Italie - Lettonie (2 mai 2007)
Championnats du monde, premier tour, groupe A.
La revanche de Hell
Le retour du match de la mort II ! Azzurri et Grenats n'ont plus le choix. Il faut vaincre pour éviter les affres de la poule de relégation. Dans l'immense Khodynka Arena, les Bleus Transalpins vont se sentir un peu seul, la patinoire est entièrement grenat à part une poignée d'Italiens de Moscou. Même l'ancien président de la république lettone, Guntis Ulmanis, est présent... Enfin, il était déjà là pour les deux premiers matches... avec le résultat que l'on sait !
Des supporters lettons qui adressent une supplique à leurs joueurs : "Nous voulons aller au Canada" ! Une banderole écrite en letton et en anglais et pas en russe, ce qui prouve bien les reculs de la langue de Pouchkine depuis le retour de l'indépendance !
Dans les cages, des changements. Chez les Italiens, c'est Günther Hell de Bolzano qui est titulaire, et côté letton, c'est le retour de Sergejs Naumovs, qui avait joué contre la Suisse avant de céder sa place à Edgars Masalskis face à la Suède. Naumovs joue en Italie... à Bolzano également, où il a privé Hell - qui a l'habitude de ronger son frein comme n 2 puisque son club formateur lui fait le coup chaque année - de la place de titulaire. C'est le premier match de ce Mondial où les deux gardiens évoluent dans le même club ! Il faut préciser que l'Italie devient la maison de retraite préférée des " vieux " internationaux lettons, puisqu'outre Naumovs (38 ans), Grigorijs Pantelejevs (34 ans) joue à Pontebba et Leonids Tambijevs (36 ans) à Merano. Et encore, Aigars Cipruss, 35 ans, n'a pas été sélectionné, alors qu'il joue également en Italie à Asiago.
Dans ce match-couperet, cela démarre des plus timidement. Personne n'ose vraiment se lancer dans la bagarre et prendre des risques. La domination est cependant (légèrement) lettone. Sans pour autant mettre Hell en danger. Il faut donc attendre la première prison pour espérer voir du jeu. Elle intervient à la 8e minute, c'est pour dire comme il y a du spectacle en ce début de match... C'est Martins Cipulis qui est sanctionné, mais l'Italie n'arrive pas à enclencher la première vitesse et il ne se passe toujours rien.
Une fois la pénalité terminée, le ron-ron reprend, jusqu'à la pénalité suivante... qui arrive à la 15e. Vous saisissez notre joie à assister à un match aussi spectaculaire ? Remarquez, cette fois-ci, c'est pour de bon ! Moins de trente secondes plus tard, c'est bingo ! Un tir lointain du capitaine Rodrigo Lavins renvoyé par Günther Hell, une première reprise du revers de Lauris Darzins, et la petite merveille de Vsetin récupère son propre rebond (0-1, 14'51"). Déjà auteur du seul but letton contre la Suisse, encore repéré face à la Suède, ce jeune talent de 21 ans, déjà passé par la Finlande et les États-Unis, démontre qu'il est vraiment, mais vraiment à suivre dans le futur !
On se dit que le plus dur a été fait, que cela va débloquer tout le monde et que l'on va voir du jeu... Ben non. Pas du tout ! L'Italie ne change rien. Elle attend toujours... Quoi ? On ne sait trop... Peut-être le deuxième tiers.
Autant vous le dire tout de suite, ce deuxième tiers sera un calvaire pour le spectateur ! La raison en est simple : l'Italie a réussi d'entrée de jeu à égaliser. Armands Berzins prend deux minutes de pénalité pour avoir gêné un Italien lors d'une action chaude devant la cage lettone. Résultat immédiat, six secondes plus tard, sur un tir lointain de Carlo Lorenzi, l'Italo-Canadien Jason Cirone s'y prend à deux fois pour tromper de près Naumovs qui n'avait pas réussi à geler la rondelle (1-1, 23'03").
À partir de ce moment-là, l'Italie, qui n'avait pas fait grand-chose, ne va plus rien faire, mais alors plus rien, à part défendre, ce qui est déjà respectable, à défaut d'être spectaculaire. Et la Lettonie s'empêtre dans la toile italienne. Le jeu ne s'approche plus du tout des gardiens de but. Et en cas de nécessité, Günther Hell fait le nécessaire. Sur les tirs de loin, il répond présent. Les Lettons tentent de pénétrer en passe ? La nasse se resserre avec trois joueurs transalpins massés devant leur gardien. Un véritable catenaccio millésimé Inter de Milan 1970 !
En gros, le jeu est bloqué, fermé, verrouillé à la bleue par les Italiens, qui n'essaient pratiquement pas de porter le jeu dans leur zone d'attaque ! Le véritable non-match. Alors le spectateur s'ennuie ferme. "T'as pas une histoire drôle pour passer le temps ? Non ? Même une mauvaise blague de Toto ?", "Y'a vraiment plus de saison, on n'a déjà pas eu d'hiver, voilà qu'on n'a pas de printemps, c'est le dérèglement climatique tout ça"... Voilà, voilà, voilà... Bref. Il faut attendre les dix dernières secondes du tiers pour voir une action très chaude devant la cage de Hell, où Michele Strazzabosco doit faire une faute pour sauver la situation...
