Arnaud Briand le petit prince de la glace

 

Article du Bien Public de Dijon (29 novembre 2002).

Demain, le CPHD reçoit Rouen et Arnaud Briand, capitaine de l'équipe de France. Canadien de naissance, originaire de Saint-Pierre-et-Miquelon, puis métropolitain par nécessité, voici l'itinéraire mouvementé d'un des enfants prodiges du hockey français. Découverte.

Un soupçon de sirop d'érable, mêlé d'un zest d'exotisme, voilà le cocktail détonant d'un des joueurs les plus doués de sa génération dont la carrière n'a pourtant tenu qu'à un fil : "J'ai connu ce sport un peu par hasard. A Saint-Pierre, la seule chaîne de télévision qu'on pouvait capter était canadienne où évidemment on nous diffusait en boucle des matches de hockey. J'ai instantanément été séduit par l'engagement physique et le côté spectaculaire de cette discipline." Aussi, dès l'âge de six ans, il empoigne sa première crosse pour ne plus jamais la lâcher : "Pour l'époque, c'était très jeune. J'ai été tout de suite surclassé pour jouer avec les poussins, de deux ans mes aînés."

Montréal début de l'épopée

A peine une dizaine d'années plus tard, lorsque son père pour des raisons professionnelles doit s'exiler pour Montréal, son sang ne fait qu'un tour, il s'agit là d'une opportunité à saisir : "Je voulais me frotter aux meilleurs hockeyeurs nord-américains de ma catégorie. J'ai demandé la permission de partir avec lui. Ce n'était pas un sport-études, je suivais une scolarité banale durant la journée avant de partir m'entraîner le soir." Rapidement, le succès pointe le bout de la crosse à telle enseigne que la célèbre ligue du Québec drafte ce génie du patin : "Malheureusement, je n'ai jamais eu la chance de démontrer ma valeur car on ne m'a pas fait jouer. Puis, comble de malchance, un jour à l'entraînement, suite à un choc assez anodin, je suis mal retombé, et, je me suis cassé l'épaule (neuf mois d'indisponibilité). Je me pensais fini pour le hockey canadien, le niveau était tellement haut."

L'épaule change tout

Son destin bascule. Sans solution, il fait appel à la fibre ancestrale saint-pierraise, incarnée par Patrick Folliot, un bouillant gothique amiénois de l'époque : "Il y avait les JO à l'horizon, j'étais dans l'obligation de trouver un club pour espérer y participer. Je ne connaissais pas le niveau du championnat français, c'était un défi pour moi que de tenter cette aventure continentale." Le test picard n'est pas concluant, mais, bien décidé à percer, il poursuit la filière des DOM-TOM et contacte Yannick Goicoechea installé à Bordeaux : "Il m'a mis à l'essai durant deux mois, finalement, il a fallu un dépôt de bilan deux saisons plus tard, pour que je quitte Bordeaux contraint et forcé." Parti en Champagne, à Reims, sans tambour ni trompette, il s'impose tout d'abord individuellement avec deux trophées de meilleur joueur français du championnat (96, 97), puis collectivement en raflant en l'an 2000, son seul et unique titre national, détonateur d'une carrière internationale.

L'Allemagne puis la Suède

Ainsi, il dépose ses mitaines de l'autre côté du Rhin, à Augsbourg, plus précisément, ou l'expérience s'avère néanmoins décevante : "Le fait de partir à l'étranger me titillait depuis deux, voire trois ans mais l'envie de gagner un titre national avec Reims était plus forte que tout. Une fois cet objectif atteint, plus rien ne me retenait dans l'Hexagone. Toutefois, le championnat allemand est hyper physique, trop même, cela gâche le plaisir." Il tire néanmoins son épingle du jeu puisque dès la saison suivante, repéré par quelques vikings avisés, il devient le premier hockeyeur français à évoluer en Suède, pays traditionnel du hockey. Encore sous le charme, il relate passionnément cette fabuleuse aventure : "Ce fut une expérience sportive et familiale fantastique. Evidemment, je n'avais pas le même rôle qu'ici, c'était très dur notamment physiquement car je n'ai plus mes jambes de vingt ans, mais, évoluer devant 5000 personnes c'est tout bonnement extraordinaire." Puis, il poursuit : "Au-delà du spectacle, ils ont une optique de travail très intéressante, radicalement différente de celle que j'avais pu connaître jusqu'à présent. A 16 ans, on vous demande la même rigueur qu'à un senior, ce qui génère une énorme émulation et un sérieux à toute épreuve. En revanche, en France, à 20 ans, après dix ans d'amusement, on vous dit du jour au lendemain, tiens tu vas faire ça, maintenant, tu vas jouer avec les seniors, la transition est beaucoup plus ardue. De plus, dans chaque club suédois, on décide de faire tel type de joueur, peut-être devrait-on essayer de créer une école semblable en France, mais pour cela on se doit d'avoir un bassin de joueurs suffisant, ce qui n'est pas le cas actuellement."

