Canadiens de Montréal - CSKA Moscou (31 décembre 1975)

 

Match amical.

Le CSKA Moscou arrive à Montréal dans l’antre du plus légendaire stade de glace (le Forum) pour affronter les Canadiens de Montréal. Les clubs soviétiques, en tournée en Amérique du Nord, ont pour le moment remporté leurs premières confrontations. Le CSKA s’est défait des New York Rangers (3-7) et le Krylia Sovietov a battu les Pittsburgh Penguins (4-7).

Montréal, qui accueille ce défi, est la franchise la plus titrée de l’histoire de la NHL avec 16 coupes Stanley remportées à cette date. L’effectif a de quoi impressionner au vu des multiples vedettes qui composent le groupe comme Dryden, Lapointe, Savard, Lafleur, Cournoyer, Lemaire ou encore Mahovlich. De son côté, le CSKA est multiple vainqueur de la coupe d’Europe et ne trouve pas d’égal sur la scène européenne. Ce match peut donc servir de réelle confrontation.

Le match débute dans une intensité incroyable. Les joueurs du Canadien patinent très fort et multiplient les charges dans la bande pour imposer le défi physique. Les deux équipes s’interceptent avec une forte présence en zone neutre. Le premier tir cadré est gagnant : Steve Shutt, en entrée de zone, trompe Tretiak (3’16 : 1-0).

Cela renforce encore la domination des Canadiens qui imposent un patinage rapide et un échec-avant intense. En conséquence, le CSKA perd de nombreux palets dans les duels et est privé de munitions. C’est en urgence que le palet est évacué devant Tretiak, au sol, face à Guy Lafleur. La partie ne tourne que dans un seul sens, tant les Soviétiques sont bloqués et harcelés. Sur un tir de Risebrough, Yvon Lambert est au rebond pour doubler la mise (7’25 : 2-0). Les rouges ne voient plus le jour, et le Canadien contrôle totalement la situation. Yvan Cournoyer fait parler sa puissance avec un tir surpuissant sous les yeux de Harry Sinden (coach du Team Canada 1972) dans les tribunes. Malgré un regain d’énergie des Soviétiques en fin de tiers, cette période a été totalement dominée par les locaux.

La deuxième période reprend sur le même schéma et il faut encore un dégagement d’urgence devant Tretiak sur une action conclue par Pete Mahovlich. Le gardien soviétique multiplie les arrêts et c’est au moment de la plus forte domination que Boris Mikhailov, qui s’avance, tire en pleine course, en entrée de zone, et score (23’54 : 2-1). Ce but a le don de redonner de l’air et recentrer le jeu, pour engendrer une partie d’attaque / défense dans les deux sens. Les gestes de rudesse se multiplient à la limite des pénalités. Le CSKA parvient à reprendre un semblant de jeu collectif qui est annihilé, ensuite, par Solodukhin et Gusev, envoyés sur le banc des pénalités. Montréal hérite d’une situation de double supériorité numérique et impose l’enfer à son adversaire. Tretiak est au four et au moulin. Il stoppe les tirs comme celui de Lafleur. Mais Cournoyer parvient à conclure un tour de cage dans une furie incroyable des spectateurs (29’39 : 3-1).

Les Canadiens de Montréal établissent, alors, un système imprenable avec un placement parfait qui coupe toutes les lignes de passes. Les Moscovites sont empêtrés dans ce dispositif et leurs efforts pour relancer le puck à l’avant sont annihilés. Ils ne parviennent plus à atteindre la cage de Ken Dryden. On ne voit pas comment les rouges peuvent trouver la solution. Pourtant, lors d’une nouvelle tentative, en trois passes, Valeri Kharlamov hérite du palet et place un revers astucieux en pleine course (36’21 : 3-2). Décidément, les Soviétiques ont un incroyable taux de réussite. Cela n’empêche pas les Canadiens de continuer à aller de l’avant. C’est encore Yvan Cournoyer qui se procure la plus grande occasion en fin de tiers, que Tretiak dévie des bottes. Les Soviétiques reviennent de loin vu la domination des joueurs de Scotty Bowman.

