Gap ou le défi de la formation

 

Même si Éric Blais (à droite sur la photo) a été élu entraîneur de l'année de la Ligue Magnus, on ne peut pas le décrire comme un homme satisfait. Le coach de Gap est un compétiteur que l'on a senti encore frustré d'échouer encore en finale de Coupe puis en play-offs. Très en colère envers ses joueurs les soirs de défaite, il tire un bilan plus mesuré à froid : "Quand on se fixe des objectifs, on veut aller plus haut que l'année précédente. Pour nous, c'est juste incroyable de faire deux finales consécutives à Bercy. Malheureusement, alors que Grenoble a fait un match de 60 minutes, nous ne sommes pas allés au bout de notre rêve. Comme l'année précédente, on rate notre entame du quart de finale, les deux premiers matches à l'extérieur. Au final, on fait le même parcours, pourtant on a évolué et grandi en tant qu'équipe."

Si les résultats sportifs ont été stables, les affluences ont en revanche nettement progressé. Le club a fait des animations avant, pendant et après le match une de ses priorités, et ses efforts ont été récompensées. Les 2200 places assises de l'Alp'Arena et les places debout ont été régulièrement occupées, jusqu'à remplir les coursives à ras bord. La barre des trois mille spectateurs a même été dépassée officiellement pour la revanche - manquée - de la finale de coupe contre Grenoble (3007 personnes). Cette hausse de la billetterie a compensé la hausse des coûts de transport et de matériel, permettant de boucler les comptes un peu en dessous de l'équilibre.

Les Rapaces ne roulent toujours pas sur l'or et l'augmentation de budget a été entièrement grignotée par l'inflation. Elle a aussi été consacrée au projet de formation car la SASP a repris la gestion de l'équipe U20. Le Suisse Raphaël Rossy a été nommé entraîneur des juniors en plus d'assister Blais auprès de l'équipe de Magnus, l'objectif étant d'avoir une identité de jeu commune entre U20 et seniors. Le club veut se positionner pour être labellisé Centre de formation en sachant que ce sera un projet difficile à concrétiser avec la mairie car les créneaux de glace ne sont pas extensibles, pas plus que les vestiaires ou que les murs de la patinoire réhabilitée qui a encore ses arches originelles.

Quand on lui dit que Gap est un "club formateur", un label dont beaucoup sont souvent prompts à se parer de manière parfois usurpée, Éric Blais réfute un qualificatif qui lui paraît excessif. Même si les Rapaces sont une des équipes qui font le plus d'efforts pour le développement des joueurs français, cela ne répond pas encore au niveau d'exigence du haut niveau dont leur coach a bien conscience. Il aura l'occasion d'observer d'encore plus près ce qui sépare les juniors tricolores de l'élite puisqu'il a été nommé entraîneur de l'équipe de France des moins de 20 ans. Un travail en parallèle à son engagement à Gap : en raison des stages des équipes nationales, il a donc loupé une semaine avec les Rapaces en août, sera absent pendant la trêve internationale de novembre et manquera deux matches de championnat en décembre pendant les Mondiaux de division IA à Budapest. C'est alors le manager Sébastien Oprandi (photo de gauche) qui le remplacera comme coach, comme au cours de la saison dernière quand Blais avait été opéré.

Comment Éric Blais a-t-il vécu la première semaine de la double fonction ? "Même en n'étant pas sur Gap, mon esprit y était. J'appelais après l'entraînement pour savoir comment ça s'était passé. Heureusement, les nouvelles technologies permettre de suivre les matches. Cela a été très dur pour moi de lâcher l'équipe juste une semaine. C'est le revers de la médaille. Sébastien a accepté de me libérer. Tout sera calé au préalable pour que tout se passe pour le mieux et je compte sur les cadres de l'équipe pour m'aider. C'est un coup d'essai, il faut voir ce que ça va donner, il ne faut pas que ça aie de grosses répercussions sur l'équipe. Quand je l'ai retrouvée, je pensais qu'elle aurait plus progressé dans sa préparation. Les joueurs en font peut-être un peu moins quand je ne suis pas là."

Cette équipe, Blais en connaît bien les ressorts. Les cadres sont identiques même s'il y a eu un peu de renouvellement. Le plus grand changement survient dans les cages avec le départ de Julian Junca, élu gardien de l'année. Sa bonne saison lui a donné envie de partir à l'étranger, et il espérait que son premier championnat du monde lui serve de tremplin. Le début cataclysmique du match France-Suède ne l'a pas aidé à se présenter sous son meilleur jour envers les clubs européens et il devra se contenter d'opportunités résiduelles en ECHL.

