Russie 2004/05 : présentation

 

Les présidents des clubs russes ont encore affirmé leur côté girouette. Après avoir plaidé il n'y a pas si longtemps pour le rétrécissement de la Superliga pour accroître sa compétitivité, les mêmes ont demandé son élargissement pour ne pas perdre des bastions du hockey. Une fois encore, c'est donc avec une majorité "poutinienne" qu'un nouveau virage a été pris : faire de l'élite russe une ligue semi-fermée pour trois saisons. Le "semi" signifie qu'il pourra y avoir deux promus par saison, pour peu que les clubs remplissent les critères, mais qu'il n'y aura pas de relégués. Cette méthode où "tout le monde il est content" a permis de recueillir l'adhésion générale des clubs de Superliga et de Vysshaya Liga, puisque seuls trois d'entre eux ont voté contre : Yaroslavl, Kazan et Voronezh.

Les objectifs annoncés de cette mesure sont d'enrayer l'escalade des salaires et de permettre aux clubs de pouvoir travailler à long terme en intégrant des jeunes afin de remédier au dangereux vieillissement du championnat. Malheureusement, il n'est pas sûr que ces deux problèmes soient résolus aussi facilement. L'inflation salariale n'a pas été causée par les petites équipes, celles qui pourraient être menacées de relégation, mais par les clubs les plus riches, et elle ne s'est aucunement calmée à l'intersaison, au contraire. Quant à faire confiance aux jeunes, cela n'a jamais été vraiment dans la culture du hockey russe, où le novice se devait d'être discret et d'apprendre humblement au contact de ses aînés. Cette philosophie est en décalage avec la perspective de l'argent facile qui tourne parfois les jeunes têtes. L'Amérique du nord risque encore de faire figure d'Eldorado pour quelque temps encore, et encore ne parle-t-on pas des adolescents qui se détournent vers les filles ou la drogue avant même de confirmer leur statut de proto-vedette. Sur les talentueux espoirs russes, le déchet est très important à l'heure de franchir le cap en seniors, il suffit de voir ce que (ne) sont (pas) devenus beaucoup d'anciens internationaux juniors, et seul le poids du nombre masque en partie cet état de fait inquiétant pour le hockey russe.

Le travail à long terme n'est pas pour demain. On a même battu un record de précocité. Le championnat est à peine commencé et le Sibir Novosibirsk a déjà licencié son entraîneur après seulement quatre journées. La pression du résultat immédiat ne s'est pas démentie et est plus forte que jamais. Le nombre de joueurs qui obtiennent des salaires déraisonnables pour rester pendant un temps que nul ne connaît durant le lock-out - la cessation d'activité en raison d'un désaccord salarial entre joueurs et propriétaires en NHL - le prouve. Il n'y a guère que les promus qui soient soulagés de l'absence de relégation car ils auraient eu bien du mal à se maintenir.

 

 

Le Dynamo Moscou a reçu beaucoup de critiques pendant l'intersaison pour avoir boudé certains de ses anciens joueurs qui revenaient en Russie, et les dirigeants les ont assez mal prises. Ils ont rappelé qu'ils avaient l'embarras du choix, et qu'ils ont appliqué une politique, celle de prendre "seulement" une ligne complète de joueurs NHL, afin de ne pas trop bouleverser l'effectif si le lock-out se termine dans la ligue nord-américaine. Ce bloc sera finalement composé des défenseurs Andreï Markov (Montréal) et Maksim Kuznetsov (Los Angeles) ainsi que des attaquants Maksim Afinogenov (Buffalo), Pavel Datsyuk (Detroit) et Artem Chubarov (Vancouver). De ces cinq-là, seul Datsyuk n'est pas du Dynamo, il est venu pour l'entraîneur Vladimir Krikunov qui lui avait fait faire ses premiers pas en seniors à Ekaterinbourg. Les mécontents n'avaient pas forcément mieux leur place que ceux-là, et ils n'ont eux-mêmes pas toujours été très clairs avec leur ancien club.

Mais est-ce que cela n'a pas été réciproque, car il s'est beaucoup dit que les propos peu amènes d'Andreï Nikolishin envers le Dynamo lui ont valu son retrait de la sélection nationale pour la coupe du monde, sachant que toutes les ficelles de la Sbornaïa sont tirées par des "Dynamistes" (le sélectionneur Bilyaletdinov, le manager Tuzik, le président de la fédération Steblin, etc) ? Il ne faut pas oublier que Nikolishin et Korolev, ceux qui se sont plaint le plus ouvertement de n'avoir reçu aucune proposition, étaient en fin de contrat et prêts à signer une saison entière, pas comme quatre des cinq engagés (Kuznetsov a signé un vrai contrat) qui risquent de repartir à tout moment en fonction de la situation outre-Atlantique. Le Dynamo risque alors un sévère retour de bâton, surtout qu'il est toujours possible que l'international slovaque Lubos Bartecko ou le prodige Aleksandr Ovechkin signent alors à leur tour un contrat nord-américain.

