Metallurg Magnitogorsk - Avangard Omsk (10 avril 2004)

 

Finale de la Superliga russe, cinquième manche.

Ce n'est pas que le Metallurg n'aime pas son public, mais les joueurs de l'Oural auraient bien aimé terminer la série à Omsk. Magnitogorsk menait en effet deux manches à une et avait la possibilité de clouer le cercueil lors du premier match à Omsk pendant la série de tirs aux buts. Mais les joueurs de l'Avangard se sont accrochés et ont égalisé à deux victoires partout. Voilà donc le Metallurg une nouvelle fois devant son fidèle public pour l'ultime match de cette finale. Une patinoire Romazane où il est très difficile de gagner, quel que soit l'adversaire. Les joueurs de l'entraîneur tchèque Marek Sikora espèrent seulement que leur chance n'est pas passée.

Le Metallurg, fidèle à son habitude, met le feu d'entrée, poussant les Sibériens à la faute. L'attaquant Evgueni Khatseï et le défenseur kazakhstanais Igor Nikitine partent en prison dans les deux premières minutes de jeu. Mais Maxime Sokolov, le gardien international de l'Avangard, semble une nouvelle fois en grande forme. Ce premier tiers est d'ailleurs largement à l'avantage des locaux. Mais petit à petit, devant leur impossibilité à ouvrir la marque, le doute commence à s'installer dans les rangs des Rouges et Bleus (qui jouent évidement en blanc à domicile).

Le deuxième tiers est beaucoup plus serré, les actions dangereuses moins nombreuses et les deux gardiens Maxime Sokolov et Norm Maracle rappellent à tout le monde qu'ils sont bien les hommes en vedette dans cette série finale. Plus le match avance et moins les deux équipes se dévoilent. Comme si l'esprit de notre ami Piotr Vorobiev planait sur la patinoire de Magnitogorsk. Ce que le quotidien Sport Express résume par le titre "Du hockey avec Vorobiev" (en russe, on ne dit pas le hockey SUR glace, mais le hockey AVEC un palet). Il faudrait peut-être trouver un exorciste...

Le temps passe et l'on commence à comprendre que, même si Magnitka et l'Avangard sont deux équipes traditionnellement offensives, l'enjeu est en train de tuer le jeu. Un palet franchit quand même la ligne de but, à la 47eme minute grâce à Igor Nikitin, mais l'arbitre l'annule. Norm Maracle a été bousculé. Monsieur Bokarev regarde la vidéo. Il doit décider si c'est Evgueni Varlamov, le défenseur de Magnitogorsk qui a fait tomber son gardien, et dans ce cas-là valider le but, où si c'est le Maxime Souchinsky qui a fait une faute sur Maracle. L'arbitre rend son verdict : deux minutes pour Souchinsky et donc pas de but.

L'ultime période sera vraiment placée sous le signe du hockey avec Vorobiev. Comme si les deux équipes pensaient que le premier qui bouge est mort. Pas de prison, pas de risque et pas de but. La mort subite est du même tonneau, ce qui fait que pour la troisième fois en cinq matches dans cette finale on en vient aux tirs au but.

Comme d'habitude, c'est Alexandre Korechkov qui s'y colle pour débuter la série. Et comme la dernière fois à Omsk, l'attaquant international kazakhstanais échoue devant Maxime Sokolov. L'attaquant de la première ligne vedette d'Omsk, Dimitri Zatonsky, voit lui son tir arrêté par Norm Maracle. On passe aux deuxièmes tireurs. Evgueni Korechkov n'a pas plus de réussite que son frère. En revanche, le héros de la quatrième manche Dimitri Soubbotine est le premier de l'après midi à trouver la faille chez un gardien et permet à l'Avangard de mener la série un tir à zéro. Pas pour longtemps, le Slovaque Lubomir Vaic égalise. Aleaxndre Prokopiev pour Omsk et Edouard Koudermetov pour Magnitogorsk ne font pas bouger le compteur et l'on en vient au dernier tireur de chaque équipe. C'est le Tchèque Jaroslav Bednar qui s'élance et trompe Norm Maracle. La clé de la finale se trouve donc dans le duel entre le capitaine de Magnitogorsk, Valeri Karpov, et le gardien international d'Omsk, Maxime Sokolov. Deux vedettes qui se font face pour le titre de champion de Russie 2004 ! Karpov s'élance, il tente le dribble par la gauche, mais Sokolov fait le grand écart et écarte le palet de la botte et de la crosse. Il peut alors jeter son casque en l'air, les Faucons d'Omsk sont champions de Russie pour la première fois de leur histoire. Le club financé par Sibneft, la compagnie pétrolière du milliardaire Roman Abramovitch, a enfin rentabilisé les millions investis depuis des années dans une équipe qui ne réussissait jamais à conclure.