La Lettonie attaque donc l'ultime période en supériorité numérique. Cela ne change rien, mais alors rien de rien ! Le jeu est toujours désespérément bloqué à la bleue. Seuls les jeunes Kaspars Daugavins, 18 ans, et Lauris Darzins tentent de secouer la torpeur ambiante, mais Günther Hell fait l'enfer ! Naumovs sauve également son équipe à la 45e, sur une rare action transalpine, lorsqu'il bloque un tir d'André Signoretti en infériorité numérique. Les Lettons pensent bien avoir enfin trouvé la solution à la 46e, lorsqu'Atvars Tribuncovs se retrouve décalé tout seul, mais Hell... Et Hell encore quelques secondes plus tard sur un tir lointain de Tambijevs.
À la 48e, la patinoire, très majoritairement en grenat, explose enfin de joie, la merveille Darzins a réussi à inscrire son deuxième but sur un rebond. Ah, mais non ! L'arbitre canadien Guy Pellerin le refuse ! Ce n'est que partie remise : c'est l'autre prodige, Kaspars Daugavins, qui trouve la faille. Un super travail derrière la cage de Herberts Vasiljevs qui bloque à lui tout seul la défense transalpine, un bel écran d'Olegs Sorokins et Daugavins "n'a plus" qu'à récupérer le rebond pour, enfin, donner l'avantage aux Lettons (1-2, 51'43"). Les tribunes respirent !
Sauf que deux minutes plus tard, Armands Berzins prend une pénalité. L'Italie demande un temps mort... et égalise ! Un but-gag ! Luca Ansoldi file le long de son aile, le joueur de Cortina centre vers la cage, le palet ricoche sur le patin de Rodrigo Lavins... et trompe Sergejs Naumovs ! Sur pratiquement le seul tir italien du match... enfin, du tiers, n'exagérons pas !
Et ce n'est pas fini ! Une minute pile-poil plus tard, l'Italie prend l'avantage au score pour la première fois de la partie. Le défenseur milanais Christian Borgatello tire à mi-distance, le palet file... entre les jambes de Naumovs (3-2, 57'41"). En soixante secondes, les Lettons ont tout perdu, eux qui avaient mis des minutes et des minutes à prendre l'avantage. Les visages sont défaits dans les tribunes !
Pourtant, ce n'est pas fini ! Trente secondes plus tard, la Lettonie est sauvée une fois de plus par ses jeunes. C'est encore le phénoménal Darzins qui remet à flot le bateau letton. Il récupère une passe très intelligente de Mikelis Redlihs, qui seul devant la cage, préfère faire la passe pour décaler Darzins, qui ne se fait pas prier pour égaliser (3-3, 58'09"). Ah, vous étiez en manque de spectacle dans les deux premiers tiers ? Il fallait être patient ! Olegs Znaroks, le coach letton n'en revient pas et lève les yeux au ciel !
Le maintien en élite va donc se joueur en mort subite... ou aux tirs aux buts. Argh ! La Lettonie a une superbe occasion de tuer le match à 60'54, lorsque Redlihs et Darzins se retrouvent devant Hell. Mais ce qui avait marché en fin de troisième tiers ne fonctionne pas en début de prolongation, et Günther Hell fait le reste. La Lettonie risque bien de la regretter longtemps cette action manquée, car sur la seule occasion de toute la mort subite, ce diable de Jason Cirone, 36 ans, évoluant en Amérique, trompe Sergejs Naumovs ! C'est fini. L'Italie, que tout le monde voyait en division I l'an prochain, sera bien au pays des ancêtres de la plupart des joueurs italiens, c'est-à-dire au Canada !
Pour la Lettonie et ses très nombreux fans, c'est une catastrophe ! Les Grenats ont tiré 35 fois sur un Hell impérial qui a été élu meilleur joueur de son équipe. Les jeunes Lauris Darzins et Kaspars Daugavins ont un talent monumental, mais cela n'a pas suffi pour une équipe vieillissante. La Lettonie devra se battre pour ne pas descendre en D1, ce qui est un traumatisme pour ce pays fou de hockey. Et cela s'annonce compliqué face à l'Ukraine, à l'Autriche, et à la Norvège ! Franchement, donner deux perdants sur ces quatre est un pronostic infaisable. Le Grenat Power a pris un coup de mou !
Désignés meilleurs joueurs du match : Günther Hell pour l'Italie et Lauris Darzins pour la Lettonie.