Les Canadiens ne permettent aucune facilité. Le dernier tiers débute tambours battants. Bob Gainey est sur le point de conclure l’action. Tretiak tient encore son équipe dans la partie, mais la domination montréalaise est outrageuse. Le CSKA subit continuellement les assauts canadiens. Mais au plus fort de la domination adverse, Boris Alexandrov parvient à éviter Serge Savard, qui se couche au sol, et place un palet qui tape la jambière de Dryden et passe sous le grand gardien canadien (44’04 : 3-3).

Les Moscovites arrivent toujours à trouver des ressources malgré la tempête qui les assaillit. Ce but fait mal, car on sent un moment de flottement qui fait baisser l’intensité des Canadiens. Mais c’est une nouvelle fois Cournoyer qui sonne la charge avec Guy Lapointe. En face, Vladimir Popov déborde, passe deux joueurs et parvient à décocher un tir qui se fracasse contre le poteau. Les attaques suivantes sont un danger permanent et plusieurs joueurs ont le palet de la victoire dans leur crosse. Steve Shutt est seul devant Tretiak mais ne parvient pas à frapper le puck. Jacques Lemaire envoie la rondelle mais Tretiak fait un double arrêt et enfin Mikhailov voit son tir dévié par un arrêt incroyable de Dryden.

Le sort en est jeté, il n’y a aucun vainqueur à l’issue de ce match incroyable de vitesse, d’intensité et de techniques individuelles. Le CSKA, archi dominé, a trouvé un adversaire à sa mesure après les multiples joutes européennes sans réel adversaire de taille.

Les Canadiens de Montréal ont livré la marchandise ! Ils ont produit un match d’une ampleur fantastique et raerement vue à ce niveau ! Le public et les commentateurs décrivent ce match comme un fait d’armes historique et l’un des plus beaux matchs de l’histoire du CH.

Il faut reconnaître la qualité du CSKA qui a fait le dos rond dans les pires moments et réussi à concrétiser le peu d’actions disponibles. Mais le réel artisan de cette parité au score est le gardien Vladislav Tretiak qui a subi 38 tirs et a démontré des capacités hors normes face à des stars de la NHL. D’ailleurs nombre de joueurs du Canadien le félicite lors du serrage des mains.

Étoiles du match (photo de gauche) : *** Vladislav Tretiak (CSKA), ** Pete Mahovlich (Montréal), * Yvan Cournoyer (Montréal).

Damien Kuster

Commentaires d'après-match

Scotty Bowman (entraîneur des Canadiens) : « Chaque joueur a fourni un effort considérable et notre stratégie a bien fonctionné. Nous avons bloqué leurs attaques au centre ne leur laissant que les bandes pour évoluer. Nous sommes demeurés entre eux et la rondelle. Nombreux ont été ceux qui ont prétendu qu'ils patinaient plus vite que nous, qu'ils jouaient mieux, et tout... Ils forment une équipe offensive et, quand leur offensive ne fonctionne pas, ils paraissent mal. Je crois que leur offensive a mal fonctionné. mais le responsable en est notre défensive. [...] Jouer 80 matches comme celui-là ? Jamais de la vie. Ce serait humainement impossible de garder ce tempo pendant huit mois. Nous ne sommes pas des surhommes, pas plus que les Soviétiques. »

Konstantin Loktev (entraîneur du CSKA Moscou) : « Les Canadiens étaient supérieurs aux Rangers de New York. Ils sont bien placés et gardent très bien leur positionnement. Mon équipe a fait plusieurs erreurs, ce n'était pas le meilleur match que nous ayons fourni. »

Ken Dryden (gardien des Canadiens) : « Je suis très déçu. Je suis responsable du premier but et du troisième, je tenais la rondelle dans mon gant et les deux fois je l'ai laissée échapper... Pourtant j'étais mentalement prêt. Je n'ai aucune excuse à présenter pour ma tenue de ce soir. Je suis d'autant plus déçu que mes coéquipiers ont disputé un superbe match, tant défensivement qu'offensivement. Nous méritions mieux qu'un match nul... »