Le Dynamo, qui compte au total quatorze anciens joueurs de NHL dans ses rangs, s'est-il un peu trop rendu dépendant ? Pas forcément. Il est le favori n°1 tant que dure le lock-out, mais est également un très sérieux prétendant au titre sans cela. Il a très bien commencé le championnat sans tous ces renforts, retenus par leurs sélections nationales pendant la coupe du monde, et s'est appuyé pour cela une défense de fer. Les deux premiers héros inattendus sont donc les deux gardiens aux noms si semblables, Eremeïev et Eremenko, qui se surnomment "pair" et "impair" selon le numéro des journées où ils sont titulaires. Pour la longue saison qui s'annonce, le Dynamo a en effet choisi l'alternance parfaite entre ses portiers. Mais s'il paraît que la tactique ultra-défensive gagne les championnats (le dicton ne s'est pas vérifié l'an passé), elle ne gagne pas les cśurs. Or, si le Dynamo fait tant parler de lui, au point que son recrutement est si discuté, au point que la possibilité de la venue de Jaromár Jágr (il avait requis à lui seul le tiers de la masse salariale de l'équipe, et il est finalement rentré chez lui à Kladno après avoir constaté que les planches à billets russes n'étaient pas aussi productives que les américaines) a été autant commentée, c'est bien parce qu'il est le porte-drapeau du hockey dans une capitale qui a perdu goût pour ce sport. Pour faire revenir les spectateurs, vaut-il mieux la victoire ou l'art et la manière ? Comme le public moscovite est très exigent, il faut sans doute les deux. Et la reconquête de Moscou ne sera pas une mince affaire.

 

Cela fait plusieurs années que l'on ne parle que de ça. Le millième anniversaire de la ville de Kazan doit être couronné d'un titre de champion de Russie en 2005. Et il y a dans ce "doit" un impératif qui ne souffre aucune discussion. Aleksandr Guskov a rejoint l'AK Bars Kazan pour retrouver les excellentes relations qu'il avait à Yaroslavl avec Vladimir Vujtek, mais l'entraîneur tchèque n'évolue plus du tout dans les mêmes conditions. La pression étouffante n'a rien à voir avec la sérénité affichée autrefois au sein du Lokomotiv. Vujtek n'aura même pas son fils auprès de lui : il s'est rompu le tendon d'Achille au premier match amical, et comme il n'avait qu'un contrat d'essai d'un mois, il a dû aussitôt repartir en République Tchèque.

Évidemment, l'Ak Bars s'est renforcé pour cet objectif, mais sans verser dans les excès du Dynamo. On s'est refusé à faire signer un contrat simplement pour la durée du lock-out, sauf pour un joueur qui serait formé au club et qu'on accueillerait alors les bras ouverts... sachant qu'il n'y en a qu'un seul en NHL qui corresponde à la définition, le centre Denis Arkhipov (Nashville). La règle ne souffre d'aucune entorse... sauf pour un joueur vraiment exceptionnel, et c'est ainsi qu'Ilya Kovalchuk est la nouvelle grande attraction de Kazan. Il y retrouve son vieil ami Alekseï Morozov (venu de Pittsburgh en NHL) et son concitoyen Denis Denisov, né comme lui à Tver. La liste des recrues de haut niveau comprend aussi Tomáš Vlasák, dont le temps de jeu avait décliné en fin de saison dernière à Omsk, mais qui a retrouvé la sélection tchèque maintenant que Lener n'en est plus entraîneur, et le gardien canadien Fred Brathwaite (Columbus, NHL), le premier hockeyeur noir à évoluer en Russie. Son adaptation a intérêt à être rapide, comme pour les autres, car il n'existe aucune alternative cette année au Tatarstan. La victoire est l'unique possibilité.

