Mémoires de John Stinco

 

Tours champion de France en 1980, il en était. La montée en puissance des Français Volants dans un Bercy surchauffé, il en était aussi. John - Jean-Vital pour l'état civil - Stinco a joué des crosses sur toutes les patinoires de l'Hexagone. L'ancien partenaire de ligne d'André Péloffy et Paulin Bordeleau se souvient du bon vieux temps pour Hockey Archives.

Du Canada...

Je suis né à Enghien-les-Bains, dans le Val-d'Oise. J'avais 18 mois quand mes parents ont émigré vers le Canada, en 1962. J'ai passé toute ma jeunesse au Québec. Là-bas, on peut difficilement passer à côté du hockey. Tout le monde y joue, en compétition ou juste comme loisir. J'ai commencé dans ma petite ville de LaSalle, en banlieue de Montréal. Lors de ma deuxième saison cadet, en Midget AA, nous sommes devenus champions du Québec. Sept ou huit joueurs de mon équipe, dont moi, ont été demandés pour partir jouer aux États-Unis, aux niveaux collégial et universitaire.

... à la Touraine

Je jouais ma première saison en junior B à LaSalle, en Ligue Métropolitaine. Le premier contact s'est fait un peu bizarrement, via le coach d'une équipe adverse. Il a su que j'avais un passeport français. Au départ, je devais aller à Lyon, entraîné à l'époque par Pete Laliberté. Je suis entré en relation avec lui. Mais Pete projetait de prendre en main Tours. Du coup, je les ai aussi appelés. Je ne sais pas pourquoi, mais Pete n'a finalement jamais signé en Touraine. En revanche, moi, je suis tombé d'accord avec le président, Albert Pasquier. Et je suis ainsi arrivé en France lors de ma deuxième année chez les juniors, en 1979. En plus de Lyon et Tours, j'ai aussi eu des contacts avec Briançon.

J'ai choisi Tours pour plusieurs raisons. D'abord, on m'avait parlé de l'arrivée chez les Mammouths d'André Péloffy. Ensuite, il y avait déjà deux ou trois Québécois au club, comme Jean Lussier et Guy Galiay. Enfin, il y avait un Américain, Joe Fidler, dont on m'avait dit le plus grand bien. L'un de mes coéquipiers à LaSalle, Gates Orlando [NDLR : futur joueur de Sabres de Buffalo et capitaine de la sélection italienne], m'avait parlé de lui comme étant un très bon joueur, agressif. Je me reconnaissais dans ce type de jeu. De coup, quand j'ai eu la confirmation que tous ces joueurs seraient bien dans l'équipe, un départ vers la France m'a tenté et je suis venu sur Tours. En plus, j'avais de la famille maternelle au Mans. Ça faisait un bon compromis.

Signer en Europe et en France : une drôle d'idée

Venir jouer en Europe, on commençait à en parler entre nous. On jouait à bon niveau, certains étaient draftés en junior majeur, d'autres partaient dans le système universitaire américain. Traverser l'Atlantique devenait une possibilité. Des joueurs importants du Canadien de Montréal étaient partis en Suisse, comme Jacques Lemaire à Sierre. On en parlait, mais ça ne restait qu'un troisième ou quatrième choix. Surtout pour des jeunes de 16 ou 18 ans. On ne savait pas trop si l'on réussirait à passer professionnel.

À l'époque, je ne savais même pas qu'il y avait du hockey en France. On entendait parler de l'Allemagne, de la Suisse, des pays de l'Est, de la Scandinavie... Mais pas de la France, ni de l'Italie ou de l'Espagne. Quand j'ai signé à Tours, je me posais pas mal de questions sur le niveau du championnat. J'avais essayé de me renseigner, histoire de savoir un peu ce que ça pouvait donner. Mais je n'ai pas eu beaucoup d'informations. Idem pour l'état des patinoires. On ne savait pas trop comment c'était équipé. Du coup, quand je suis arrivé à Tours, j'ai été agréablement surpris. C'était une belle glace pour l'époque. Ensuite, j'ai vu qu'il y avait un bon état d'esprit dans l'équipe. Les trois premiers mois, mon intégration a été quand même un peu difficile. C'était un sacré changement de vie pour un jeune de 18 ans. J'ai fait deux saisons comme junior à Tours. Mais je jouais avec les seniors et la D3. J'ai été sélectionné en équipe de France juniors et j'ai fait les Mondiaux 1981 à Strasbourg.

