Bilan des championnats du monde 2022

 

Ce championnat du monde a installé Tampere comme "centre du hockey sur glace en Europe", selon Mats Wennerholm dans Aftonbladet. Que le compliment vienne d'un Suédois est encore plus flatteur. Mais, si la patinoire ultra-moderne aux vestiaires luxueux a suscité l'admiration, les Finlandais eux-mêmes ont émis des réserves. Le journal Ilta Sanomat a notamment critiqué les organisateurs pour avoir renoncé aux places debout. De fait, les supporters finlandais colorent la patinoire, tous habillés du maillot national, comme les statues de la gare de Helsinki (photo ci-contre). Mais ils sont aussi assez silencieux... Ce n'est pas qu'une question de culture, car les autres équipes nationales de Finlande (football et basketball) ont mis en place des sections de supporters très joyeux et bruyants. La fédération de hockey sur glace s'y refuse et est accusée de privilégier les billets achetés par les entreprises au détriment d'un public populaire avec des prix exorbitants quand la Finlande joue. C'est après la victoire que la fête débute vraiment...

Adieu Tampere 2022, et bienvenue... Tampere 2023 ! Le prochain Mondial, retiré à la Russie, sera en effet confié conjointement aux deux dernières villes organisatrices, Tampere et Riga, ce qui récompensera la capitale lettone de l'effort d'avoir accueilli la compétition sans spectateurs en pleine crise Covid en 2021. Nul doute que cette co-organisation permettra une meilleure affluence que cette année, où la moyenne de spectateurs (5577) par match a été la plus faible depuis treize ans. Le second site de compétition, Helsinki, a paru délaissé, pas seulement que la patinoire "de secours" y est vieillotte, mais par l'absence d'ambiance et de buvette aux alentours. La soi-disant "fan zone" de la capitale était en effet une micro-boutique installée dans un hall de centre commercial à un kilomètre de distance (photo ci-dessous).

L'attribution de ce prochain Mondial 2023 s'est malheureusement faite par défaut. Une candidature concurrente avait pourtant été émise par les fédérations de Slovénie et de Hongrie, deux pays qui jouent trop peu fréquemment en élite pour se voir confier ensemble un Mondial en temps normal. Cela aurait été formidable de profiter des circonstances pour avoir un championnat du monde à Budapest et Ljubljana : les deux salles proposées avaient une très grande capacité et promettaient une immense fête populaire dans deux pays aux prix abordables. Malheureusement, quelques jours avant le vote, la candidature a été retirée : la fédération hongroise n'a pu obtenir de soutien financier du gouvernement de Viktor Orban, qui s'est tellement lié à la Russie qu'il ne veut pas organiser de compétition sans elle et à sa place.

Et les "bannis", justement, reviendront-ils en 2024 ? Dans une décision discrète mais très importante, la Russie et le Bélarus se sont vues attribuer des points au "ranking" IIHF correspondant à leur classement de l'an passé (3e et 14e). Cela ne présage pas forcément en soi d'une réintégration dans l'élite ou dans une division 1A élargie. Cela évite surtout un casse-tête pour la qualification olympique : si la Russie avait reculé et avait dû repasser par des tournois de qualification, cela aurait été injuste pour tous les pays qui auraient croisé sa route parce que son classement ne reflétait plus sa valeur.

Résultats et comptes-rendus des Mondiaux 2022

 

Finlande (1er) : une statue pour Jukka Jalonen ?

