Mannheimer ERC

Chapitre IV - Les années Olejnik

 

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À l'été 1981, Mannheim se sépare de ses deux grosses recrues de 1979, deux joueurs qui ont fortement contribué à l'amener au titre. Au Canadien Ron Andruff, on reproche son esprit individualiste et son manque de travail à l'entraînement, qui gâchent son talent et sa combativité irréprochables : l'ancien joueur de NHL, après une dernière brève pige à Düsseldorf, se retirera pour s'occuper de management dans le tennis puis fera carrière dans le domaine des voyages. Avec le buteur souabe Holger Meitinger, on a moins de griefs mais on admet qu'il manque de charisme. Weisenbach semble s'en moquer puisqu'il s'empresse de l'engager à Cologne. Ces deux départs font grincer quelques dents et le président Helmut Müller est obligé de s'expliquer. Il rappelle qu'il n'a pas les moyens d'être un mécène, contrairement à d'autres présidents de clubs, et que la situation financière du MERC requiert une cure de rigueur. Il organise donc un vote de confiance, qui se transforme en plébiscite - 136 voix en sa faveur sur 136.

Casper dans le grand bain

Robert Murray, cinquante fois international avec l'Allemagne, arrive de Riessersee. Douglas Berry, un Américain de 24 ans, est également recruté, et l'entraîneur Ladislav Olejnik déclarera avoir trouvé une "pépite" avec ce modèle de professionnalisme et de discipline. Avec neuf attaquants, six défenseurs et deux gardiens, Mannheim a ce qu'il faut, mais juste ce qu'il faut, pour faire trois lignes. La première blessure de Peter Ascherl, ce Canadien métis de mère allemande et de père anglais, que les supporters se sont soudain mis à surnommer "Ali" le lendemain d'un championnat du monde remporté par le célèbre boxeur, laisse déjà planer quelques inquiétudes sur un effectif peut-être insuffisant.

Malgré cet effectif réduit, le MERC impressionne sur les huit premiers matches du championnat 1981/82, où il n'abandonne qu'un seul point, à Berlin (1-1), où Erich Weishaupt a évité la défaite en arrêtant un penalty de Martin Hinterstocker. Mais deux défaites en un même week-end, ajoutées à la perte du centre Manfred Wolf (cheville fêlée), calment un peu les ardeurs d'une équipe qu'il ne faut trop vite propulser comme favorite. Blum monte à l'attaque, mais cela ne suffit plus pour compenser la nouvelle blessure d'Ascherl. Malgré l'intégration du joker canadien McGregor et du junior Merkei, Mannheim, encore diminué par la fracture de la clavicule de Nentvich, ne retrouve trois lignes offensives complètes qu'en fin de saison et doit alors se contenter de la troisième place, derrière un Landshut souverain et Cologne.

Mais les play-offs en trois manches peuvent bouleverser la hiérarchie. En demi-finale, Mannheim perd logiquement le premier match à Cologne (6-3). À l'échauffement du match suivant, la catastrophe survient. Le gardien Erich Weishaupt, qui jouait déjà avec un pouce cassé maintenu solidement dans son gant, s'effondre, touché au ménisque.

Joachim Casper doit le remplacer au pied levé, et on ne donne plus guère de chances à Mannheim de battre la nouvelle équipe de Heinz Weisenbach. Au lieu d'être handicapés par ce coup dur, les joueurs y trouvent une motivation supplémentaire et surprennent un KEC trop confiant en allant se qualifier à Cologne (3-1) où le but de la délivrance est marqué par le capitaine Marcus Kuhl. Casper a parfaitement supporté la pression, mais la finale est un autre monde et on ne perd pas impunément une personnalité comme Weishaupt. L'adversaire est un parfait outsider, le surprenant Rosenheim, dont les joueurs avouent un "avantage psychologique" à la perspective d'affronter un second gardien. Mannheim ne parvient en revanche jamais à percer le mur Karl Friesen et s'incline 2-6 et 0-4. Mais, compte tenu de tous les problèmes de blessures rencontrées, cette place de finaliste avec un effectif réduit est déjà appréciable et inattendue.