 

Le champion en titre, l'Avangard Omsk, a décidé de ne pas succomber à la mode des joueurs de NHL. Il n'en a recruté aucun et a effectué un recrutement très national, dont les vedettes sont le centre Andreï Razin (CSKA), l'arrière Sergueï Gusev (Severstal) et le défenseur-démolisseur Aleksandr Yudin (SKA). Même l'habituelle colonie tchèque a complètement disparu. Les trois étrangers sont pour l'instant confinés à des rôles mineurs. Il s'agit du gardien suisse Pauli Jaks, qui est la doublure de Sokolov, et des attaquants Alekseï Kalyuzhny (Belarus) et Konstantin Pushkarev (Kazakhstan). Les joueurs des pays voisins sont en effet à nouveau considérés comme étrangers cette saison, et on craignait qu'ils disparaissent complètement de Superliga au vu de la concurrence, mais ce n'est donc pas encore le cas.

Compte tenu de cette politique très distinctive, l'Avangard sera plus que jamais le fournisseur principal de l'équipe nationale. Cela n'est pas sans poser des problèmes. En effet, c'est la rançon d'un calendrier infernal de soixante journées, le championnat russe a dû commencer dès le 1er septembre, alors que la coupe du monde se déroulait en parallèle. Certes cette compétition organisée par la NHL incite à utiliser des joueurs connus en Amérique du nord, mais la Superliga est néanmoins le seul championnat européen qui ait fait ce choix. Or, alors que les autres clubs avaient tout au plus un sélectionné un équipe nationale (les recrues provisoires ne comptent pas car elles ne pouvaient pas jouer avant le 15 septembre, tant que le lock-out n'avait pas été prononcé), Omsk en avait trois. L'entraîneur Valeri Belousov a alors cherché et obtenu un compromis avec le sélectionneur Bilyaletdinov en libérant le gardien Maksim Sokolov et le défenseur Oleg Tverdovsky, mais en gardant au moins avec lui l'attaquant Maksim Sushinsky. C'est que ce début de championnat est un cap difficile pour l'Avangard, comme l'an passé, mais qu'il a bien l'intention de rejouer la fable du lièvre et de la tortue à ses adversaires qui cavalent dans tous les sens.

 

Que les Allemands profitent bien de la tendance actuelle à l'offensive chez la plupart des équipes de DEL, ça pourrait ne pas durer. Piotr Vorobiev a en effet profité de la Coupe Lada, tournoi amical joué à Augsbourg, pour faire savoir qu'il avait l'intention de revenir entraîner en Allemagne d'ici un ou deux ans. Les pauvres ne savent pas ce qui les attend, car à l'époque où il entraînait Francfort, il n'avait pas encore élaboré aussi le système défensif extrême qui fait aujourd'hui le bonheur du Lada Togliatti et le malheur des spectateurs. Un système qui a pour objectif cette année d'atteindre enfin la finale.

Le Lada n'était initialement pas très chaud pour signer des contrats temporaires, préférant que les joueurs s'engagent pour l'année comme c'est le cas d'Ivan Novoseltsev (25 ans, ex-Phoenix, formé aux Krylia Sovietov). Mais, se fiant aux bruits nord-américains qui semblent indiquer que le lock-out durerait toute la saison, il a infléchi sa position. Les deux premières recrues ont été des joueurs formés à Togliatti. Viktor Kozlov et Aleksandr Semin savent à quoi s'attendre avec Vorobiev. Le premier avait été champion de Russie sous ses ordres avec le Dynamo Moscou en 1993, et le second a encore un contrat en cours avec le Lada qui n'a quitté que l'an dernier. Ensuite, on s'est attaché les services de Dainius Zubrus, pour l'instant blessé. Le Lituanien comptera bien sûr comme étranger, même s'il a été autorisé à jouer pour la Russie à la coupe du monde parce que vu d'Amérique "tout ça c'est pareil" - pas sûr que les Baltes voient les choses ainsi. Il ne restait plus qu'un point faible à Togliatti, le poste de gardien. Cela paraît en soi une bonne blague puisqu'il se dit que n'importe qui peut tenir ce rôle derrière une pareille défense. Mais vu que les adversaires se sont tous sérieusement renforcés dans les cages, le retour de Maksim Mikhaïlovsky, après une saison presque sans jouer au CSKA, ne représente pas une assurance tous risques. On a donc profité du lock-out pour s'adjuger les services du gardien finlandais Jussi Markkanen, dont le point fort est l'excellent positionnement sur le premier tir. Avec un système de jeu qui réserve peu de surprises, c'est exactement le genre de gardien qui peut encore ajouter de la colle au verrou du Lada. Courage aux adversaires...

Mais le joueur le plus à suivre ne figure pas au tableau des transferts : c'est le jeune Igor Grigorenko, qui retrouve peu à peu ses moyens un an après son accident de voiture. En plus, il a assuré que désormais il ne dépassait plus les 80km/h au volant, on peut donc lui faire confiance pour relancer sa carrière.

