Mémoires de Jean-Claude Sozzi

 

Les débuts

J'ai débuté dans la "fédérale" de Boulogne Billancourt. J'ai joué deux ans comme joueur de champ, je suis passé dans les buts à 14 ans. J'avais un copain qui aurait voulu y aller, mais il était trop grand.

J'ai commencé avec l'équipement du gardien de l'équipe de deuxième série qui avait récupéré celui du remplaçant de première série. J'avais des bottes qui pesaient 25 kg. Mon premier beau gant, je l'ai acheté à New York, près du Madison Square Garden, en allant aux championnats du monde. Quand j'ai débuté, on jouait sans masque. J'avais aussi acheté le masque de Jacques Plante, le premier sur le marché, il pesait trois kilos. Ensuite, j'ai joué avec une grille, et je préférais, parce que quand on prend le palet dans un masque l'impact est quand même fort.

Être gardien

C'est un poste à part, il faut être caractériel, et se dire que l'on est seul. La reconnaissance du gardien dans les sports collectifs s'est quand même largement améliorée depuis vingt ans. On a aussi fait comprendre au second gardien qu'il est remplaçant et qu'il fait partie de l'équipe.

Le meilleur poste pour moi, c'est défenseur : il a la vision du jeu, il arrête l'attaque et il relance. Il n'empêche que le poste de gardien est spécial. Le contact du palet avec la mitaine, c'est un frisson qui part du gant et qui arrive jusqu'au bout des pieds...

La Coupe Spengler

Si je ne sais pas danser, c'est parce que de seize à dix-neuf ans, j'ai passé ma jeunesse dans les tournées de l'ACBB. On participait à tous les grands tournois européens, pas seulement la Coupe Spengler mais aussi la Coupe Schaefer, la Coupe de l'Industrie. Je suis fier de dire que j'ai gagné la Coupe Spengler en 1961, même si j'étais sur le banc comme doublure de Jean Ayer. L'année suivante, on a participé à tous les mêmes tournois, sauf la Spengler, mais avec une équipe de bras-cassés.

Je n'étais pas aligné pour les tournois, mais je jouais les matches-exhibitions avant et après les tournois. Ce sont eux qui aidaient à financer le voyage. Quand on prenait une bonne avance, Pete Laliberté me faisait rentrer, et quand ça tournait mal, il me faisait rentrer encore plus vite. Ça se jouait le plus souvent en plein air, par des températures très basses. Pete me donnait quinze minutes pour m'équiper, et pas question de dire que j'étais froid...

Les premiers championnats du monde (Colorado Springs, 1962)

Essayez de vous imaginer un gamin de dix-huit ans qui voyait arriver les Indiens, c'était quelque chose. Il faut se remettre dans le contexte de 1962, de ce que représentait l'Amérique à l'époque. On avait des Dauphine et des 4L, ils avaient des Buick. On arrive dans de grands hôtels, dans une patinoire rose bonbon... En fait, les Indiens arrivaient en Cadillac et mettaient leur costume juste pour le spectacle.

Je n'avais pas fait de sélection de l'année, je fais le dernier stage, je fais des matches super en préparation, et finalement je pars aux États-Unis avec Ranzoni, à la place de Cochet qui était mon coéquipier à l'ACBB. Quand vous avez 18 ans et que vous virez un gars de 32-33 ans, ça fait plaisir. On a fait Paris - Zurich, Zurich - New York puis New York - Denver, et je peux vous dire que j'ai gardé précieusement les billets d'avion collés dans un petit cahier. Pour moi, l'équipe de France, ça a toujours représenté quelque chose d'exceptionnel. Ça passait avant la famille, avant le club. On arrive à 18 ans avec l'esprit à la performance, mais les anciens sont plus des touristes que des athlètes. Tous ces Mondiaux-là, c'est de la balade.

L'avantage du groupe B, c'est que nos horaires de match nous permettaient de voir les rencontres du groupe A, puisque toutes les divisions - il n'y en avait encore que deux - étaient organisées dans le même lieu dans les années soixante. Même s'il n'y avait pas les Russes qui boycottaient cette année-là, il y avaient les Suédois champions du monde, les Américains, etc.