Valeri Beloussov, l'entraîneur mythique du Metallurg arrivé en milieu de saison à Omsk, peut boire dans la coupe, il a une nouvelle fois confirmé sa réputation d'entraîneur qui gagne... même contre son ancien club ! Il peut en tout cas être content, car au cœur de l'hiver, j'avais vu jouer l'Avangard à Moscou (au CSKA) et cette équipe se traînait en fond de classement et sur la glace, comme une constellation de vedettes sans âme. Beloussov arrive, et hop, le club est champion ! Incroyable, non ?

La fête a été longue à Omsk, où le public est très fervent. Des milliers de supporters étaient à l'aéroport de la ville pour attendre l'avion de leurs favoris. Toute la saison, ces supporters des "Faucons" auront été présents, évidement à domicile (plus de 5 000 spectateurs) mais également à l'extérieur, ce qui est remarquable au vu des distances en Russie... et du salaire moyen russe. C'est en tout cas une première pour un club de la lointaine Sibérie...

En revanche, le Metallurg peut sincèrement l'avoir amer. En tête pendant presque toute la saison régulière et menant deux victoires à zéro, les joueurs de l'Oural doivent se mordre les doigts de ne pas avoir terminé la série à Omsk...

D'ailleurs, c'est quoi cette "manie" cette saison de la part des équipes "rouges et noires" de battre en finale les équipes "rouges et bleues" qui ont fini la saison régulière en première place ? Y'a un complot planétaire ou quoi ?

Mais peut-être qu'il faudrait se pencher aussi sur ces fameux tirs au but, ils semblent paralyser les joueurs qui ne prennent plus de risque en s'en remettant à la roulette russe (évidement...) des pénalties. En se disant, au moins personne ne viendra me reprocher d'avoir raté un pénalty, alors que si je prend un risque offensif qui échoue et que l'on prend un but en contre, je vais me faire assassiner, donc je ne fais rien... C'est à méditer, sinon le hockey avec Vorobiev va triompher... même quand l'équipe de Piotr Vorobiev est éliminée.

Voilà donc l'heure des bilans. Omsk champion, Khabarovsk et Nijni-Novgorod relégués en Vyschaya Liga, d'où remontent le Spartak de Moscou et Perm. Place désormais au Mondial avec déjà un joueur qui fait la une de tous les journaux : Ilya Kovalchuk. Depuis qu'il a posé le pied à l'aéroport de Moscou, les médias ne parlent que de lui... Des médias moscovites qui doivent bien oublier que le titre est en Sibérie et qu'aucune équipe de Moscou ne semble, pour l'instant, pouvoir le récupérer...

Compte-rendu signé Bruno Cadène

 

Commentaires d'après-match

Jaroslav Bednar (auteur du tir au but décisif d'Omsk) : "Je ne me suis jamais considéré comme un spécialiste des tirs au but. Cependant, pour un attaquant, c'est une aptitude aussi nécessaire que de savoir patiner. Nous avons étudié attentivement la manière dont Maracle fonctionne sur les tirs au but, et nous avons tenté de faire les corrections appropriées. Malgré tout, pour être honnête, corrections ou pas, il y a un très bon gardien, il y a un attaquant, c'est du 50-50, et tout est dans les mains de Dieu. Peut-être qu'aujourd'hui il a suivi le match et qu'il a conclu que nous ne devions pas perdre. J'ai simplement été l'instrument de sa volonté..."