Pluie métallique et vent glacé à Gap

En montagne, l'accueil des spectateurs était assez spécial. J'étais habitué aux grosses ambiances en ayant joué des derbys à Montréal. Mais je me rappelle très bien de mon premier match en France, à Gap. C'était aussi la première partie d'André Péloffy. On l'annonçait comme la grosse star de la ligue. On est arrivé, on a pris une pluie de pièces pendant l'échauffement. Certains s'étaient amusés à les ramasser. On avait été hué et bien brassé. C'était un match très serré. On avait fait 4-4. Pélo avait marqué son premier but au bout de 15 secondes. Premier shift, et bing ! Ça ressemblait à l'accueil que l'on avait un peu partout, mais Gap, c'était vraiment chaud.

Et cette patinoire ouverte ! Ça, ça m'avait vraiment surpris. Je me rappelle d'un match joué vent de face. Alors, OK, ça change à chaque période. Mais on avait démarré la partie avec un vent colossal. Il neigeait, il devait faire -3 ou -4°. Incroyable, fabuleux. En plus, la glace était déformée avec un bon petit dénivelé au centre. On n'avait pas besoin de lever la tête, on savait où l'on était. Mais je n'étais pas au bout de mes peines. Depuis, j'ai vu d'autres patinoires aussi impressionnantes. Reste que Gap, pour débuter en France, c'était un bon baptême du feu.

Adolf Sprincl : du banc à la touche

Adolf Sprincl, le pauvre, a dû subir les pitreries de pas mal de monde. L'ambiance dans le groupe était excellente. L'amalgame s'est fait vers Noël, à peu près au moment où Adolf a été plus ou moins mis sur la touche. André Péloffy et Pascal Del Monaco ont pris la direction de l'équipe. Sprincl est resté à Tours, mais il ne faisait plus grand-chose. Il suivait l'équipe, rien de plus.

Au niveau discipline, j'étais jeune, le plus jeune de l'équipe même, et donc très carré. Je suivais les vétérans, j'écoutais leurs conseils. Parce qu'il y avait quand même des joueurs de valeur. André Péloffy et Joe Fidler avaient connu le haut niveau, la LNH. C'est un peu eux qui ont mis le feu aux poudres. Mais le système de jeu que Sprincl voulait mettre en place n'allait pas. Il y avait une grosse discorde entre lui et Fidler. Ça a démarré comme ça. Le groupe s'est réuni et les joueurs ont décidé qu'il valait mieux reprendre les rênes, adapter l'équipe, changer les lignes. À partir de là, on n'a plus perdu une seule partie dans la saison.

La deuxième saison tourangelle (1980-1981)

Ma deuxième saison à Tours a été un peu mouvementée. On était champions de France en titre. Le club a fait venir un nouvel entraîneur, Richard Jamieson. André Péloffy était très demandé. Il n'avait pas réussi à se mettre d'accord avec les dirigeants pour rester un an de plus. Son départ annoncé, le staff ne savait plus vraiment s'il devait garder Joe Fidler. C'était vraiment un bon joueur, mais il était impossible à tenir. Jamieson cherchait un renfort au Québec. Il a trouvé Paulin Bordeleau. Le problème, c'est que Joe avait déjà signé son contrat. À l'époque, on n'avait le droit qu'à une seule licence étrangère. Du coup, Joe s'est retrouvé en D3, à Nîmes, après un arrangement un peu bancal.

Richard a installé une discipline de fer dans le groupe. Il nous a très bien préparé physiquement. Peut-être même trop bien. On a été un peu court sur les derniers matches. On avait juste besoin d'un nul lors des deux dernières journées pour garder le titre. Et on n'a pas fait le boulot... Grenoble nous bat au goal-average direct, si je me souviens bien.

Un intermède en Champagne

Avec cette fin de saison, Jamieson était déçu de certains joueurs. Il avait pris possession du club. Richard a fini par avoir un coup de sang. Du jour au lendemain, il a annoncé dans la presse qu'il virait neuf joueurs, dont Paulin Bordeleau et moi. Du coup, je suis reparti au Québec. Je n'avais pas trop de contacts, et je m'étais fait à l'idée de rester là-bas, de commencer à travailler. Et puis Reims et Caen m'ont contacté. J'ai d'abord fait trois semaines de camp d'entraînement à Caen, qui était en élite. Mais j'ai compris que l'équipe n'était pas très solide, qu'elle ne comptait que sur Michel Lachance, qui avait joué la Coupe d'Europe avec Tours, quelques locaux et moi. Ça me semblait un peu léger. Reims n'arrêtait pas de me téléphoner, tous les deux jours. Comme moi, Fred Malletroit avait fait partie du wagon de joueurs virés de Tours. Il était devenu entraîneur-joueur en Champagne. Il voulait absolument que je vienne chez eux. Je les ai rejoints pour une saison en Nationale B.

