Autriche - Ukraine (7 mai 2007)
Championnats du monde, poule de maintien, troisième et dernière journée.
Pour du beurre !
Tout se joue ici, devant les estrades dégarnies d'une arène moscovite endormie et résonnant encore des prouesses de "sa" Sbornaïa. Tout se joue-là pour l'Autriche, surclassée la veille par la Lettonie (1-5), mais aussi pour son adversaire ukrainien, qui a repris espoir depuis son gain obtenu face à la Norvège (3-2). Pour l'un comme pour l'autre, leur sort dépend surtout du résultat des Norvégiens en cette fin de matinée, à quelques kilomètres de là, à Mytischi.
L'Autriche de Jim Boni, en queue de peloton, a toujours un espoir de sauver sa place dans l'élite, fraîchement retrouvée cette année. Il lui faudra, pour cela, venir à bout d'Ukrainiens jouant, eux, leur avenir. Survivant comme il le peut depuis des années, le hockey ukrainien, moribond, a tout à perdre d'une relégation en division 1 mondiale. Si, dans un passé récent, l'Ukraine a su toujours su gagner le match qu'il fallait pour renouveler son bail, il lui faudra récidiver. Impérativement, histoire de ne pas précipiter sa chute. Le cœur suffira-t-il ?
L'espoir fait vivre
Pas question pour les Autrichiens de se risquer, comme la veille, à une tactique prudente dans ce match "à la vie, à la mort". Si les Slaves portent les premières banderilles, les hommes de Jim Boni prennent rapidement la zone ukrainienne d'assaut, jouant sur la vitesse pour déjouer un système défensif bien fébrile. Une première chaude alerte de Daniel Welser, à l'angle gauche de Vadim Selivertsov (01'13"), transpose bien les intentions autrichiennes en ce début de match. Touts acquis à leur cause, ces premiers instants de jeu mettent en lumière les difficultés de la défensive ukrainienne, bousculée et pas spécialement aidée par les rebonds systématiques de Selivertsov. À ce rythme-là, difficile d'éviter les erreurs et le capitaine Sergei Klymentyev, coupable d'un accrocher sur Matthias Trattnig, laisse le renard s'installer un peu plus dans le poulailler (04'55")...
En dessous de tout la veille face aux Lettons, le jeu de puissance autrichien met du temps à se trouver mais fait mouche sur une temporisation de son maître à jouer Oliver Setzinger, lequel remonte le coin gauche pour trouver, d'un amour de transversale, un Thomas Koch complètement décalé à gauche de la cage. Le buteur de Salzbourg n'a aucun mal à nettoyer une lucarne grande ouverte (1-0 à 06'16").
Sitôt la faille trouvée, la pression reste intacte dans la zone de vérité ; les Ukrainiens passant le plus clair de leur temps à patiner derrière la rondelle. Étourdis, ils cumulent les fautes et craquent de nouveau, sur un double avantage numérique cette fois-ci. Au terme d'une remarquable séquence en triangle, Dieter Kalt, décalé au second poteau par Thomas Koch, exécute Selivertsov à bout portant (2-0 à 12'58").
Cela va de mal en pis pour l'Ukraine, à nouveau sanctionnée sur un cinglage d'Oleg Shafarenko (13'15"). Mauvais camarade sur ce coup, le centre du Dynamo Minsk poursuit la double pénitence des siens. Et comme le poweprlay autrichien fait désormais des étincelles, cette situation semble cousue de fil blanc. Plutôt deux fois qu'une pour Philipp Lukas, qui avait déjà placé sa rondelle sous la barre sur jeu placé... sans que le corps arbitral ne réagisse. Il faudra que Lukas remette ça dans la foulée, au terme d'une action étonnamment identique, pour que sa première réussite ne soit finalement validée (3-0 à 14'24").
La mainmise autrichienne est telle qu'il faut attendre le quart d'heure de jeu pour voir Patrick Harand être sanctionné d'un retenir (15'47"). Pour s apprendre sortie dans ce match, le powerplay ukrainien se montre entreprenant mais Reinhard Divis tient son rang. Une séance de rattrapage lui est néanmoins offerte par Markus Peintner (18'16") et Vitali Lyutkevich sonne la révolte d'un obus filant au ras du glaçon (3-1 à 18'46").
En duplex de Mytischi...
Après avoir fait face à vingt-et-un lancers après le premier tiers-temps (accessoirement le meilleur de l'Autriche dans ce Mondial), Vadim Selivertsov est appelé à suivre la suite du banc. La charge incombe désormais à Oleksandr Fedorov de préserver les maigres intérêts ukrainiens... Et comme à Mytischi, où la Norvège a dilapidé une confortable avance face aux Lettons (de 3-0 à 3-2), l'Ukraine laisse passer l'orage et profite d'un faire-trébucher de Robert Lukas (23'05") pour poindre aux trousses des Autrichiens. Le "joufflu" Oleksandr Bobkin, bien placé dans l'enclave, ouvre les poignets pour convertir une offrande de Zavalnyuk côté droit et fusiller Divis entre les bottes (3-2 à 23'31").