 

Une ère s'achève au Metallurg Magnitogorsk, avec le départ de joueurs qui ont été les symboles des titres de champions d'Europe, les frères Koreshkov bien sûr, mais aussi le vieillissant gardien ukrainien Igor Karpenko, qui poursuivra sa carrière au HK MVD Tver en deuxième division. Après l'intermède Maracle, c'est le petit gardien tchèque aux réflexes rapides comme l'éclair, Roman Málek, qui prendra place dans les cages. Mais, comme pour Karpenko, l'inconstance pourrait être son défaut, elle qui lui a déjà valu d'être échangé en pleine saison par le Slavia Prague l'an passé avant de prouver à nouveau sa valeur à Plzen.

C'est surtout au poste de centre que le rajeunissement est sensible. Magnitogorsk y dispose d'Evgueni Malkin (18 ans, n°2 de la dernière draft NHL derrière Ovechkin), Dmitri Pestunov (19 ans), Alekseï Kaïgorodov (21 ans), Andreï Nikitenko (25 ans) et Dmitri Makarov (21 ans). Voilà qui change complètement le visage d'une équipe autrefois vieillissante. Mais l'entraîneur tchèque Marek Sýkora a jugé qu'il manquait d'expérience à ce poste, et il a fait venir de NHL son homonyme Petr Sýkora pour la durée du lock-out. Sergueï Gonchar et Dmitri Kalinin, deux défenseurs formés au Traktor Chelyabinsk, reviendront également dans l'Oural pendant cette période, et ont choisi Magnitogorsk car leur club d'origine n'est pas encore remonté dans l'élite. Le très et parfois trop offensif Gonchar avait été initialement annoncé à Togliatti, mais il sera certainement plus à son aise dans le style du jeu du Metallurg. La qualité de la première passe de Kalinin en fait également un renfort agréable à voir jouer. Cependant, alors qu'il avait d'abord conclu un contrat d'un an avec Magnitogorsk, il a re-signé au dernier moment avec Buffalo et ne restera donc pas si la saison de NHL reprend.

 

Le Lokomotiv Yaroslavl. avait déjà été le premier club russe à engager un entraîneur tchèque (Vladimir Vujtek), il fait une nouvelle révolution en étant maintenant le premier à confier son équipe à un entraîneur finlandais. La nuance est plus importante qu'il n'y paraît de prime abord. Les entraîneurs tchèques ont tous appris le russe à l'école, c'était obligatoire à l'époque soviétique, et ils arrivent vite à se faire comprendre dans cette langue. Kari Heikkilä n'en parle pas un mot pour l'instant, et c'est forcément en anglais qu'il s'adressera aux joueurs. De quoi faire grincer quelques dents, imaginez les réactions si un entraîneur débarquait en NHL et parlait aux joueurs en russe (les entraîneurs russes ne parlent pas anglais, pas même Vladimir Yurzinov qui officie en Suisse et à qui on a mis trois Canadiens dans les pattes cette saison). Ah, une mauvaise langue me signale dans l'oreillette que c'est peut-être un avantage de ne pas comprendre ce que dit Tikhonov quand il vous engueule. Vu comme ça...

Pour redevenir sérieux, le Lokomotiv Yaroslavl s'affirme toujours comme le club le plus "occidental" du pays, mais Heikkilä prend aussi le risque de froisser quelques susceptibilités. Cette homme qui parle peu se conduit comme un monarque absolu vis-à-vis de ses joueurs. Ce n'est pas que ce soit bien nouveau en Russie, mais ce qui peut passer chez un vestige du vieux système soviétique sera peut-être moins bien accepté chez un étranger débarquant en terrain conquis. Il vait donc mieux qu'il n'y ait pas de stars capricieuses venues en vacances le temps du lock-out, mais des pros discrets et aux ordres. Le choix d'un quatuor d'étrangers assez anonyme reflète cette volonté, avec trois Canadiens d'AHL et le défenseur slovaque Martin Stepanek, qui obéissait déjà à Heikkilä l'an dernier au Kärpät Oulu, le club champion de Finlande. Le problème, c'est qu'il reste encore une star dans l'effectif : Andreï Kovalenko. Certes, elle ne brille plus autant qu'avant. Élu deux fois meilleur joueur du championnat à son retour en Russie, il est rentré dans le rang la saison dernière, comme tout le Lokomotiv, mais il a encore sa fierté. Lors de la pré-saison, apprenant qu'un entraînement avait été programmé à huit heures du matin, il a argumenté auprès de l'entraîneur pour lui expliquer que cet horaire n'était pas convenable. Il croyait avoir été entendu, avant d'apprendre que la séance avait été déplacée... à sept heures du matin. La sélection de Kovalenko à la coupe du monde (tardive, et uniquement intervenue en remplacement de Sushinsky) a différé le problème puisque le début de saison s'est fait sans lui, mais la crise qui couve entre l'entraîneur et le vétéran ne semble pas avoir d'autre solution à terme que le départ de l'un ou de l'autre.