Les célébrations sur la place du Marché de Helsinki sont devenues un rituel pour les jeunes Finlandais. Havis Amanda - une fragile statue de femme nue entourée d'une fontaine - est devenu le point de rassemblement traditionnel au point de s'inquiéter qu'un jour elle n'y survive pas. Le député du parti du centre Mikko Kärnä s'en est ému à Italehti : "Des mesures doivent être prises pour sauver Havis Amanda. Elle ne peut pas être protégée à moins qu'un lieu alternatif de célébration soit alloué aux gens du hockey. On a vu que les fans se baignent dans l'eau froide et escaladent la statue. Ne serait-il pas mieux d'avoir un endroit où toute cette activité puisse se faire officiellement en sécurité ?" Kärnä propose donc... de construire sur la même place une statue en acier et béton armé de l'entraîneur national Jukka Jalonen ! "La statue serait équipée d'une large piscine chauffée, où on pourrait ajouter de la mousse si besoin. La piscine pourrait être mise en service quand la Finlande obtient un succès significatif en hockey sur glace et, bien sûr, dans d'autres sports."

Une telle proposition en dit long sur la renommée dont jouit Jukka Jalonen, désormais révéré parmi les meilleurs entraîneurs de l'histoire du hockey. Ses quatre finales de suite lors de son mandat actuel - dont trois gagnées - constituent un bilan exceptionnel. Six joueurs ont participé aux trois médailles d'or (deux mondiales et une olympique), et trois d'entre eux ont été élus sur l'équipe-type de ce tournoi : le gardien Jussi Olkinuora (élu meilleur joueur), le meilleur défenseur Mikko Lehtonen et le centre de petite taille Sakari Manninen. Les trois autres sont le défenseur Atte Ohtamaa, qui n'a pas connu son meilleur Mondial mais a tout rattrapé en sauvant un but de la jambe en finale, l'ailier Harri Pesonen, solide avec sa troisième ligne en phase finale, et bien sûr le mythique Marko Anttila, dont certains se demandaient ce qu'il faisait encore là au vu de son jeu déclinant... avant qu'il ne marque encore des buts capitaux pour remonter de 0-2 à 2-2 en quart de finale contre la Slovaquie.

C'est en effet la caractéristique de ce nouveau titre de la Finlande. On la voyait comme une impeccable machine défensive, injouable quand elle mène au score. Ses trois adversaires en phase finale ont donc essayé de la déstabiliser par une très forte intensité dès le début du match. Les Leijonat ont à chaque fois encaissé le premier but... et ont gagné quand même ! Une prouesse de plus pour Jukka Jalonen, qui a réussi à insuffler une incroyable confiance en ses hommes. Interrogé le lendemain matin de la victoire sur la principale radio finlandaise, après une nuit blanche et dans un état d'ivresse approprié à la circonstance, Jalonen a révélé son secret, la devise "quand il est temps" : être concentré à l'entraînement et pendant les briefings, être détendu et s'amuser le reste du temps. Déjà lors du premier titre 2019, Jalonen avait demandé à chaque joueur d'envoyer une photo de ce qui lui tenait à coeur et l'avait diffusée dans une vidéo avant la demi-finale pour rappeler qu'il y avait plus important que le hockey.

Imperméables à la nervosité, les Finlandais, qui n'avaient jamais obtenu de médaille à domicile, ont donc réussi à y être titrés, alors que le pays organisateur succombe souvent à la pression (la Suède de 2013 est la seule à avoir gagné chez elle depuis trente-cinq ans). Le doublé JO/Mondiaux la même année n'a qu'un précédent dans l'histoire, la Suède en 2006. Tout bien considéré, une statue en or ne serait-elle pas plus appropriée ?

 

Canada (2e) : les ressources étaient à l'intérieur du vestiaire

Il y avait des Canadiens pour se plaindre d'un groupe trop facile, en prétendant que leur équipe ne serait même pas testée à part contre la Suisse. Après la nette défaite dans ce "seul challenge" contre la Nati, l'équipe à la feuille d'érable a changé ses lignes et son gardien (Chris Driedger remplaçant un Logan Thompson à la foi décevant et blessé)... mais a concédé une défaite historique contre le Danemark, un des adversaires supposés "trop faciles". On était parti pour un bilan très médiocre, avec un score de 1-3 à deux minutes de la fin du quart de finale contre la Suède. Et puis, le Canada s'est transformé, comme par la magie des play-offs...

