Claude Maurice : "Pas candidat pour monter sur l'échafaud"

 

Article de la Liberté de l'Est (11 mars 2003).

Alors que les hockeyeurs spinaliens se trouvent en position idéale pour rejoindre l'élite du hockey sur glace français, Claude Maurice réaffirme sa volonté de ne pas reproduire les erreurs du passé. Le président de l'ICE pose même ses conditions à une éventuelle accession...

- Claude Maurice, avez-vous fait un grand pas vers le titre en vous imposant samedi face à Nice (4-2) ?

"Un pas de plus plutôt. Il ne nous reste qu'un adversaire direct, le Mont-Blanc, que nous aurons l'avantage de recevoir. Si nous avons la chance d'avoir notre destin entre les mains, l'histoire a souvent démontré que rien n'est encore fait."

- Après une première phase bien moyenne, pensiez-vous parvenir à un tel résultat ?

"Honnêtement non. Je nous pensais capable de monter sur le podium. Cela n'aurait d'ailleurs pas été normal de ne pas y être. En revanche, je croyais que nous serions à la lutte avec Strasbourg. Et pour tout dire, j'avais plutôt un pressentiment négatif."

- Si vous remportez le titre, allez-vous accepter la montée au sein de l'Élite ?

"Dans la situation actuelle, nous ne sommes pas candidats pour monter sur l'échafaud. D'ailleurs, il n'existe pas beaucoup de volontaires puisque Strasbourg et Nice refuseraient eux aussi d'accéder à l'Élite. La situation est claire : nous ne monterons pas si la Fédération ne fait pas des concessions non négligeables. Nous ne voulons pas dire non pour dire non mais simplement nous montrer raisonnables. Je vais faire des propositions et défendre nos idées. Si elles ne sont pas entendues, nous ne nous engagerons pas dans une montée suicide."

- Quelles seront ces propositions ?

"D'abord des poules géographiques pour favoriser les derbys et limiter les coûts. Nous sommes au téléscopage des mondes professionnel et amateur. Mises à part certaines exceptions, comment voulez-vous que nos joueurs, qui ont pour la plupart un travail ou sont étudiants, puissent se libérer pour disputer des rencontres en semaine ? Je nous vois croiser le fer avec des autres clubs de l'Est, c'est à dire Mulhouse, Dijon et Strasbourg, sur le modèle d'un championnat américain. Mais surtout il faudra que les clubs réduisent enfin la voilure et que le hockey sur glace français finisse par ne plus vivre au-dessus de ses moyens."

- Un éventuel titre ne sera donc pas un élément déterminant dans votre réflexion ?

"Vous savez, je n'oublie pas les responsabilités que nous avons par rapport aux Spinaliens, nous n'avons pas le droit de gaspiller l'argent public. Nous n'oublions pas non plus le devoir d'animation dans la ville que nous pouvons avoir le samedi soir. Actuellement, je crois que l'on peut parler de retour sur investissement. Nous n'oublions pas également nos partenaires qui ont besoin d'une patinoire bien remplie pour continuer à nous suivre, ni les banques et nos ex-créanciers qui nous ont fait confiance. Enfin et c'est peut-être le plus important, nous n'oublions pas les neuf Spinaliens qui font actuellement partie de l'effectif et qui, dans un autre contexte, pourraient jouer un rôle mineur. Les gamins du club ont besoin de pouvoir s'y identifier. Vous savez, cela fait sept ans que je suis dans le souci, que j'ai parfois du mal à dormir, que l'on se bat pour sortir le club de la zone rouge tout simplement parce que certaines personnes n'ont pas su dire non."

- N'existe-t-il pas un risque de lassitude parmi vos plus fidèles supporters ?

"C'est vrai mais la cinquantaine de passionnés qui aimeraient nous voir évoluer en Élite seraient les premiers à quitter la patinoire si nous prenions des raclées tous les samedis."

- Ne risquez-vous pas de vous trouver en porte-à-faux vis-à-vis de la Fédération ou plus simplement d'être sanctionné ?

"C'est vrai qu'un règlement existe mais je n'envisage pas une sanction. On ne veut pas jouer les donneurs de leçons, mais nous, nous pouvons regarder nos créanciers en face. On ne peut pas nous reprocher de ne pas avoir été un bon club ces dernières années. La Fédération n'a pas le droit d'être dure avec les clubs raisonnables et laxiste avec les clubs non raisonnables. Je ne demande pas qu'on fasse des règlements en fonction d'Épinal mais plutôt qu'on tienne compte d'Épinal."

- Le club a-t-il fini de rembourser ses dettes ?

"Pratiquement, le passé est derrière nous. Mais face à notre présent, nous devons constituer des réserves."

- Votre budget actuel ne vous permettrait-il pas d'évoluer en Élite ?

"La Fédération a effectué une synthèse complète sur les clubs. Nous sommes dans le premier tiers en D1 mais nous serions le dernier club dans le Super16. Il nous manquerait environ 150 000 euros. Ce n'est pas dans la situation économique actuelle que nous allons pouvoir solliciter beaucoup plus nos partenaires. Soit la Fédération nous trouve des moyens supplémentaires, soit elle se porte caution..."

- L'élite actuelle ne vous semble donc pas viable ?

"Les faits me donnent raison. Un club a déjà déposé le bilan (Besançon). Je sais qu'il existe quatre ou cinq autres clubs qui sont sous respiration artificielle. Il n'y a pas besoin d'être un expert en comptabilité pour se rendre compte que certains présidents n'ont pas les pieds sur terre."

- L'avenir est-il si sombre ?

"Le hockey connaît beaucoup de succès au Canada, aux États-Unis, en Allemagne ou en Suisse. il n'existe aucune raison pour que cela ne soit pas le cas en France. J'y crois fermement. Mais la priorité est de raisonner avec une seule question : "Comment remplir les patinoires ?" Si c'est le cas, les télévisions et plus généralement les médias seront au rendez-vous. Les sponsors suivront naturellement. Ensuite, tout le monde pourra rehausser le curseur. Mais en attendant, notre devoir est d'être responsable."

Propos recueillis par C.C.

 

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