Suisse - France (3 mai 2008)

 

Championnat du monde 2008, premier tour, groupe A.

Wick-time

Les Suisses ont enfilé leur maillot rétro, celui des Jeux olympiques de Saint-Moritz en 1928. La France espère aussi donner à ce match un petit côté "rétro", sans remonter aussi loin, simplement aux années 90 où battre ses voisins suisses était un de ses plaisirs favoris. La performance du Bélarus un peu plus tôt face à la Suède a renforcé la pression autour de ce match. Les Suisses sont nerveux parce qu'ils n'ont pas le droit à l'erreur, les Français parce qu'ils reviennent dans l'élite mondiale sans trop de repères.

La France semble bien aborder le match avec un jeu direct et engagé, mais les premiers signes de faiblesse viennent des coins de la zone défensive. Huet doit s'interposer à bout portant face à Thierry Paterlini sur un palet sorti du coin par DiPietro.

À la huitième minute, Vincent Bachet prend la première pénalité près de sa cage. On se méfie de l'arme fatale Bezina, mais sa mauvaise passe en zone défensive offre au contraire un palet de but à Olivier Coqueux qui n'en profite pas. Sur la relance, Patrik Bärtschi lance Roman Wick dans le dos de Besch et de Lacroix. L'attaquant de Kloten, prolifique dès sa première sélection en décembre, est aussi rapide à marquer pour son premier match de championnat du monde : Wick remporte son face-à-face avec Huet par une petite feinte et un tir côté bouclier (1-0, 08'18"). Pendant la deuxième pénalité de Coqueux, un dégagement manqué de Bachet permet aux Suisses de mettre le feu avec un tir en pivot de Julien Sprunger dans le slot.

Les Français passent enfin à leur tour en supériorité quand Déruns fait obstruction sur Treille qui rentrait au banc. Pas pour longtemps. Bordeleau, avec son lancer de la droite à la ligne bleue, a le temps d'apparaître comme le joueur-clé du jeu de puissance tricolore, malheureusement il se fait pénaliser pour un geste de trop dans une friction avec Sannitz. 4 contre 4. Comme sur son but, Wick s'infiltre entre les défenseurs à la bleue et se fait accrocher par Bachet : la Suisse jouera donc cinquante secondes à cinq contre trois. Cristo réalise un arrêt miraculeux en se déplaçant face à DiPietro servi au poteau par Bezina. Lorsque Bordeleau entre sur la glace, les Bleus peuvent aller en zone offensive, mais Yorick Treille y trébuche sur un joueur helvétique au sol : les autres Suisses repartent à l'attaque à 4 contre 3, et sur cette action, Julien Sprunger convertit la passe de derrière la cage de son capitaine Sandy Jeannin (2-0, 16'54").

Le score aurait même être plus lourd. Sprunger dribble Sacha Treille sur un petit espace et arrive seul face à Huet pour une nouvelle occasion monumentale avec un palet qui traîne devant une cage privée de Huet emporté par Monnet. Heureusement, Bonnard pousse Reichert qui avait les filets déserts devant lui. Les Bleus ont concédé vingt tirs dans cette période, conséquence de leurs pénalités trop nombreuses.

La deuxième période réserve peu d'espoirs. Andres Ambühl feinte de reprend la passe de Wick, et c'est Patrik Bärtschi, esseulé dans l'enclave, qui le fait, dans le haut du filet (3-0). Les hockeyeurs français n'arrivent plus à relancer, à l'image d'un palet cafouillé par Amar, et Cristobal Huet est soumis à un rythme effarant : double arrêt devant Thibaut Monnet parti en contre-attaque, puis dès la mise au jeu face à Déruns qui s'infiltre près de la cage, à Sannitz au rebond, en écartant de la crosse ce palet qui revient, puis en se repositionnant sur le lancer de la bleue immédiat de Furrer... Ce one-man-show du gardien tricolore éblouit le Colisée et provoque des "Huet, Huet" bien mérités.

