Sélection naturelle

 

Article de l'Est Républicain (3 février 2003).

Curieuse épidémie. L'annonce, concomitante, de la démission des présidents des clubs bisontins de handball et de hockey, a jeté comme un froid vendredi. Car lorsque les dirigeants abandonnent ainsi le navire, au beau milieu de la saison, quand les coulisses municipales bruissent de l'écho des difficultés financières des uns et des autres, le terme de la course se nomme souvent désastre.

En attendant de connaître l'argumentaire de Jean-Pierre Brulebois, auquel un an et demi de présidence au BHC aura suffi pour muer une passion neuve en nouvelle lassitude, le cas de l'ESB n'est du reste pas fait pour nourrir l'optimisme. Le renoncement de Guy Clady, plus tapageur que le retrait du chef des Séquanes, a pris des allures de baroud d'honneur, sabre au clair, et "c'est une belle journée pour mourir..."

Saluons le panache. Mais restons prudents devant la dialectique exposée par l'ex-président d'un club dont on ne pensait pas qu'il pût se plaindre un jour des subventions publiques reçues. Avec les deux-tiers de son budget couvert par les deniers des collectivités, prétendre qu'il aurait encore fallu indexer depuis 1996, sur la base de 5 % l'an (plus de deux fois l'évolution du coût de la vie), le montant de la manne reçue, c'est un peu forcer le trait. N'est-ce pas Vincent Fuster, un des prédécesseurs de Guy Clady à l'ESB, qui disait : "Pour assurer son avenir, un club doit appliquer la règle des tiers : un tiers de subventions, un tiers de sponsoring, un tiers de recettes spectateurs".

L'ESB, qui affiche aujourd'hui un déficit de plus de 90.000 euros, pourra aussi méditer ce vieux principe de sagesse béarnaise qu'aimait à rappeler le regretté pilier international Robert Paparemborde : "Le premier sou qu'on gagne, c'est celui qu'on ne dépense pas".

Puisqu'il vaut toujours mieux apprendre à creuser un puits que demander de l'eau, la demande répétée de Guy Clady de disposer aux Montboucons d'un accueil "VIP" pour développer la part du sponsoring a paru autrement légitime. Mais elle ne suffit pas à faire l'économie d'une question difficile et essentielle : Besançon et son agglomération sont-elles de taille à offrir à leurs clubs de haut niveau la surface nécessaire en partenaires privés ?

Football, basket, handball féminin et masculin, hockey et même volley, pour ne parler que des sports collectifs, ne peuvent en effet envisager leur devenir autrement que dans cette démarche, fixée par le législateur, qui leur impose de ne plus avoir pour seul recours le financement public. Mais à ce jeu, forcément très concurrentiel, tout le monde pourra-t-il survivre ? Depuis Darwin, on sait malheureusement que le moteur de l'évolution des espèces demeure la sélection naturelle...

François Ruffin

 

Retour aux articles de février 2003