Il a failli réussir le même coup que l'an passé, mais l'a fait cette fois sans aucun renfort externe (tel Mangiapane en 2021). Il restait pourtant une place vacante jamais remplie dans l'effectif, mais Hockey Canada a fait le choix de n'appeler aucun joker (Sidney Crosby a répondu qu'on ne lui avait pas demandé). Ce sont uniquement les ressources internes du groupe qui lui ont permis de se surpasser avec l'enjeu croissant. Matthew Barzal en a été le symbole : inconstant en poule avec des actions risquées aboutissant à des pertes de palet, il est devenu essentiel à chaque match de la phase finale.

Le meilleur Canadien de ce tournoi aura été Pierre-Luc Dubois. Il a imposé une forte présence dans les bandes, incarnant une équipe aux gabarits impressionnants. Sa ligne avec Drake Batherson et la révélation Dylan Cozens était souvent alignée dans les engagements en zone offensive pour être décisive, et elle l'a été. De même, Maxime Comtois a encore failli être le héros de la finale par son égalisation. Cela n'aura pas suffi et une pénalité infligée par erreur peut laisser des regrets légitimes. Mais on peut saluer la classe de l'entraîneur Claude Julien qui n'a fait aucun commentaire sur les arbitres. Car le succès du Canada en phase finale est aussi celui du coaching : il a trouvé la clé pour neutraliser en demi-finale le jeu de puissance tchèque qui était le meilleur du tournoi, puis a mis fin à l'invincibilité finlandaise en infériorité numérique lors de la finale.

 

Tchéquie (3e) : à l'aide des compliments finlandais

L'ex-international finlandais Olli Jokinen a tenu ces propos à un journaliste tchèque pendant le tournoi : "Je pense que parfois le monde ne comprend pas les joueurs tchèques. Ce sont des joueurs sincères qui veulent s'améliorer et travailler sur eux-mêmes. Mais souvent on les sous-estime. On tire le meilleur des Tchèques quand on est positif avec eux et qu'on leur rappelle combien ils sont bons. Ils adorent un tel feedback." Est-ce donc le secret ? A-t-il fallu que ce soient les Finlandais qui le révèlent ?

Une chose est sûre en tout cas : c'est bien un entraîneur finlandais, Kari Jalonen, qui a conduit la Tchéquie à retourner sur le podium, dix ans après sa dernière médaille. Ce n'était pas gagné après un début de tournoi raté, marqué par un échec historique contre l'Autriche et un scandale hors glace. Dominik Simon avait quitté l'équipe pour "raisons personnelles", et les journalistes tchèques proches de l'équipe respectaient le secret, mais la rumeur était telle que c'est la famille du joueur qui le brisa : oui, l'attaquant d'Anaheim avait eu une altercation physique avec son coéquipier Filip Hronek, parce que sa vie privée avait altéré son comportement.

Le discours positif du nouveau sélectionneur a pourtant su éviter de replonger dans la crise qui couvait alors. Son image levant le poing et recevant la standing ovation du public de Tampere au moment de recevoir sa médaille de bronze montre combien "l'autre Jalonen" est respecté dans son pays. Connaissant l'histoire du hockey, il n'a pas manqué de saluer le rôle de l'ancien sélectionneur tchécoslovaque Gustav Bubník dans l'éclosion de la Finlande au haut niveau. Aujourd'hui, un héritier de cette nation de hockey qui a bien grandi rend la pareille à un pays-phare en perte de repères.

Le retour en meilleure forme des Tchèques a été aussi aidé par l'arrivée du meilleur joueur tchèque David Pastrňák, qui a rendu le powerplay encore plus redoutable et donné confiance à ses partenaires, même si sa pénalité bête en demi-finale a aussi été fatale. Les deux autres membres de la première ligne, David Krejčí et Roman Červenka, sont les seuls joueurs de l'effectif à avoir déjà connu une médaille, et ils transmettent enfin cette expérience aux nouvelles générations. Certains étaient lassés de voir Červenka en équipe nationale et glosaient à son sujet : il a réduit tous les critiques au silence en battant un record pour un joueur de la Tchéquie indépendante (17 points dans un Mondial), à l'âge pourtant avancé de 36 ans. Mais derrière cette réussite offensive, le niveau de jeu des défenseurs a été très moyen cette année, qu'ils viennent de championnats européens (un Jan Ščotka en difficulté) ou de NHL (un Filip Hronek qui avait habitué à mieux sous le maillot national).

