Russie - États-Unis (8 mai 2009)

 

Demi-finale des championnats du monde.

Radulov dans la douleur

Si l'on se réfère à la confrontation en match de poule, il ne doit pas y avoir photo entre les deux équipes. Les États-Unis avaient peut-être réussi leur meilleur prestation, et pourtant ils n'avaient pas vu le jour. Mais dans le contexte d'une demi-finale, il faut se méfier de ces jeunes Américains qui n'ont plus peur de rien après avoir vaincu l'obstacle finlandais.

La redoutable attaque russe bat un peu de l'aile. Nouveau rebondissement dans le feuilleton Zaripov : il a de nouveau le bras en écharpe, et il paraît maintenant improbable qu'il rejoue dans ce tournoi après sa blessure précoce contre la France. Ce n'est pas le seul ailier qui fasse défaut. On a vu Radulov se plaindre du dos en quart de finale, et il a été ménagé lors des entraînements, même s'il est présent ce soir. En revanche, Zherdev ne jouera finalement pas, on soupçonne même une main cassée. Kovalchuk, toujours avide de temps de glace, prend sa place et effectue donc des doubles présences.

Le grand débat préliminaire à ce match est le choix du gardien russe. Même si Bryzgalov s'est fait sortir en quart de finale, il a été maintenu comme titulaire. Les Américains, consciencieux, veulent vérifier si ce choix est le bon et testent tout de suite le gardien des Coyotes de Phoenix en tirant dès l'entrée de zone. Cela explique qu'ils prennent les cinq premiers lancers du match, qui ne posent pas problème.

Les Russes sont moins pressés de mettre Robert Esche à l'épreuve, ils le connaissent trop bien et ne veulent pas le rendre chaud. Ils patinent fort mais n'arrivent pas à encore à désarçonner la défense adverse. La seule fois où celle-ci est prise de court, Aleksandr Perezhogin tarde trop sur un 2 contre 1 et se fait surprendre par le bon retour défensif de Nick Foligno. En plus, les Américains se font une spécialité de contrer tous les lancers au départ. Le premier tir russe qui parvient jusqu'à la cage ne survient qu'à la douzième minute (!) avec un lancer sur engagement d'Atyushov, bien détourné par la mitaine d'Esche. Celui-ci est vite dans le bain, car Saprykin enchaîne aussitôt avec une nouvelle attaque.

À deux minutes de la fin du premier tiers-temps, Ilya Kovalchuk sert Aleksei Morozov qui n'arrive pas à reprendre au second poteau. L'attaquant de Kazan se rattrape de cette occasion manquée en récupérant le palet en fond de zone et en provoquant la première pénalité du match, un cinglage d'Okposo. On se souvient qu'en poule, la Russie avait rapidement tué le match par son jeu de puissance. Cette fois, elle peine à le mettre en place, et la sirène retentit donc sur un 0-0.

Et tant que ce score reste vierge, les Américains peuvent espérer profiter d'une erreur adverse. C'est exactement ce qui se produit. La passe trop molle d'Atyushov pour Gorovikov est interceptée par Dustin Brown qui surgit du banc et vient glisser le palet entre les jambières de Bryzgalov (0-1). Ce but inattendu assomme les Russes, soudain perdus sur la glace, incapables de réagir.

L'égalisation arrive tout aussi brutalement, sur un engagement gagné par Sergei Zinoviev pour Ilya Kovalchuk qui marque encore un but important et explose encore de joie, glissant un genou sur la glace en faisant plusieurs moulinets avec son brad (1-1). Les nombreux supporters russes que la peur avait rendu silencieux se mettent soudain à crier "Rossi-ya, Rossi-ya". Et lorsque la deuxième ligne revient de nouveau sur la glace, son "greffon" Kovalchuk remet ça : il récupère le palet dans sa zone, traverse la glace, croise dans l'enclave et prend un tir non cadré... qui rebondit sur l'épaule de Frolov et rentre dans les filets (2-1).