Retour à Tours

Il y a encore eu un nouveau chamboulement à Tours. Les dirigeants m'ont contacté. J'avais failli rester à Reims. Ils m'offraient un pont d'or. Je suis revenu en Touraine pour beaucoup moins cher. Je voulais retrouver le haut niveau. Et je connaissais la maison. J'ai privilégié le plaisir, plutôt que l'argent. C'était secondaire à l'époque. Je n'avais que 21 ans. C'était bien d'en avoir, mais ce n'était pas le principal. Briançon avait aussi repris contact avec moi. C'est peut-être l'erreur que j'ai faite, d'ailleurs. Entre Tours et Briançon, j'aurais peut-être dû choisir les Alpes.

À Tours, la saison d'avant, Richard Jamieson avait eu de gros problèmes avec l'équipe. Les joueurs n'en pouvaient plus. Ils avaient fait grève. Si je me souviens bien, ils avaient terminé la saison avec Roland Cloutier aux manettes. Les deux étaient partis en fin de saison. Pat Daley, qui avait joué à Winnipeg, venait d'arriver. Seulement, il n'a pas eu de passeport français comme prévu. Il n'a pas joué pendant le début de saison. Quand les dirigeants ont compris que ses papiers n'arriveraient jamais, ils l'ont utilisé comme étranger. Toute l'année, on a eu des problèmes d'effectif. Les renforts prévus ne sont jamais venus. C'était plus ou moins une année de transition. Les résultats s'en sont ressentis. Le championnat suivant, ils ont fait venir Serge Evdokimoff, quelques joueurs parisiens. Mais la mayonnaise n'a jamais pris.

La grande aventure des Français Volants

Après ces deux saisons à Tours, j'ai signé aux Français Volants. J'y suis resté quatre ans. C'était un peu la même histoire que Tours. Un club de plaine qui monte et que les autres veulent abattre. Quand on se déplaçait, les patinoires étaient pleines. On était attendu. On profitait de conditions de rêve, avec Bercy. Il a fallu un peu de temps avant de réussir à faire venir du monde au POPB. Les premiers matches, on devait tourner à 2 000 spectateurs. Et puis c'est tranquillement monté à 3 000-4 000. Plus les pics contre le Mont-Blanc. On avait 10 ou 11 000 spectateurs.

Au niveau communication, Philippe Lacarrière travaillait beaucoup. On était sponsorisé par Europe 1. La télé et le Top 50 venaient. Forcément, ça créait des jalousies. C'était difficile à gérer. Si je me souviens bien, jouer à Bercy coûtait 140 000 francs à chaque match. Avec la multiplication des concerts, des grands événements, on avait de moins en moins souvent accès à la grande glace.

L'ascension trop rapide

Aux Volants, il y avait de sacrés égos dans le vestiaire. Des caractères bien trempés. Christophe Ville, Denis Perez, Franck Pajonkowski, Antoine Richer, Daniel Maric... Ça faisait du monde. La deuxième saison, quand de nouvelles recrues sont arrivées, il y a eu quelques prises de bec. Certains qui étaient les stars dans leurs anciennes équipes ont dû mettre un peu d'eau dans leur vin. Mais ça faisait partie du jeu. Dans le groupe, l'entente est toujours restée assez bonne. Il fallait juste que chacun trouve sa place. C'est comme ça dans beaucoup de clubs. On n'a jamais connu de vrais problèmes.

La première saison, les résultats ont été au-delà des espérances de Philippe Lacarrière. On termine 4e grâce à notre esprit d'équipe. Il y avait encore pas mal de joueurs du cru dans le groupe. En fait, nous n'étions que cinq recrues. Bernard Le Blond et Daniel Maric arrivaient de Grenoble, Antoine Richer, Franck Fazilleau et moi de Tours. On s'était tous très bien intégré. La deuxième année, la plupart des meilleurs Français se retrouvaient sous le même maillot. Un petit côté mercenaire était apparu. En face, seul restait le Mont-Blanc, avec André Péloffy, Paulin Bordeleau, Guy Dupuis et six ou sept Franco-Canadiens qui tournaient tous très fort. On s'est cassé le nez contre eux. L'ascension des Volants aurait pu être moins rapide. C'est un peu mon regret, par rapport à ce club. En gardant l'esprit initial, on aurait pu arriver au top du hockey français. Ça aurait pris un peu plus de temps, c'est tout. J'ai quitté Paris un peu à cause de ça.

