Finlande 2012/13 : bilan de la saison de SM-liiga

 

Les résultats du championnat finlandais

Le bilan précédent (2011/12)

 

Choc dans le hockey finlandais : fin juin, Harry Harkimo, le président du Jokerit, a convoqué une conférence de presse en présence de Gennadi Timchenko, le vice-président de SKA Saint-Pétersbourg, et Arkadi Rothenberg, le président du Dynamo Moscou. Il y a annoncé que les deux investisseurs russes, qui ont la double nationalité finlandaise, rachètent la Hartwall Areena et ont l'intention de prendre une participation (a priori minoritaire) dans le Jokerit en 2014/15, année où le club de Helsinki évoluera... en KHL. Le tout avec la bénédiction de Kalervo Kummmola, le puissant président de la fédération finlandaise, qui a déclaré ne pas s'y opposer car c'était le moyen de garder les meilleurs joueurs finlandais au pays alors qu'ils partent nombreux en KHL.

Si la fédération n'a rien à y perdre, ce n'est évidemment pas le cas de la SM-liiga, dépossédée d'un de ses clubs-phares et ainsi déclassée. Elle a été très fâchée d'avoir été mise devant le fait accompli. Les autres clubs ont même menacé d'exclure le Jokerit du championnat 2013/14 pour rupture du pacte d'actionnaires, mais l'affaire s'est réglée, probablement par arrangement financier. La KHL réussit donc sa plus belle prise, et il reste à savoir ce qu'il adviendra maintenant de la SM-liiga et des autres clubs, qui sont un peu les dindons de la farce.

 

Ässät Pori (1er) : banco pour les as !

Le public des Ässät est le plus passionné de SM-liiga, et la fête a été incroyable dans la ville portuaire de Pori. Pensez donc : 35 ans que l'on attendait de revivre ça ! Une consécration pour Karri Kivi, passé entraîneur-chef il y a deux ans après huit saisons dans le staff. Après deux échecs en quarts de finale, il a cette fois amené l'équipe jusqu'au bout.

Un tel dénouement n'avait rien d'évident à l'automne après les départs en KHL des deux stars slovaques du club. Le buteur Tomas Zaborsky paraissait irremplaçable. Quant au colosse Kristian Kudroc, on lui avait trouvé un successeur au profil très différent puisque le défenseur canadien Shaun Heshka est surtout remarquable par son apport offensif.

Il a fallu attendre novembre pour que les Ässät gagnent trois matchs de suite, et c'est alors que Jesse Joensuu - de retour dans son club formateur pendant le lock-out - s'est blessé au bras. Autant dire que plus personne ne misait sur les As quand ils ont cédé leur meilleur marqueur restant, le centre canadien Stephen Dixon, à Yaroslavl à la clôture des transferts fin janvier. Mais ceux qui pensaient que les derniers espoirs avaient fait leurs valises en même temps se trompaient. C'est justement sans Dixon que les Ässät ont complété une incroyable série de 14 victoires consécutives jusqu'à début mars. Le vétéran Aki Uusikartano et la révélation formée au club Mika Niemi ont réussi à le faire oublier et ont mené le jeu en play-offs. Ils ont servi un Veli-Matti Savinainen de plus en plus buteur, qui a fait basculer la finale en marquant en deuxième prolongation du cinquième match. Il s'est ensuite fait valoir aux championnats du monde et ira en KHL.

Ce titre inattendu aura surtout eu pour héros Antti Raanta. Sans un lacet cassé qui l'a fait sortir une minute, il aurait battu le record de blanchissages en play-offs. On ne lui en a compté que 4 "complets" au lieu de 5, ce qui égale simplement le record de Lassila en 2004. Son pourcentage d'arrêts porté à 95,5% en séries (il dépassait déjà 94% en saison régulière) a vraiment fait de lui l'homme de l'année. Sa lecture du jeu et du positionnement, même dans le trafic, a été servie par le système défensif des Ässät. Il y a deux ans, Raanta était deuxième gardien chez le grand rival local, le Lukko (son club formateur). Et maintenant, il va rejoindre les Chicago Blackhawks, les champions NHL.