Lochead, tête brûlée mais décisif

Inattendu aussi, le départ de Marcus Kuhl. Il est pourtant explicable : Kuhl possède des boutiques de jeans en commun avec le trésorier du KEC Clemens Vedder, et il part donc pour Cologne, où il veut préparer sa reconversion en passant son diplôme de professeur de sport. Il sera accompagné par Peter Ascherl : l'avocat est financièrement trop gourmand pour rester au MERC. Celui-ci laisse partir sans regrets à Düsseldorf un Bob Murray qui n'a pas répondu aux attentes, et tente un pari très risqué, celui d'embaucher Bill Lochead, dont on retient surtout les 195 minutes de pénalité engrangées avec Bad Nauheim, et dont ses clubs précédents se sont vite lassés. Intégrer ce caractère difficile dans sa discipline d'équipe, voilà le défi périlleux qui attend Ladislav Olejnik. Autre ancien joueur de Bad Nauheim (son club formateur en faillite), Ralf Pöpel s'était engagà avec le Berliner SC mais a appris en lisant le journal Bild sur une plage d'Ibiza que ce club a fait faillite lui aussi. Il se dirige vers Francfort quand Olejnik le convainc de rejoindre plutôt Mannheim. D'abord décrit comme trop lent et trop peu dynamique par la presse locale, le barbu Pöpel retourne vite l'opinion par une charge contre la bande contre Petr Vlk lors d'un match amical contre une sélection tchécoslovaque. Il brillera aux côtés de Mannix Wolf et Roy Roedger au point de connaître ses seules sélections en équipe nationale.

Au premier match du championnat 1982/83 à Schwenningen, Mannheim arrache la victoire 5-4, mais Bill Lochead se prend deux pénalités majeures. Les dirigeants décident d'agir sans attendre et mettent en place un système d'amende pour les joueurs pénalisés, système qui vise évidemment plus particulièrement quelqu'un... Olejnik arrive un peu à faire rentrer Lochead dans le rang, et les résultats suivent. Mannheim reste certes l'équipe la plus pénalisée - avec Roy Roedger le joueur le plus pénalisé du championnat - mais occupe longtemps la tête du classement. Un 11-3 encaissé à Landshut rappelle certes qui est le patron, mais Mannheim se venge au retour avec un 6-2 mûrement préparé, où le bloc de Doug Berry a complètement neutralisé la ligne d'Erich Kühnhackl pendant que Wolf et compagnie affolaient les compteurs. Le succès tactique d'Olejnik a été remarqué, et lui vaut d'obtenir déjà une prolongation de contrat. Le MERC termine cependant la saison régulière avec un point de retard sur Landshut.

Après un quart de finale gagné difficilement contre Riessersee grâce à un quadruplé salutaire de Lochead au troisième et dernier match, on se dit qu'il n'est peut-être pas plus mal que les derniers tours soient maintenant disputés au meilleur des cinq manches. En demi-finale, Mannheim retrouve le champion en titre Rosenheim, ce qui signifie que le duel Erich Weishaupt contre Karl Friesen, le vétéran contre la nouvelle star, va enfin pouvoir avoir lieu. Chacun s'adjuge une manche, et il faut un rebond pris par Roy Roedger en prolongation pour que le MERC s'impose à domicile dans le match de la peur. Il veut éviter de vivre une rencontre décisive semblable, et cherche donc à profiter de la pression qui est sur Rosenheim pour prendre les Bavarois en contre chez eux. Bill Lochead répond deux fois à Adlmaier et Mannheim obtient une séance de tirs au but, qui garantit la pression maximale sur Friesen. Celui-ci est sauvé par son poteau face à Lochead, mais Wolf et Berry lui glissent le palet entre les jambes, et Roedger se charge une fois de plus de conclure la victoire de Mannheim.

Weishaupt tient sa revanche sur le sort, il va pouvoir disputer ce qui est sa dernière finale avec le MERC, car il a déjà prévu de partir pour poursuivre sa formation de dentiste (il ira à Düsseldorf). Mais le trio Adams-Berry-Obresa n'arrive à tenir en respect la ligne de Künhackl que lors du deuxième match, remporté 8-2. La réussite sourit à Landshut dans les trois autres rencontres, et Mannheim doit se contenter pour la deuxième fois consécutive d'une place de finaliste. Si on fait le bilan de la saison, celui de Bill Lochead est mitigé - il mène à la fois le classement des marqueurs et celui des pénalités - et le plus positif est celui de Harold Kreis, qui a parfaitement assumé la succession de Kuhl au capitanat.

