Rouen, et maintenant ?
Et maintenant ? Rouen a tout gagné et domine le championnat avec trois victoires d'affilée. Même ses ambitions européennes ont été assouvies par la victoire en Coupe Continentale. Les Dragons n'ont donc plus de nouveau challenge, sinon celui de défendre leurs titres. Rester au sommet n'a cependant rien d'une banalité... Le défi est improbable pour ce qui est de la ContiCup ; comment sérieusement espérer la remporter à Donetsk, contre un Donbass qui a entre-temps intégré la KHL ? Mais comme les exploits européens du RHE ont surtout été accomplis sur l'île Lacroix, être compétitif en Ukraine serait déjà un progrès par rapport aux précédentes finales jouées au Bélarus. Comme quoi, en sport, on peut toujours se fixer de nouveaux défis.
Le premier d'entre eux, c'est de faire aussi bien avec un peu moins. Le Conseil Général de Seine-Maritime a prévenu depuis longtemps qu'il diminuerait les subventions aux clubs professionnels. Le RHE sait à quoi s'en tenir et avait donc prévu de diminuer la masse salariale pour tenir compte des 100 000 euros de recettes perdues. Poursuivre la dynastie malgré une équipe a priori moins forte est donc un objectif en soi, même si les moyens de Rouen restent supérieurs à ceux de la concurrence. La perspective d'égaler les "Années Dragons" avec quatre titres de champion consécutifs serait même la référence ultime pour le RHE.
L'allègement de l'effectif ne concerne pas les gardiens, qui restent les mêmes. Fabrice Lhenry a connu une contre-performance en finale de la Coupe de France (le seul regret de la saison 2011/12), mais il a largement compensé en contribuant aux deux autres trophées. Lhenry reste le numéro 1, et l'entraîneur Rodolphe Garnier a affirmé que "la succession n'était pas prête". La phrase concerne Sébastian Ylönen : il a eu sa chance pendant de longues périodes du fait des blessures de Lhenry, y compris en finale du championnat, mais la comparaison fut sans pitié et il s'est montré trop tendre pour l'instant pour prétendre aujourd'hui à ce que le vétéran lui cède progressivement la place.
Mallette se fait la malle
Les marges de manuvre dans la constitution de l'équipe sont aussi limitées par certains intangibles. On ne conçoit ainsi plus les Dragons sans Julien Desrosiers : l'international n'est plus seulement un maître du palet, il est devenu au fil des saisons l'exemple fédérateur de l'attaque rouennaise, celui dont la volonté et l'inspiration peuvent mener à la victoire. Son élection comme MVP des play-offs a consacré dans les succès normands.
Les trois autres places du carré magique offensif étaient normalement toutes occupées. François-Pierre Guenette et Marc-André Thinel disposent encore de deux ans de contrat. Quant à Carl Mallette, la question était censée ne même plus se poser, puisqu'il était nanti d'un contrat à durée indéterminée. Ce CDI, contrat pour le moins atypique pour un sportif professionnel, était finalement un cadeau empoisonné. Il cristallisait en effet tous les soupçons, soit de démotivation, soit d'absence de remise en cause. Mallette s'est donc fait "tailler un costard" de patron autoproclamé de vestiaire, de contre-pouvoir occulte, d'état dans l'état, etc. Il a mal vécu de voir ainsi les reproches, parfois blessants, prendre le pas sur l'admiration au sein des spectateurs rouennais.
Lorsque les problèmes de vestiaire deviennent un sujet de débat public, les crispations n'en deviennent que plus vives. Les dissensions entre le joueur et Rodolphe Garnier ont été exposées au grand jour. L'entraîneur, conforté par les victoires obtenues, a été confirmé. Cela a facilité le choix de Mallette, qui avait déjà un projet de reconversion chez lui à Victoriaville. Il y a passait déjà quatre mois l'été où il organisait un tournoi estival de "dek hockey", un hockey en chaussures. La centaine d'équipes participantes commençait à être à l'étroit sur ses deux terrains. Pour se développer, il s'est associé avec Vert Marine, la société du président du RHE Thierry Chaix, pour acquérir un centre de loisirs au Lac Mirage. Une association qui profite aux deux parties : Mallette y gagne un partenaire avec une expérience de l'exploitation des enceintes sportives, et Vert Marine un appui international. Pour autant, Carl Mallette considère cela comme une activité pour la saison d'été et n'abandonne pas le hockey, bien au contraire. L'hiver, il sera entraîneur-adjoint des Tigres de Victoriaville, son ancienne équipe de junior majeur, et espère bien revenir un jour à Rouen... sur le banc.