 

Tappara Tampere (2e) : aussi pressé que précoce

Douzième l'an dernier, le Tappara a réussi une progression vraiment spectaculaire en terminant deuxième de la saison régulière puis en atteignant la finale. Il a engagé des cadres du championnat pour encadrer ses jeunes : le défenseur offensif au bon slap Teemu Aalto pour le powerplay et le nouveau recordman des pénalités de l'histoire de la SM-liiga (Markus Kankaanperä) pour les muscles. Tuukka Mäntylä est revenu comme prévu et a repris sa place de pilier inamovible de la défense.

La nouveauté, c'est que le gardien Juha Metsola, qui avait toujours partagé la cage dans sa carrière, s'est imposé comme plein titulaire à 23 ans avec un pourcentage d'arrêts de 93%. Bref, Tappara avait une bien belle équipe.

Qui sait ce qui aurait pu se passer si deux de ses quatre attaquants majeurs ne s'étaient pas blessés en play-offs ? Il s'agit de l'Américain Chris Connolly, ancien capitaine de la Boston University qui a réussi une belle première saison professionnelle, et d'Aleksander Barkov junior, le super-talent qui n'a donc pas pu participer au Mondial U18.

Barkov a figuré toute l'année sur la première ligne avec le vétéran Ville Nieminen, qui a l'âge d'être son père. Quant à son vrai père (Aleksander Barkov senior, trois championnats du monde), il est revenu de Russie pour être assistant-coach de Tappara où il avait été joueur pendant dix ans : il a ainsi suivi de près la carrière sportive de son fils qu'il a mis sur des patins à deux ans. Sa blessure à l'épaule n'a pas empêché Barkov junior, parfois comparé à Datsyuk, d'être choisi en deuxième position de la draft NHL, la plus haute jamais obtenue par un Finlandais à égalité avec le gardien Kari Lehtonen.

Tappara se serait bien vu conserver tout ce beau monde et devenir le candidat majeur au titre 2014, mais Barkov, qui n'a pas encore 18 ans, est très pressé de partir sous le soleil de la Floride et souhaite débuter immédiatement en NHL. Il estime n'avoir plus rien à prouver en Finlande, même s'il lui manque encore d'avoir appris à gagner.

 

JYP Jyväskylä (3e) : la stabilité érigée en système

Le champion sortant JYP avait connu plusieurs départs mais avait prolongé de deux ans son capitaine et meneur de jeu Éric Perrin, en lui adjoignant un pur finisseur dans le slot (son compatriote canadien Ramzi Abid), pour démontrer qu'il avait l'intention de rester au sommet. Il aurait pu y parvenir, avec toujours le même atout majeur, un système défensif très au point et parfaitement intégré par des joueurs qui se connaissent.

Cette complémentarité se vérifiait habituellement jusque dans les cages, mais le vétéran Tuomas Tarkki est revenu en Finlande et a définitivement mis fin à la rotation traditionnelle. Il a vite laissé Joni Myllykoski sur le banc et s'est rendu indispensable dans la cage. Son équipe a cependant buté sur un gardien encore meilleur, un Raanta en forme exceptionnelle, lors de la demi-finale contre les Ässät. Il a donc fallu se contenter du bronze cette fois.

Le JYP avait perdu son talent pur en défense avec le départ outre-Atlantique du petit prodige Sami Vatanen. Rentré de Russie, l'arrière international Jyrki Välivaara ne se montrait plus aussi offensif qu'avant. Mais cela a finalement servi les aux joueurs qui n'avaient brillé que pendant les blessures de Vatanen. Kristian Näkyvä, 22 ans, en a profité pour prendre du temps de jeu en powerplay et mettre des points. Quant à Yohann Auvitu, il a pu affermir sa place de titulaire.

Il faudra donc toujours compter avec le JYP : on s'y sent bien, et on y revient. Comme Välivaara, l'attaquant Jani Tuppurainen n'aura passé qu'un an en KHL et fera lui aussi son tour.

