Slovaquie - République Tchèque (14 mai 2000)

 

Finale des Championnats du Monde A 2000 à Saint-Pétersbourg.

La fédération tchèque de football avait eu le nez creux en déplaçant par anticipation sa journée de championnat du dimanche à samedi pour éviter la concurrence avec la finale des championnats du monde. Même si on croyait moins en eux, la présence des hockeyeurs tchèques en finale n'est pas en soi une surprise. Celle de la Slovaquie - première nation hors du top-6 mondial habituel à obtenir une médaille depuis 47 ans - l'est beaucoup plus.

Le controversé attaquant canadien Todd Bertuzzi a fait preuve d'une louable équité entre les anciens compatriotes : il a blessé un défenseur majeur dans chaque camp. František Kaberle a une élongation des ligaments internes du genou et doit observer trois semaines d'arrêt. En revanche, Lubomír Sekeráš a réussi à convaincre le médecin que sa tête ne tournait plus et qu'il se sentait mieux cinq jours après sa commotion cérébrale.

Les Slovaques ne sont pas intimidés par leurs grands frères tchèques, qu'ils n'ont jamais battus, et qui les avaient déjà renvoyés à leurs études (6-2) plus tôt dans le tournoi. Durant les dix premières minutes, ils exercent une domination constante, aidés par deux pénalités de Petr Buzek, mais les Tchèques parviennent à parfaitement exploiter leurs contre-attaques. Michal Sýkora ouvre en effet le score sur le premier tir tchèque du match ! À sa seconde sortie de prison, Buzek récupère le palet en profitant d'erreur d'Ivan Droppa et sert Tomáš Vlasák qui double la mise en trompant le gardien d'une feinte parfaite du revers. Les statistiques sont éloquentes : les Tchèques ont marqué deux buts en trois tirs tentés. Mais cette réussite insolente ne s'arrête pas là, et le duo magique tchèque se rappelle à notre bon souvenir. Pavel Patera attire les défenseurs slovaques et laisse passer le palet jusqu'à Martin Procházka, idéalement placé pour porter le score à 3-0 (photo de droite). La République Tchèque ne pouvait pas rêver scénario plus idéal.

Meurtrie par le sort contraire en première période, la Slovaquie essaie de faire tourner le vent, et y parvient en supériorité numérique par un slap de Martin Štrbak. Il faut dire que les Tchèques leur facilitent l'affaire : alors que les équipes sont à 4 contre 4, Sýkora se fait remarquer par un coup de crosse, puis, tandis qu'il rejoint le banc (2'+2'), Buzek, qui a déjà visité la prison par trois fois, se porte candidat à un aller simple en pénétrant sur la glace pour aller dire son fait à Šatan. Il peut s'estimer heureux de n'écoper que de dix minutes, mais il n'est pas rassasié et donne un grand coup dans la porte de la prison, manifestant à nouveau son énervement, dont même les plus lents à la détente avaient pris note depuis longtemps. Mais le jeu de puissance slovaque, qui détient le meilleur pourcentage de réussite de la compétition, est annihilé par la boîte tchèque et ne modifie pas la donne, malgré une minute à quatre contre trois et quatre minutes à cinq contre quatre. Ce sont donc les Tchèques qui ont le plus de raisons de se montrer satisfaits au sortir de ce deuxième tiers, car ils ont réussi à préserver, en dépit de leur abonnement au banc des pénalités, une marge confortable.

Ils la rendent plus substantielle encore en début de troisième période : lors d'une passe de Jiří Dopita, qui parvient à se retourner dans le coin, Suchy tarde à revenir sur Jan Tomajko, suffisamment libre de ses mouvements pour tromper Lašák et inscrire son premier but en équipe nationale, le meilleur jour possible ! Alors que le moral des Slovaques semble décliner, Miroslav Hlinka - qui portait le maillot tchèque la saison passée avant de changer de casaque - leur redonne espoir en exploitant un rebond. Il reste alors moins de cinq minutes à jouer et la Slovaquie se rue à l'offensive. À 2'24" du terme, le meilleur buteur de la compétition, Miroslav Šatan, ramène la marque à 4-3 sur une passe de derrière la cage de Handzuš.

Il y a le feu à la maison tchèque, qui demande un temps mort pour couper l'élan des Slovaques déchaînés. Cechmánek, qui paraît électrique tellement il a les nerfs à vif, doit s'interposer sur un tir dévié par Bartečko. Il a le malheur de relâcher le palet un instant, et immédiatement s'agglutinent devant la cage une bonne demi-douzaine de joueurs. La pression est à son comble, mais le soufflé retombe lors d'un nouveau contre tchèque. Kapuš, unique défenseur, commet l'erreur d'aller disputer le palet dans le coin à Prospal. Celui-ci centre pour Robert Reichel, tout seul devant le but, qui fusille le pauvre Lašák et offre aux Tchèques leur deuxième médaille d'or d'affilée.