Problème crucial : comment remplacer l'irremplaçable Erich Weishaupt ? Helmut Müller jette finalement son dévolu sur le gardien de Füssen, Josef Schlickenrieder, alias "Beppo". La première chose que fait celui-ci est de demander que l'on n'essaie surtout pas de le comparer à Weishaupt... Prudent et modeste, il précise également qu'il espère être bien protégé par ses défenseurs, qui, pour pallier les départs de Blum et Jahn, reçoivent le renfort de Jüttner, lui aussi arraché à une équipe de Füssen en pleine crise financière (comme les jeunes attaquants Schnöll et Tosse qui ne parviendront pas à faire leur trou), et d'Andreas Niederberger, qui bien que ne venant que de deuxième Bundesliga (à Bad Tölz) se révèle être une excellente recrue.

Mauvaise foi et mémoire courte

Sûr de sa force technique, le MERC 1983/84 est un modèle d'équilibre, où se mettent en valeur aussi bien les stars que les jeunes. Même une avalanche de blessures ne perturbe pas un effectif aussi dense. Les prestations du gardien "Beppo" Schlickenrieder, jusqu'ici cantonné à l'équipe d'Allemagne B, lui valent ainsi d'être pour la première fois sélectionné avec les "A". Même si la deuxième moitié du championnat est un peu plus chaotique, Mannheim conserve deux points d'avance sur Cologne, trois sur Rosenheim et quatre sur Landshut.

Seulement voilà, les quarts de finale sont remplacés, énième changement de formule, par deux groupes de quatre, cette fois répartis logiquement (1, 4, 5, 8 d'un côté et 2, 3, 6, 7 de l'autre), pas comme dans la dernière saison olympique, celle du titre. Mannheim ne prend qu'un seul point à l'extérieur (à Schwenningen) et se qualifie de justesse parmi les deux premiers de sa poule, juste derrière Landshut. Le MERC accède donc aux demi-finales, mais réclame alors d'avoir l'avantage de la glace en vertu de sa première place de la saison régulière, et crie même au scandale quand on lui apprend que c'est logiquement à Cologne, premier de son groupe, que revient cet honneur. On peut discuter de l'opportunité d'instaurer ce genre de phases de poules, mais dès lors qu'elles existent, le privilège donné aux vainqueurs de chaque groupe est une évidence. L'attitude butée de Mannheim est donc d'assez mauvaise foi de la part d'un club qui a profité d'une formule bizarre pour remporter son unique titre de champion.

On peut se dire que c'est un moyen comme un autre de décupler leur motivation, mais d'évidence il n'est pas efficace. Mannheim est battu en trois manches, y compris chez lui malgré une égalisation miraculeuse d'Obresa à dix secondes de la fin du temps réglementaire. On avait le sentiment que cette équipe pouvait faire mieux que se contenter du bronze. La ligne d'Obresa, Barry et Adams s'entendait à la perfection, et celle de Lochead, Wolf et Roedger apportait sa combativité de tous les instants. Mais, Doug Barry et Bill Lochead ayant déjà prévu de partir, il va falloir reconstruire toute cette attaque, et en particulier les deux postes dévolus aux étrangers.

Incompréhension et séparation

Pour cela, Mannheim recrute deux Canadiens de 25 et 26 ans. L'un, Ross Yates, a été élu meilleur joueur d'AHL en 1983, ce qui lui a valu de disputer ensuite sept matches de NHL avec Hartford. L'autre, le rapide ailier Paul Messier, vient plus modestement d'Iserlohn, et ses neuf apparitions en NHL sont désormais un lointain souvenir. C'est le joueur au CV le moins spectaculaire qui s'avère le meilleur : Messier s'impose sur la première ligne aux côtés de Wolf et Obresa, tandis que le vétéran Yates est au centre de la seconde.

Le MERC cru 1984/85 est particulièrement impressionnant quand il mène, mais ses attaquants ne sont pas capables d'employer une tactique plus défensive quand cela s'avère nécessaire. Ainsi certains matches virent au cauchemar et Mannheim ne tient plus que par Schlickenrieder. Quand celui-ci s'énerve comme c'est le cas à domicile contre Cologne (3-11) devant huit mille spectateurs, le match vire par conséquent au désastre.