Sacha Treille, qui découvre difficilement le niveau du Mondial élite, réussit ce qu'il fait le mieux, provoquer une pénalité adverse, contre Vauclair en travaillant derrière la cage. Sur un palet qui retombe des airs, Beat Gerber blesse au visage Meunier par une crosse haute et prend 2'+2'. La France va jouer 1'45" à 5 contre 3, elle fait circuler le palet, mais n'arrive pas à prendre de lancers dangereux. La première action intervient au moment où le premier joueur suisse revient sur la glace, quand un palet envoyé de la bleue par Bachet est bien dévié près du poteau par Zwikel, mais le gardien Martin Gerber est vigilant. Laurent Meunier fait sa rentrée avec un nouveau maillot moins ensanglanté et un numéro de rechange (le 44) pour la fin du 5 contre 4. Les Bleus cherchent des rebonds dans le trafic, mais la Nati verrouille bien le slot.

On paraît se diriger vers un 3-0, mais Sannitz. Bordeleau sert Coqueux dans le slot, puis récupère le rebond et décale Julien Desrosiers avec la cage ouverte... Explosion de joie chez les blancs, puis moments d'attente inquiète car l'arbitre appelle la vidéo. Le chrono - qui compte à rebours comme cela se fait en Amérique du nord (et au Luxembourg...) affiche "0:00". Le palet est-il rentré avant ou après la sirène. La réponse est "avant", et les Français rentrent aux vestiaires avec le moral regonflé.

Raffaele Sannitz et Thomas Déruns, qui ont archi-dominé dans les bandes ce soir, sont de nouveau les premiers sur la glace... et Sannitz s'arrache des griffes de Bordeleau pour venir glisser le palet au ras du poteau de Cristobal Huet, qui n'a pas vu venir cette filouterie et n'a pas bougé. Un but dès le retour au jeu, exactement ce qui peut casser les pattes de Coqs qui y croyaient encore...

Dave Henderson utilisera son temps mort quand son équipe joue cinquante secondes à 5 contre 3 à trois minutes de la fin. La séquence doit commencer sans Laurent Meunier, renvoyé au banc par l'arbitre en raison du sang sur son second maillot. Il enfile donc par-dessus son troisième maillot de la soirée, le n°20 du réserviste Damien Raux dont le nom est caché d'un adhésif. Le retour du capitaine après rhabillage-éclair ne changera rien : l'entrée de zone trop individuelle de Desrosiers, tout de suite contré, traduit les difficultés des Français à passer la bleue proprement.

La France préférait certainement la Suisse douée et indolente d'autrefois. Car cette version tout en muscles ne lui a laissé aucune chance dans les duels, que ce soit dans les coins ou aux mises au jeu. Le rajeunissement voulu par Kruegr est symbolisé par l'étonnant Roman Wick, l'attaquant helvétique avec le plus gros temps de jeu dès son premier match dans un Mondial. En plus de ses accélérations dans le dos de la défense française, il a été également utilisé devant la cage en supériorité.

Les deux équipes ont appris une mauvaise nouvelle pour elles : dans le match joué au même moment à Montréal, les Canadiens ont été éliminés des play-offs NHL par Philadelphie. Cela signifie que le Bélarus, qui a failli surprendre la Suède avec seulement trois lignes pour garder des places libres, pourra récupérer Grabovsky et les frères Kostsitsyn avant d'affronter les uns et des autres.

Désignés joueurs du match : Patrik Bärtschi pour la Suisse et Cristobal Huet pour la France.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match

Ralph Krueger (entraîneur de la Suisse) : "Dans un match important, nous avons pu installer notre jeu comme nous le voulions dès le début. Tous ont participé à cet objectif et je suis fier de voir la performance de mes joueurs ce soir. Cette jeune équipe me fit plaisir. Nos équipes spéciales ont toujours bien travaillé et nous avons bien joué aussi bien en powerplay qu'en boxplay."

