"Une bagarre permanente"

 

Article des Dernières Nouvelles d'Alsace (11 septembre 2002).

A la tête des Scorpions, Claude Bauer est un président las. A la veille de reprendre le championnat, il se dit agacé de devoir sans cesse se battre avec la Ville de Mulhouse sur des détails. Pendant ce temps, une équipe ambitieuse se construit pour sa deuxième saison au plus haut niveau.

- Comment voyez-vous votre équipe pour cette saison ?

- Meilleure (rires). Pour le même prix, voire moins cher, nous avons une équipe apparemment meilleure. La saison dernière, Christer Eriksson avait eu moins de temps. Il a parfois dû improviser. Moi, je n'étais pas forcément le recruteur idéal. Même si, cette saison, il y aura des équipes de D1 avec nous, j'ai voulu une équipe conséquente pour terminer si possible parmi les quatre premiers.

"De la concurrence !"

- Un effectif conséquent... il vaut mieux. Eriksson est un entraîneur exigeant.

- Il veut vraiment faire tourner, mettre les joueurs en concurrence pour les faire progresser. On n'avait jamais eu d'aussi bons résultats lors des matchs de préparation. Avant, au Tournoi de Belfast, on aurait pris trois vestes. Les gars sont partis là-bas en espérant gagner un match. Cela aurait été merveilleux. Finalement, on en remporte deux... C'est formidable !

- Quels sont les points forts de l'équipe ?

- Une très belle défense. Avec deux bons gardiens. En attaque, il nous manque un élément sur une ligne. Je suis sur une piste. Christer veut de la concurrence, des types physiques, à fond tout le temps. Son jeu est exigeant. On travaille avec un préparateur physique. Cela va payer. Nous voulons quatre lignes homogènes, dont deux en "rouleaux-compresseurs". Ça, personne ne l'aura.

"Milliers de cafards"

- Et avec la Ville... comment ça va ?

- Pas comme je veux. Jusqu'à maintenant, j'ai fait beaucoup d'efforts. Le maire m'avait promis un vestiaire pour ce printemps. Mais l'adjoint m'a dit non. Les plans sont faits mais j'ai 25 gars sans vestiaire. On a dû transformer notre salle "matériel". Défenseurs et gardiens seront dans une salle, les attaquants dans une autre. J'ai une équipe divisée en deux. Sportivement, ça ne va pas.

- Que demandez-vous ?

- Attention. Je ne demande pas plus d'argent. Mais il ne faut pas promettre des choses qu'on ne peut pas faire. On veut juste des toilettes et des locaux sans cafards. Quand on se déplace, on amène avec nous des milliers de cafards dans tous les vestiaires de France et d'ailleurs. Mes gars prennent leur douche à l'eau froide. J'ai trois chaises pour douze gars, avec tout le reste par terre.

"Cela m'énerve"

- On vous sent remonté...

- Dans Mulhouse, on m'explique qu'il n'y a pas de politique sportive dans cette ville. Je vais finir par le croire. "Ils" subissent le sport. S'il n'y en avait pas, "ils" seraient bien contents. Je trouve cela dommage. Nous avons fait des efforts. Tout le monde est content. Mais on doit continuer à "gratter". Cette Ville se dit sportive et moderne et je dois me battre pour des problèmes d'hygiène et autres détails. Cela m'énerve.

- La Ville n'en fait pas assez ?

- Je le répète : je ne demande pas trois millions. On me dit que nous avons plus d'heures de glace. Mais j'en ai moins qu'avec Ryser (en D1). Le reste est allé au hockey mineur. On voulait être en Élite, nous y sommes. Maintenant, on nous promène. Quand on reçoit certaines équipes je suis gêné. La Fédération nous a demandé d'organiser un tournoi international...

"Impression de gêner"

- Et alors ?...

- Je vais les mettre où les joueurs ? Il y aura les équipes de France, d'Italie, de Lettonie et du Danemark. Cela fera six matchs. Belfort et Épinal nous ont demandé de "sous-traiter"... Je suis désolé mais je n'ai pas les moyens. Aujourd'hui, la Fédération insiste pour qu'on accueille un stage de gardiens. Je vais les "caser" où ? Pour un vestiaire, il y a des projets à 60 000 F...

- Avez-vous l'intention de démissionner ?

- J'ai l'impression de gêner. J'ai hâte que la saison démarre. Je rumine et je ne peux même pas voir un match ! Nous sommes le seul club à payer la location de notre bureau (3800 F par mois). Au moins, le siège n'est plus chez moi ou à l'étude (il est notaire). Cet été, on a versé 33 000 F pour la location de la glace et je paye des commissions sur les panneaux publicitaires que j'ai ramenés.

"Je perturbe"

- Vous avez l'impression de ne pas être reconnu ?

- Tout cela, je ne le fais pas pour moi. Mais pour la ville, l'animation... On m'agace avec des petits trucs. Je pensais qu'avec le temps, cela allait s'améliorer. J'en ai plus que ras-le-bol. C'est limite. J'aime ce sport. Je suis content de l'avoir découvert. Je ne le regrette pas. Je ne recherche pas de compliments, juste qu'on reconnaisse notre travail. Je perturbe "leur" petite vie.

- Au niveau du contrat d'objectif, où en êtes-vous ?

- Cette saison, j'aurai 150 000 F de plus si on termine parmi les huit premiers, 100 000 F de moins dans le cas contraire. Je trouve cela un peu mesquin. En Suisse, en Allemagne et maintenant en Irlande, on commence à être reconnu. Des agents nous appellent régulièrement de Suède. En attendant, nous, on se bagarre avec des cafards. C'est lamentable. Alors qu'on paye même l'usure de la sono et les caisses !

"Constat d'échec"

- La patinoire n'est pas publique, mais privée...

- Je sais bien que nous sommes dans une logique privée. Mais, dans le même temps, j'ai ramené de l'argent. La première année, il y avait pour 100 000 F de panneaux publicitaires. L'an dernier, on en était à 2,2 millions. Si je "les" embête trop, je tire ma révérence. J'irai voir des matchs à Berne. Si je complique la vie sportive de Mulhouse, je m'en vais. Je suis las.

- Y parviendrez-vous ?

- Depuis cinq ans, il existe une synergie autour de cette patinoire. On n'en a jamais autant parlé. Je reconnais que la Ville a investi pour les gradins. De son côté, la Ville ne reconnaît pas nos efforts. Il n'y a pas de réciprocité. Encore une fois, je ne veux pas d'argent pour acheter de nouveaux joueurs. J'ai honte de recevoir certains gros clubs du championnat dans de telles conditions. C'est une bagarre permanente. Pour moi, c'est un constat d'échec.

Propos recueillis par Serge Bastide

 

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