Ce qui perturbe surtout la saison de Mannheim, c'est que l'on pense déjà à la suivante, consciemment ou inconsciemment. "Mannix" Wolf et Roy Roedger ont déjà signé en avance à Düsseldorf, mais c'est surtout l'avenir de l'entraîneur Ladislav Olejnik qui constitue un enjeu majeur. La façon dont il a maintenu l'effectif pourtant limité de Mannheim parmi les premiers pendant toutes ces années, grâce à un grand perfectionnisme tactique, a évidemment attiré l'attention de beaucoup. Son contrat prend à la fin de la saison, et il demande à discuter du renouvellement de son contrat avec ses dirigeants. Un accord semble être trouvé qui prévoit une substantielle augmentation de salaire, mais lors d'une seconde réunion, Olejnik interprète les paroles de Helmut Müller, qui affirmera avoir été mal compris, comme un revirement et une invitation à discuter avec d'autres clubs. Résultat, Rosenheim annonce à Noël l'arrivée d'Olejnik.

Quelques jours plus tard, le match contre Cologne, deuxième au classement, est marqué par des agressions et faillit virer au drame. L'ancien batteur Roy Roedger porte un coup de baguette de trop. À la poursuite de Steve McNeil parti en breakaway, il le blesse à l'œil droit avec la pointe de sa crosse. La victime passe les fêtes sur un lit d'hôpital les yeux bandés et ne pourra recouvrer la vue qu'à 50%. Le fautif plaide le geste involontaire et explique qu'il n'avait jamais expédié personne à l'hôpital. Les images de la télévision permettent de juger cette action que l'arbitre n'avait pas vue, et "Rambo" Roedger est finalement suspendu six matches dont deux avec sursis. Il sera également poursuivi par un tribunal civil et devra payer un an plus tard une compensation financière de 200 000 marks. Herbert Plum, le docteur de Cologne, fait le lien entre cette faute et l'utilisation d'amphétamines qu'il dénonce dans plusieurs équipes, en déclenchant une sacrée polémique.

Le MERC élimine Cologne en demi-finale, alors que Roedger revient juste de suspension, mais s'incline nettement en finale contre une équipe plus complète et plus équilibrée : Rosenheim, la future formation de Ladislav Olejnik, qui emmènera avec lui son meilleur poulain, Andreas Niederberger. Celui-ci est un des trop rares joueurs à avoir percé sous le maillot de Mannheim, et le club aimerait que d'autres puissent suivre sa trace. C'est pour cela qu'on fait confiance à trois jeunes qu'on veut amener au plus haut niveau : Andreas Volland et Christian Reuter de Pfronten, et Michael Flemming de Bad Nauheim.

Aux départs d'Olejnik et Niederberger s'ajoute celui de Jüttner, qui n'accepte pas le nouveau contrat qui lui est proposé. C'est que Mannheim n'a pas les moyens de donner plus. Le bilan annuel s'est soldé par un déficit de 200 000 marks, et il serait suicidaire de recruter inconsidérément. On salue donc les retours de Werner Jahn et surtout de l'enfant du pays Marcus Kühl, on accueille Joachim Reil (mais le défenseur d'Iserlohn sera malheureusement longtemps blessé et indisponible), et pour le reste, on se contente des jeunes susnommés. Les ambitions pour le championnat 1985/86 sont évidemment revues à la baisse, en accord avec les moyens du club, et on vise une demi-finale. C'est l'objectif qui est donné à Wilbert Duszenko, en qui Helmut Müller voit le parfait successeur d'Olejnik.

Un entraîneur qui a trop manqé

Il se trompe lourdement. La formidable ambiance des années Olejnik a disparu des vestiaires. Bien qu'il ait récupéré les plans d'entraînement de son prédécesseur, Duszenko ne parvient pas absolument pas à s'imposer, ni par ses méthodes de préparation, ni par ses projets tactiques, ni par son autorité trop défaillante. Le début de saison est médiocre, et c'est finalement Müller lui-même qui assume le coaching lors de la victoire contre Landshut (5-2). Duszenko est viré et remplacé par l'entraîneur des jeunes, Doug Kacharvich.

