EV Füssen
Localisation : Füssen est une petite ville de 15 000 habitants, située en Oberbayern, la Haute-Bavière alpestre. Pas très loin se trouve le mondialement célèbre château de contes de fées du Neuschwanstein.
Nom du club : EV Füssen (abréviation de Eissportverein Füssen)
Fondation du club : 1922.
Couleurs : noir et jaune
Palmarès : Champion d'Allemagne 1949, 1953, 1954, 1955, 1956, 1957, 1958, 1959, 1961, 1963, 1964, 1965, 1968, 1969, 1971, 1973. Vainqueur de la Coupe Spengler 1952 et 1964. Finaliste de la Coupe d'Europe 1966.
EV Füssen a été fondé dans la soirée du 11 décembre 1922 à l'auberge Sonne. En 1923 la section de hockey sur glace est créée. Trois ans plus tard, l'EV Füssen remporte son premier titre de champion de Bavière contre le SC Riessersee. Les frères Leinweber sont les principaux moteurs de l'équipe et sont généralement considérés comme les fondateurs des succès du club. Le gardien Walter Leinweber est le premier joueur de l'équipe nationale d'Allemagne originaire de Füssen et médaillé de bronze aux Jeux Olympiques de 1932. Bruno Leinweber, en tant que capitaine, entraîneur et joueur, initie le sort du EV Füssen.
À cette époque, le grand travail de formation du club prépare le terrain pour la marche triomphale, à venir, dans les années 1950 et 1960. Les jeunes comme Fritz Poitsch ou Markus Egen deviennent champions d'Allemagne de hockey sur glace, chez les jeunes, pour la première fois en 1939.
7 sur 7
Après-guerre, les séniors s'imposent et remportent le premier titre de champion d'Allemagne. La forte popularité du club aux 10 000 spectateurs permet de constituer un fonds de roulement financier qui permettra, par la suite aux dirigeants d'acheter leur patinoire. Le Kobelhang est érigé et la capacité est portée à 14 000 places.
Les années 1950 et 1960 feront du club alpestre le sommet d'une histoire et une domination sans partage en championnat. Sous la direction de l'entraîneur canadien Frank Trottier l'équipe de l'Allgäu (la vallée bavaroise locale) remporte même la célèbre Coupe Spengler, à Davos, et enchaîne quatre titres en championnat de suite de 1953 à 1956. À cette époque un seul club de la plaine de la Ruhr remet en question la domination bavaroise, le KEV de Krefeld, mais sans parvenir à faire chuter le leader. Après ces quatre victoires consécutives, Frank Trottier quitte le club pour Düsseldorf... mais la dynastie de l'EVF continue avec des entraîneurs allemands.
La série de titres se poursuit en 1957 avec un éternel champion, Füssen. À partir de 1958, le "Füssen-Express" continue sa domination presque effrayante dans l'élite du hockey allemand (Bundesliga) nouvellement fondée.
Les victoires sont conquises avec de grands gardiens de but comme Karl Fischer et Wilhelm Bechler. En défense, la solidité s'illustre par le rude Paul Ambros (166 sélections avec la RFA, ex-Allemagne de l'Ouest), qui n'hésite pas à jouer l'intimidation. Mais c'est bien toute la défense qui domine ce championnat avec Leonhard Waitl, Martin Beck, Ernst Eggerbauer, Rudolf Thanner ou Georg Guggemos. Les alignements d'attaque - dans lesquels Xaver Unsinn entre dans l'équipe à seulement 17 ans peu après la Seconde Guerre mondiale - sont également qualitatifs.
En 1959, Füssen remporte son 7e titre consécutif, mais l'année suivante c'est le rival Riessersee, le club de la station de ski de Garmisch-Partenkirchen, qui parvient à remporter les deux confrontations (5-4) et (4-6).
Markus Egen, qui a raccroché les patins, prend la place d'entraîneur en 1961 et dirige une des équipes les plus fortes de son histoire. Ernst Trautwein et Georg Scholz terminent aux deux premières places des buteurs (34 et 31 buts). Le titre revient au club de l'Allgäu, même si le championnat passe de 14 à 28 rencontres.
Encore un petit verre, encore un titre...
Le public vient en masse et les dirigeants créent ainsi leur propre tournoi qui accueille de nombreuses équipes étrangères. Le tournoi Thurn und Taxis Pokal présentera des adversaires prestigieux comme le CSKA et Spartak Moscou, l'équipe nationale de Roumanie, l'équipe nationale de Pologne, ZKL Brno, Jokerit Helsinki, etc... face au EV Füssen. Et c'est l'attraction ; le stade est toujours plein de cinq à six mille spectateurs. Le club entre ainsi dans la sphère européenne du hockey sur glace.