 

Lukko Rauma (4e) : le déclic danois

Le Lukko se traînait à la dernière place fin septembre avec un petit point pris en sept rencontres, lorsque les "vikings" du Danemark ont débarqué. Des Danois capables de porter secours à un club finlandais ? Impensable il y a dix ans, réalité aujourd'hui, preuve de l'internationalisation du hockey. La présence dans l'équipe du second gardien Simon Nielsen a permis de faire venir son frère, l'attaquant défensif Frans Nielsen, mais aussi le rapide Mikkel Bodker et le défenseur offensif Philip Larsen. Pendant que la voisine naturelle, l'Elitserien suédoise, fermait ses portes aux pigistes, tous les Danois de NHL ont donc passé le lock-out en Finlande ! Et quatre sur six (en ajoutant Peter Regin en novembre) ont choisi le Lukko.

Forcément, lorsque des joueurs de passage donnent l'impression d'avoir sauvé votre saison, il y a de quoi s'inquiéter lorsqu'ils repartent. Et pourtant, le déclic a suffi. Le Lukko a continué d'engranger des points match après match en continuant sur le même élan. Alors que le jeu défensif était catastrophique en début de saison, un collectif travailleur s'est mis en place devant le solide gardien Petri Vehanen, comptant sur les contre-attaques et les jeux de puissance pour marquer.

Alors que le Lukko était dixième et dernier qualifié en play-offs, il ne s'est pas arrêté là. Même les Jokerit, premiers de la saison régulière, ont été emportés par un Justin Azevedo en feu qui finira meilleur marqueur des play-offs. Les adversaires suivants, eux, ont su maîtriser sa ligne, et les joueurs de Rauma n'ont plus marqué un seul but dans les deux dernières manches de la demi-finale puis dans le match pour la troisième place

Le Lukko, qui avait déjà une défense bâtie autour de joueurs d'expérience, continue de recruter des vétérans pour grimper encore au classement. Le Français Charles Bertrand, qui a vu son temps de jeu diminuer (de 13 à 11 minutes) et a beaucoup moins marqué (passant de 23 à 6 points), poursuivra sa carrière dans un autre club, le TPS.

 

Jokerit Helsinki (5e) : du scandale au choc

Avant même que la saison ne commence officiellement, les Jokerit avaient déjà fait scandale. Le derby en European trophy contre le HIFK avait dégénéré avec des torts partagés, mais un geste inqualifiable n'était défendu par personne : Samir Ben-Amor, qui aurait dû être le plus sensible à ne pas blesser un adversaire puisqu'il revenait lui-même d'un an et demi de convalescence, a frappé à plusieurs reprises Ville Peltonen par derrière. Outre ses 18 matches de suspension (record finlandais), il écopera d'une amende de 3540 euros après des poursuites judiciaires pour coups et blessures.

Dans le collimateur, les Jokerit ont vite rebondi. Ils ont profité du lock-out pour offrir à leur public Erik Karlsson, qui venait d'être élu meilleur défenseur de NHL. Son patinage fluide, son contrôle du palet et ses relances ont enchanté le public de la Hartwall Areena. Et même si les blessures continuaient de frapper (le genou encore défaillant de Nichlas Hardt, notamment), les juniors s'adaptaient facilement en remplacement car leur système de jeu est identique à celui des pros.

Le mérite d'avoir refait des Jokerit un système pyramidal fonctionnel revient au manager Jarmo Kekäläinen. Il avait récupéré un club en grande crise en 2010 quand il avait signé un contrat de cinq ans. Mais le patron Harry Harkimo lui avait donné sa parole qu'il le laisserait partir en cas de proposition NHL. Ce qui s'est produit à mi-parcours : Kekäläinen est le premier Européen à être engagé parmi la coterie des managers généraux de NHL, un milieu de réseaux très fermé. Son défi sera au moins du même ordre car il reprend une franchise (Columbus) avec bien peu de voyants au vert.

Dans le bilan de Kekäläinen, une décision fait tache : le contrat accordé jusqu'en 2015 au gardien Eero Kilpeläinen. On le dit mentalement friable, au point qu'il suffit de pénétrer son demi-cercle pendant son rituel d'avant-match pour le perturber. Il a craqué en play-offs, précipitant la chute immédiate de son club pourtant sorti vainqueur de la saison régulière.