Le remplaçant poste pour poste de Mallette est Éric Castonguay, révélé à Briançon comme un centre précieux dans la distribution du jeu. S'il sera utile dans le dispositif rouennais, Castonguay n'attise cependant pas les passions - positives ou négatives - comme soin prédécesseur, qui laisse donc un vide de leadership. Par principe d'équilibre, la pression qui pesait sur Mallette va forcément se reporter sur d'autres épaules. Et celui qui a le plus à en pâtir, paradoxalement, c'est Rodolphe Garnier. Sans l'ex-capitaine qui captait l'attention, le coach redevient le responsable désigné dès que les performances ne sont pas du goût des supporters, aux palais délicats particulièrement quand il s'agit des spécialités incontournables du terroir rouennais (tel le jeu de puissance).
Outre le joueur charismatique, la principale perte de l'intersaison est celle de Loïc Lampérier : le jeune international a vécu un peu à contrecur son retour de prêt de Briançon, car il avait trouvé dans la ville haute un lieu idéal pour progresser en confiance et devenir un joueur majeur. Il y est donc retourné, et le staff a trouvé là une piste d'économie en ne remplaçant ni Lampérier, ni Alexandre Mulle parti à Dijon. Il a pris le parti de promouvoir Anthony Rech sur les deux premières lignes, récompense logique se sa forte implication en fin de saison dernière.
L'attaque n'a donc pas de raison d'être beaucoup moins forte, d'autant que les deux recrues venues de l'étranger semblent solides. Teemu Elomo, qui a rarement pu exprimer ses qualités techniques et a été rétrogradé par les jeunes en fin de saison, est remplacé par David Fredriksson, un gros joueur physique et néanmoins rapide. Pour faire oublier Jean-Philippe Paré, très apprécié à l'île Lacroix, le RHE a engagé un vétéran de renom au centre de la troisième ligne : Juraj tefanka est une recrue de prestige par son cursus de haut vol en équipe nationale de Slovaquie et depuis onze ans en Extraliga tchèque, mais il n'a rien d'un patineur de l'est cramé en fin de carrière. Il ajoute à ses bases techniques propres un travail inlassable au pressing sur l'adversaire et une grande efficacité dans les duels homme à homme, que ce soit dans les bandes ou aux poins d'engagement. Il constitue ainsi le pivot de la possible meilleure troisième ligne de Ligue Magnus, avec Fredriksson ou l'équipier-modèle Ilpo Salmivirta et avec le technique et énergique Romain Gutierrez.
Cette confirmation de Gutierrez constitue par contre une mauvaise nouvelle pour l'autre recrue offensive de l'intersaison, Loup Benoit : le Grenoblois découvre la dure concurrence rouennaise où, sans démériter quand on lui fait confiance, il n'en reste pas moins un joueur "de réserve", qui doit souvent attendre son tour. Il a au moins de la compagnie sur le banc, car le RHE a systématiquement une quatrième ligne présente. La réforme des "JFL" (joueurs formés localement) n'a pas modifié en soi la composition de l'équipe, mais elle oblige par contre les Rouennais à "remplir" les feuilles de match. Ce n'est pas le réservoir qui manque pour le faire avec les nombreux joueurs formés par le CHAR. Mais jusqu'ici, les Dragons se déplaçaient fréquemment à trois lignes et laissaient les jeunes à disposition de la D2, des U22 ou de leurs études. Le bus sera dorénavant plus rempli. Les temps de glace n'ont pas été affectés pour autant, et la quatrième ligne ne rentre toujours éventuellement qu'en fin de match.
Une défense en manque de repères
Cette année, c'est en défense que les jeunes Normands ont une carte à jouer. Antonin Manavian souhaitait en effet s'expatrier sur la lancée de sa très bonne saison. Les championnats du monde n'ont pas constitué la vitrine qu'il espérait, car il n'y a eu qu'un rôle subalterne, mais il n'a pas renoncé à son idée et a eu gain de cause tardivement via un essai à Innsbruck en Autriche. Il laisse un trou en défense, car il n'existe sur le marché aucun joueur français capable de le remplacer. Il appartient tout naturellement à Jonathan Janil de prendre du galon en menant la seconde unité de supériorité numérique, suivant ainsi les traces de Manavian qui avait agréablement surpris.