En 1962, c'est Bad Tölz qui parvient à chiper la place de vainqueur aux deux super-favoris et s'impose contre Riessersee aussi. Füssen, le titre perdu, passe tout de même un 1-14 au champion lors d'un match sans enjeu. L'année 1963, Füssen remporte son dixième titre et n'en finit plus de gagner avec Ernst Köpf qui termine meilleur buteur. La série continue en 1964 sans adversaire notable, en 1965 également avec une seule défaite de toute la saison. Durant ces années dominatrices, les joueurs des Alpes ont même réussi à atteindre la finale de la toute première Coupe d'Europe face aux Tchécoslovaques du ZKL Brno.
L'ambiance est détendue dans ces années 1960 et l'exemple avait été donné dès la décennie précédente comme le confiait Siegfried Schubert dans une interview à Eishockey News : "Je me souviens qu'on s'était assis à la cave un dimanche après-midi avec Hansjörg Nagel et Ernst Köpf et qu'on avait bu une ou deux liqueurs. Le soir, nous avions un match contre Riessersee. Je m'étais dit, heureusement que nous nous sentions bien ensemble... Le soir, j'ai marqué 5 buts ! Quand un joueur se sentait très nerveux, Frank Trottier, l'entraîneur des années 1950, amenait souvent dans le vestiaire une cuillère à soupe ou à une cuillère à café de sucre et versait du cognac par dessus. Cela calmait l'intéressé."
Le centre national d'entraînement en héritage
En 1965, Füssen est contraint de voir partir plusieurs joueurs majeurs. Ernst Trautwein raccroche les patins tandis que Paul Ambros est recruté par Augsbourg où Ernst Köpf le rejoint un an plus tard. Qui plus est, Düsseldorf apparaît comme une nouvelle place du hockey et remporte en 1967 son premier titre de champion mettant fin à quinze années de domination bavaroises. Füssen ne termine que quatrième. Mais le club réagit et trouve de nouvelles méthodes avec le nouvel entraîneur Vladimir Bouzek, qui remet l'équipe sur les rails de la victoire en 1968. Le "professeur", fin psychologue, apporte de nouvelles idées et un système neuf, plus technique. Le Kobelhang redevient imprenable et Füssen termine la saison invaincue. En 1969 même motif, même punition pour les autres équipes, Füssen reste intouchable. Günther Knauss forme un duo de gardiens exceptionnels avec Toni Kehle.
La volonté de tout gagner va se confronter au développement du hockey allemand dans son ensemble. En 1971, le président Otto Wanner, qui dirige aussi depuis 1964 la fédération allemande, déclare à l'entraîneur Siegfried Schubert qu'il faut absolument gagner le titre, sinon Füssen perdra le centre fédéral de performance qui est en projet. Bernd Kühn (photo) est toujours le canonnier n°1 du championnat et l'EVF termine champion. La candidature de la ville est alors préférée à Garmisch-Partenkirchen et à Munich pour recevoir ce centre (Bundesleistungszentrum) qui accueillera l'entraînement de toutes les équipes nationales. Il placera Füssen sur la carte du hockey même quand son centre névralgique quittera les montagnes bavaroises.
Düsseldorf parvient à s'imposer en 1972 avant que Füssen en 1973 ne conclue sa voie royale avec un ultime titre de champion, avec Markus Egen qui boucle son palmarès sans égal, cette fois comme joueur puis entraîneur. La relève est là puisque l'EVF est aussi champion en junior la même année avec "Jocki" Hiemer, Uli Egen ou le gardien Matthias Hoppe, preuve que les nouvelles générations sont aussi prometteuses.
1973 marque la dernière célébration d'un championnat. Otto Wanner (qui deviendra Maire de Füssen en 1974 juste après l'inauguration du centre national du hockey) avait pour habitude d'offrir un costume sur mesure à chaque titre pour que chacun des joueurs se présente sous son meilleur jour dans la fête organisée dans la plus grande salle municipale. Les primes reçues par les hockeyeurs sont ainsi essentiellement en nature, sous forme de manteaux et de cravates. Autant dire que cela ne suffit plus...