Le scandale des championnats du monde 1963

C'était le soir de la cérémonie de clôture. Ce soir-là, il y avait de la bière à table, et on en a bien consommé. On part en discothèque, une boîte de nuit française de Stockholm. Le patron reconnaît le gars qui était avec moi [Jean Paupardin] parce qu'il avait pris un abonnement ! Ça vous donne une idée de l'esprit dans lequel se faisaient les déplacements de l'équipe de France. Mais il y a trois de nos coéquipiers bourrés qui arrivent derrière nous, et voyant cela, le patron refuse de nous laisser rentrer. Il ferme même son tiroir-caisse. Paupardin s'exclame alors : "hé, pourquoi vous fermez votre caisse, on n'est pas des voleurs." Le patron sort alors un flingue et le braque sur lui. Un de nos coéquipiers sort : "rentre-lui dedans, c'est un pistolet d'alarme". Trente secondes plus tard, le même : "non, n'y va pas, c'est pas un pistolet d'alarme". Le patron se met à appeler la police, et moi, à deux reprises, je coupe le téléphone. La seconde fois, il s'en aperçoit, mais moi je ne m'aperçois pas qu'il s'en aperçoit. Il me met un coup de crosse sur la main, et pendant ce temps Paupardin lui met un coup de tête. À ce moment-là, ça dégénère en bagarre et ça part de tous les côtés.

Ma chance, c'est qu'il y avait près de moi Bruno Ranzoni qui était avec un gardien tchèque. Il me fait : "On se tire, car si lui se fait prendre, il finit dans les mines de sel." On a filé, et ceux qui se sont fait prendre, en fin de compte, ce sont ceux qui étaient bourrés.

On rentre à la soirée de clôture, et on retrouve le responsable de la fédération, Michel Lebas, en train de danser avec notre interprète, une charmante Suédoise. "Tout va bien, les gars ?", nous demande-t-il. "Oui, tout baigne"... Vous pensez que, quand il a appris que certains d'entre nous avaient été arrêtés, il nous a passé un savon. Dans l'avion, il nous dit de passer sous silence l'incident. Mais on arrive à Paris et ça avait fait la une de France Soir.

Pete Laliberté (son entraîneur à l'ACBB puis à Grenoble)

Pete, c'était mon patron. Il aurait pu nous demander n'importe quoi. Il avait un charisme et une personnalité extraordinaires. Il est difficile de dire pourquoi, mais à Grenoble, aucun entraîneur après lui n'a jamais réussi à effacer l'image de Laliberté.

Il était incroyable avec ses joueurs. Deux heures avant le match, il était dans les vestiaires, il préparait tout. Il savait que tel joueur voulait une crosse souple, tel autre voulait une crosse raide.

Pete ne fumait pas et ne buvait pas, ce qui lui est arrivé [NDLR : cancer de la gorge] est d'autant plus injuste.

Les premières années du hockey à Grenoble

Dans les dernières années de la patinoire Clémenceau, on avait l'impression à entendre les gens que c'était un évènement quand elle était pleine. Mais dans les années soixante, ça nous arrivait régulièrement de la remplir. On sortait côté caisse au milieu d'une haie de spectateurs, et on avait du mal à se frayer un chemin jusqu'au bowling pour aller dîner avec l'équipe adverse. On était invité à toutes les soirées mondaines, ou à toutes les boums pour les moins de vingt ans.

Les Jeux Olympiques de Grenoble 1968

L'équipe de France de l'époque n'avait pas eu les résultats escomptés. Sur la demande du ministère, du Colonel Crespin, elle avait envoyée aux Jeux à condition qu'elle soit remaniée avec des joueurs plus motivés, plus volontaires. Les anciens n'avaient pas la discipline pour la préparation des matches de haut niveau, et l'équipe nationale n'était pas si représentative à l'époque, où les meilleurs joueurs en France étaient les Canadiens. Sur l'ensemble, pour les jeunes, c'était justifié qu'on vire des gars qui n'avaient pas eu de résultats, mais on aurait pu en garder certains qui avaient encore leur place, comme Alain Bozon et Jean-Claude Guennelon.

