Le surdoué des Carpates

 

Article du Bien Public de Dijon (7 mars 2003).

Sans surprise, les Rouennais se sont imposés en patron dans la capitale des Ducs (11-4) à l'issue d'une partie qu'ils ont contrôlé de bout en bout malgré une méritoire résistance des hommes de Daniel Maric. Le plus fort a gagné tout simplement.

Nom : Pazak. Prénom : Miroslav. Slovaque de son état, ce hockeyeur fait littéralement tourner en bourrique toutes les défenses françaises depuis bientôt quatre saisons. Demain soir lors de la réception de Brest (20 h 30), il sera encore l'atout majeur de l'équipe dijonnaise.

Pourtant, cette brillante carrière n'a tenu qu'à un fil, plutôt à un regard, celui attendrissant de sa grand-mère : "C'est grâce à elle qu'à Kosice, ma ville natale, j'ai chaussé ma première paire de patins à l'âge de six ans. Elle en avait marre de me voir scotché à la télé devant les matches de hockey !"

Très technique, doté d'une main exceptionnelle, il effectue une première apparition en élite slovaque à Kosice dès 18 ans aux côtés des Zednik, Visnovsky, Bondra, trois grosses pointures actuelles de la NHL. Derrière, les sélections se succèdent : "Je garde un souvenir particulier d'un championnat du monde disputé à Rouen avec les moins de 20 ans. Nous avions terminé deuxièmes pour accéder au groupe A, c'était vraiment extraordinaire !"

Le retour sur terre est brutal. À 21 ans, un terrible accident de voiture vient stopper son évolution : "Je suis resté sur le carreau durant six mois. Je me suis accroché comme un dingue car la concurrence était vraiment sévère."

Un autre monde

À la fin de la saison des désaccords financiers poussent le virtuose vers d'autres horizons : "Seul, c'était la première fois de ma vie que je quittais mon pays. Je connaissais Juraj Faith qui était déjà à Mulhouse, j'ai tout naturellement débarqué en France. Toutefois, en Alsace, il y avait déjà pas mal de compatriotes, j'ai donc cherché ailleurs. De fil en aiguille, j'ai accepté la proposition de Dijon."

D'entrée, son talent éblouit le CPHD alors dans le ventre mou de la D1. Même si son intégration est compliquée, ses statistiques sont édifiantes (24 buts et 16 assistances pour 28 matches) : "J'étais habitué à autre chose. Chez moi à Kosice, on avait deux chefs du matériel, le club nous payait le restaurant. C'était un autre monde." Sa réussite interpelle Mulhouse et enrôle le petit génie quelques mois plus tard pour, curieusement, le priver de temps de glace : "Eriksson ne m'a que rarement fait confiance. Ce fut vraiment une très mauvaise expérience."

Le retour à Dijon s'impose de lui-même, pour le plus grand bonheur des Ducs qui termineront vice-champions de France de N1 (battus en finale par Villard 1-5, 2-5) : "Je ne m'attendais pas à une telle réussite. En revanche, après avoir éliminé Nantes et Epinal, j'étais pourtant persuadé que rien ne pouvait nous arrêter. Je pensais que nous allions gagner, ce fut une déception." Durant cette demi-saison, il truste la première place des réalisateurs du championnat, malgré un handicap de départ de sept rencontres, avec 54 points dont 25 buts en 25 matches.

Chouchou du public

Pièce maîtresse sur la glace, il le devient alors en dehors, se mettant enfin au service du collectif : "Lors de ma première année, je prenais mes marques. Je ne me rendais pas trop compte de la situation, je voulais imposer en France ce que je faisais auparavant en Slovaquie. L'échec à Mulhouse m'a en quelque sorte transfiguré. J'avais envie de prouver, à Eriksson notamment, que j'étais un bon joueur. Je remercie le club de Dijon de m'avoir permis de concrétiser cet objectif."

Aujourd'hui, de nombreux spécialistes le classent parmi les cinq meilleurs étrangers de la Coupe Magnus (16 buts pour 24 assistances en 25 rencontres). Il est devenu le chouchou du public bourguignon : "Ça me fait plaisir mais je ne pense pas être le seul." Même si Daniel Maric dit de lui : "Il fait partie de la famille", il n'oublie pas qu'un jour ou l'autre viendra l'inéluctable temps de la rupture : "Ce que je veux, c'est continuer à gravir les échelons. Je serais ravi que ce soit à Dijon mais ma préférence va à Kosice ou j'espère rejouer afin de reconquérir un nouveau titre." En tout cas, ce 10 est un sacré numéro.

Jérôme Roblot (avec l'aimable collaboration de Franta Neckar)

 

Blessure. - Sergueï Chesterikov, ancien joueur emblématique du CPHD, actuellement à Amnéville en D1, était dans les tribunes de la patinoire municipale lors de la venue de Rouen. La saison du Russe est terminée puisqu'il souffre d'une pubalgie.

Contrat. - Le portier dijonnais Franta Neckar a signé une année supplémentaire au CPHD Hockey Club.

 

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