On pourrait s'y méprendre car le nouveau gardien Samu Perhonen est presque aussi grand que Junca (1m96). Champion junior de Finlande 2011 en étant élu MVP des play-offs, Perhonen fut le premier gardien européen choisi à la draft NHL cette année-là, par Edmonton, sans jamais y signer. Sa carrière, un peu gênée par les blessures, s'est essentiellemnt passée en Liiga (128 matches) avant une année au Danemark, une expérience avortée en Suède et son recrutement par Bordeaux pour pallier la blessure de Clément Fouquerel, puis pour lui faire concurrence. Si Perhonen couvre bien son filet, c'est une autre qualité que retient Blais de cet homme discret typiquement finlandais : "Il a compris où il mettait les pieds, c'est important pour la cohésion de l'équipe. La partie humaine est très importante." Il ne sera pas dépaysé par sa doublure puisqu'il a connu Gaëtan Richard chez les Boxers : c'est d'ailleurs parce que Richard n'était jugé pas assez performant pendant la blessure de Fouquerel que le Finlandais avait été engagé.

Malgré l'arrivée d'un étranger devant les filets, Gap en a le même nombre qu'au début de l'année passée. Tous les attaquants étrangers sont en effet partis, à l'exception du fidèle Slovène Boštjan Goličič qui rempile pour une dernière année. L'arrivée du joker Eeto Pasovaara (qui voulait quitter Nice) était dès le départ une opportunité provisoire, finançable parce qu'il s'agissait un contrat de trois mois, de fin janvier à fin avril. Yegor Gainetdinov fut un caractère compliqué, à l'envie déclinante. Le technique Olegs Sislannikovs avait donné satisfaction, mais ne rentrait plus forcément dans le budget. À la place de ces trois-là, un seul étranger, le rapide Benjamin Lagarde : le contact fut réactivé au meilleur moment - alors que son équipe était en banqueroute - avec ce joueur déjà passé par Gap en 2021/22 et dont l'intégration présente donc peu de risque.

Alors que beaucoup de clubs se plaignent de ne pas attirer de JFL, les Rapaces y arrivent très bien. Les deux meilleurs marqueurs français de Mulhouse - en liquidation judiciaire - ont choisi ce club qui a bonne réputation auprès des joueurs de l'Hexagone. L'ailier droit Jordan Mugnier a été la grande révélation offensive des Scorpions en se libérant mentalement et il espère trouver un environnement aussi favorable. Le centre Teemu Loizeau avait été retranché de Gap à l'issue du camp de présaison 2018/19 par un Luciano Basile peu patient envers ce jeune joueur. Cela ne l'a pas empêché de revenir cinq ans plus tard dans un autre contexte. Son gabarit correspond bien aux orientations de Blais ("On a grossi devant, on a amené plus de caractère alors que par moments on était trop soft").

Le contingent français, mené par un trio Julien Correia – Romain Gutierrez – Paul Joubert (ce dernier en photo à gauche) qu'Éric Blais décrit comme sa meilleure ligne de la présaison, s'est donc encore enrichi. Comme il comprend toujours Loïc Coulaud et Axel Tarabusi, on recense pas moins de 7 Français sur 9 joueurs dans les trois premiers trios, même si le club s'est séparé d'un Dimitri Thillet en perte de vitesse.

Gap continue de ne rien faire comme tout le monde en gardant un étranger en quatrième ligne. Le droitier Anthony Cardelli a en effet été choisi pour succéder à Kevin Altidor, avec un patinage tout aussi fort mais des mains plus habiles. Il aura à ses côtés Sébastien Rohat, qui est toujours l'organisateur dynamique du jeu en infériorité numérique (un secteur où Gap a fini deuxième de Ligue Magnus) et reste assistant-coach, et l'international junior Raphaël Chauvel, fils de Luc, qui a vite progressé en deux saisons à Caen. Non seulement cette quatrième ligne est capable de ne pas subir et d'appliquer un forechecking intense, mais elle est aussi plus joueuse. Effectif construit de manière atypique, Gap devrait ainsi encore avoir l'attaque la plus homogène du championnat.