Les sollicitations de Rosenheim et Düsseldorf se font plus pressantes autour du capitaine Harold Kreis. Et effectivement, un pilier du club est sur le point de le quitter. Mais pas celui que l'on croit... Le 11 décembre, les journalistes s'installent tranquillement pour une conférence de presse, pensant qu'on va leur annoncer officiellement l'arrivée de Peter Schiller, l'attaquant international de Cologne. Erreur, cette venue a capoté sur l'indemnité de transfert. Schiller a voulu claquer la porte de son club parce qu'il était en conflit financier avec le trésorier et homme fort du KEC, Clemens Vedder, mais il restera finalement à Cologne et contribuera au titre de champion, en élément-clé de la deuxième ligne et en meneur de vestiaire. Si Helmut Müller a convoqué les journalistes, ce n'est donc pas pour ça. C'est pour leur notifier son retrait de la présidence du club. Depuis des années, on critique sa gestion, qui consiste simplement à ne pas dépenser plus d'argent qu'il n'en a. Récemment, des rumeurs ont couru comme quoi il aurait détourner dans sa poche une partie du montant des transferts de Wolf et Roedger, faits pourtant non avérés. Trois jours auparavant, des cris de "Müller dehors" ont retenti dans le Friedrichspark, et ont été la goutte d'eau qui ont fait déborder le vase. Avant de partir, Helmut Müller prend soin de laisser à son successeur, le conseiller municipal Lothar Mark, des comptes rééquilibrés, et il précise que sa décision est irrévocable. Ce ne seront pas des paroles en l'air.

Privé de son gardien "Beppo" Schlickenrieder qui s'est déchiré les ligaments internes du genou, le MERC termine finalement à une décevante septième place, sèchement battu en quarts de finale par Düsseldorf, et a de nouveau creusé un déficit. Deux bonnes nouvelles néanmoins : d'une part, Harold Kreis a re-signé pour deux ans, et d'autre part, Ladislav Olejnik a été viré fin janvier par Rosenheim, où ses exigences ont rencontré trop de résistances dans l'équipe. Bien évidemment, tout dictatorial qu'il puisse paraître dans ses principes stratégiques, "Oli" est bien vite réengagé par Mannheim, chacun ayant connu trop de malheurs depuis la séparation. Le MERC n'oublie pas le nombre de joueurs que le Morave a fait progresser jusqu'à les amener en équipe nationale.

Les buts de Messier et l'humour de Kreis

Ross Yates ayant trop joué sur son seul talent sans jamais apporter ce qu'on attendait de lui dans le travail défensif, on le remplace par un joueur confirmé de NHL, David Silk (249 matches avec les New York Rangers, Boston, Detroit et Winnipeg), mais celui-ci, entre les blessures et les suspensions, aura du mal à tenir pleinement son rôle. Pourtant, la nouvelle équipe a fière allure, avec les arrivées de Georg Holzmann et Ron Jonkhaus (tous deux de Schwenningen), de Sepp Klaus (Iserlohn), et - ce coup-ci pour de bon - de Peter Schiller, qui traîne malheureusement un problème musculaire à la cuisse dont il ne pourra jamais vraiment se défaire. Olejnik place donc la barre très haut : il est revenu pour jouer le titre. Mannheim semble en avoir les moyens, mais semble marquer le pas à chaque fois qu'il faut se remettre dans le rythme après une petite trêve. C'est ainsi qu'après le nouvel an, le MERC passe de la première la quatrième place au championnat 1986/87.

Même s'il rate l'occasion de conclure à domicile et doit faire un voyage supplémentaire à Kaufbeuren, Mannheim gagne son quart de finale en quatre manches et retrouve donc le leader de la saison régulière, Rosenheim. Un incroyable Paul Messier va alors qualifier son équipe presque à lui tout seul : but décisif en prolongation (3-2) en ouverture en Bavière, puis deux doublés dans les matches suivants (3-1 et 4-3), et voilà Mannheim de retour en finale pour une grande affiche contre Cologne. Mais Olejnik assiste effondré à une totale déroute (0-5, 2-6, 2-9) contre le KEC, premier club à conserver son titre depuis Füssen en 1969. Une note d'humour du capitaine Harold Kreis adoucira la pilule : "Nous avons progressé de cinq places, alors que Cologne stagne."

Comme l'équipe ne change que très peu (les départs de Joachim Reil à Rosenheim et de Jürgen Adams à Francfort étant compensés par les arrivées d'Anton Raubal et des jeunes Rochard Trojan et Marcus Bleicher), il n'y a pas de raison que la boutade ne prenne pas corps et que le MERC puisse continuer sa progression pour remporter le titre en 1987/88, histoire de fêter en beauté son cinquantième anniversaire, même si Cologne est toujours aussi fort et si la concurrence est très relevée. Comme l'été précédent, il se prépare par une tournée en Suède et en ramène de meilleurs résultats. Malheureusement, l'optimisme disparaît quand l'éternel second gardien Joachim Casper doit arrêter sa carrière à cause d'une mystérieuse maladie. Il est remplacé par l'international junior Peter Franke.

