inclinant en finale dans d'étranges conditions face à Reims.

Cette équipe, savant cocktail de Finlandais et de Français, s'était bâtie au fil du temps. "C'était un groupe génial, songe Heikki Leime, une lueur dans les yeux. De cette période, je n'ai gardé que de bons souvenirs." Avant de devenir sélectionneur des Bleus, Leime s'était fait la main en Normandie. "Je vivais ma cinquième saison à Caen. J'avais des éléments depuis mes débuts, comme Bertrand Pousse ou Brice Chauvel. Petit à petit, nous nous sommes renforcés. L'arrivée de Kaï Rautio, cette année-là, nous a fait le plus grand bien. C'était peut-être le plus grand joueur de l'équipe, en tout cas le patron de la défense."

La mayonnaise a pris, entre toutes ces huiles. "Personne ne se prenait pour une star, note Leime. Il n'y a pas eu de déclic particulier, mais une tranquille montée en puissance."

Le folklore payant

Le ciment du groupe, c'était l'amitié. Virenius se muait en baby-sitter chez Paananen, embrassait goulûment Provencher après la finale. "Nous étions allés faire du cheval sur la plage, du karting. Nous avions aussi loué des saunas pendant toute une soirée, se souvient le coach, fédérateur du groupe. J'étais l'entraîneur, mais aussi leur pote. D'ailleurs, je suis resté en contact avec beaucoup d'entre eux. Sur glace, je rajoutais des séances, mais personne ne s'en plaignait, au contraire. Les garçons me demandaient même de les rallonger, ou poursuivaient entre eux." La bonne humeur permettait de pallier les conditions précaires, celles de la patinoire du Parc expo notamment. "Nous avons tout tourné sous l'aspect positif, explique Leime. Nous n'avions pas de salle de muscu ? Nous avons trouvé nous-même des barres. Nous sommes aussi allés chercher des haies au stade Helitas. C'était folklorique, mais ça marchait."

Sur la glace, les escouades caennaises n'amusaient en revanche pas grand monde. "Nous usions l'adversaire, commente le coach. Comme un rouleau compresseur. Chacun avait son rôle, et se sentait important." Survint donc ce 14 mars, date de la finale. "L'approche a été celle d'un événement normal, se souvient le patron des Bleus. Les gars étaient très excités, il fallait les calmer plutôt que de remettre de l'huile sur le feu. Nous avons été sages, sans écoper de trop de pénalités, et nous avons gagné. Tranquillement. Je n'ai jamais vraiment eu peur."

Filippin : "Mes meilleurs souvenirs"

Le capitaine Jean-Christophe Filippin, 105 kg, 1,95 m, frissonne pourtant en évoquant ces grandes heures. "Nous étions arrivés dans la peau de l'outsider, dans une patinoire acquise aux Rouennais. Ça nous a encore plus motivés. Nous avons fait un match très, très propre, avec des buts limpides."

1-0 en 59 secondes, puis 3-0 au bout de 9 minutes... Caen déroulait comme dans un rêve, avant la riposte rouennaise récompensée par Doucet dans le 2e tiers. "Nous avions alors dû jouer à 3 contre 5 pendant deux minutes", souligne le défenseur des Léopards. "Pinpin", Rautio et Virenius s'étaient alors démultipliés, se couchant sur la glace pour stopper des tirs haut-normands. "Ça a été très chaud à ce moment-là. C'est, avec la joie de fin de match, le plus frais souvenir que j'aie." La recrue d'Anglet en oublie qu'il scella l'issue de la rencontre d'un quatrième but, à 5 minutes de la fin. "J'ai 32 ans, j'ai évolué dans huit clubs, et je n'ai jamais vécu d'aussi bons moments. Lorsque je croise d'anciens Caennais, nous en parlons encore."

La triste saison 2000-2001, celle du dépôt de bilan, est passée par là. Jason Melong, le petit ailier canadien, a passé mille coups de téléphone pour tenter de revenir à Caen. Le HCC est mort, a été remplacé par un autre, dans l'anonymat de la N3. De l'époque dorée subsistent un trophée dans une vitrine et des images de joie dans les yeux des Caennais. "Les gens nous découvraient et nous arrêtaient dans la rue pour nous féliciter", sourit Leime. Aux tapes dans le dos ont succédé les coups sur la tête et les bleus au cœur.

 

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