Les dirigeants parisiens étaient prêts à me garder. Mais ils ont demandé des baisses de salaire un peu à tout le monde. Personnellement, ma dernière saison, ça ne s'était pas toujours bien passé avec l'entraîneur, Paul Lang. On s'appréciait en dehors du hockey, mais on avait quelques différends. En fait, dans ma carrière, j'ai toujours eu de bonnes relations avec mes coaches. Sauf avec Richard Jamieson. Mais là, personne ne s'entendait avec lui. C'était sa façon de gérer un groupe. Il devait être en conflit avec ses joueurs pour en tirer le maximum. Le côté respect, il ne connaissait pas trop. Avec Paul Lang, on avait chacun notre culture hockey. Lui, le jeu de l'Est, moi la rudesse canadienne. Peu à peu, ceux du début sont partis. Daniel Maric a arrêté de jouer. Au final, l'effectif a été largement renouvelé.

Les Dragons du Stade Poitevin

Après les Volants, je suis reparti au Canada. J'en avais un peu assez du hockey. Je voulais vraiment rester sur Montréal. Je devais rentrer comme inspecteur des grains au port de la ville. Un travail alimentaire, temporaire. Vers la fin de l'été, j'ai été contacté par Patrick Aldrich, un ancien joueur de Tours originaire de Poitiers. Il démarrait une entreprise de distribution d'articles de sport. Il m'a demandé si ça m'intéressait. Comme je songeais à démarrer une affaire, je suis venu voir sur place ce qu'il en était. Voilà comment je suis arrivé dans la Vienne.

Le club de Poitiers, à l'époque en division 2, ne m'a contacté que plus tard. Au départ, j'étais parti pour arrêter de jouer. Je me disais qu'à 28 ans, il était peut-être temps de commencer à vraiment travailler. L'entreprise de Patrick Aldrich avait négocié des contrats avec des partenaires canadiens. Il m'offrait la possibilité de faire des allers-retours entre la France et le Québec. Au Stade, l'entraîneur était un Canadien, un dénommé Claude Poulin. Je n'étais pas vraiment prévu. Je suis arrivé un peu comme un cheveu sur la soupe. On a fait cinq ou six saisons à ce niveau. Une année, on était même en tête des play-offs après cinq journées, mais on s'est écroulé sur la fin. On avait réussi à tenir en échec des clubs comme Reims et Strasbourg. J'alliais les deux, hockey et travail. Je me déplaçais beaucoup. Je jouais surtout sur mes acquis, je ne pouvais pas souvent m'entraîner.

Stinco entraîneur

J'ai encore fait un passage à Tours en 1993. En fait, un nouveau président était arrivé à Poitiers. Il y avait un souci par rapport à l'équipe qu'il voulait aligner. À Tours, ils essayaient de remonter quelque chose depuis la D2. Ils m'ont contacté et j'y ai joué trois saisons. Je suis revenu à Poitiers quand François Joyeux est devenu président. L'équipe venait de descendre en D3. C'était une déconfiture totale. Au premier entraînement de la saison, j'avais cinq joueurs et un gardien loisir. J'ai rappelé tous les anciens pour les convaincre de revenir. On a reconstruit une équipe petit à petit. Deux saisons plus tard, on se qualifie pour le final-four à Mulhouse et, avec le jeu des forfaits, on retrouve la D2. Là, on y reste deux saisons. Je suis entraîneur-joueur de l'équipe. Et puis, j'ai eu un petit différend avec les dirigeants. J'ai senti le problème venir en voyant l'état des caisses. J'ai essayé de tirer la sonnette d'alarme. Et à la première réunion sur l'avant-saison, ils m'ont présenté trois Slovaques et un Tchèque. Je ne savais pas comment ils allaient faire pour les payer. Ils attendaient des sponsors auxquels je ne croyais pas trop. J'ai refusé de démarrer le championnat dans ces conditions. Le club a mis la clé sous la porte à Noël et plusieurs années pour s'en remettre.