Battu à domicile par Düsseldorf (3-5) lors de la deuxième journée, Mannheim est pourtant loin de douter. Il enchaîne au contraire seize victoires consécutives, meilleure performance de son histoire en Bundesliga, battant celles des deux dernières années olympiques (quinze en 1979/80 et 1983/84). Mais tout a une fin, et le MERC s'incline lourdement à Kaufbeuren (7-2). Souvent décisif, David Silk met aussi parfois son équipe en difficulté par des pénalités, et est longuement suspendu après une bagarre avec Kretschmer dans un match perdu 3-1 à Rosenheim.

Et, alors que Mannheim vit une mauvaise passe, comme contre Schwenningen où une avance de 3-1 se transforme en une défaite 3-5, voilà que l'affaire Iserlohn/Kadhafi lui coûte six points acquis sur la glace et désormais sans valeur du fait de l'exclusion de l'adversaire (en contrepartie, elle lui permet d'accueillir Peter Gailer qui se retrouvait au chômage). L'avance de sept points au championnat n'est plus qu'un lointain souvenir, et on ne joue plus que pour la deuxième, puis pour la troisième place, finalement arrachée de justesse derrière Rosenheim et Cologne.

Encore l'obstacle Cologne

Après la trêve olympique, marquée par la bonne performance de l'équipe d'Allemagne cinquième des JO de Calgary, par la première Coupe d'Allemagne de l'histoire remportée par Schwenningen et pour Mannheim par une tournée exotique au Koweït, place aux play-offs. Pas de blagues, malgré un 0-2 d'entrée au troisième match, Kaufbeuren est battu 4-2 et éliminé cette fois sans délai supplémentaire.

Cologne se dresse à nouveau sur la route des Mannheimois, mais ceux-ci n'ont plus l'intention de se laisser écraser par le rouleau compresseur. Ils arrivent ainsi à mener à Cologne au premier match, mais ils cèdent d'un cheveu sur la fin, et lors de la deuxième manche ils se font prendre trois fois en contre avant d'être privés de leur gardien Schlickenrieder stupidement blessé en s'accrochant avec Nicholas. Malgré un retour désespéré autant qu'inespéré, ils encaissent un dernier but dans la cage vide, et ne peuvent plus faire grand-chose pour le troisième match à Cologne. Au moins ont-ils gagné l'estime de l'entraîneur adverse Hardy Nilsson, qui souligne leurs très nets progrès en terme d'intensité et de discipline. De plus, un but en prolongation de Dave Silk lors du match retour pour la troisième place contre Düsseldorf leur permet d'atteindre à nouveau le podium.

Le MERC commence à se rendre compte qu'il est sur une mauvaise pente financière, et qu'il doit faire des économies et miser plus sur des jeunes. Eggerbauer, Holzmann et Klaus font ainsi la place à trois joueurs sans expérience de la Bundesliga, Christian Gerum, Thomas Rapsilber et Sepp Wassermann.

Le (vrai cette fois) départ d'Olejnik

Le Mannheim version 1988/89 sombre également, alors que le capitaine Harold Kreis souffre du dos. La dégradation du professionnalisme et de la motivation de l'équipe est patent, et on apprend au début de la nouvelle année que Mannheim va de nouveau se séparer d'Olejnik. Le MERC aborde les play-offs à son habituel troisième rang, et se fait surprendre d'entrée par les Preussen (3-4). Olejnik change alors une dernière fois ses lignes, et le jeune centre Peter Draisaitl, pas en réussite sur le premier bloc avec Obresa et Messier, revient sur le deuxième. Avec ses compagnons Marcus Kuhl, dont la joie de jouer est toujours intacte, et Peter Schiller, à la combativité inaltérable, il se sent comme un poisson dans l'eau. Malheureusement, Mannheim est impuissant en demi-finale contre Rosenheim. Il ne retrouve son traditionnel adversaire, Cologne, que pour le match pour la troisième place, mais le résultat est identique, et c'est comme toujours le KEC qui s'impose.

Ladislav Olejnik quitte donc Mannheim (pour Francfort) avec à son bilan une succession de places d'honneur, mais aucun titre. Il faut dire qu'Olejnik est un peu le Poulidor du hockey allemand avec seize titres de vice-champion à son actif tout au long de sa carrière. Il lui a tout juste manqué un peu de réussite, car une telle constance dans les résultats, sans disposer de moyens très importants, est déjà remarquable. Cela ne doit rien au hasard, car le tacticien de Brno connaît son affaire. Il a aussi officié comme entraîneur-adjoint de l'équipe d'Allemagne, et la masse de données et de diagrammes qu'il a amassé sur le hockey international est impressionnante.