Les Slovaques peuvent nourrir des regrets dans ce match trop vite plié en première période contre le cours du jeu. Leur formidable rush final aura pimenté la rencontre mais aura été trop tardif. La clef de cette finale résidait dans les supériorités numériques, que les Slovaques, confrontés à forte partie, ont eu beaucoup plus de mal qu'habituellement à convertir, et dans l'inexpérience défensive des perdants, durement révélée par des Tchèques à l'affût de la moindre erreur et maniant à merveille l'art de la contre-attaque.

Désignés joueurs du match : Ľuboš Bartečko pour la Slovaquie et Tomáš Vlasák pour la République Tchèque.

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Ján Filc (entraîneur de la Slovaquie) : "Nos systèmes ont vraiment divergé en sept ans. Les Tchèques sont meilleurs techniquement, nous jouons avec plus de cœur. Mais il est difficile de jouer son meilleur hockey en finale, et ils ont mieux joué d'un point de vue technique. C'est nous qui avons commis toutes les erreurs individuelles. On est seulement en train d'apprendre comment jouer ce genre de tournoi. Le problème n'était pas de vouloir trop en faire, mais plutôt qu'aucun de nous joueurs n'avait participé à une demi-finale ou une finale. Ils étaient nerveux et n'ont pas l'habitude de jouer avec un tel stress."

Zdeno Chára (défenseur de la Slovaquie) : "Nous sommes une équipe très jeune, et il est dur de revenir au score. Nous pensions devoir mettre l'accent sur la défense, mais quand nous avons été menée 3-0 il a bien fallu ouvrir le jeu. Nous avons travaillé dur et montré un bel esprit, et nous avons réduit l'écart à un but. C'était trop tard, nous aurions eu besoin de dix ou quinze minutes supplémentaires, et après, qui sait ? Ce qui a probablement fait la différence, c'est qu'ils ont plus d'expérience que nous."

Michal Handzuš (attaquant de la Slovaquie) : "Sur l'instant, je suis déçu du résultat. Je resterai déçu pendant un ou deux jours. Après, je serai fier parce que nous étions menés 4-1 à cinq minutes de la fin et que nous nous battions toujours. C'est incroyable, le caractère dont nous avons fait preuve. Nous n'avons jamais lâché, nous avons joué du grand hockey. Si nous n'avons pas pu égaliser, c'est parce qu'ils ont un grand gardien."

Josef Augusta (entraîneur de la République Tchèque) : "Nous avons joué une finale extrêmement exigeante contre un excellent adversaire. Les Slovaques sont entrés dans le match avec une plus grande faim de victoire et si nous n'avions pas inscrit des buts importants, nous aurions eu des problèmes. Il y a eu beaucoup de bruit sur les refus de joueurs de NHL, et ça m'ennuyait de devoir répondre sur ce seul sujet. J'avais parlé à chacun d'eux en personne et ils avaient leurs raisons. Je n'étais pas en colère et je ne le suis pas. Pour tout avouer, j'avais bien plus peur d'un forfait de Kučera, Výborný, Dopita ou Reichel, parce que je voulais bâtir l'équipe autour de ces joueurs que je connais bien. J'ai remporté le titre avec Dopita à Olomouc. J'ai eu Kučera sous mes ordres pendant ses deux ans de service militaire à Jihlava ; j'y ai joué avec le père de David Výborný, qui jouait dans les petites catégories. Je connais Reichel des juniors. À Olomouc, j'ai aussi connu Broš, Benýšek et Tomajko. Benýšek voulait arrêter le hockey, mais nous l'avons pris en équipe première et il a persévéré. Cela peut vour paraître étrange, mais les blessures de Vykoukal et Ujčík ont été pires pour moi que les excuses de NHL, ils avaient leur place dans l'équipe. [...] C'est lors du match contre la Slovaquie en poule que j'ai commencé à réduire mon banc à trois lignes quand ils l'ont fait, pour continuer à couvrir leur premier trio. Ensuite j'ai répété le procédé jusqu'en finale. J'ai appris une chose à Saint-Pétersbourg : la pratique de 7 défenseurs et 13 attaquants, commune dans notre pays, est un peu dépassée. Avec quatre lignes offensives et trois paires d'arrières, des joueurs différents se rencontrent à chaque fois, et avant qu'ils s'habituent les uns aux autres, le jeu est écartelé. Si on avait six Kučera, ça ne poserait pas de problème, mais nous avons de jeunes défenseurs. En passant à trois lignes de cinq joueurs, ça calmé les choses. Et ici il y a quatre pauses publicaires d'une minute par tiers-temps, c'est un peu pareil que si une quatrième ligne rentrait, cela ne change rien sur la condition physique. La prochaine fois, je pense qu'il serait mieux de prendre 8 défenseurs et 12 attaquants, quatre lignes de cinq. Certains journalistes se sont étonnés que j'ai ainsi renoncé à faire tourner les jeunes comme Špaňhel, Havlát, Čajánek ou Broš, mais mon devoir est de mener l'équipe à la victoire, mais de faire en sorte que tout le monde joue. Et ce que je leur ai légué, c'est qu'ils sont devenus champions du monde."