 

Le Severstal Cherepovets a l'habitude de réussir une année sur deux. Si l'on en croit son bilan de la saison passée (treizième place en championnat et éjecté du podium en Coupe Continentale), celle à venir promet beaucoup. C'est seulement quand quelqu'un n'est plus à que l'on se rend compte combien il pouvait être indispensable. Cherepovets l'a appris l'an passé avec la démission de l'entraîneur Sergueï Mikhalev en novembre dernier qui n'avait fait qu'empirer les choses. On l'a donc accueilli à bras ouverts pour son retour. Cette fois, pas question de rater le recrutement. Quand le défenseur international Dmitri Yushkevich a été obligé de lancer un appel dans la presse en s'étonnant que personne ne veuille de lui, le Severstal l'a immédiatement contacté et il pourra poursuivre sa carrière là où il l'avait commencée.

Le trio d'étrangers sera entièrement tchèque avec l'attaquant Jan Caloun, le défenseur Aleš Píša et surtout le gardien Dušan Salfický. Il y aura aussi un joueur à l'occasion du lock-out, l'impressionnant gabarit d'Oleg Kvasha, qui peu évoluer à l'aile comme au centre et qui reste sur sa meilleure saison NHL aux New York Islanders (51 points). Il retrouve des joueurs qu'il connaît bien comme Sergueï Gimaev dont le père avait été son premier entraîneur. Le plus dur pour le Severstal sera de tenir la distance. On ne peut pas tout reposer sur Salficky sous peine de connaître la même mésaventure que le CSKA l'an passé, et la plupart des leaders ont passé la trentaine, notamment Vyacheslav Butsaïev (34 ans) et les doyens Kvartalnov et Torgaïev (38 ans). Mikhalev aime à le répéter comme ses collègues, la saison sera un marathon. Et Cherepovets espère qu'à l'arrivée, ses ambitions feront écho à celles des ténors plus fortunés. Comme Kazan, Omsk et Togliatti, la ville du nord-est de Moscou a en effet eu l'assurance de disposer bientôt d'une patinoire moderne, dont la Russie manque encore pour l'instant. Le gouverneur de la région de la Vologda a en effet décidé la création d'une nouvelle salle de 6000 places, soit le double du vieil Almaz actuel.

 

Le Metallurg Novokuznetsk a l'intention de continuer sur la lancée d'une étonnante saison qui l'avait vu atteindre les play-offs. Première étape, les recettes aux guichets, puisque les prix pratiqués lors des quarts de finale seront reconduits... pour la saison régulière. C'est que le Metallurg veut augmenter son budget, qui s'approche maintenant des dix millions de dollars, à la fois pour pouvoir rivaliser et pour se préparer à se construire lui aussi une patinoire un peu plus moderne.

La continuité est de mise puisque tous les cadres de l'an dernier ont été conservés. La seule exception est l'attaquant Dmitri Pankov, parce que, maintenant que les ressortissants du Bélarus sont de nouveau considérés comme étrangers, il aurait sans doute été surnuméraire. Son remplaçant Fedor Polishchuk, originaire du Kazakhstan, risque d'ailleurs le même sort. Novokuznetsk fonde surtout espoir en ses jeunes joueurs, pour qu'ils suivent l'exemple d'Alekseï Medvedev l'an passé. Arrivé de Tioumen en division inférieure, ce joueur de 22 ans était devenu le meilleur buteur du club. Le Metallurg aussi a néanmoins trouvé la place pour une recrue le temps du lock-out, Andreï Nazarov, qui en dix ans de carrière en NHL a gagné le surnom de "Nazinator". On le comprend, cet attaquant de 1,96 m et 108 kg ne fait pas dans la dentelle, et il détone franchement au sein d'une équipe très technique, où l'on assure pourtant ne pas l'avoir choisi pour faire office de "goon".

