New York Rangers - CSKA Moscou (28 décembre 1975)

 

Match amical.

Depuis quelques années, des discussions ont été abordées pour que des franchises NHL puissent défier les clubs soviétiques. Les séries entre équipes nationales de 1972 et 1974 ont accéléré le processus et c’est en cette fin d’année 1975 que le projet est concrétisé et appelé Superseries.

Les deux meilleurs clubs d’URSS, le CSKA et les Krylia Sovietov, débarquent sur le continent nord-américain pour un affrontement inédit contre des franchises légendaires de la NHL. Le multiple champion d’Europe CSKA affrontera les New York Rangers, la plus légendaire et titrée de toutes les franchises : le Canadien de Montréal. Ensuite le défi continue contre Boston et le vainqueur de la coupe Stanley en titre Philadelphie. De son côté, le vice-champion d’URSS le Krylia Sovietov Moscou doit affronter Buffalo, Chicago et les New York Islanders. Les Soviétiques font leur première apparition officielle, à Montréal, lors d’une cérémonie au Forum. À la surprise générale, chacun des joueurs a porté son sac, alors que la tradition nord-américaine veut que ce soit les assistants qui soient assignés à cette tâche. Les joueurs soviétiques n’ont pas paru très détendus et les différences de gabarits ont sauté aux yeux des hôtes de Montréal. Le défi physique pouvait clairement pencher en faveur des locaux. Tretiak et Kharlamov sont désignés comme les stars soviétiques et Kharlamov comparé à Yvan Cournoyer et Bobby Clarke. Les joueurs ont été interviewés lors de l’émission culte Hockey Night in Canada et les complications de traduction ont rendu l’exercice difficile.

Le président de la NHL, Clarence Campbell, introduit le défi : « Je pense que les Rangers auront le match le plus compliqué de tous, à moins qu'ils n'obtiennent des gardiens de but exceptionnels. John Davidson aura cette corvée ce soir. » Le bal est ouvert avec le CSKA qui entre dans le Madison Square Garden pour jouer face aux Rangers de Phil Esposito (une vieille connaissance de 1972) pour les internationaux du club. Mais il faut souligner que les attaquants Aleksandr Maltsev et Vyacheslav Solodukhin ont été prêtés pour l’occasion, respectivement par le Dynamo Moscou et le SKA Leningrad, pour renforcer le groupe.

Le défi est immense et la pression du public à son comble, même si Tretiak et Kharlamov sont ovationnés comme des stars. La partie commence à cent à l’heure et les Rangers prennent leur adversaire à la gorge. Les rouges sont déstabilisés par l’impact et la vitesse. Les dimensions de la glace à l’américaine sont aussi responsables de cette mise en route tardive. Stebe Vickers ouvre la marque en seulement 21 secondes en reprenant un palet au deuxième poteau. C’est le délire dans les tribunes (1-0 : 0’21). Perturbés, les Soviétiques compensent par des gestes agressifs, le temps que le diesel chauffe. Mais Jarrett pénalise son équipe et Boris Alexandrov profite du power-play pour égaliser. Le puissant lancer d'Alekandr Gusev, à la bleue, rebondit dans les bottes de Davidson et le palet est repris pour finir dans les cages (4’04 : 1-1). Malgré tout, les blancs continuent sur leurs bonnes dispositions avec des gains de palet dans les bandes, et peuvent se projeter rapidement à l’avant. Esposito est, clairement, très fort dans ce domaine. Mais les "Sanadiens" (l’effectif est intégralement canadien) de la franchise se font surprendre par une montée offensive très rapide des rouges. Vladimir Vikulov conclut un fabuleux jeu à trois en plaçant le palet entre les jambes du gardien (5’19 : 1-2).