Les lignes arrières semblent en revanche plus étagées. Sur la première paire, les étrangers au rôle capital. Chad Langlais (photo ci-dessous) ne vieillit pas et reste même sur sa saison la plus productive (42 points en saison régulière plus 7 en 5 matches de play-offs) à 36 ans, il en a maintenant 37. Sa complémentarité est idéale avec Valteri Meisaari, pilier physique très mobile pour son grand gabarit : il a une attitude si entraînante pour ses coéquipiers qu'on dit de lui en plaisantant qu'il n'est "pas un vrai Finlandais". Sa blessure en fin de saison a beaucoup handicapé les Rapaces.

En seconde paire, les Français "expérimentés" : un qualificatif indéniable pour Fabien Bourgeois, un peu plus osé pour Yohan Coulaud qui vient tout juste de fêter ses 23 ans. Un an après son retour au pays, le Gapençais a déjà acquis son statut de cadre, et ses premières sélections en équipe de France. Cela explique que les Rapaces n'aient pas prolongé Arnaud Faure, pour faire de la place aux jeunes par un jeu de chaises musicales.

La troisième paire a en effet une expérience cumulée en Ligue Magnus de... 20 matches. Ceux de Léo Faure, 5 il y a deux saisons puis 15 l'an passé en alternance avec des passages à Marseille en licence bleue. Selon Éric Blais, "cela lui a fait le plus grand bien de s'aguerrir en D1, il a maturé. Je ne sais même plus s'il est passé au travers un seul match sur les 15 qu'il fait avec nous." À ses côtés, Paul Nassivet, un Angevin passé sous les radars jusqu'à son arrivée à Caen il y a deux ans et qui a montré des choses prometteuses, y compris en équipe de France junior. "Ce n'est pas le plus mobile de la ligue mais on va le faire travailler là-dessus. C'est un grand défenseur physique, il travaille bien de la crosse, il est solide dans les duels, il a une bonne qualité de shot et de passe, il faut juste qu'il débloque ses pieds."

Éric Blais considère que ces deux jeunes lui ont amené des garanties et s'enthousiasme de développer ce jeune duo. "On aurait pu prendre un universitaire nord-américain et seulement un des deux jeunes, mais ça m'aurait fait moins triper." Dans la plupart des autres clubs, ces jeunes auraient été mis en concurrence pour un poste de sixième défenseur, au mieux. Pas à Gap.

Il faut dire qu'il n'y a plus la possibilité de faire mûrir temporairement les jeunes sous le soleil marseillais, puisque les Spartiates ont rejoint la Ligue Magnus sur dossier après la faillite de Mulhouse. Cela a obligé Gap à revoir ses plans pendant l'été en se contentant d'un partenariat en division 2, puisqu'il n'y a aucune autre équipe de division 1 géographiquement proche. Mais ce n'est pas la même chose. "Les joueurs qui arrivaient de D1 était prêts à jouer, pleins d'enthousiasme. En D2, le gap est plus important, les joueurs ont plus d'appréhension quand ils débarquent en Magnus, ils ont peur de faire une connerie."

Au moins quatre joueurs chaque semaine iront donc en D2 à Valence. Parmi eux, le plus prometteur est sans doute l'arrière de 18 ans Nathan Cal, fils de Jean-François (lui-même défenseur de l'équipe première au début du siècle) et petit-fils de Bernard Cal, gardien des titres 1977 et 1978. Les générations poussent vite...

Éric Blais se satisfait d'un "groupe qui vit bien" même s'il sent son équipe "moins avancée que l'an dernier" dans sa préparation, à quelques jours du début de championnat. Il n'est pas le seul entraîneur à faire des déclarations similaires. Certains de ses collègues auraient clairement aimé que la présaison dure une semaine de plus. Après tout, cette jeune équipe gapençaise a hâte de débuter et de se faire les dents. Une onzième qualification consécutive en quart de finale récompensait un club très constant dans ses valeurs.