Une page se tourne et les puissances financières des grandes villes commencent à se développer. L'arrivée de joueurs étrangers qui viennent exercer leurs talents pèse dans la masse salariale. Après 1975, le club en est réduit à jouer le milieu de tableau.
La faillite chasse le club de l'élite
Le quart de finale de 1981, perdu face à l'adversaire de toujours Riessersee, fait renaître le derby du passé. C'est l'arbre qui cache la forêt, la chute va être continuelle et la lutte pour exister au plus haut niveau, perdue d'avance.
C'est en 1982 que Füssen commence à s'effondrer et s'accroche pour se maintenir dans l'élite. Les dirigeants essaient un coup de poker en engageant Udo Kießling venu du DEG. Mais le choc attendu ne vient pas et Udo quitte le club en décembre 1982 pour rejoindre Cologne.
La relégation en Bundesliga 2 est inévitable et intervient en 1983. Et pour couronner le tout, le 2 février 1983, EV Füssen se présente devant le juge de mise en faillite et le club est dissous. Un nouveau club de hockey sur glace est rebâti : il s'appelle toujours EV Füssen mais les initiales signifient maintenant "Eislaufverein" et non plus "Eissportverein" (club de patinage au lieu de club des sports de glace).
Une équipe est construite avec des restes du groupe professionnel, de juniors et de rapatriés qui sont prêtés par des clubs de division inférieure. Pourtant la fragilité économique est toujours pesante et il s'en faut de peu pour qu'une nouvelle liquidation soit évitée en 1986. La patinoire est pourtant reconstruite en 1990 dans des conditions plus modernes au même endroit : le nouveau "Kuppelbau" de 3700 places accueille le championnat du monde junior 1992.
Si haut au firmament du hockey, le balancier penche encore plus bas dans l'autre sens. Lorsque, à l'été 1992, une dissimulation de dette, jusque-là discrète, est apparue, l'EV Füssen est cette fois relégué en troisième division (Oberliga).
Le nouveau conseil d'administration dirigé par Jörg Tiedke s'astreint à tenir des finances saines et il s'agit d'un tout autre combat que le club mène : maintenir une activité de hockey sur glace en s'appuyant sur le hockey mineur pour tenter de faire revivre les traditions passées. Le manque de moyens financiers, loin du monde des investisseurs qui alimentent la DEL, ne permet pas de tenir le choc.
Le club traditionnel de l'Allgäu doit se présenter, une nouvelle fois, devant le juge de mise en faillite. Au final, le passif d'environ 430 000 euros est trop élevé pour élaborer un "Team Allgäu", projet mort-né entre l'ESV Kaufbeuren - qui a explosé en vol dans la DEL en croulant sous les dettes - et l'EV Füssen.
Du coup, l'insolvabilité de Füssen signifie la descente forcée dans la ligue régionale bavaroise avec une faillite consommée. La relégation sportive dans la Bayernliga, la ligue bavaroise de hockey sur glace (4e division), ne peut être évitée lors de la saison 2014/15. Le club en profite pour se refonder sous son nom d'origine, Eissportverein Füssen.
Mobilisation autour d'un club de légende
Aujourd'hui, Füssen a réussi à se stabiliser en Oberliga (3e ligue) et travaille sur la formation des jeunes avec le directeur sportif Thomas Zellhuber, qui attire l'attention sur la perspective que les salariés du club de Füssen ont dans leur objectif de développement de la jeunesse, en offrant un tremplin pour peut-être devenir un hockeyeur professionnel.
La légende du hockey allemand Uli Hiemer, formé au club, a évolué en équipe pro entre 1979 et 1982 avant de partir pour Cologne, de devenir le premier Allemand à jouer régulièrement en NHL puis de conclure sa carrière à Düsseldorf. Après avoir investi dans le développement de fast-food McDonalds, il décide d'apporter son aide. Il est membre fondateur de l'association pour sauver le hockey mineur et les 200 enfants concernés. C'est avec son cercle d'amis qu'il fait susciter un nouvel intérêt pour l'image du club emblématique. D'ailleurs Il obtient le soutien de "Campino" le chanteur du groupe de punk-rock allemand "Die Toten Hosen" et supporter bien connu de la Düsseldorfer EG. Campino (de son vrai nom Andreas Frege) et les autres musiciens, sont des fans "ultimes" de hockey sur glace. Le logo des Toten Hosen apparaît donc logiquement sur les maillots de l'équipe de Füssen.