 

"Un pour tous, tous pour un". Le francophone Vyacheslav Bykov a choisi la devise des mousquetaires pour illustrer la nouvelle philosophie du CSKA Moscou. La saison dernière, c'était plutôt "Salficky pour tous, tous pour Tikhonov". Lorsque Bykov a succédé à son ancien entraîneur à la tête du club militaire, il a d'ailleurs vite compris que Dusan Salficky en était un maillon essentiel. Mais il était trop tard, le Tchèque avait déjà signé avec le Severstal. La priorité était de trouver un gardien de la même trempe, et le CSKA a assuré ses arrières en recrutant à la fois Aleksandr Fomichev, révélation de la saison dernière à Novosibirsk, et Jiri Trvaj, qui a eu le temps de prendre confiance en accumulant les blanchissages en une demi-saison à Togliatti. L'autre départ marquant, c'était celui du maître passeur Andreï Razin, mais celui-ci aussi a été plus que compensé par l'arrivée en provenance directe de NHL du centre Andreï Nikolishin.

Le CSKA a donc un effectif de base au moins aussi fort que l'an dernier. Et puis, il y a la cerise sur le gâteau avec l'arrivée de trois joueurs de NHL le temps du lock-out : Oleg Saprykin, finaliste de la Coupe Stanley avec Calgary, Aleksandr Frolov et, surprise entre les surprises, Nikolaï Zherdev. Oui, le joueur qualifié de déserteur dont le CSKA avait essayé d'empêcher le départ impromptu en NHL au cours de la saison dernière en portant un recours - perdu - jusqu'à la fédération internationale ! En fait, il s'avère a posteriori que l'unique raison qui avait poussé Zherdev à fuir Moscou se nommait bel et bien Tikhonov (père et fils). Son retour aujourd'hui dans les bonnes grâces du club prouve que Viktor Tikhonov est désormais complètement hors circuit. Il traîne toujours au CSKA comme conseiller, de même qu'en sélection nationale où il fait toujours partie du staff (il observait les éventuels adversaires lors des matches du groupe européen à la coupe du monde pendant que l'équipe de Russie jouait en Amérique), mais son temps au contact direct des joueurs est sans doute définitivement terminé. C'est un nouveau CSKA qui arrive. Son effectif extrêmement jeune et inexpérimenté n'est sans doute d'ailleurs pas pour déplaire au jeune entraîneur Bykov, qui respecte Tikhonov mais a des méthodes de management bien plus humaines et saura parler à ses joueurs. Derrière les gros clubs, se faire une petite place en play-offs sera néanmoins toujours aussi difficile.

 

Neuvième l'an passé, le Salavat Yulaev Ufa est bien placé pour savoir que la concurrence est rude pour l'accession aux play-offs, et qu'elle devrait l'être encore plus. L'entraîneur Rafael Ishmatov devra donc être occupé à plein à sa tâche, et il a pour cela démissionné de son poste d'entraîneur national junior. Le calendrier du championnat ne lui laisserait pas le loisir de cumuler les deux car il se chevauche avec les tournois internationaux (et après on se demande pourquoi les clubs russes n'alignent pas plus de jeunes...). Les étrangers sont toujours des vétérans de pays de l'ex-URSS : le gardien Sergejs Naumovs remplace son collègue ukrainien Konstantin Simchuk et rejoint son collègue défenseur Tribuncovs, alors que l'attaquant biélorusse Dmitri Pankov remplace son compatriote Andreï Skabelka.

La stratégie des représentants de la République de Bashkirie consiste surtout à ramener au bercail les anciens joueurs du club qui s'étaient égarés au Tatarstan voisin : les défenseurs Nikolaï Tsulygin - qui sera le nouveau capitaine et Andreï Yakhanov (Neftekhimik Nijnekamsk) et les attaquants Ruslan Nurtdinov (Ak Bars Kazan) et Askhat Rakhmatullin (Neftyanik Almetievsk). On a aussi tenter de rapatrier le plus célèbre joueur bashkire de l'histoire, Aleksandr Semak, en lui proposant de préparer sa reconversion par un poste d'entraîneur-joueur, mais cela n'a pas marché. Qu'importe, le lock-out permet d'accueillir l'unique joueur né à Ufa qui évolue encore actuellement en NHL, le défenseur Andreï Zyuzin (Minnesota), en espérant qu'il puisse servir d'exemple aux jeunes.

 

"Notre club n'a pas les moyens de certains clubs de Superliga, dont un seul joueur coûte presque autant que toute notre équipe", c'est Vsevolod Yelfimov, l'entraîneur du Neftekhimik Nijnekamsk, qui le dit. Dans ces conditions, on comprend que la question d'inviter ou non des joueurs libérés par le lock-out ne se pose même pas. Pourtant, le club a bien engagé un ancien joueur de NHL à l'intersaison ! Oui, le défenseur Vladimir Chebaturkin y a joué un total de 62 matches (9 points) avec les New York Islanders, Saint-Louis et Chicago. Ceci dit, les 5 petits points qu'il a inscrit l'an dernier dans l'autre club tatar Ak Bars Kazan montrent bien qu'il ne sauvera pas l'équipe.