Le président Harry Harkimo est redevenu seul maître à bord après le départ de Jarmo Kekäläinen, le seul manager à qui il avait laissé une vraie marge de manœuvre. Risquait-il de malmener de nouveau le club par ses décisions à l'emporte-pièce ? Son plan caché, nul ne le connaissait avant la conférence de presse qui a estomaqué la Finlande. La raison fondamentale de cette soudaine "opération KHL" est que le club rival - le HIFK - projette de construire sa propre aréna d'ici trois à quatre ans, et qu'elle risque de phagocyter les grands évènements, tout comme la Hartwall Areena bâtie par Harkimo avait ringardisé la salle historique de Helsinki (actuelle patinoire du HIFK). Harkimo voulait donc vendre son bâtiment avant qu'il ne perde de sa valeur, sachant que sa société - qui a mêlé la gestion de la patinoire et celle du club - a encore une dette de 20 millions d'euros à rembourser.

C'est pour ça que la vente aux Russes de la patinoire a eu lieu immédiatement, et que la prise de participation dans le club n'est prévue que dans un second temps l'an prochain. Les Jokerit sont maintenant le jouet d'intérêts financiers, et cela ne plaît pas à tous les supporters. Certains représentants du Eteläpääty (virage sud), considérés comme les supporters les mieux organisés et les plus chauds de Finlande, ont déjà fait connaître leur hostilité et leur intention de ne pas suivre les Jokerit en KHL. Mais il est probable que la majorité accompagnera le club quand même, du moins s'il a des résultats.

 

KalPa Kuopio (6e) : Salminen et Lehkonen, gabarits légers mais aériens

Le KalPa parviendra-t-il un jour à être champion de Finlande, rêve autrefois improbable mais devenu crédible depuis que le club a été racheté par des joueurs qu'il a formés et qui sont ensuite devenus millionnaires en NHL ? L'actionnaire majoritaire Sami Kapanen commence à se faire vieux. Quant au copropriétaire Kimmo Timonen, sous contrat avec Philadelphie jusqu'en 2014 (il aura 39 ans), il n'est même pas revenu pendant le lock-out car il s'est fait opérer du dos. Son frère Jusso Timonen n'en a pas moins été un des piliers de la défense.

Si les deux stars doivent conduire KalPa au titre, ce sera donc par leur gestion et non plus par leur jeu. Or, la saison avait mal commencé de ce point de vue : l'entraîneur Tuomas Tuokkola s'est fait virer deux semaines avant le début de saison pour cause de dissensions vives avec le joueur-propriétaire Sami Kapanen. Son adjoint Jan Laukkanen l'a remplacé, et tout est finalement revenu au calme. KalPa a fait une saison correcte, et a compté dans ses rangs le rookie de l'année : l'international U18 Artturi Lehkonen, un joueur très technique venu de Turku. Il a été drafté par les Canadiens de Montréal à l'issue de la saison.

La cinquième place, moins exposée que la première de l'an passé, mettait KalPa dans une position intéressante sans trop de pression pour les quarts de finale. Mais pour la troisième saison consécutive, l'équipe de Kuopio a chuté d'entrée. Elle est tombée sur le futur champion Ässät, le club d'origine de Sakari Salminen. Cet ailier agile a été plus que jamais le joueur dominant de KalPa, terminant avec 25 points d'avance sur le deuxième marqueur (le gamin Lehkonen). Mais maintenant qu'il s'est fait repérer aux championnats du monde, Salminen partira en KHL, et il faudra se trouver d'autres armes offensives.

 

HPK Hämeenlinna (7e) : la progression inattendue

Attendu en bas de tableau, le HPK a constitué la grande surprise de la saison régulière en terminant sixième et en se qualifiant directement pour les quarts de finale. Cela n'avait rien d'évident pour une équipe largement remaniée en attaque, qui avait perdu neuf de ses douze meilleurs marqueurs. Jere Sallinen, qui avait perdu sa place en SM-liiga aux Blues et avait été prêté au HPK en fin de saison dernière, a été engagé pour de bon avec un résultat impressionnant : 42 points et la meilleure fiche de la ligue (+26). Rentré de Suède et nommé nouveau capitaine, Ville Viitaluoma a fini meilleur compteur de l'équipe.