Aleksei Tereshchenko tente un plongeon rotatif après avoir été légèrement accroché par la crosse de O'Sullivan, et l'arbitre sanctionne la simulation. Les Russes sont cependant requinqués moralement, ils se jettent le palet pour tuer la pénalité. Konstantin Gorovikov part même en contre et termine au sol sur le retour défensif de Liles, sans que l'arbitre ne siffle. Il ne reste que vingt secondes à la supériorité numérique, mais au moment où elle s'achève, les Américains se sont ré-installés et Kyle Okposo reprend parfaitement une excellente passe transversale de Ron Hainsey (2-2). À l'instar de ses supporters, la Russie paraît tout de même plus confiante qu'après le premier but.

Dès le début de la troisième période, Aleksandr Radulov intercepte un palet dans sa zone et lance une contre-attaque. Il n'est arrêté que par Okposo qui lui casse sa crosse d'un violent cinglage. À la fin de la supériorité numérique qui s'ensuit, le juge de but allume sa lampe sur un tir direct de la ligne bleue d'Atyushov, qui n'a en fait atteint que le petit filet. Kovalchuk s'était déjà retourné en levant les bras, surpris de voir soudain les Américains dégager derrière lui... Une pénalité symétrique est sifflée contre Proshkin qui cingle la crosse de Higgins. On sait que le premier powerplay américain avait abouti au but d'Okposo, et le second entraîne... un poteau d'Okposo !

Les Russes dominent territorialement cette troisième période qu'ils ont abordé à trois lignes (Perezhogin et Kuryanov restent sur le banc). Il leur manque toutefois le dernier geste, à l'instar de Morozov ou encore de Tverdovsky dont le tir s'envole. Et sur un contre, T.J. Oshie réussit à dribbler Grebeshkov et à s'ouvrir le chemin de la cage. Tereshchenko est obligé de revenir l'accrocher. Durant cette pénalité, l'action la plus dangereuse est un petit revers de Dustin Brown que Bryzgalov dévie à l'extérieur de son cadre.

Il reste sept minutes et chaque action est maintenant décisive : tir de Radulov bien capté par la mitaine de Robert Esche, bon plongeon défensif de Proshkin pour empêcher un centre d'Okposo qui se présente à 3 contre 2, et surtout occasion de Mozyakin, servi à la bleue par une longue passe, qui oblige Esche à un réflexe décisif de la jambière. Cette dernière occasion provoque une pénalité d'Oshie, alors qu'il reste trois minutes et demie. Esche repousse deux bons lancers de la bleue de Kovalchuk et Nikulin, mais en toute fin de supériorité, Aleksandr Radulov s'avance dans le cercle droit et prend un tir du poignet qui est dévié par le dos de Gorovikov (3-2). Radulov essaie de surpasser Kovalchuk dans la célébration du but, avec deux tours sur lui-même crosse levée.

Ron Wilson sort son gardien et prépare une fin de match acharnée, où les joueurs des deux équipes finissent leurs charges et se livrent totalement. Après une action très chaude autour de la cage russe, Liles et Suter arrêtent de la main deux tirs en cage vide de Kovalchuk et Morozov. Ce n'est donc pas tout à fait fini : dans les deux dernières secondes, Patrick O'Sullivan arrive à se présente devant la cage... et manque le cadre.

Les Américains ne joueront donc pas leur première finale de championnat du monde depuis les exploits du "Parisien" Pete Besson en 1934, mais ils n'ont jamais été aussi près d'une qualification. L'ours russe a tremblé, et il a fallu que ses stars Kovalchuk et Radulov se montrent décisifs pour qu'elle se qualifie.

Désignés joueurs du match : Ilya Kovalchuk pour la Russie et Kyle Okposo pour les États-Unis.