Le départ de Manavian libère surtout une place pour un titulaire en défense. On sait combien il est rare qu'un jeune obtienne mieux qu'un strapontin dans l'arrière-garde rouennaise, Custosse l'avait vécu pendant de longues années. Avec un espoir de la dimension de Raphaël Faure, le RHE se devait de lui laisser sa chance, mais elle ne devait pas lui tomber toute cuite dans le bec. Il a donc été mis en concurrence avec Florent Aubé, forgé à la compétition dans les ligues juniors suisses et de retour dans sa ville d'origine Rouen. Après une saison blanche, Léo Guillemain-Paillie revient pour sa part au jeu et s'est adjugé le poste de huitième défenseur.
Les remaniements sont encore plus profonds car les quatre arrières étrangers ont tous changé. Le RHE avait pourtant prévu d'en garder un, Juha Alen. Il avait signé un nouveau contrat, mais a reçu une proposition qui ne se refuse pas : jouer en SM-liiga à Hämeenlinna, à soixante kilomètres de sa ville natale Tampere. Guy Fournier lui a donc accordé un bon de sortie. C'est à regret que Rouen dit adieu à Alen, le "vigile" des infériorités numériques. Il avait mis du temps à s'adapter et à convaincre de sa valeur, mais à la fin personne n'en doutait plus. Sa présence dans l'enclave lui valait les louanges éclairés de Fabrice Lhenry.
À défaut d'Alen, le RHE a cherché de nouveaux défenseurs robustes avec Durak et Tavzelj. Peine perdue. Miroslav Durak est certes agressif dans les duels, mais au prix de pénalités à répétition. C'est là qu'on se rend compte combien Alen avait appris à mener une dissuasion efficace sans trop se mettre à la faute. En plus, Durak est lent, et on déplore surtout un déchet étonnant dans ses passes pour un joueur confirmé d'Extraliga slovaque. Si Andrej Tavzelj pèche, c'est peut-être par timidité. Habitué à des missions purement défensives au cours de sa carrière, il s'applique à rester dans son camp et il lui faut d'abord prendre confiance pour oser passer la ligne rouge. La discrétion n'est pas forcément une grande vertu à Rouen, où un défenseur doit pointer. Lauri Lahesalu avait été érigé en modèle d'efficacité modeste à Angers, où l'on attendait rien de lui à son arrivée. L'Estonien arrive chez les Dragons dans un tout autre contexte, précédé d'une réputation de fiabilité de relance qu'il doit honorer.
Tous ces joueurs débarquent en effet dans un club qui a tout misé sur un seul défenseur offensif : Johan Åkerman, exemple de découverte tardive puisqu'il a connu son premier tournoi international - triomphal - à 34 ans et a alors connu 50 sélections en équipe de Suède. Sa force de frappe à la ligne bleue, c'est ce que Werenka avait trop peu utilisé l'an passé, et c'est ce que les Dragons recherchaient pour compléter leur powerplay redouté à quatre attaquants. Mais Åkerman n'est pas forcément un foudre de guerre dans sa zone, et c'est ce qui lui manque pour diriger une défense en quête de repères.
Les difficultés de la défense ont amené les Dragons à s'interroger sur l'opportunité de se renforcer. Durak déçoit, aucune recrue ne s'impose totalement, et Faure ou Aubé commettent fatalement des erreurs par inexpérience. Le nom du joker qui devait arriver à la trêve de novembre a même été annoncé au vestiaire : Davide Nicoletti. Mais ce défenseur italo-canadien au "petit" CV, qui ne constituait pas une amélioration garantie, ne faisait pas l'unanimité. Faute de mettre tout le monde d'accord sur le profil d'un éventuel renfort, le RHE a décidé de n'opérer aucun changement et de laisser passer la date limite des transferts (Nicoletti a signé en élite britannique).
Au même moment, Angers faisait le choix inverse et décidait que c'était "sa" saison en densifiant encore son équipe. Pour la première fois depuis longtemps, Rouen n'est plus vraiment le numéro 1 sur le papier et laisse bien volontiers la pression sur un adversaire bien moins habitué au statut de favori. Ce rééquilibrage pimente la Ligue Magnus, et il n'y a rien de tel que l'irruption d'un rival avec de l'appétit pour que l'Île Lacroix se délecte d'avance de la confrontation annoncée.