 

États-Unis (4e) : la stratégie épuisée

La mascotte de ce championnat du monde s'appelait Miracleo et le slogan défilant dans la patinoire incitait à "faire des miracles". Un mot qui paraissait presque choisi pour les États-Unis, dont le defining moment reste pour l'éternité le Miracle de 1980. Il y a un point que l'on oublie parfois à ce propos, et que vous pourrez mesurer dans les comptes-rendus de ces Jeux olympiques, c'est que, si Herb Brooks avait opté pour une stratégie nouvelle à quatre lignes offensives pour perturber les Soviétiques par un tempo plus élevé, l'équipe américaine avait aussi dû tourner à seulement quatre ou cinq défenseurs, au rôle évidemment important.

Ce précédent célèbre a-t-il consciemment ou inconsciemment fait croire aux Américains qu'ils pourraient rééditer cette configuration, alors que le hockey a bien changé et s'est singulièrement accéléré en 42 ans ? En tout cas, on ne peut imputer leur situation à la seule fatalité. Oui, Caleb Jones s'est refait mal au poignet gauche - dont les muscles l'avaient déjà tourmenté à l'automne - lors du match de préparation contre le Canada avant le tournoi. Oui, son remplaçant Jon Merrill s'est blessé tout seul à sa deuxième présence et a dû rentrer au pays, suivi de Nick Blankenburg (touché au genou). Mais tous ces faits étaient connus avant que les États-Unis n'ajoutent leurs deux derniers renforts offensifs Ryan Hartman et Matthew Boldy, arrivés plus tard que leur coéquipier Merrill et qui n'ont finalement pas rendu la première ligne plus efficace.

C'est donc par choix que les Américains ont décidé de finir le tournoi à 15 attaquants - tous valides - et 5 défenseurs, alors même qu'un autre arrière (Jordan Harris) était sur place et prêt à jouer. Le plan pour chaque match de phase finale était clair : 30 minutes par match pour Seth Jones (un stakhanoviste qui avait déjà le plus gros temps de glace par match en NHL cette saison), entre 24 et 25 minutes pour les trois autres défenseurs qui se montraient solides (Nate Schmidt, Andrew Peeke et Jaycob Megna) et moins de 15 minutes pour le jeune espoir Luke Hughes dont le jeu encore trop risqué ne donnait pas toutes les assurances défensives. Le plan a fonctionné en quart de finale contre la Suisse (le fait de mener rapidement ayant permis aux défenseurs de se replier et de couvrir moins de distance), mais était-il crédible pour jouer deux jours de suite pendant le week-end final ? Que Megna ait alors dû rentrer en pays pour urgence familiale a rendu la situation plus atypique encore. Les Américains avaient désormais 5 défenseurs en incluant un attaquant reconverti presque à plein temps et non plus seulement pour des piges (Lafferty). Les arrières sur-utilisés n'ont pas tenu la distance, un dénouement presque trop prévisible. Aucun autre pays n'aurait pris un tel risque en constituant son effectif. Le championnat du monde ne se joue pas sur une table de poker...

 

Suisse (5e) : trop embourgeoisés et bichonnés ?