Le salut de Nijnekamsk passera comme toujours par le travail et la discipline. Il faut que tout le monde se fonde dans l'unité, y compris les recrues étrangères, le vieux défenseur tchèque Jaroslav Nedved, engagé pour deux ans, et le jeune attaquant slovaque Roman Kukumberg, dont on espère qu'ils connaîtront la même réussite que le Finlandais Tero Lehterä, prolongé. Avec un collectif soudé, avec des supporters et des jeunes joueurs qui s'identifient aux cadres de l'équipe, le Neftekhimik a accédé aux play-offs l'an passé, ce serait un incroyable pied de nez qu'il y parvienne à nouveau.

 

"J'ai le couteau sous la gorge", voilà ce qu'a déclaré aux journalistes allemands Jan Benda, désolé de ne pas pouvoir rejoindre l'équipe d'Allemagne malgré les efforts de sa fédération pour insister auprès du Khimik Voskresensk. Comme la coupe du monde n'est pas une compétition internationale officielle, son club n'avait pas l'obligation de le libérer, et il n'en avait pas l'intention non plus. Il ne s'est donc pas mieux conduit envers son joueur que les franchises de NHL vis-à-vis des Slovaques et Lettons lors des derniers JO. Il a exercé un chantage à l'emploi en signifiant à Benda que, s'il partait, le lock-out rendrait aisé de lui retrouver un remplaçant avant son retour. Qui a dit que la (semi-)fermeture de la ligue rendrait les clubs plus souples et moins acharnés du bénéfice à très court terme ?

Restons-en là avec les dirigeants du Khimik et intéressons-nous plutôt à son nouvel entraîneur. Comme Bykov au CSKA, Vladimir Yurzinov jr fait partie d'une nouvelle vague qui appris le métier à l'étranger et qui revient en Russie avec des méthodes modernes et une vision différente du rôle d'entraîneur. Il aura encore à disposition les légendes locales Herman Titov et Valeri Kamensky, puisque ce dernier, qui avait au départ manifesté son intention de ne rejouer à Voskresensk que pour six mois, a été convaincu (sans avoir besoin de couteau) de prolonger le plaisir encore un an. Deux nouveaux joueurs ayant une grande expérience de la NHL arrivent aussi pendant le lock-out, Vyacheslav Kozlov, le double vainqueur de la Coupe Stanley formé lui aussi au Khimik, et Vitali Vishnevski, défenseur né en Ukraine et qui a fini comme d'autres par représenter la Russie. Outre Benda, les deux autres étrangers seront le gardien letton Peteris Skudra et l'attaquant tchèque Vladimir Machulda. Celui-ci, un des aillons essentiels du titre de champion de Finlande du Kärpät Oulu, avait autrefois joué au Slavia Prague sur la même ligne qu'Andreï Yakovenko, l'actuel manager du Khimik (celui dont le vocabulaire allemand est très limité : il ne connaît que "Nein"). C'était une époque où ce sont les hockeyeurs russes qui jouaient en République Tchèque. Que les temps ont changé depuis...

 

Autrefois le plus Canadien des joueurs soviétiques, Boris Mikhaïlov est aujourd'hui le plus Canadien des entraîneurs russes. Son SKA Saint-Pétersbourg recrute ses étrangers en Amérique du nord, y compris le gardien dorénavant. Frédéric Cassivi (gardien d'AHL qui a fait huit matches de NHL) a été testé sans succès à la Coupe Pajulahti, et c'est l'expérimenté gardien américain Garth Snow qui a finalement été choisi pour succéder à Lasák.

C'est surtout derrière que le SKA a recruté, avec le défenseur canadien d'AHL Mark Wotton, le junior Fedor Tyutin, ou encore le vieux Aleksandr Zavyalov qui avait passé quatorze saisons consécutives à Kazan. Même les recrues dépendantes du lock-out sont des arrières, Aleksandr Khavanov et Alekseï Semenov, qui avaient tous deux déjà joué à Saint-Pétersbourg avant de partir en NHL. Et encore, le SKA n'est pas allé au bout de son idée car il n'a pas pu recruter le joueur formé au club Kirill Safronov, le champion AHL arrivé après un essai manqué à Kazan mais qui a un peu trop discuté sur le salaire et a fini à Yaroslavl. En attaque, par contre, ce n'est toujours pas la joie. Ce n'est pas la maigre adjonction d'un Golts sur le déclin qui fera croire à du déclin. Il devrait quand même y avoir des buts - même de raccroc - avec un joueur comme Valeri Zelepukin. Aux derniers championnats du monde, il était le seul Russe à venir lutter physiquement dans l'enclave, et il est toujours très utile du haut de ses trente-cinq ans.