Malheureusement, nous sommes arrivés un peu grillés aux Jeux. On a fait un peu de préparation physique, pas au sens propre du mot comme on l'entend actuellement, mais on a fait un stage physique à l'INSEP. Il faut dire qu'avec l'organisation de la fédération de l'époque, si Laliberté ne nous organise pas de matches, par exemple avec ses contacts dans les bases canadiennes en Allemagne, on ne fait pas de préparation. Une semaine avant les Jeux, on ne perd que 0-5 à Lyon devant l'équipe américaine. Pour le gardien que j'étais, c'était une fierté de ne prendre que cinq buts face aux États-Unis, même si le score était acquis après seulement deux tiers-temps, mais après, il y a toujours des gens pour vous dire "oui, mais ils n'ont pas forcé"... On s'était tellement défoncé dans cette préparation, et ce 0-5 nous a peut-être fait penser qu'on était meilleur que dans la réalité.

Ensuite, arrivent les JO. On prend une défaite, puis une autre, et on entre dans une spirale... Avec une meilleure préparation, on aurait pu faire mieux, même si on aurait quoi qu'il arrive terminé dernier ou avant-dernier.

1972 : ni JO ni Mondiaux

Après les succès du ski aux Jeux Olympiques de Grenoble, le ministère voulait surtout ne pas ramener trop peu de médailles à ceux de Sapporo quatre ans plus tard. Nous étions qualifiés, non plus comme pays organisateurs, mais sportivement, puisque nous avions obtenu ce droit en même temps que la promotion en groupe B. Aux JO, il n'y a rien à perdre, mais le ministère avait peur que nous soyons trop ridicules. Nous ne sommes pas partis, mais une vingtaine de dirigeants sont partis à notre place, donc notre non-participation n'a pas fait d'économies. En compensation, on a reçu de belles montres. Alors, on les a mises à l'heure du Japon... Les Rolex, elles marchent encore trente ans après, je suis content, j'ai l'heure !

Après cela, certains joueurs des Alpes ont décidé de ne pas participer aux championnats du monde. Je n'étais pas d'accord avec cette décision, pour moi il fallait dissocier les deux évènements. Les Jeux Olympiques, c'était l'aboutissement de trois ans de travail avec une équipe jeune, toute la bande qui avait 22-23 ans alors que j'en avais cinq de plus. Les championnats du monde, c'était la continuité de ce qui avait été réalisé sur la glace. J'ai proposé à la fédération de continuer quand même avec les joueurs qui restaient, notamment les Parisiens. Après tout, il n'y avait que la moitié de l'équipe qui boycottait. Je ne dis pas que l'on se serait maintenu, mais ça représentait un avenir pour l'équipe de France. Malheureusement, pour beaucoup à l'époque, le hockey français s'arrêtait à Chamonix et Saint-Gervais.

Bernard Deschamps

Pendant dix ans, nous avons été les gardiens de l'équipe de France tous les deux. Il y avait quelques autres bons gardiens, mais ils n'ont jamais pu nous déloger. Quand vous êtes gardien et que vous ne jouez pas, vous n'avez qu'une envie : que l'équipe gagne et que le gardien joue mal. Mais on a toujours alterné et il n'y a jamais eu d'animosité entre nous.

Deschamps était très fort techniquement, mais irrégulier. Il était capable de faire des matches extraordinaires, comme de passer au travers. J'avais beaucoup d'admiration pour lui, parce que son style était fantastique à voir, mais il n'était pas stable au niveau du travail. Moi, j'étais beaucoup moins fantastique, mais Gaston Pelletier, entraîneur de l'équipe de France en 1966, avait eu cette phrase : "je ne comprends pas, le meilleur, ce devrait être Deschamps, mais le plus efficace, c'est Sozzi". J'avais moins de talent naturel que lui, formé au Canada. J'assurais le minimum, alors qu'il était capable de gagner un match ingagnable... mais aussi de perdre un match qu'on aurait dû gagner. Quand il était dans un mauvais jour, on faisait appel à moi. Je l'ai souvent remplacé en cours de match, l'inverse n'a dû se produire qu'une fois.

C'était un mec capable de dire : "je n'ai pas envie de jouer ce soir". Moi, même avec une jambe cassée, j'aurais accepté de jour. Après un match perdu, il buvait une bière et on n'en parlait plus. Moi, il fallait que je comprenne pourquoi. Quand Deschamps a arrêté, il est devenu directeur de la patinoire de Chamonix, mais on ne le voyait jamais aux matches, et ensuite il a complètement coupé les ponts avec le hockey.