La Division 3

Le niveau n'y est pas mauvais. Ça dépend des clubs, des villes, des dirigeants, mais il y a du bon hockey, structuré. Le vrai souci, c'est que l'on sait quand on y rentre, mais jamais quand on va en sortir. Avec les rétrogradations, le championnat est faussé. À Poitiers, on s'est retrouvé contre Brest, Caen, Anglet... Même en faisant un effort de construction, en visant la montée, on finit par être barré. Pour investir, il faut un peu choisir son année...

Tours 79-80 contre les Français Volants 85-86 : un pronostic ?

J'aurais bien voulu voir un tel match. Les Volants 85-86, sur le papier, ce n'était pas si formidable que ça. Pourtant, on a fait une saison colossale, simplement grâce à notre état d'esprit. Tours 79-80, c'était aussi une équipe de winners. De mecs féroces qui refusaient la défaite. Joe Fidler et André Péloffy étaient capables, sur une ou deux actions, de complètement retourner la situation. On avait aussi une grosse défense, avec Jean-Yves Decock, Pascal Del Monaco, Jean Lussier... Tous ces gars-là étaient en équipe de France. Quand ils partaient en stage avec la sélection, on ne s'entraînait plus qu'à six ou sept. Maintenant, un pronostic... Difficile à dire. Mais les Volants, même avec Christophe Ville et tout ça, auraient eu du mal.

"Turbo" Péloffy

André Péloffy, c'était une vraie flèche. Quand on faisait des exercices de patinage, il se retrouvait avec une demi-patinoire d'avance. On l'appelait "Turbo". Il y avait déjà de gros patineurs dans le championnat, notamment dans les Alpes, avec Philippe Rey ou Bernard Le Blond. Mais Pélo était sur une autre planète. Pour jouer avec lui, j'ai dû m'adapter à sa vitesse. Et ça n'a pas été évident. Ce n'était pas ma qualité première. Paulin Bordeleau, c'était un autre style. Il avait un maniement de palet et un lancer formidables. Il devait peser 60 kilos tout mouillé. Il avait un petit gabarit, vraiment pas épais. Mais nerveux... Il savait passer cette énergie à son équipe. Péloffy et Bordeleau, ce sont les deux joueurs qui m'ont le plus marqué. Ils m'ont beaucoup apporté. Même si, les premiers matches, tu penses plus à les regarder jouer au lieu de faire ton propre jeu.

Être une petite peste

Mes entraîneurs m'ont toujours confié des tâches précises sur la glace. Un rôle de peste, un boulot un peu ingrat. J'étais souvent sur la même ligne que les renforts canadiens, ceux qui marquaient des points. À Tours, on m'avait associé à André Péloffy, à Paulin Bordeleau. Aux Volants, à Larry Skinner. J'étais là pour gratter dans les coins. Après un match à Saint-Gervais où Péloffy et Fidler avaient marqué quantité de points, un journaliste avait écrit que j'étais leur porteur d'eau de luxe. Ça m'avait fait très plaisir.

Je savais que je n'étais pas aimé dans le championnat. S'il y avait eu, à l'époque, un concours du joueur le plus détesté de la ligue, je suis sûr que j'aurais fini dans les trois premiers. À part Adolf Sprincl, tous mes coaches m'ont incité à évoluer ainsi. J'étais connu pour ça sur les glaces adverses. À Gap, surtout, ils m'adoraient... Tous mes amis s'installaient dans la même tribune, à côté du banc des visiteurs. Je me faisais un devoir de passer devant eux à chaque fois que l'on marquait. Je recevais des projectiles. Ça faisait partie du jeu. Cet accueil du public, c'était pour moi une motivation supplémentaire. Et la preuve que je faisais mon job.

Quand j'ai retrouvé André Péloffy, j'étais à Tours et lui à Saint-Gervais. Je devais défendre sur lui. Après une mise au jeu, il récupère le palet le long de la balustrade. Je lui ai mis une énorme charge. Il m'a demandé si je n'étais pas malade. Il l'avait vraiment mal pris. Mais je ne faisais que mon boulot. On a bu une bière ensemble après. Mais voilà, sur la glace, j'étais une tête de con. Je n'étais pas non plus quelqu'un qui mettait des coups de crosse. Une crosse, c'est une arme. Je n'acceptais pas non plus les "six pouces", ou ce genre de choses. Je suis petit, donc je soulevais souvent les coudes dans les coins. J'aimais le jeu physique.

Propos recueillis par Josselin Giret, 2009

 

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