Marc Branchu
Effectif :
Gardiens
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2011/12 MJ Min Moy. Pén 33 LHENRY Fabrice 29/06/1972 180 82 Lyon Rouen FRA-1 31 1831 2,49 24' 37 YLÖNEN Sebastian 03/07/1991 185 79 Rouen Rouen FRA-1 21 1258 3,20 0'
Défenseurs
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2011/12 MJ B A Pts Pén 3 JANIL Jonathan 24/09/1987 188 85 Caen Rouen FRA-1 41 2 9 11 18' 4 TAVZELJ Andrej 14/03/1984 187 97 (Slovène) Jesenice AUT-1 37 5 5 10 42' Poprad SVK-1 20 1 4 5 6' 6 LAHESALU Lauri 29/03/1979 183 88 (Estonien) Angers FRA-1 45 3 20 23 28' 8 GUILLEMAIN Léo 02/03/1992 191 93 Rouen ------------ saison blanche ------------ 9 DURAK Miroslav 09/06/1981 193 97 (Slovaque) Nitra SVK-1 45 2 14 16 77' 14 FAURE Raphaël 01/04/1993 180 80 Caen Rouen FRA-1 30 1 4 5 14' 44 ÅKERMAN Johan 20/11/1972 181 91 (Suédois) Linköping SUE-1 36 2 8 10 28' Cologne ALL-1 22 2 13 15 39' 92 AUBÉ Florent 25/08/1992 175 80 Rouen Viège SUIjrB 23 3 0 3 36' Fribourg SUIjrA 19 1 1 2 45'
Attaquants
N° NOM Prénom Naissance cm kg Club formateur Club & Ch 2011/12 MJ B A Pts Pén 11 GUENETTE François-P. 18/01/1984 184 82 (Canadien) Rouen FRA-1 50 21 32 53 28' 12 BENOIT Loup 10/06/1991 176 78 Grenoble Grenoble FRA-1 49 3 2 5 8' 18 RECH Anthony 09/07/1992 176 74 Chamonix Rouen FRA-1 41 11 8 19 14' 22 THILLET Dimitri 28/07/1993 186 89 Briançon Villard FRA-1 24 2 1 3 6' 24 THINEL Marc-André 24/03/1981 183 81 (Canadien) Rouen FRA-1 51 38 42 80 46' 25 SALMIVIRTA Ilpo 17/10/1983 188 90 (Finlandais) Rouen FRA-1 50 16 16 32 16' 27 CASTONGUAY Éric 18/09/1987 180 79 (Canadien) Briançon FRA-1 41 15 52 67 16' 28 GUTIERREZ Romain 09/09/1992 173 71 Briançon Rouen FRA-1 38 3 3 6 33' 29 JOLY Maxime 29/02/1992 181 76 Saint-Gervais Rouen FRA-1 11 0 0 0 0' Rouen 2 FRA-3 13 6 5 11 4' 42 DESROSIERS Julien 14/10/1980 180 83 (Fra/Canadien) Rouen FRA-1 49 25 45 70 76' 77 FREDRIKSSON David 04/10/1985 194 104 (Suédois) Idaho ECHL 45 9 15 24 42' 82 STEFANKA Juraj 21/01/1976 188 98 (Slovaque) Vitkovice TCH-1 58 7 13 20 56'
Entraîneur : Rodolphe Garnier (44 ans).
Départs : Antonin Manavian (D, 13+30, Innsbruck, AUT), Juha Alen (D, 3+4, HPK Hämeenlinna, FIN), Darcy Werenka (D, 5+29, arrêt), Richard Demén-Willaume (D, 3+14, SaiPa Lappeenranta, FIN), Jimi Santala (D, 6+14, Amiens), Carl Mallette (A, 33+43, arrêt), Jean-Philippe Paré (A, 18+40, Saint-Georges, LNAH), Loïc Lampérier (A, 14+16, Briançon), Teemu Elomo (A, 13+27), Alexandre Mulle (A, 4+10, Dijon), Quentin Berthon (A, 1+2, Brest).
Revoir la présentation 2011/12