Julien Vauclair (défenseur de la Suisse) : "La France a essayé de partir agressivement, et il était important de réagir vite. Nous n'avons pas du tout paniqué et nous avons ainsi réussi à faire notre jeu. En deuxième période, nous avons commis quelques erreurs de placement, par exemple en nous retrouvant à trois derrière la cage, et nous leur avons laissé quelques occasions de trop de revenir dans le match. Dans les rares moments délicats, nous avons pu compter sur un grand gardien : Martin Gerber n'a pas été très sollicité, mais quand il devait être là, il était toujours parfait. Cristobal Huet [son ex-coéquipier à Lugano] a été excellent, que dire d'autre ? Qu'avec les années il est vraiment devenu un gardien de niveau mondial : le talent, il l'a toujours eu, mais il a franchi un cap sur le plan mental en apprenant à ne pas se mettre sous pression."

Dave Henderson (entraîneur de la France) : "C'était notre premier match depuis quatre ans à ce niveau et nous n'avons pas l'expérience pour rivaliser. Nous voulions gagner, mais la Suisse disposait des meilleures équipes spéciales. Nous savions que ce match ne serait pas le plus facile, pour avoir perdu 5-2 contre cette équipe en février. Notre défaut, c'est de garder beaucoup trop le palet dans notre zone. On a voulu le corriger en le sortant plus vite, mais on a tellement appliqué la consigne que ça s'est retourné contre nous. On a rectifié le tir après le deuxième tiers et c'était mieux."

 

Suisse - France 4-1 (2-0, 1-1, 1-0)

Samedi 3 mai 2008 à 19h00 au Colisée Pepsi de Québec. 9367 spectateurs.

Arbitrage de Guy Pellerin et Chris Savage (CAN) assistés d'Ansis Eglitis (LET) et Thomas Gienke (NOR).

Pénalités : Suisse 12' (2', 8', 2'), France 18' (10', 2', 0').

Tirs : Suisse 44 (20, 18, 5), France 26 (6, 13, 18).

Évolution du score :

1-0 à 08'18" : Wick assisté de Bärtschi et M. Gerber (sup. num.)

2-0 à 16'54" : Sprunger assisté de Jeannin et Bärtschi (sup. num.)

3-0 à 23'01" : Bärtschi assisté d'Ambühl et Wick

3-1 à 39'59" : Desrosiers assisté de Y. Treille et Bordeleau (sup. num.)

4-1 à 40'31" : Sannitz assisté de Déruns

 

Suisse

Gardien : Martin Gerber.

Défenseurs : Goran Bezina - Severin Blindenbacher ; Raphael Diaz - Beat Forster ; Philippe Furrer - Julien Vauclair ; Beat Gerber.

Attaquants : Thomas Déruns - Sandy Jeannin (C) - Raffaele Sannitz ; Roman Wick - Andres Ambühl (A) - Patrik Bärtschi ; Paul DiPietro - Thomas Ziegler - Thierry Paterlini ; Julien Sprunger - Thibaut Monnet - Marc Reichert.

Remplaçants : Jonas Hiller (G), Romano Lemm.

France

Gardien : Cristobal Huet.

Défenseurs : Baptiste Amar - Vincent Bachet (A) ; Nicolas Besch - Simon Lacroix ; Benoît Quessandier - Jean-François Bonnard (A).

Attaquants : Sébastien Bordeleau - Laurent Meunier (C) - Yorick Treille ; François Rozenthal - Laurent Gras - Olivier Coqueux ; Julien Desrosiers - Pierre-Édouard Bellemare - Kévin Hecquefeuille ; Sacha Treille - Jonathan Zwikel - Luc Tardif ; Anthoine Lussier.

Remplaçants : Fabrice Lhenry (G), Teddy Trabichet.

 

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