Maigre illusion car sitôt une belle occasion ratée par Hnidenko (24'08"), un contre s'amorce et le duo Welser-Koch, flairant le bon coup, redouble de passes pour la conclusion en revers du dernier nommé, malgré la sortie de Fedorov (4-2 à 24'16"). Le cerbère du Khimvolokno Mogilev, l'un des nombreux expatriés biélorusse, est tourmenté et Philipp Lukas en remet une couche d'un tir du poignet en lucarne opposée (5-2 à 24'48"). En fin de compte, Fedorov ne fait guère mieux que Selivertsov et reprend le chemin du banc (32'41") après un ultime coup de canon du bombardier André Lakos (6-2 à 27'58"). C'est qu'il n'est pas là, Konstantin Simchuk, qui aiderait sûrement à stopper cette hémorragie...
Connaissant les tenants et les aboutissants de ce qui se passe du côté de Mytischi, où la Norvège se détache inexorablement (5-2), se rapprochant au fil des minutes de son maintien, les deux formations ici présentes (à Moscou) se relâchent progressivement. En effet, la large victoire qui se dessine côté autrichien s'apparente plus à un chant du cygne qu'autre chose...
La cause semble donc entendue, l'intensité chutant en flèche. Si la domination autrichienne est écrasante au chapitre des lancers (30 à 9), Dmytro Tsyrul sort quelque peu le match de sa léthargie en dérobant un rebond pour scorer dans le petit côté (6-3 à 37'26"). Au moins, l'Ukraine d'Oleksandr Seukand termine l'acte médian sur une bonne note...
Qu'attendre d'un derniers tiers dénué de tout intérêt ? Pas grand chose, il faut le craindre entre deux équipes résignées et condamnées à la charrette. Un ultime baroud d'honneur peut-être... où un clin d' il footbalistique de l'infortuné Lyutkevitch, peu inspiré de vouloir contrôler un rebond de Peintner avec son patin (7-3 à 42'59"). Ce "plat du pied" fortuit du défenseur du Keramin Minsk n'est qu'une simple péripétie, tout comme ce tir sur la latte de Patrick Harand (43'39").
Autrichiens et Ukrainiens se sont fait une raison depuis longtemps et les deux équipes s'efforcent, tant bien que mal, de faire vivre la rondelle. Bien conscientes du sort qui les attend. Il reste pourtant un gros quart d'heure à tuer et une belle inspiration du défenseur Thomas Pfeffer, lors d'une supériorité numérique slave, permet de lancer un Markus Peintner esseulé au rond central d'engagement. Le barbu, plein de sang-froid, remporte son duel singulier en prenant Fedorov à contre-pied (8-3 à 46'55'). Le routinier Roman Salnikov lui répond d'un tir du poignet précis, passant sous le bras de Reinhard Divis (8-4 à 54'18"). Dernier coup d'éclat d'une partie rapidement privée de son intérêt: avec son net succès (7-4), la Norvège a assuré sa présence au prochain mondial canadien, expédiant de ce fait Ukrainiens et Autrichiens au purgatoire.
L'Ukraine a accumulé trop de handicaps en début de partie et passe donc à la trappe. Après des années passées à vivoter en élite. Sans Simchuk et quelques-uns de ses titulaires habituels, qui ont renoncé à la sélection nationale pour garder leur place en Superliga, l'Ukraine a rapidement affichée ses limites. Si son avenir, déjà fort incertain, s'annonce dès plus trouble, il s'annonce moins dramatique du côté autrichien. Si la réadaptation fut difficile, l'Autriche ne sera finalement pas passée bien loin de son maintien, mais devra repasser par la case division 1, qu'elle vient à peine de quitter. Peut-être a-t-il manqué un Thomas Vanek ou un Thomas Pöck, occupés durant toute cette quinzaine par d'épiques joutes en NHL... Un renouvellement s'annonce toutefois nécessaire pour une stabilisation durable à ce niveau.
Désignés joueurs du match : Edgars Masalskis pour la Lettonie et Yuri Navarenko pour l'Ukraine.
Trois meilleurs Autrichiens du tournoi selon leur coach : André Lakos, Mike Stewart et Robert Lukas.
Trois meilleurs Ukrainiens du tournoi selon leur coach : Vadym Seliverstov, Vasyl Bobrovnikov et Vitali Lyutkevich.
Jérémie Dubief
Commentaires d'après-match (dans le Kleine Zeitung et dans Gazeta 24)
Thomas Koch (attaquant de l'Autriche) : "Une chose est claire : la différence entre le groupe A et le groupe B est énorme. Tout va beaucoup plus vite. C'est comme le jour et la nuit avec notre championnat. Contre les meilleures équipes mondiales, il n'y a pas le temps de réfléchir à ce qu'on fait. Ce n'était pas nos Mondiaux et nous pouvons faire beaucoup mieux que ce que nous avons montré. Je sais que notre ligne n'a pas répondu aux exigences et j'attendais plus de moi. Personne ne sait pourquoi ça n'a pas marché. L'Autriche a sans aucun doute le potentiel pour le groupe A. Le but ne peut être que la remontée."