La Suisse a réussi un premier tour parfait, en n'abandonnant qu'un point au passage face aux Allemands. Tout était réuni pour aborder la phase finale avec le plein de confiance... voire l'excès de confiance. Patrick Fischer considérait le deuxième tiers comme son atout caché, celui qui faisait basculer les matches en faveur de son équipe. Cela avait fonctionné contre la France ou l'Allemagne, mais cela ne fonctionna plus contre des Américains un peu plus physiques. Son troisième échec dans un quart de finale abordé en position de favorite (après 2010 et 2021 contre l'Allemagne), la Nati l'a subi en ratant son début de match, avec de la malchance puisque le but contre son camp sur le 0-1 a rappelé la malédiction du dernier tournoi olympique en Chine. Retour brutal sur terre : la Suisse, qui pensait avoir rejoint le concert des grandes nations après avoir doublé les Tchèques au classement IIHF, a de nouveau été dépassée par eux.

Après ce quatrième échec consécutif en quart de finale, les Suisses cherchent les coupables. Avec 89% d'arrêts (ses concurrents Berra et Aeschlimann faisant encore moins bien), le gardien de référence du championnat suisse Leonardo Genoni n'a pas encore le même fluide gagnant au niveau international. Mais les stars offensives n'ont pas fait la différence non plus. La presse a surtout pointé Timo Meier, parfois agacé et agaçant dans son langage corporel, mais il se démène offensivement sans toujours avoir de la réussite. Il a mis autant de buts que de poteaux - 3 - dans ce tournoi. Parfois les joueurs de l'ombre ont aussi de l'importance : la fracture de la cheville de Tristan Scherwey a été handicapante car il apportait de l'implication physique et du leadership mental.

L'entraîneur français Laurent Perroton, installé en Suisse depuis près de vingt ans et devenu consultant pour la RTS (Radio-Télévision Suisse), a justement cité ces deux facteurs-clés - le physique et le mental - qui ont fait défaut alors que ce sont les plus simples. Il a évoqué un "embourgeoisement" de joueurs qu'on "bichonne trop" (visant à la fois les joueurs qui vivent dans le confort aux pays que les renforts de NHL chouchoutés quand ils arrivent au sein de la Nati). Contrairement à ce qui se passait il y a dix ans, la Suisse n'a pas été éliminée parce qu'elle manquait de talent offensif. Aujourd'hui, les individualités saillantes ne manquent plus. Ce qui renforce la pression sur Patrick Fischer, sous contrat jusqu'en 2024 alors que les regards doivent maintenant s'étendre jusqu'à un horizon 2026 (date des Mondiaux qui viennent d'être attribués aux villes de Zurich et Fribourg).

 

Suède (6e) : Garpenlöv aura bu le calice jusqu'à la lie

Johan Garpenlöv n'aura pas rattrapé le "fiasko" de l'an passé. Son bilan de sélectionneur restera le pire de la riche histoire de la Tre Kronor. En plus d'être l'homme le plus critiqué de Suède, il a perdu ses deux parents durant ses deux dernières années. Son successeur Sam Hallam s'est bien gardé du moindre commentaire négatif. Présent en tribune à Tampere parmi les supporters lors du match contre la Finlande (la principale réussite de ce tournoi pour la Suède), Hallam se montrait heureux de pouvoir ainsi vibrer pour un match sans la moindre pression. Bientôt, ce sera lui qui aura un des postes les plus difficiles du hockey mondial, avec un contrat de quatre ans qui ne garantit pas contre la vindicte populaire.

Se faire éliminer en menant 3-0 avant la dernière période est un scénario-catastrophe pour un coach. La fin désastreuse d'un mandat désastreux. La Suède a été trop passive dans un match qu'elle maîtrisait. Ce n'est pas qu'elle s'est recroquevillée. Elle s'est employée à garder la possession, mais elle l'a fait en s'entêtant à travailler dans les coins de la zone offensive - face aux grands gabarits canadiens - au lieu de chercher à utiliser son point fort - ses défenseurs - pour lancer plus souvent de la ligne bleue et essayer d'accroître son avance.

Pour autant, la responsabilité directe du naufrage de fin de match n'est pas imputable au coach, mais à deux pénalités idiotes des deux joueurs les plus talentueux de l'équipe - Rasmus Dahlin et William Nylander - ce qui est un petit paradoxe alors qu'on reprochait à l'entraîneur l'absence de stars.