Compte-rendu signé Marc Branchu

 

Commentaires d'après-match (sur la radio Mayak)

Vyacheslav Bykov (entraîneur de la Russie) : "Nous savions que les Américains joueraient très agressivement dans notre zone, donc nous voulions jouer avec des passes et des entrées de zone rapides. Nous y sommes souvent parvenus, mais malheureusement, nous n'avons pu concrétiser nos occasions. Je veux cependant faire remarquer que les joueurs ont appliqué les consignes de manière très méthodique. Chacun est un leader dans cette équipe, et on attend de chacun le maximum. Ilya en donne plus parce qu'il est talentueux, mais je ne veux pas focaliser là-dessus. Je lève mon chapeau à Radulov. Beaucoup de gars jouent blessés, honneur à eux."

Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : "C'est dur de jouer une seconde fois contre la même équipe. Bon, la réussite a été de notre côté avec ce but à la fin. Nous savions que leur force était dans un pressing constant, et nous y étions prêts. Derrière, nous avions assez de joueurs d'expérience pour qui ce pressing des attaquants américains n'était pas un problème. Mais face à cette équipe dynamique et agressive, nous avons dépensé beaucoup de forces. Nous avons deux jours pour récupérer avant l'ultime bataille. Peu nous importe qui nous jouons, même si je pense que tous les fans et les reporters attendent un match Russie-Canada."

 

Russie - États-Unis 3-2 (0-0, 2-2, 1-0)

Vendredi 8 mai 2009 à 16h15 à Berne. 11057 spectateurs.

Arbitrage de Brent Reiber (SUI/CAN) et Marcus Vinnerborg (SUE) assistés de Peter Sabelström (SUE) et Daniel Wirth (SUI).

Pénalités : Russie 6' (0', 2', 4'), États-Unis 6' (2', 0', 4').

Tirs : Russie 23 (7, 5, 11), États-Unis 20 (6, 8, 6).

Évolution du score :

0-1 à 23'46" : Brown

1-1 à 31'20" : Kovalchuk assisté de Zinoviev

2-1 à 34'25" : Frolov assisté de Kovalchuk

2-2 à 38'03" : Okposo assisté de Hainsey et Liles

3-2 à 58'13" : Gorovikov assisté de Radulov et Nikulin (sup. num.)

 

Russie

Gardien : Ilya Bryzgalov.

Défenseurs : Vitali Proshkin - Ilya Nikulin ; Vitali Vishnevsky - Oleg Tverdovsky (A) ; Dmitri Kalinin - Vitali Atyushov ; Denis Grebeshkov - Konstantin Korneev.

Attaquants : Ilya Kovalchuk (A) - Aleksei Tereshchenko - Aleksei Morozov (C) ; [Kovalchuk puis Mozyakin à 40'] - Sergei Zinoviev - Aleksandr Frolov ; Oleg Saprykin - Konstantin Gorovikov - Aleksandr Radulov ; Sergei Mozyakin - Anton Kuryanov - Aleksandr Perezhogin.

Remplaçant : Aleksandr Eremenko (G). Absents : Anton Volchenkov (jambe), Danis Zaripov (bras en écharpe), Nikolaï Zherdev (main cassée), Vassili Koshechkin (G).

États-Unis

Gardien : Robert Esche.

Défenseurs : Ryan Suter - Ron Hainsey (A) ; John Michael Liles - Jack Johnson ; Keith Ballard - Matt Niskanen ; Zach Bogosian [2 présences au 1er tiers].

Attaquants : Jason Blake (A) - Patrick O'Sullivan - Dustin Brown (C) ; Kyle Okposo - David Backes - T.J. Oshie ; Christopher Higgins - Joe Pavelski - Ryan Shannon ; Nick Foligno - Colin Wilson - Drew Stafford ; Lee Stempniak.

Remplaçant : Scott Clemmensen (G). En réserve : Colin Stuart, Peter Harrold, Al Montoya (G).

 

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