La plus grosse transformation est celle de la défense, qui était la moins bonne du championnat. Elle est pourtant jugée vieillissante, mais Marko Tuulola, après avoir cédé le capitanat, a rebondi et a réussi une saison incroyable alors qu'il a fêté ses 42 ans au cours de la saison. Le gardien de petite taille Mika Järvinen a également connu une progression très notable par rapport à la saison précédente.

L'attraction est venue de Borna Rendulic : comprenant qu'il serait impossible de percer dans son pays natal, la Croatie (où le Medvescak néglige les joueurs locaux), il a choisi la Finlande pour se former. Il a été pris à l'essai et a décroché une place de titulaire au fil de la saison.

 

HIFK Helsinki (8e) : la tempête se déchaîne

La principale conséquence du départ des Jokerit en KHL est la disparition des derbys traditionnels de Helsinki. Des derbys qui enflamment la capitale, mais qui ont dépassé les bornes dès la pré-saison. En attaquant Jarkko Ruutu comme à chaque confrontation, le défenseur Ilari Melart a engendré une escalade qui a abouti à l'agression de Ben-Amor sur Peltonen et à une bagarre générale. La ligue a infligé 8 matchs de suspension aux entraîneurs des deux équipes et, côté HIFK, 12 à Juuso Salmi et 6 à Melart et à Sam Liivik. Elle a aussi lancé un avertissement à toutes les équipes. Ensuite, il n'y a pas eu la moindre bagarre pendant trois mois. Cet assainissement controversé a permis à Ilari Melart d'arrêter de chercher des noises et de se révéler un défenseur solide et physique avec une technique correcte. Incorporé en équipe nationale, il sera même appelé en NHL par... Jarmo Kekäläinen, le manager des Jokerit, pas rancunier des derbys.

La nouvelle politique de la SM-liiga (que l'on a accusée de passer outre les coups de crosse dangereux) a été évidemment peu appréciée au HIFK, où le jeu rugueux a toujours été le fonds de commerce. Cette sévérité des dirigeants de la ligue s'explique par le déchaînement médiatique contre la violence rampante dans le hockey. L'identité de la victime y est pour beaucoup : même s'il n'a jamais été un enfant de chœur (il a lui-même pris 4 matches de suspension en octobre pour une mauvaise charge), Ville Peltonen, héros du titre mondial 1995, est un mythe du hockey finlandais, dont personne ne veut voir la carrière s'arrêter par une agression. Comble de malchance, le capitaine du HIFK a de nouveau perdu connaissance sur une mise en échec (légale celle-ci) de Markus Nordlund lors d'un nouveau derby contre les Jokerit. Peltonen a subi une légère commotion et a perdu deux dents de plus dans une dentition déjà réputée pour ses trous. La tempête médiatique a soufflé de plus belle. Le groupe Aller Media a annoncé la fin de son contrat de sponsoring avec le HIFK, comme le journal Helsingin Sanomat l'avait fait avec les Jokerit après le premier derby.

En dehors de ces moments d'affolement, la saison du HIFK a été poussive. Après les départs de Pesonen et Granlund, le club espérait compenser par l'arrivée du meneur de jeu d'Ambrì Joël Perreault. Or, le Canadien s'est blessé en pré-saison et n'a joué que neuf fois avant de se casser la cheville et d'être encore absent un mois. De ce fait, il n'y avait pas de vrai premier centre. C'est le vétéran suédois de 36 ans Joakim Eriksson qui a mené l'attaque. Si le gardien Joni Ortio n'avait pas sauvé les meubles à l'automne, le HIFK ne se serait peut-être même pas qualifié.

Le 21 janvier, alors que le HIFK était dixième à trois points du sixième, l'entraîneur Pasi Sormunen a été viré. Il faut dire que cet ex-adjoint avait dû remplacer au pied levé Petri Matikainen en juillet quand l'Avangard Omsk cherchait à tout prix (plus exactement à 400 000 euros, montant payé au club finlandais) un coach après la défection soudaine de Raimo Summanen juste avant la reprise de l'entraînement. En janvier, le HIFK a bouclé la boucle en quelque sorte en embauchant Summanen, resté au pays et libre de contrat. Même s'il n'a pas l'énergie permanente d'un Matikainen, Summanen est réputé pour ses accès de colère brutaux qui peuvent bousculer - voire dévaster - un vestiaire. Mais à part des obscénités proférées à l'encontre du coach des Jokerit au vu des caméras de télévision, Summanen n'a pas eu d'effet notable. Le HIFK a fini huitième, sans s'améliorer en play-offs.