 

Le Sibir Novossibirsk a non seulement recruté les frères Koreshkov, le fameux duo du Kazakhstan, mais aussi Yuri Kuznetsov, qui était leur compagnon de ligne lors du dernier titre de Magnitogorsk en 2001. Ont-ils encore le jus nécessaire pour jouer à leur niveau d'antan, c'est toute la question. Le Sibir n'hésite en tout cas pas à miser sur des vétérans, il le prouve aussi dans les cages en remplaçant Fomichev par le gardien ukrainien Konstantin Simchuk, un pari osé. Celui-ci possède toutefois la nationalité russe, comme les Koreshkov, et ces trois joueurs ne sont donc pas considérés comme étrangers. Cela permet au Sibir de disposer en outre de trois Tchèques, l'attaquant Ondrej Vesely et les défenseurs Jan Srdinko et Miloslav Guren, plus l'arrière ukrainien Vyacheslav Zavalnyuk pour faire jouer la concurrence.

Enfin, même au cśur de la Sibérie, on a réussi à faire venir un joueur de NHL, Aleksandr Karpovtsev, venu pour son vieil ami Ravil Yakubov, mais aussi pour une équipe dirigeante qu'il connaissait au Dynamo avant ses 13 saisons de NHL, à avoir le duo formé par l'entraîneur Vladimir Semenov et le manager Vladimir Golubovich. Manque de bol, le second a remercié le premier après seulement quatre journées de championnat et autant de défaites. Les amitiés de vingt ans peuvent parfois ne pas durer plus de deux semaines dans la Superliga russe.

 

Le Spartak Moscou avait rêvé que son ancien joueur Ilya Kovalchuk reviendrait porter ses couleurs et l'aiderait grandement dans son retour dans l'élite. Peine perdue, il n'a pu avoir de contacts qu'avec son agent, qui exigeait une rémunération dix fois supérieure au deuxième plus gros salaire de l'équipe. Alors, les dirigeants n'ont plus qu'à se lamenter du peu de gratitude de leur ancien poulain parti monnayer son talent à Kazan.

Un tel joueur aurait pu galvaniser une équipe entre deux feux, trop forte pour la Vysshaya Liga, mais peut-être pas encore assez forte pour la Superliga. Mais elle semble tout de même plus capable que Perm de franchir le pas, et le Spartak bénéficie toujours d'un vrai capital-sympathie, qui ne se transforme malheureusement pas en public conséquent. Même s'il n'a pas encore les moyens de ses ambitions, il peut toujours recruter de bons étrangers à des prix abordables selon les critères russes. Il a gardé l'international letton Aigars Cipruss, et il a engagé les attaquants tchèques Tomáš Zizka, brièvement passé par les Los Angeles Kings, et Martin Strba. Même l'attaquant slovaque Marek Uram, qui a pourtant longtemps fait les beaux jours de Znojmo, n'a pas passé la période d'essai.

 

Pour le Molot-Prikamie Perm, la situation est quand même plus difficile. Même au niveau des étrangers, le club a conservé ses Tchèques de l'an passé, le gardien Vladimir Hudacek, artisan de la montée qui doit encore prouver à ce niveau, et le défenseur Lukas Zib, à l'apport déjà discutable à Schwenningen (lanterne rouge de la DEL) puis à Nijni Novgorod (dernier de la Superliga) et qui devrait rester dans les mêmes places. Un autre arrière tchèque arrive dans un registre plus défensif, Petr Kubos, formé à Vsetín. Mais même avec ses trois étrangers évoluent dans le compartiment défensif, Perm n'est pas capable de cadenasser comme certains autres qui auraient les moyens d'avoir une tactique plus ambitieuse s'ils l'osaient. Et il n'a évidemment pas non plus de quoi faire grand-chose en attaque.

Avec les "comportements irrationnels" engendrés par le lock-out, la tâche est encore plus difficile vu les joueurs qui se présentent en face. Mais on ne veut pourtant pas se présenter en victime expiatoire. Même si personne ne descend, ce serait "psychologiquement très difficile de terminer dernier" selon le président Oleg Kondratiev. En même temps, le Molot a-t-il vraiment le choix ?

Marc Branchu

 

 

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