La partie commence à changer de physionomie avec un groupe soviétique qui construit et répond présent sur la vitesse de patinage. D’ailleurs il faut une crosse de Greschner dans les jambes de Kharlamov pour éradiquer un nouveau danger. La panoplie du jeu collectif se déploie devant les yeux du public. Seule la solidité du penalty killing des locaux permet de tenir le choc. Le CSKA imprime ensuite son rythme et prend l’ascendant sur la partie. Sur un fabuleux tic-tac-toe, il faut le barrage du corps de Beverley pour bloquer le shoot et éviter ainsi un nouveau but. Les Rangers rehaussent leur niveau de jeu et proposent un jeu encore plus physique et gagnent de nombreux duels dans les conquêtes de puck. Sur un shoot de la bleue, Esposito est présent pour une reprise dangereuse. Mais Greschner a décidé de fauter, il en est à sa troisième pénalité et la sanction est terrible. Kharlamov traverse toute la défense avec une conduite de palet incroyable et s’en va battre Davidson (19’42 : 1-3). Le premier tiers se termine avec une sensation de difficulté pour les New-Yorkais, qui rentrent tête basse aux vestiaires.

La situation empire dès la reprise pour les locaux, car le jeu rapide des Soviétiques permet à Kharlamov de s’infiltrer derrière la cage et de transmettre une passe rapide à Petrov, qui reprend devant la cage. La vitesse d’exécution surprend le gardien Davidson (21’26 : 1-4). Les joueurs de New York tentent de répondre à cette nouvelle gifle. La pression est mise sur les buts de Tretiak avec un double tir conclu par Greschner, mais le portier russe est bien en place. Le feu follet Kharlamov continue son festival à l’avant avec une échappée entre deux défenseurs mais il finit au sol avec un coup de poing non sanctionné.

Les locaux ne trouvent pas la solution mais leur capitaine Phil Esposito constitue le danger le plus important. Mais une fenêtre s’ouvre pour les Rangers. Popov assène une violente charge dans le dos à Johnstone, puis Gusev le rejoint. Les Nord-Américains bénéficient d’une double supériorité numérique et mettent la pression mais Tretiak exécute un triple arrêt ! Le power-play est mal joué avec des passes mal distribuées et des palets qui sortent de la zone offensive. Le public en colère siffle son équipe. Un arrêt du jeu permet de nettoyer la glace redonne du souffle aux joueurs de la NHL. Ils proposent un beau jeu de conservation du palet et semblent reprendre leurs esprits. C’est à ce moment-là que Vikulov douche le public en reprenant un rebond dans une forêt de joueurs (34’21 : 1-5).

Stemkowski part en échapée en solo, mais Tretiak dévie la rondelle. Cette occasion représente le seul danger, car le CSKA continue son harcèlement vers l’avant avec des échappées collectives qui terminent souvent par un tir sur le gardien. Même Kharlamov rate une cage vide alors qu’il est bien placé au second poteau. Mikhailov, lui, dans la même situation, alourdit le score en prenant de vitesse le défenseur adverse (36’54 : 1-6). Le match tourne à la correction.

Au troisième tiers, la domination du CSKA est à son paroxysme et Esposito, ulcéré, inflige un slashing violent sur un joueur soviétique. Sanction immédiate avec un tir à mi-distance bien placé par Petrov (43’16 : 1-7). En conséquence, les Rangers se lâchent et envoient des charges tous azimuts pour bloquer leur adversaire. Tretiak tient son équipe sans relâchement. Le CSKA déroule avec un jeu de passes de grande qualité et un collectif sans faille. Fairbairn, excédé, donne un coup de hache scandaleux. Mais la partie diminue d’intensité par la suite. Gilbert réveille le public avec un tir de loin qui fait mouche, à la suite d’une mise en jeu gagnée en zone offensive (55’31 : 2-7). Esposito conclue avec un nouveau but sur une déviation de la crosse, bien sentie, après une pénalité de Volchkov (57’47 : 3-7). Le match se termine avec Polis et Vadnais qui rejoignent le banc des pénalités en conclusion de ce naufrage.