 

Kärpät Oulu (9e) : redevenus un club ordinaire

Si vous voulez connaître l'importance de la qualification directe aux quarts de finale, vous pouvez demander aux Kärpät. Comme l'an passé, les belettes ont terminé la saison régulière à la septième place, mais cette fois, elles ont perdu les "pré-play-offs". Ce tour au meilleur des trois manches est un chausse-trappes, et les joueurs d'Oulu y sont tombés en perdant de justesse, en prolongation du troisième match, face au Lukko.

L'attaque tenait essentiellement autour de deux joueurs, le meneur de jeu tchèque Ivan Huml et le petit ailier Juha-Pekka Haataja. Celui-ci a été le meilleur marqueur de la saison régulière, mais n'a malheureusement pas fait la différence en play-offs, et s'il a pu participer à son premier championnat du monde, ce sera sans doute aussi son dernier car il convainc moins quand le niveau s'élève. Il monnaiera quand même son talent en KHL.

Définitivement redevenus ordinaires, les Kärpät vont maintenant complètement rebâtir leur socle défensif après le départ du capitaine Ilkka Mikkola (au Lukko) et des trois Suédois : le gardien Johan Backlund (remplacé par Jussi Rynnäs qui rentre de Toronto), le jeune Oscar Eklund (HIFK) et l'éternel voyageur Josef Boumedienne. Ce dernier a signé pour la quatrième fois chez les Kärpät en janvier, sachant qu'il n'est jamais resté plus de six mois. C'est encore le cas puisqu'il a raccroché définitivement les patins pour devenir recruteur de Columbus.

 

Saipa Lappeenranta (10e) : pleins d'envie (mais pas d'envie de rester)

Le SaiPa a été la grande surprise du début de saison avec un entraîneur débutant (Pekka Tirkkonen) et des jeunes joueurs pleins d'envie. Ils jouaient un hockey physique et rapide, tirant dans toutes les positions avec beaucoup d'émotion. Après plus d'un tiers de la saison, l'équipe de Lappeenranta faisait un très étonnant leader de SM-liiga. La suite fut plus difficile avec une neuvième place finale et une élimination en "pré-playoffs" contre le HIFK. Mais après six ans sans qualification, c'est déjà un résultat inespéré.

Entre-temps, en janvier, le SaiPa s'est fait prêter le gardien Miika Wiikman par Ilves et n'a pas hésité à vendre son titulaire Jani Nieminen à Kazan qui cherchait une doublure pour se couvrir. Un Nieminen apparemment ravi : "Je n'aurais même pas pu rêver une chose pareille. Je ne sais pas où cette route mène, mais ça peut être l'opportunité d'une vie. Je suis triste de quitter une équipe qui m'a beaucoup apporté, mais je ne pouvais pas refuser une telle offre." En fait, Nieminen ne jouera que deux rencontres et n'a pas le niveau d'un titulaire dans un grand club de KHL. Sportivement, cela ne l'a donc mené nulle part.

Le manager du SaiPa, Riku Kallioniemi, avait expliqué lors de ce départ que la stratégie du club est "d'aider les joueurs à se développer et à progresser dans leur carrière". Ce n'est pas comme s'il avait vraiment le choix. Compte tenu des moyens financiers limités, les joueurs en vue se dispersent à chaque intersaison. Faisons le compte des quatre figures marquantes de cette belle saison : le défenseur américain Brian Salcido, le centre formé au club Anssi Löfman, l'international letton Roberts Jekimovs avec son patinage et son tir puissant, et le physique ailier Stefano Gilliati qui avait été champion d'Italie avec Bolzano. Seul Gilliati restera l'an prochain.

 

Pelicans Lahti (11e) : le yo-yo

Après être passés de dernier à finaliste, les Pelicans ont aussi vécu ce genre de saignée l'été dernier. Ils ont perdu leur gardien titulaire Niko Hovinen, leur pilier défensif Joonas Järvinen et leurs deux meilleurs marqueurs Ryan Lasch et Justin Hodgman.