Robert Reichel (capitaine de la République Tchèque) : "Vous m'avez demandé tout le tournoi quand ça viendrait. Vous voyez, c'est venu aux moments cruciaux. Je n'ai mis que deux buts, mais les plus importants."

Jan Tomajko (attaquant de la République Tchèque) : "Je suis si heureux. Je commençais à croire que l'équipe nationale gagnait parce que je ne marquais pas de buts."

Tomáš Vlasák (attaquant de la République Tchèque) : "Nous avons fait une grande première période, mais nous n'avons pas joué aussi bien dans la deuxième. Les Slovaques nous ont pressés dans les cinq dernières minutes mais nous avons été un peu chanceux d'inscrire ce cinquième but. Ils voulaient vraiment nous battre, mais nous avions aussi un gros cœur et nous étions prêts à lutter jusqu'à la fin. Les Slovaques ont eu plus d'occasions, mais après un match si difficile, la médaille d'or n'en a que plus de valeur."

Petr Buzek (défenseur de la République Tchèque) : "Je préfère ne pas commenter l'arbitrage. Je ne sais pas comment le Canadien a pu m'infliger une méconduite pour ce que j'ai dit à Šatan, car je lui ai parlé en tchèque. Peu importe maintenant, nous sommes champions."

 

Slovaquie - République Tchèque 3-5 (0-3, 1-0, 2-2)
Dimanche 14 mai 2000 à 18h30 au Dvorets Sporta de Saint-Pétersbourg. 12 350 spectateurs.
Arbitrage de Kevin Acheson (CAN) assisté de Serge Carpentier (CAN) et John Costello (USA).
Pénalités : Slovaquie 10' (4', 2', 4'), République Tchèque 28' (8', 10'+10', 0').
Tirs : Slovaquie 33 (10, 12, 11), République Tchèque 15 (7, 4, 4).

Évolution du score :
0-1 à 06'04" : Sýkora assisté de Procházka et Varaďa
0-2 à 09'34" : Vlasák assisté de Buzek
0-3 à 12'25" : Procházka assisté de Vlasák et Reichel
1-3 à 27'43" : Štrbak assisté de Suchý et Pucher (sup. num.)
1-4 à 43'35" : Tomajko assisté de Dopita et Výborný
2-4 à 55'22" : Hlinka
3-4 à 57'28" : Šatan assisté de Bartečko
3-5 à 58'58" : Reichel assisté de Sýkora et Prospal
 

Slovaquie

Attaquants :
Ľuboš Bartečko - Michal Handzuš (-1) - Miroslav Šatan (C, -1)
Ľubomír Vaic (-1) - Richard Kapuš (-2) - Vlastimil Plavucha (-1)
Miroslav Hlinka (A) - Ľubomír Hurtaj (-1) - Ján Pardavý
Peter Bartoš - Michal Hreus (-1) - Peter Pucher (-1)

Défenseurs :
Martin Štrbak (2') - Radoslav Suchý (A, -1)
Zdeno Chára - Ľubomír Višňovský (2')
Ivan Droppa (-2) - Peter Podhradský (-2)
Ľubomír Sekeráš (-1, 2') - Stanislav Jasečko

Gardien :
Ján Lašák (4')

Remplaçant : Pavol Rybár (G). En réserve : Miroslav Lipovský (G), Ronald Petrovický (blessure génitale).

République Tchèque

Attaquants :
Jan Tomajko - Jiří Dopita (A, +1) - David Výborný
Tomáš Vlasák (+1) - Robert Reichel (C, +1) - Václav Prospal (+2)
Martin Procházka (+2) - Pavel Patera (+1) - Václav Varaďa (+1, 2')
Petr Čajánek (2') - Michal Broš - Martin Havlát

Défenseurs :
František Kučera (A, +2, 2') - Michal Sýkora (+2, 4')
Ladislav Benýšek - Martin Štěpánek
Radek Martínek (+1, 2') - Petr Buzek (+1, 6'+10')

Gardien :
Roman Čechmánek

Remplaçants : Dušan Salfický (G), Martin Špaňhel. En réserve : Vladimír Hudáček (G), František Kaberle (élongation des ligaments internes du genou).

 

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