Tours

C'est le premier club français à avoir eu une structure professionnelle. J'y serais bien resté : si j'ai dû revenir à Grenoble, c'était pour raisons professionnelles, j'ai vendu mon affaire là-bas pour reprendre une affaire de famille. C'était le premier club que j'ai connu où les dirigeants - Albert Pasquier et Henri Bourgeais - avaient l'humanité et le respect des joueurs. J'avais eu Jean Ferrand à Gap, un dirigeant exceptionnel mais avec une équipe de baltringues en dessous de lui.

Le départ de l'équipe de France

En 1977, j'ai claqué la porte de l'équipe de France huit jours avant les championnats du monde. Beaucoup de jeunes arrivaient, ils adressaient la parole aux anciens avec respect, mais l'encadrement n'avait pas un comportement différent avec moi que quand j'avais 18 ans.

J'avais beaucoup donné à l'équipe de France, je pensais avoir le droit d'être considéré comme un homme responsable. Je suis arrivé malade pendant le stage et je me suis aperçu que ceux qui n'étaient pas malades ne travaillaient pas plus... Je ne me sentais plus en osmose avec le staff technique, ils ne m'apportaient plus rien, j'ai pensé qu'ils n'avaient plus besoin de moi.

J'ai la prétention de dire que je suis parti quand j'étais encore le meilleur gardien français. C'était dur, ça a pénalisé l'équipe de France, ça m'a peiné de voir un jeune comme Daniel Maric, que j'aime beaucoup, se planter. Maric a eu du mal à prendre ses marques en équipe de France, il lui a fallu deux-trois ans pour arriver à un certain niveau.

Les équipes de France juniors

Je pense que si on regarde mon palmarès comme entraîneur des équipes de France des moins de 18 ans et des moins de 20 ans, il a peu d'équivalents. C'est parce que j'étais arrivé à soixante-quinze jours de rassemblement par saison, et que je m'étais battu pour les obtenir.

J'avais fait le choix de prendre des cadets première année, alors qu'à l'époque les moins de 18 ans correspondaient aux juniors première année. J'ai ainsi gardé des joueurs comme Bruno Maynard, Pascal Margerit, Lionel Orsolini et Karl Dewolf pendant trois ans afin qu'ils arrivent à maturité. En 1989, on était prêt pour la montée mais on se croyait trop forts et on a fini deuxième. On a terminé premiers l'année suivante, mais quand on est arrivé en groupe A, on n'avait plus la même équipe. Et on n'avait plus de bons gardiens. C'était Lhenry qui était dans les cages l'année de la montée.

Fabrice Lhenry

C'est le gardien qui a été le plus mal utilisé en France à mon avis. En 1992, il était le meilleur joueur des championnats du monde juniors tous postes confondus. Kjell Larsson le prend alors comme troisième gardien aux Jeux Olympiques d'Albertville. Première erreur à mon sens : on a tous eu cet âge-là, on prend vite la grosse tête.

La saison suivante, on part en tournée au Canada, et arrivé à Montréal, Larsson lui dit : "tu vas aider le chef du matériel, tu vas porter le matériel". Il a été tétanisé. Au Mondial allemand, sur ses prestations à l'entraînement et dans les matches de préparation, il est meilleur que Ylönen et Vallière. Mais à ce moment, Ylönen a une grosse cote auprès de Larsson.

Lhenry, c'est un gardien qui a besoin d'être mis en confiance, de dialoguer avec ses entraîneurs. Ce besoin de dialogue, c'est quelque chose que je ne ressentais pas quand j'étais joueur, et que j'ai compris plus tard comme entraîneur, en apprenant de mes erreurs.

Antoine Mindjimba

Mindjimba, c'est un mec qui se met une pression pas possible. Il a un talent fou, mais quand il arrive en équipe de France, on a l'impression qu'il se troue. Le maillot de l'équipe nationale lui pèse terriblement. Il est possible aussi que les sélectionneurs successifs ne lui aient jamais donné une seconde chance, qu'ils se soient arrêtés au vieux "T'es bon, tu joues, t'es pas bon, tu joues pas", sans chercher à comprendre.

Antoine m'a dit qu'il avait vu un préparateur mental. J'ai moi-même fait de la préparation mentale, et j'ai peur que, quand on prend une personne spécialisée dans ce domaine, elle aille trop loin. En juniors, j'avais mis en place un programme de préparation mentale avec les joueurs, mais au lieu qu'ils passent un quart d'heure avec un gars, je la leur faisais faire par eux-mêmes, en cinq minutes.