Marc Branchu (photos Thierry Frechon et Anthony Mangeard)

 

 

Effectif :

Gardiens

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2022/23  MJ   Min   Moy.     %
43 PERHONEN Samu         07/03/1993  196  90       (Finlandais)  Östersund    SUE-2    4   198   5,17   84,0%
                                                                 Bordeaux     FRA-1   14   793   2,50   91,8%
83 RICHARD Gaëtan        09/04/1999  182  73  Briançon           Bordeaux/C.  FRA-1   24  1263   3,61   89,1%

Défenseurs

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2022/23  MJ   B   A Pts   +/-  Pén
 3 MEISAARI Valtteri     21/02/1999  192  95       (Finlandais)  Gap          FRA-1   37   6   9  15   +6   62'
 5 CHAUVIN Loris         23/01/2004  186  76  Gap                Gap          FRA-1   12   0   0   0    0    0'
 7 LANGLAIS Chad         01/08/1986  173  77        (Américain)  Gap          FRA-1   48   7  42  49   +5   81'
18 CAL Nathan            19/03/2005  173  69  Gap                Gap          FRA-1    1   0   0   0    0    2'
                                                                 Valence      FRA-3    2   0   1   1         0'
                                                                 Gap U20      FRAjr   26   8  22  30        26'
22 NASSIVET Paul         29/09/2003  190  84  Angers             Caen         FRA-2   29   0   8   8   +9    6'
29 FAURE Léo             19/04/2004  190  86  Briançon           Gap          FRA-1   15   0   0   0   -8   12'
                                                                 Marseille    FRA-2   24   1   0   1   -6    6'
                                                                 Gap U20      FRAjr    5   1  11  12         8'
65 COULAUD Yohan         30/08/2000  180  78  Gap                Gap          FRA-1   49   1  11  12   -15  27'
74 BOURGEOIS Fabien (A)  06/04/1995  173  81  Morzine            Gap          FRA-1   43   1  15  16   -10  40'

Attaquants

N° NOM Prénom            Naissance    cm  kg  Club formateur     Club & Chpt 2022/23  MJ   B   A Pts   +/-  Pén
 8 ESCALLIER Arthur      08/04/2004  179  68  Gap                Gap          FRA-1    3   0   0   0   -2    2'
                                                                 Marseille    FRA-2   24   0   4   4    0   10'
                                                                 Gap U20      FRAjr   14  11   4  15        12'
 9 CARDELLI Nick         06/06/1997  180  78        (Américain)  Am. Intern.  NCAA    31  11  11  22   +14  12'
                                                                 Iowa/Indy    ECHL     6   1   0   1   +1    4'
12 JOUBERT Paul          14/09/2000  178  74  Saint-Pierre       Gap          FRA-1   37  11  17  28   -5   21'
15 TARABUSI Axel         06/02/2001  175  68  Gap                Gap          FRA-1   49   6   9  15   -3    6'
17 MUGNIER Jordan        04/07/1996  184  79  Chamonix           Mulhouse     FRA-1   46  15  23  38   +6   50'
19 LOIZEAU Teemu         19/10/1999  190  89  Megève             Mulhouse     FRA-1   49  12  20  32   -11  34'
20 CHAUVEL Raphaël       21/10/2004  179  71  Caen               Caen         FRA-2   31   9  10  19   +8   29'
27 LAGARDE Benjamin      24/05/1993  175  82         (Canadien)  Montcalm     LNAH    36  12  20  32   +2    8'
38 GOLICIC Boštjan       12/06/1989  183  90          (Slovène)  Gap          FRA-1   43  20  16  36   -3   53'
72 COULAUD Loïc          25/05/1997  174  74  Gap                Gap          FRA-1   49   8  10  18   +2   30'
77 CORREIA Julien (A)    14/01/1988  173  78  Rouen              Gap          FRA-1   49  19  40  59   -12  26'
82 GUTIERREZ Romain (C)  09/09/1992  175  80  Franconville       Gap          FRA-1   49  21  18  39   -5   27'
85 ROHAT Sébastien       18/02/1985  175  74  Briançon           Gap          FRA-1   34   6   3   9   -15  20'

Entraîneur : Éric Blais (50 ans).

Partis : Julian Junca (G, 44 MJ à 91,3%, Tulsa, ECHL), Jimmy Darier (G, 10 MJ à 86,2%, Morzine-Avoriaz, FRA-2), Arnaud Faure (D, 1+8, Anglet), Louis Cirgues (D, 0+2, Marseille, FRA-2), Olegs Sislannikovs (A, 11+32), Yegor Gainetdinov (A, 14+14), Dimitri Thillet (A, 11+16, Briançon), Eetu Paasovaara (A, 4+6, Kiekko-Espoo, FIN-2), Lucas Colombin (A, 3+7, Marseille), Kevin Altidor (A, 4+4, Tours, FRA-2)

 

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