Maksim Sokolov (gardien d'Omsk) : "Une finale est très usante. En prenant en compte les prolongations, ce ne sont pas cinq mais cinq matches et demi que nous avons joué en sept jours ! Aujourd'hui, tout le monde a joué à la limite de ses forces, et peut-être même au-delà. Que l'arbitre ait fait une erreur ou pas en nous refusant ce but, il nous a donné un coup de fouet. En même temps, il nous a libérés - nous avons compris qu'aux yeux de nos supporters nous aurions eu le droit moral de perdre, puisque la victoire nous aurait été refusée !"

Marek Sikora (entraîneur de Magnitogorsk, arrivant deux heures plus tard en conférence de presse, un verre de vin rouge à la main) : "J'étais certes énervé de cette défaite. Mais maintenant, j'ai bu un petit peu de vin et je suis calmé. Nous avons résisté à un adversaire de grande classe. Dans l'effectif de l'Avangard, il y a des joueurs d'expérience, des champions du monde. Nous avons joué trois matches de play-offs de plus qu'Omsk, et la fatigue s'est fait sentir au moment décisif, ainsi que les blessures de nos cadres : Karpov a joué sous infiltrations, Kaïgorodov avec une côte fêlée. La perte de Gladskikh en cours de match a aussi été déterminante, ce gars-là est une future star du hockey russe. J'ai pensé à faire rentrer Karpenko pour les tirs au but, mais il n'a pas joué depuis longtemps et c'est prendre un grand risque que de faire rentrer un gardien froid."

 

Metallurg Magnitogorsk - Avangard Omsk 0-0 (0-0, 0-0, 0-0, 0-0) / 1-2 aux tirs au but

Samedi 10 avril 2004 au palais des sports de glace Ivan-Romazan. 4200 spectateurs.

Arbitrage de M. Bokarev (Kazan).

Pénalités : Magnitogorsk 10' (4', 4', 2', 0'), Omsk 14' (6', 2', 4', 2').

Tirs : Magnitogorsk 31 (10, 7, 9, 5), Omsk 24 (5, 7, 8, 4).

Tirs au but :

Magnitogorsk : A. Koreshkov (arrêté), E. Koreshkov (arrêté), Vaic (1-1), Kudermetov (arrêté), Karpov (arrêté).

Omsk : Zatonsky (arrêté), Subbotin (0-1), Prokopiev (arrêté), Bednar (1-2).

 

Metallurg Magnitogorsk

Gardien : Norm Maracle (7).

Défenseurs : Sergueï Klimentiev (6) - Andreï Sokolov (6,5) ; Nikolaï Ignatov (6,5) - Oleg Davydov (6,5) ; Evgueni Varlamov (6) - Vitali Atyushov (6,5) ; Martin Cech (6,5).

Attaquants : Valeri Karpov (6,5) - Lubomír Vaic (6) - Eduard Kudermetov (6) ; Ravil Gusmanov (6) - Evgueni Koreshkov (6,5) - Aleksandr Koreshkov (6) ; Sergueï Ossipov (6) - Aleksei Kaïgorodov (6,5) - Evgueni Gladskikh (6) ; Dmitri Pestunov (6,5) - Sergueï Arekaïev (6) - Aleksei Tertyshny (6).

Gardien remplaçant : Igor Karpenko. Absents : Andrej Nedorost (étranger surnuméraire), Evgueni Malkin (blessé).

Avangard Omsk

Gardien : Maksim Sokolov (8).

Défenseurs : Dmitri Ryabykin (6) - Yuri Panov (6,5) ; Igor Nikitin (7) - Oleg Tverdovsky (7) ; Oleg Orekhovsky (6,5) - Vladimir Antipin (6,5).

Attaquants : Dmitri Zatonsky (6,5) - Aleksandr Prokopiev (7) - Maksim Sushinsky (6,5) ; Dmitri Subbotin (7) - Pavel Patera (6,5) - Jaroslav Bednar (7) ; Vitali Semenchenko (6,5) - Evgueni Khatseï (6,5) - Sergueï Krivokrasov (6) ; Aleksandr Popov (6) - Anton Kurianov (6,5) - Konstantin Baranov (6).

Gardien remplaçant : Oleg Grachev. Absent : Tomáš Vlasák (blessé).

NB : Les notes entre parenthèses (sur 10) sont celles attribuées par le quotidien russe Sport-Express.

 

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