Serge Savard (défenseur des Canadiens) : « Ce n'est qu'un match nul, mais je crois qu'il ne fait aucun doute dans l'esprit des gens que nous méritions beaucoup mieux. Je ne dirais pas, comme d'autres l'ont fait à New York, que nous les battrions si nous devions rejouer contre eux la semaine prochaine. La victoire dépend de tellement de choses qu'on ne peut jurer de rien. Vous l'avez vu ce soir. Ils ont une très bonne équipe de hockey, mais nous avons montré qu'ils ne sont pas tout seuls... J'aime beaucoup leur style de jeu, pour plein de raisons. Je l'aime parce que ça ne peut qu'améliorer les qualités d'un hockeyeur. Pendant longtemps nous avons eu de la violence, des bagarres, des coups de bâton sur la tête de l'adversaire, parce que le public aimait ça... ou parce que nous pensions qu'il aimait ça. Ce soir, on a vu du vrai hockey et le public a aimé, pas vrai ? Quel bien cela a-t-il fait que [la chaîne de télévision américaine] NBC diffuse toutes ces pubs montrant les bagarres dans le hockey ? Et maintenant ils ne dissuent même plus. Si nous ne changeons pas notre style, nous n'améliorerons pas notre hockey. Pire, certains joueurs ne rejoindront jamais la NHL à cause de l'accent mis sur la brutalité. D'excellents petits gars qui ont toutes les qualités mais pas le physique pour encaisser les punitions. Comment se préparer en jouant cinq matches en six jours ? Il vaudrait mieux 12 équipes dans la ligue. Non seulement il y en a trop - 18 - mais chacune agit comme un petit pays. Dix-huit petits pays qui ne se préoccupent de rien d'autre que leurs propres intérêts. »

 

Canadiens de Montréal - CSKA Moscou 3-3 (2-0, 1-2, 0-1)
Mercredi 31 décembre 1975 au Forum de Montréal. 18 975 spectateurs.
Pénalités : Montréal 6' (4', 2', 0') ; CSKA 10' (4', 4', 2').
Tirs : Montréal 38 (11, 11, 16) ; CSKA 13 (4, 3, 6).

Évolution du score :
1-0 à 03'16" : Shutt assisté de P. Mahovlich
2-0 à 07'25" : Lambert assisté de Risebrough et Savard
2-1 à 23'54" : Mikhailov assisté de Vassiliev
3-1 à 29'39" : Cournoyer assisté de Lafleur et Lemaire (sup. num.)
3-2 à 36'21" : Kharlamov assisté de Petrov et Mikhailov
3-3 à 44'04" : Alexandrov assisté de Zhluktov et Tsygankov
 

Canadiens de Montréal

Attaquants :
Guy Lafleur - Doug Risebrough - Jim Roberts
Jacques Lemaire - Mario Tremblay - Yvon Lambert
Pete Mahovlich - Murray Wilson (2') - Yvan Cournoyer (C, 2')
Doug Jarvis - Bob Gainey - Steve Shutt

Défenseurs :
Guy Lapointe - John Van Boxmeer
Larry Robinson - Serge Savard (2')
Pierre Bouchard - Don Awrey

Gardien :
Ken Dryden

Remplaçant : Michel Larocque (G).

CSKA Moscou

Attaquants :
Valeri Kharlamov - Vladimir Petrov - Boris Mikhaïlov (C)
Boris Alexandrov - Viktor Zhluktov (2') - Vladimir Vikulov
Aleksandr Maltsev - Vyacheslav Solodukhin (2') - Vladimir Popov

Défenseurs :
Aleksandr Gusev (2') - Valeri Vassiliev (4')
Gennadi Tsygankov - Vladimir Lutchenko
Aleksei Volchenkov - Viktor Kuzkin

Gardien :
Vladislav Tretiak

Remplaçants : Nikolai Adonin (G), Viktor Kutergin, Aleksandr Volchkov, Sergei Glazov (A). En réserve : Yuri Blokhin, Vladimir Lokotko (D), Aleksandr Lobanov (A).

 

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