Il n'est donc pas illogique qu'ils soient retombés dans la médiocrité. Comme les buts encaissés étaient aussi nombreux que les trous défensifs, ils se sont vite focalisés sur la question du gardien. Pendant le lock-out, ils ont fait revenir l'ancienne idole Antti Niemi dans les cages, puis le numéro 1 tchèque Ondrej Pavelec. Mais le problème n'était pas le gardien, et aucun des pigistes n'a fait mieux que Jere Myllyniemi, qui n'était finalement pas si mal que ça et a prolongé deux ans.

C'est le reste de l'équipe qui n'était pas au niveau, car le recrutement nord-américain ne fonctionne pas à tous les coups. L'équipe de Lahti n'a été améliorée ni par le défenseur Danny Richmond, un ancien champion du monde junior, ni par l'attaquant Angelo Esposito, un ancien premier tour de draft NHL à la jeune carrière gâchée par des opérations multiplies du genou et des rumeurs sur son attitude. En fin de compte, le seul Nord-Américain qui a fonctionné, ce ne sont pas les Pelicans qui l'ont trouvé, c'est le HIFK qui l'a prêté : Tyler Redenbach.

La ressource la plus stable est finalement venue de l'intérieur : le petit ailier Pekka Jormakka, 22 ans, a fini meilleur marqueur, mais il partira l'an prochain à Tappara, et on voit mal ce qui permettrait un nouveau redécollage des Pelicans cette fois.

 

Blues Espoo (12e) : la fin des miracles

Cela faisait deux ans que les Blues finissaient sur le podium après avoir passé la saison en milieu de tableau. Mais pour réaliser un miracle en play-offs, il faut déjà s'y qualifier... Espoo était très friable pour cela. On avait pourtant fait revenir à la maison Arto Laatikainen, nanti de l'expérience d'un titre avec le JYP, et on l'avait nommé capitaine : la triste fiche de ce défenseur expérimenté (-21) se passe de commentaires...

En début de saison, les Blues paraissaient encore capables d'étonner, grâce à une attaque spectaculaire et explosive. Elle était emmenée par Teemu Ramstedt, élu "joueur du mois" en septembre. Mais Ramstedt est parti au SKA Saint-Pétersbourg en janvier, un nouveau signe de la situation financière déclinante d'Espoo.

C'est pourtant l'entraîneur Lauri Marjamäki qui a joué le rôle de fusible dans cette non-qualification, quand il a "sauté" à la mi-février. Entraîneur à la vocation précoce (il a débuté à 17 ans), Marjamäki reste quand même un spécialiste reconnu. En novembre, la fédération avait d'ailleurs désigné cet ancien sélectionneur des U20 comme futur adjoint d'Erkka Westerlund aux commandes de l'équipe nationale à partir de 2013/14.

Même si le championnat 2012/13 a été moins rose que les précédents, il a apporté une belle satisfaction : le comportement des juniors. Le petit international U18 Juuso Ikonen est envoûtant de vitesse, et Miro Aaltonen, qui était arrivé à 16 ans de Joensuu, a mis 11 buts dans une saison tronquée car il s'est cassé la cheville aux championnats du monde U20.

 

TPS Turku (13e) : un flop, une trahison et une retraite

Encore une saison noire pour le TPS. Un nouvel entraîneur s'y est cassé les dents : Pekka Virta s'est fait virer dès la mi-octobre avec tout son staff, pour être remplacé par Juha Pajuoja.

Le TPS n'a toujours pas trouvé son meneur de jeu. Il croyait en Corey Locke, MVP de l'AHL en 2011, après une pré-saison prometteuse. Ce fut un flop complet. Alors qu'il dépassait le point par match en AHL depuis quatre ans, il n'en a même pas marqué la moitié en Finlande. Il avait toujours un temps de retard à cause de sa lenteur. Il a fini la saison à Berlin, devenant champion mais dans un rôle secondaire.