C'est toujours quand quelqu'un est parti qu'on se rend compte de son importance, et Mannheim l'avait vérifié en 1985/86, où on avait pu voir que le MERC et Olejnik ont ne pouvaient pas vivre l'un sans l'autre. Il faudra pourtant bien qu'ils apprennent à le faire, car il ne reviendra pas une deuxième fois. C'est pourquoi la période post-Olejnik s'annonce difficile et périlleuse pour le club qui devra trouver un second souffle.

Le grand ménage

Pour digérer le départ d'Olejnik, Mannheim effectue un grand ménage. Bien sûr, il faut trouver un nouvel entraîneur, et l'on opte pour Claes-Göran Wallin, préféré au légendaire hockeyeur tchèque Vaclav Nedomansky. L'entraîneur de l'équipe national junior suédoise semble en effet le meilleur candidat pour s'occuper des jeunes joueurs recrutés à l'intersaison. C'est que les changements ne concernent pas uniquement le coaching : Lothar Mark se retire de la présidence du club car il a été nommé adjoint au maire chargé des sports, de l'éducation et de la culture, et il laisse donc sa place à Jochen Engel, un entrepreneur quarantenaire de Karlsruhe.

Le processus de rajeunissement annoncé n'est pas couronné de succès, et Claes-Göran Wallin, malgré sa bonne volonté, échoue dans sa mission de faire progresser un Sepp Wassermann ou un Marcus Bleicher. Quant à Wittbrock, Vath et Fonso, il les relègue carrément sur le banc. Décidément, la malédiction se poursuit, comme si aucun joueur n'arrivait à percer sous le maillot de Mannheim. Après cinq ans mitigés, Andreas Volland quitte ainsi le club à la fin de la saison pour Munich.

Le transparent et le bellâtre

Pourtant, il y a une exception qui confirme la règle : l'ailier Toni Krinner, recruté en division inférieure, est la sensation de la saison 1989/90, au cours de laquelle son tir puissant trouve dix-neuf fois le chemin des filets, ce qui lui vaut sa première sélection en équipe nationale lors du tournoi des Izvestia. Sa ligne avec le toujours enthousiaste Marcus Kühl et le décisif Peter Draisaitl est la seule satisfaction de l'année, avec les vaillants Harold Kreis et Peter Schiller.

Ils permettent au MERC d'atteindre quand même les play-offs, même s'il y subit une élimination prématurée (encore contre la bête noire Cologne), bien loin des ambitions annoncées. Principal responsable, le faible rendement des deux renforts étrangers. La motivation et le travail de Paul Messier sont remis en question, alors que le recrutement de Kraig Nienhuis est un ratage complet. Dès la mi-novembre, le second Canadien est remplacé par Ron Duguay, douze saisons de NHL et une Coupe Canada - le désastre de 1981 - au compteur. Mais celui qui avait été élu le joueur le plus beau de NHL a encore une haute opinion de lui-même, et le club cède à toutes ses exigences en lui louant une grande villa pour sa famille et ses deux gros chiens. Mais le retour sur investissement est plus que douteux.

Longtemps, Claes-Göran Wallin, qui stigmatise le manque de travail et de professionnalisme de ses joueurs, en particulier de Messier et Obresa, bénéficie du soutien des dirigeants. Mais lorsque l'entraîneur suédois se rompt le talon d'Achille lors d'une partie de squash début février, les joueurs profitent de l'occasion pour monter au créneau et demander que son absence momentanée soit définitive.

Wallin retournera à Södertälje et Mannheim cherche alors un entraîneur capable de faire revivre sa gloire passée. Olejnik n'étant plus disponible, on remonte encore plus loin dans le temps en allant chercher Heinz Weisenbach. Mais le revival a ses limites, et l'homme qui avait conduit le MERC à son unique titre ne peut plus accomplir de miracles dix ans après. Il n'empêchera pas l'élimination et Mannheim se rend compte de visu qu'il est temps de construire l'avenir au lieu de songer au passé.

Comme d'habitude, on se prend à rêver d'une nouvelle patinoire, mais en attendant, aucun projet n'est sur les rails, et ce sont les supporters qui paient les pots cassés avec des augmentations substantielles de tarifs, censées correspondre aux hautes ambitions du club. Halte aux jeunes talents, on cherche désormais le succès immédiat et on recrute des vétérans combatifs comme Manfred Wolf et George Fritz.