Les Soviétiques ont démontré, aux yeux de tous, leur qualités techniques et collectives pour effacer le jeu rude et la puissance physique des New-Yorkais. Maintenant ils joueront le 31 décembre contre la légende des Canadiens de Montréal. Il s’agira d’un duel au sommet entre le club le plus titré sur le continent européen et la franchise ayant remporté le plus de coupes Stanley.

Réalistes sur leur faible prestation, les joueurs new-yorkais félicitent leur adversaire et Phil Esposito a un geste de respect envers Vladislav Tretiak lors du serrage des mains.

Damien Kuster

Commentaires d'après-match

Phil Esposito (capitaine des New York Rangers) : « Nous n’étions pas prêts, pas du tout. C’est dommage, au début, ils (les joueurs du CSKA) étaient prêts à être reçus et ont attendu de voir ce que nous allions faire. Mais nous n’avons rien fait du tout. Nous courrions partout comme des idiots, stupides, au lieu que chacun de nous prenne son homme. »

John Davidson (gardien des New York Rangers) : « J’aimerais bien les jouer de nouveau. Je ne pense pas que nous savions à quoi nous attendre. Le score n’est pas vraiment indicatif, ce n’est qu’un match. Cela ne prouve rien. »

Ron Stewart (entraîneur des New York Rangers) : « Ils nous ont surpassés, sans aucun doute. J’ai aimé leur système de patinage et de déplacement. J’espère qu’une partie déteindra sur nous. »

New York Rangers - CSKA Moscou 3-7 (1-3, 0-3, 2-1)
Dimanche 28 décembre 1975 au Madison Square Garden. 17 500 spectateurs.
Pénalités : Rangers 21' (8', 2', 6'+5') ; CSKA 8' (0', 4', 4').
Tirs : Rangers 41 (10, 14, 17) ; CSKA 29 (12, 9, 8).

Évolution du score :
1-0 à 00'21" : Vickers assisté d'Esposito et Gilbert
1-1 à 04'04" : Aleksandrov assisté de Petrov et Gusev (sup. num.)
1-2 à 05'19" : Vikulov assisté de Zhluktov et Aleksandrov
1-3 à 19'42" : Kharlamov assisté de Vasiliev et Petrov (sup. num.)
1-4 à 21'26" : Petrov assisté de Kharlamov et Mikhailov
1-5 à 34'21" : Vikulov assisté de Zhluktov et Aleksandrov
1-6 à 36'54" : Mikhailov assisté de Kharlamov et Gusev
1-7 à 43'16" : Petrov assisté de Mikhailov et Kharlamov (sup. num.)
2-7 à 55'31" : Gilbert assisté d'Esposito
3-7 à 57'47" : Esposito assisté de Vickers et Sacharuk (sup. num.)
 

New York Rangers

Attaquants :
Steve Vickers - Phil Esposito (C, 2') - Rod Gilbert
Walt Tkaczuk - Pete Stemkowski - Rick Middleton
Ed Johnstone - Jerry Holland - Bill Fairbairn (4')
Greg Polis, Wayne Dillon (2')

Défenseurs :
John Bednarski - Carol Vadnais (5')
Doug Jarrett (2') - Ron Greschner (6')
Lawrence Sacharuk - Nick Beverley

Gardien :
John Davidson

Remplaçants : Doug Soetaert (G), Bill Collins (A).

CSKA Moscou

Attaquants :
Valeri Kharlamov - Vladimir Petrov - Boris Mikhaïlov (C)
Boris Alexandrov - Viktor Zhluktov - Vladimir Vikulov
Aleksandr Maltsev - Vyacheslav Solodukhin - Vladimir Popov (2')
Viktor Kutergin - Aleksandr Volchkov (2') - Sergei Glazov

Défenseurs :
Aleksandr Gusev (2') - Valeri Vassiliev (2')
Gennadi Tsygankov - Vladimir Lutchenko
Aleksei Volchenkov - Viktor Kuzkin

Gardien :
Vladislav Tretiak

Remplaçant : Nikolai Adonin (G). En réserve : Yuri Blokhin, Vladimir Lokotko (D), Aleksandr Lobanov (A).

 

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