La recrue de fin août à l'essai, Brian Willsie, a été plus performante : cet ancien joueur de NHL a gardé un très bon tir du poignet et un instinct de buteur. Le meilleur marqueur de l'équipe, un peu par défaut, a finalement été le géant de deux mètres Marko Anttila, qui a servi de joueur de quatrième ligne à l'équipe de Finlande. Les joueurs de NHL Mikko Koivu et Lauri Korpikoski, quant à eux, sont rentrés aux États-Unis dès la fin novembre pour ne pas être imposables en Finlande sur leurs revenus 2012.

Ce fut encore pire en défense. Pas moins de trois arrières de NHL sont arrivés pendant le lock-out pour aider une équipe traumatisée par les blessures, avec un très gros temps de glace pour Kris Russell et Kevin Shattenkirk. Et surtout, après son étonnant retour en équipe nationale en novembre (sans lendemains), le recordman des participations en championnat du monde Petteri Nummelin a été prêté un mois par Lugano, où il était étranger surnuméraire. De retour chez lui à Turku, Nummelin a déclaré que son cœur était au TPS et qu'il avait enfin compris ce qu'il désirait dans le hockey. Lors d'une cérémonie, il a reçu le numéro 3, normalement retiré car appartenant à son père Timo Nummelin. Autant de phrases et de liens sacrés qui expliquent que les supporters du TPS aient mal vécu la "trahison" du fils quand il a signé quelques semaines plus tard au Lukko au lieu du TPS. Le club de Rauma a la nouvelle manie de s'approprier les légendes de Turku puisque Ville Vahalahti y jouera l'an prochain après 14 saisons au TPS.

Autres adieux; définitifs ceux-là, ceux du gardien Antero Niitymäki, qui a connu son heure de gloire aux JO de Turin où il fut élu meilleur joueur, même si à aucun autre moment qu'en 2006 il n'a été considéré parmi les trois meilleurs gardiens finlandais. Victime de problèmes récurrents de hanche, il a tenté de rejouer avec une prothèse en retournant dans son club formateur. Il fut numéro 2 en début de saison derrière le jeune Atte Engren, mais en fin de saison, il ne pouvait même plus s'entraîner correctement sans douleur. Il a donc arrêté définitivement. Il s'occupera de ses enfants et sera recruteur en Europe pour le compte de son ancienne équipe NHL (Philadelphie).

 

Ilves Tampere (14e) : ce qui ne tue pas rend plus fort

Un des plus grands clubs finlandais est passé par une très grave crise en septembre dernier. Dix dirigeants (du domaine sportif au directeur marketing ou au responsable juridique) ont démissionné fin septembre après un conflit avec l'actionnaire majoritaire depuis vingt ans, Vincent Manngard, un investisseur immobilier qui vit à New York. On a même alors évoqué un possible écroulement du club.

Ilves a survécu, mais a encore passé une saison difficile à la dernière place, pour la troisième fois en quatre ans, même s'il a bénéficié comme tous les autres clubs de l'aide de joueurs NHL lors du lock-out (le gardien Anders Lindbäck a même battu un record du club en restant invaincu pendant 163 minutes et 37 secondes).

Rester perpétuellement dernier mine le moral de tout le monde, et même le mythique recordman des sélections Raimo Helminen en a été victime : à la mi-décembre, il a annoncé qu'il se retirerait à la fin de la saison. Tuomas Tuokkola, l'ex-entraîneur de KalPa, devait le remplacer au 1er mai, mais il est finalement entré en fonction en janvier car Helminen a été licencié par anticipation. Le nouveau coach a terminé la saison régulière par une série inattendue de 5 victoires et a enchaîné en gagnant le barrage de promotion/relégation par 4 victoires à 1, comme l'an passé.

Le gardien inexpérimenté de 20 ans Ville Kolppanen, qui a fini la saison comme titulaire, s'est montré solide dans ces barrages. Même dans ces temps difficiles, Ilves continue donc de former de jeunes joueurs. Son meilleur marqueur est ainsi le petit et technique Matias Sointu... mais il va partir au TPS. La galère n'est pas terminée, mais le regain de forme enregistré avec Tuokkola donne un peu d'optimisme pour la prochaine saison, et le plus important est que les supporters n'aient jamais cessé leur soutien.

 

Marc Branchu

 

 

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