Mais tout ne se passe pas comme prévu, en partie à cause d'un manque de réussite offensif qui coûte la victoire dans quelques matches serrés, en partie à cause de multiples problèmes en défense. Les blessés sont en effet nombreux, et la recrue Stefan Königer a du mal à se remettre dans le bain après sa période à Düsseldorf où il a eu un faible temps de glace. Harold Kreis doit donc comme d'habitude être au four et au moulin dans une défense parfois renforcée de l'attaquant canadien Dale Krentz, un joueur complet qui a su en même temps marquer des buts. Ça n'a malheureusement pas été le cas du deuxième étranger, Jonas Bergkvist, le champion du monde suédois qui n'a pas pu répondre à tous les espoirs placés en lui.

Les dirigeants accablent les joueurs en distribuant un blâme général lors du mois de décembre. Les supporters ne tardent pas à réagir à cette situation ubuesque, affirmant leur soutien à leur chouchou Manfred Wolf soudain déclaré transférable : "Si Mannix s'en va, nous aussi". Il n'y aura finalement aucun bouleversement, mais Mannheim terminera à la cinquième place une saison 1990/91 sans éclat.

Les affluences ayant été inférieures de cinq cents personnes en moyenne par rapport aux estimations optimistes, on s'attend à ce que le MERC se serre enfin la ceinture. Tout au contraire, le club profite de la disparition de la section hockey de l'Eintracht Francfort pour offrir des contrats de trois ans à trois grandes stars, Jiri Lala, Roger Nicholas et Jaroslav Mucha. On préfère encore les vétérans au jeune international Toni Krinner, dont le club décide de se séparer après une saison en demi-teinte.

Le flop des "vieillards"

"Il nous restait le choix entre réduire notre budget et rester compétitifs", assure le président Hans-Joachim Engel, qui assure pouvoir tenir la concurrence sportive et financière du Hedos Munich ou des Preussen Berlin, qui dépensent à tout va, grâce à une nouvelle société de marketing appartenant au club, qui doit amener de nouveaux sponsors, quitte à satisfaire toutes leurs exigences, comme l'abandon des maillots traditionnels à dominante noire, remplacées par de nouvelles couleurs (bleu, blanc, rouge) voulues par le fabricant d'auto-radios Clarion.

Mais la troupe des vieillards, comme ne tarde pas à la surnommer les supporters adverses, met du temps à se mettre en route. Elle manque de condition physique et ses prestations catastrophiques à domicile coûtent la tête de l'entraîneur Olle Öst après seulement onze journées. Il lui est reproché son incapacité à faire régner la discipline dans l'équipe, certains joueurs allant en discothèque jusqu'aux aurores sans subir de sérieuse réprimande.

Le trio de super-vétérans se révèle un trio de super-flops. Le premier, Roger Nicholas, se rend vite compte qu'il n'a plus la forme d'autrefois et décide de lui-même d'aller jouer trois divisions plus bas, avec le nouveau club de Francfort, les Lions. Manfred Wolf se laisse convaincre de le suivre alors que le décevant Königer est envoyé à Krefeld. Le second vétéran, Jaro Mucha, meilleur défenseur offensif du championnat la saison précédente, arrive à Mannheim avec quelques kilos de trop. Il les perd peu à peu mais est licencié le 1er février en raison d'absences non justifiées à l'entraînement. Quant à Jiri Lala, il se fait deux fractures de la main à deux mois d'intervalle et manque quinze matches.

Comme nouvel entraîneur, les dirigeants retiennent la candidature de Jiri Kochta, revenu au hockey sur glace après avoir fait une pause pour s'occuper de la carrière tennistique de sa fille Marketa, qui est rentrée dans le top 100 mondial. Il réussit à redresser l'équipe après sa participation à la Coupe Spengler (quatre défaites) et à la qualifier de justesse pour les play-offs 1991/92, avec quelques jokers mais aussi des jeunes étonnants comme le joueur formé au club Mario Gehrig, pied-de-nez à la politique de recrutement. Une quatrième place inespérée est au bout du tunnel après une rare victoire en quart de finale contre Cologne. Le "sauveur" voit son contrat reconduit, et donne des regrets à Munich qui a consommé trois entraîneurs dans la saison et qui avait abandonné trop négligemment la piste Kochta.

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