Aleksand Seukand (entraîneur de l'Ukraine) : "Le championnat du monde a montré le niveau du développement du hockey dans notre pays. Ces dernières années, l'Ukraine a trompé le monde du hockey en préservant sa place en élite grâce à son personnel vieillissant. Mais cette année les meilleurs hockeyeurs ukrainiens ne sont pas venus. Leur perte s'est révélée irremplaçable. Je n'ai pas de reproche envers les joueurs. Ils ont joué à leur niveau. Que faire si ce niveau est inférieur à celui requis aux championnats du monde ? Avec l'état des affaires du hockey ukrainien depuis des années, n'importe quel entraîneur aurait eu le même résultat. Je ne suis pas résigné à démissionner. Ce travail m'est cher. Bien sûr, la veille du Mondial, j'aurais pu aller à l'hôpital et rester paralysé sur un lit jusqu'à ce que le tournoi soit fini. Mais je ne suis pas comme ça. Cependant, le dernier mot reviendra bien sûr à la fédération. Tout le monde pense que Seukand gagne beaucoup d'argent. Mais je vis dans un appartement de 26 m et ma voiture a onze ans. De quel bénéfice parlons-nous ?"
Autriche - Ukraine 8-4 (3-1, 3-1, 2-2)
Lundi 7 mai 2007 à 12h15 à la Khodynka Arena, Moscou. 6020 spectateurs.
Arbitres : Marcus Vinnerborg assisté de Ronni Jakobsen et Luca Zatta
Pénalités : Autriche 14' (4', 6', 4') ; Ukraine 12' (8', 0', 4').
Tirs : Autriche 34 (21, 8, 5) ; Ukraine 22 (6, 6, 10).
Évolution du score :
1-0 à 06'16" : Koch assisté de Setzinger et Stewart (sup. num.)
2-0 à 12'58" : Kalt assisté de Koch et Setzinger (double sup. num.)
3-0 à 14'24" : P. Lukas assisté de R. Lukas et Unterluggauer (double sup. num.)
3-1 à 18'46" : Lyutkevitch assisté de Shafarenko et Oletsky (sup. num.)
3-2 à 23'31" : Bobkin assisté de Matvichuk et Zavalnyuk (sup. num.)
4-2 à 24'16" : Koch assisté de Welser
5-2 à 24'48" : P. Lukas
6-2 à 27'58" : A. Lakos
6-3 à 37'26" : Tsyrul assisté de Zavalnyuk et Bobkin
7-3 à 42'59" : Peintner
8-3 à 46'55" : Peintner assisté de Pfeffer (inf. num.)
8-4 à 54'18" : Salnikov assisté de Navarenko et Tsyrul
Autriche
Attaquants :
Daniel Welser (+1) - Thomas Koch (+1) - Oliver Setzinger (+1)
Matthias Trattnig (+2) - Philipp Lukas (+2) - Dieter Kalt (C, +2, 2')
David Schuller (2') - Raimund Divis - Gregor Baumgartner
Patrick Harand (2') - Marco Pewal - Markus Peintner (2')
Défenseurs :
Robert Lukas (-1, 4') - Jeremy Rebek
Gerhard Unterluggauer (+3) - André Lakos (+3)
Mike Stewart (A, 2') - Philippe Lakos (+1)
Jamie Mattie - Thomas Pfeiffer
Gardien :
Reinhard Divis
Remplaçant : Bernd Brückler (G). Absents : Patrick Machreich (G), Martin Ulrich (reparti pour raisons familiales).
Ukraine
Attaquants :
Oleksandr Matvichuk (-2) - Vasyl Bobrovnikov (-1) - Oleksandr Bobkin (-1)
Dmitro Tsyrul (+2, 2') - Artem Hnidenko (+1) - Roman Salnikov (+1)
Valentin Oletsky (-3) - Oleg Shafarenko (-3, 2') - Oleg Blagoï (-4)
Vitali Semenchenko - Siarhei Kharchenko - Oleksandr Materukhin
Défenseurs :
Yuri Hunko (A, +2) - Vyacheslav Zavalnyuk (A, -1, 2')
Yuri Navarenko (+1) - Denis Isayenko (2')
Vitali Lyutkevich (-4) - Sergei Klimentiev (C, -3, 4')
Andrei Sryubko - Vyacheslav Timchenko
Gardien :
Vadim Seliverstov [remplacé par Oleksandr Fedorov de 20'00" à 32'41"]
Absents : Igor Karpenko (genou, opéré à Kiev), Oleksandr Podebonotsev (cuisse), Vitali Donika (suspicion de côte cassée).