De retour de son idylle merveilleuse, il signe à Rouen pour le plus grand bien du hockey français en pleine mutation, affirmant au passage à qui veut bien l'entendre qu'il s'agit là de son dernier port d'attache : "Je souhaite user mes patins encore trois ans. Pour moi, le plus important était de privilégier ma reconversion, ce que les Dragons ont su m'offrir. Ici, je peux concilier le hockey, mon boulot et ma famille." Un équilibre parfait pour ce titan de la glace.

 

Sa carrière sous le maillot tricolore

Depuis une douzaine d'années, Arnaud Briand est de toutes les missions de l'équipe de France, exception faite de trois championnats du monde (1992, 1995, 2001), blessures obligent : "C'est vrai que j'ai manqué d'importantes échéances dont la plus regrettable étant probablement celle de 1995 puisqu'à ce moment-là, j'étais en super forme. Toutefois, cela n'a pas empêché la France d'accéder aux quarts de finale. C'est peut-être le destin."

Ce même destin qui l'a conduit en 1990 pour la première fois à revêtir la tunique bleue dans les Balkans, un souvenir qui restera à jamais gravé dans la mémoire du champion : "C'était lors des championnats du monde de Ljubljana, deux mois avant que la guerre n'éclate. L'accueil des supporters fut génial. On a eu droit à une fête formidable, inoubliable humainement et sportivement puisque nous avions terminé troisièmes ce qui nous permettait de revenir parmi l'élite mondiale."

Albertville, une étoile filante

Cette montée en puissance du hockey français se concrétisant un peu plus, seulement deux années plus tard, grâce à l'extraordinaire chapitre olympique albertvillois : "Arriver en quarts de finale face aux Américains, c'était inespéré. On croyait avoir lancé le hockey malheureusement deux mois plus tard, on s'est vite aperçu que nous nous étions trompés. Durant huit années, de 1991 à 1999, ce fut l'épopée d'un groupe remarquable. Ensemble, sous le maillot de l'équipe de France, pas grand-chose ne pouvait nous arrêter. C'était du solide. Pour qu'un joueur intègre la sélection, il fallait vraiment qu'il se surpasse. D'ailleurs, uniquement quatre ou cinq éléments y sont arrivés durant cette période, c'était aussi ça notre force. Avec nos moyens, j'estime que nous avons fait de très très bonnes choses, on a montré l'exemple".

De mondiaux (neuf au total) en olympiades (quatre en tout), du haut de ces 90 sélections officielles (270 au total), ces dernières années, le néo-rouennais a ajouté une nouvelle carte à son jeu devenant un des tous meilleurs buteurs de l'histoire de la sélection tricolore avec une trentaine de buts à son actif. Elu pour la première fois de l'histoire, capitaine des Bleus, Arnaud Briand fait l'unanimité : "A l'époque, Jean-Philippe Lemoine venait de céder son brassard, Stéphane Sabourin qui arrivait au poste d'entraîneur pour les qualifications de 99 (groupe A) a alors décrété de laisser les joueurs libres de leur choix concernant le capitanat de l'équipe. Je représentais le juste milieu entre deux âges, les anciens tels que les Bozon, Perez et les nouveaux tel que Zwickel. J'étais le relais idéal en quelque sorte."

Souvent dans l'ombre des stars Bozon et Pouget avec lesquels à ses débuts il partageait la première ligne de l'équipe de France, Arnaud Briand patine désormais sur la même trajectoire mythique.

Jérôme Roblot

 

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