Andreas Frege : " Bien sûr nous sommes originaires de Düsseldorf et supporters de la DEG. Mais je crois aussi que c'est dans l'intérêt des fans de Düsseldorf EG que nous participions un peu à l'histoire entre le traditionnel EV Füssen et Düsseldorf. Je pense qu'au fil des années, une bonne vingtaine de joueurs de Füssen se sont retrouvés à la DEG. Et cette connexion, cette ligne, joue un rôle dans notre décision. Tout d'abord, c'est notre amour pour le hockey sur glace en tant que tel, notre amour pour la DEG. C'est grâce à cette connexion et surtout à Uli Hiemer, qui était à Düsseldorf à son apogée dans les grands moments. C'est pourquoi je pense que notre engagement avec Füssen est logique. Nous avons été désignés membres honoraires et autorisés à participer à la reconstruction. Pour cette seule raison, nous sommes très proches d'eux et, bien sûr, nous utilisons Uli pour suivre ce que fait EV Füssen. Nous sommes toujours dans l'idée d'affronter les difficultés et vivre des beaux moments. "
Plus qu'un club, Füssen a constitué une famille. Markus Egen,en fait partie. Il y a passé toute sa carrière entre 1946 et 1961 et aurait pu quitter Füssen à l'époque. Dans les années 1950, son génie a été détecté. Au Canada et plus précisément aux Canadiens de Montréal, une proposition de recrutement lui a été faite. Mais il a refusé cette opportunité préférant rester au sein de sa famille d'appartenance du club. Après sa carrière, il a ouvert un magasin de sport et une fabrique de crosses près de la patinoire. Dans sa cave, dans son atelier, il travaille pour perfectionner l'équipement des joueurs. En 1963, Il lance le concept du tout premier masque de gardien de hockey sur glace en Allemagne (de l'Ouest). C'est Günther Knauss, également gardien de but de l'équipe nationale, qui l'a porté et, aujourd'hui, l'a mis à disposition en le retirant de sa collection personnelle.
Un musée a été créé pour rappeler les années de gloire et présenter au public toutes ces pièces de collection. On y retrouve aussi le chapeau de Xaver Unsinn, "Mister Eishockey", ancien joueur du club et célèbre coach de l'équipe nationale d'Allemagne... de l'Ouest à l'époque.
Markus Kehle, le directeur général, considère actuellement que la promotion en DEL2 est difficile à imaginer : "Le cadre financier est serré, le budget dépasse déjà le million d'euros. Il est impossible de trouver un sponsor majeur qui investirait sur cinq à dix ans. Néanmoins, la troisième division a également ses avantages. Les nombreux clubs traditionnels qui ne jouent plus dans la première ou la deuxième DEL forment des constellations intéressantes de jeunes. J'aime vraiment ce cadre des derbys de cette ligue (...). Nous avons des adversaires passionnants et nous proposons ici un hockey intéressant à un bon niveau. Nous voulons maintenant nous établir dans cette ligue. Telle est la première tâche."
Il ne croyait pas si bien dire. Quelques mois après ces déclarations faites à l'occasion du centenaire du club, la licence en Oberliga est refusée en première instance. La saison s'est en effet conclue par un lourd déficit de 300 000 euros : le club a baissé le prix des places pour faire revenir le public après la pandémie de Covid-19, mais les spectateurs n'ont pas suivi car les résultats restent moyens avec des concurrents de haut de tableau bien plus riches, tandis que la forte inflation pèse sur les dépenses. Un compte bancaire est alors ouvert afin de récolter les 70 000 euros nécessaires pour survivre. L'objectif est dépassé en une dizaine de jours et la fédération n'attend même pas le jour du passage en appel pour confirmer la participation de Füssen à l'Oberliga. "Ce moment n'appartient pas au club, mais à chacun de vous. Nous voulons utiliser cette opportunité pour remercier de tout coeur les donateurs, soutients et fans. Ensemble nous avons montré quelle valeur l'Eissportverein Füssen a pour la Ville, la Région et toute l'Allemagne du hockey", annonce l'EVF dans un communiqué.
La saison qui suit ce sauvetage est plutôt sportivement moins bonne, mais elle voit éclore Max Bleicher : converti d'attaquant en défenseur quand il jouait en sélection de Bavière, il débute en équipe première à 16 ans et est élu meilleur rookie d'Oberliga en fin de saison avant d'intégrer l'équipe nationale d'Allemagne des moins de 18 ans. Il prouve ainsi que Füssen produit toujours de bons hockeyeurs.
Damien Kuster