Bruno Cadene
Commentaires d'après-match :
Michel Goulet (entraîneur de l'Italie) : "Le fait qu'ils soient plus forts était clair. Pourtant, nous avons réussi à jouer avec discipline mais aussi sagesse. Cela n'aurait pas pu mieux se passer. Nos quatre lignes ont fait leur devoir et nous avons réussi à marquer quatre buts, ce qui est un grand succès pour une équipe de notre niveau dans un championnat du monde. La fin du match m'a fait penser à une opposition entre deux boxeurs qui se mettent soudain à s'échanger rapidement des coups dans le douzième round. Heureusement, nous avons infligé le KO."
Jason Cirone (attaquant de l'Italie) : "C'était un grand match... Je ne me rappelle pas en avoir fait un de ce genre. L'émotion est telle que je ne trouve pas les mots... Nous sommes au septième ciel quand on marque le 3-2, et quand ils égalisent, cela nous remet vraiment à notre place. Je pense que nous avons su nous refaire pour la prolongation. Elle aurait pu aller dans l'autre sens. À quatre contre quatre, il y a beaucoup plus d'espaces sur la glace. Notre défenseur Signoretti est donc monté et a porté le palet à travers la zone neutre. Nous avions parlé tout le match de mettre un joueur à la cage, et j'y suis allé pendant qu'il attirait trois joueurs. Il m'a donné le palet, le gardien était à terre, c'était un but facile. Il y avait beaucoup en jeu. Je suis désolé pour eux, mais en même temps, je suis heureux pour nous."
Olegs Znaroks (entraîneur de la Lettonie) : "Vers la fin, j'ai commencé à penser à la prolongation. J'ai écrit la liste de ceux qui feraient les tirs au but, et j'ai dit aux joueurs que nous pourrions essayer d'arracher la victoire aux tirs au but. Il ne sert à rien de se lamenter. Il faut jouer. Nous devons rester dans le groupe A, sinon il sera très compliqué de se battre pour remonter. Nous sommes à un carrefour des générations, il faut faire jouer les jeunes."
Sergejs Naumovs (gardien de la Lettonie) : "Nous ne nous sommes pas considérés favoris : partir en pensant être les plus forts aurait été une erreur gravissime de la part de notre équipe. Après avoir disputé le championnat italien, je peux dire que cette équipe n'était pas sous-estimée. C'était une rencontre difficile et équilibrée, ils l'ont gagné et maintenant il faut se retrousser les manches pour se sauver. Là aussi, il faudra penser à chaque partie avec humilité et concentration."
Italie - Lettonie 4-3 après prolongation (0-1, 1-0, 2-2, 1-0)
Mercredi 2 mai 2007 à 16h15 à la Khodynka Arena, Moscou. 6180 spectateurs.
Arbitrage de Guy Pellerin assisté de Sylvain Losier et Thomas Gemeinhardt
Pénalités : Italie 6' (2', 2', 2', 0') ; Lettonie 6' (2', 2', 2', 0').
Tirs : Italie 23 (6, 9, 6, 2) ; Lettonie 35 (9, 9, 14, 3).
Évolution du score :
0-1 à 14'51" : Darzins assisté de Sorokins et Lavins (sup. num.)
1-1 à 23'03" : Cirone assisté de Strazzabosco et Lorenzi (sup. num.)
1-2 à 51'43" : Daugavins assisté de Vasiljevs et Cipulis
2-2 à 56'41" : Ansoldi
3-2 à 57'41" : Borgatello assisté de Scandella et Cirone
3-3 à 58'09" : Darzins assisté de Redlihs et Sorokins
4-3 à 64'10" : Cirone assisté de Signoretti
Italie
Attaquants :
Roland Ramoser - Luca Ansoldi - Stefano Margoni (+1)
Giorgio de Bettin (A) - Jason Cirone (+1) - Giulio Scandella
Patrice Lefebvre - John Parco - Mario Chitarroni (C)
Flavio Faggioni (2') - Manuel De Toni - Luca Rigoni
Défenseurs :
Carter Trevisani (2') - André Signoretti
Christian Borgatello (+1) - Armin Helfer (+1)
Carlo Lorenzi - Michele Strazzabosco (A, 2')
Florian Ramoser
Gardien :
Günther Hell
Remplaçant : Andrea Carpano (G). Absent : Paolo Bustreo (genou).
Lettonie
Attaquants :
Leonids Tambijevs - Aleksandrs Semjonovs (A) - Aleksandrs Nizivijs
Kaspars Daugavins - Herberts Vasiljevs (A) - Martins Cipulis (2')
Lauris Darzins - Armands Berzins (4') - Mikelis Redlihs (-1)
Grigorijs Pantelejevs (-1) - Aleksejs Sirokovs - Aleksandrs Macijevskis
Défenseurs :
Georgijs Pujacs - Guntis Galvins
Agris Saviels (+1) - Arvids Rekis
Rodrigo Lavins (C, -2) - Olegs Sorokins (-1)
Aleksandrs Jerofejevs - Atvars Tribuncovs
Gardien :
Sergejs Naumovs
Remplaçant : Edgars Masalskis (G).