Kjell Larsson

Les années Larsson, ce sont celles de la préparation physique à outrance. Les charges de travail étaient parfois incohérentes, j'ai vu des joueurs en surcharge après un stage en Finlande. Mais le point fort de Larsson, c'est qu'il a fait comprendre à ces joueurs l'importance dans le hockey du travail hors glace, de la musculation intensive.

Il fallait justifier la somme qu'il recevait, qui n'était pas si faramineuse dans l'absolu, mais qui pour le hockey français était très importante. Il demandait une semaine en Finlande, il l'avait. On bénéficiait d'installations comme Vierumäki, centre de préparation où on trouve vraiment tout le nécessaire. Sa mission, celle que lui confiait le président de la fédération Bernard Goy, c'était de gérer pour gagner un match par an, le dernier. L'objectif était de rester dans le groupe A, pour bénéficier d'une exposition importante, mais aussi pour garder des contacts de groupe A. En côtoyant les grandes nations, on n'était pas invité par la Roumanie.

Larsson ne vous donnait pas un os à ronger. Que ce soit Marc Peythieu ou moi, ses adjoints, on venait le soir dans sa chambre pour discuter mais on n'exprimait rien directement, on ne faisait pas les sélections autour d'une table. Tous les comptes-rendus étaient faits à lui, tout passait par lui, le médical, la préparation physique, etc.

Jeux Olympiques de Lillehammer 1994

Aux Jeux Olympiques, il n'y a rien à perdre, il n'y a pas de risque de descendre. Pour Lillehammer, je l'avait dit à Larsson, c'était une occasion unique d'intégrer des jeunes. On l'a fait avec Benjamin Agnel, Stéphane Arcangeloni et Sylvain Girard, ce dernier ayant peut-être été un peu plus discuté après coup.

Le premier jour, tout commence bien. On mène 4-2 contre les États-Unis, avec un but d'Agnel. Et puis Ylönen nous coûte la victoire en prenant deux mauvais buts. C'est là qu'on rate l'occasion de faire quelque chose dans ce tournoi alors qu'on en avait les moyens. Le lendemain, Michel Vallière était prêt à jouer, mais Larsson a commis selon moi l'erreur de refaire confiance à Ylönen. Et contre le Canada, à nouveau, il fait un match moyen. Un gars d'1m80 qui prend un but sur mise au jeu à hauteur d'épaule, ce n'est pas normal. Finalement, il titularise Vallière pour le match suivant, contre la Suède. Mais après avoir joué Américains et Canadiens et avec un jour de repos, il était évident qu'on allait souffrir. Vallière en prend six, dont deux sur des rebonds.

L'effet JO

Une fenêtre comme les Jeux Olympiques est très difficile à exploiter pour le hockey sur glace. Dans les clubs, on ressent un vrai engouement. On reçoit des demandes en février, mais on ne peut pas prendre de nouveaux licenciés alors que les patinoires ferment en avril. Une fois arrivé en début de saison, le gamin qui avait découvert le hockey aux JO a pu l'oublier. Un joueur qui veut faire du basket, il met une paire de godasses, il prend un ballon et il se prend pour un pro. Le même qui veut faire du hockey, il chausse des patins, il monte sur la glace et il se casse la gueule. Il y a toute une phase d'apprentissage et de patience.

Larsson et le rajeunissement manqué

Kjell Larsson amenait des jeunes jusqu'en hiver, et aux championnats du monde, il emmenait toujours les équipes d'anciens. À part Dewolf, aucun jeune n'a intégré l'équipe de France après Albertville. Mais il faut dire que Larsson jouait sa place, ce qui n'était pas mon cas en tant que cadre technique.

Avant les Mondiaux en Italie, on a fait revenir des anciens sans qui on avait très bien figuré aux Izvestia, et ils ont commencé à discuter sur des histoires de primes. On avait besoin d'un leader, on n'avait pas besoin de meneurs... J'ai dit aux joueurs : "vous venez dans ces conditions ou vous ne venez pas, on se retrouve demain avec ceux qui acceptent." Larsson a vécu 24 heures d'angoisse, je lui ai dit "T'inquiètes pas, ils reviendront tous." Et ils sont tous revenus. Il n'y en a pas eu beaucoup qui ont eu le courage de partir d'eux-mêmes comme moi à l'époque.

Propos recueillis par Marc Branchu, 2006

 

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