Décidément, la Tre Kronor aura beaucoup à se faire pardonner. Mais un joueur peut et doit échapper à la moindre critique : on a appris que le capitaine Oliver Ekman-Larsson, cité en exemple par Garpenlöv (fatigué des questions sur les absents) parce qu'il répond toujours présent pour l'équipe nationale, a joué quatre matches avec une fracture du pied, survenue au deuxième match du tournoi !

 

Allemagne (7e) : elle a tenu son rang, les débutants aussi

Cinq victoires de suite, c'est tout simplement un record pour l'Allemagne dans un championnat du monde. Ces succès d'affilée ont néanmoins été obtenus dans une poule rendue plus facile par l'expulsion de la Russie (remplacée par la France), et uniquement contre des adversaires moins bien classés. Il n'y a pas eu de performance marquante. Il s'en est fallu de peu, et la défaite aux tirs au but contre la Suisse reste en travers de la gorge des supporters allemands, surtout en raison de la charge dangereuse non sanctionnée de Malgin sur Gawanke.

Mais au moins la Nationalmannschaft a-t-elle tenu son rang. Trois qualifications consécutives en quart de finale des championnats du monde, cela n'avait plus été réussi depuis vingt ans (et l'époque de Hans Zach). Le sélectionneur finlandais Toni Söderholm sort encore renforcé malgré la récente déception olympique.

Il ne faut pas oublier qu'il a obtenu ce résultat avec une équipe défensivement au complet mais pas optimale en attaque. En plus, il a dû avaler le fait que le meneur offensif Tim Stützle ne joue plus après sa blessure peu grave contre la France, une décision prise à distance par son employeur - les Ottawa Senators - et pas par le staff allemand. Coïncidence heureuse, il a toutefois été remplacé par un joker au profil similaire avec le centre Lukas Reichel, qui a retrouvé ses anciens ailiers berlinois Marcel Noebels et Leo Pföderl.

Surtout, ce championnat du monde a été très positif pour les débutants, ce qui est très intéressant pour la construction d'une équipe encore jeune. Kai Wissmann, frustré de ne pas avoir été sélectionné pour les Jeux olympiques, a été la grande révélation : le défenseur berlinois, confiant et sûr sans ses relances, a terminé à la surprise générale co-meilleur marqueur de son équipe avec Moritz Seider et Marc Michaelis. Soit deux défenseurs et un attaquant, ce qui pourrait témoigner de problèmes offensifs... si l'Allemagne n'avait pas terminé première en efficacité aux tirs ! Même les invités-surprises que personne n'attendait en équipe nationale (Alexander Ehl et Samuel Soramies) ont été dignes de cet honneur, ce qui semble attester que le hockey allemand n'a pas encore dévoilé tout son potentiel.

 

Slovaquie (8e) : les jeunes maintiennent la dynamique positive

La Slovaquie n'a certes pas obtenu de médaille comme aux JO, mais elle a confirmé sa dynamique positive. Ce nouveau quart de finale l'installe dans le top-8 mondial, même si sa qualification a été facilitée par un contexte favorable (l'absence de la Russie et un calendrier avantageux sur le match décisif). La nouvelle génération de pépites s'est habituée à un bilan positif à chaque tournoi, et elle fait déjà preuve de caractère. Juraj Slafkovský, de qui on attend monts et merveilles après sa réussite olympique, a bien noté qu'on le critiquait après les trois premiers matches sans but et a su glisser une allusion subtile à ce qu'on appelle parfois les entraîneurs de canapé, en leur donnant un nouveau surnom après la victoire sur le Kazakhstan : "Nous sommes ravis de la victoire. Tous les coaches de deux semaines sont plus heureux et maintenant ils devront chercher ailleurs où est le problème."

Slafkovský a encore été le meilleur marqueur de son équipe, devant Pavol Regenda (5 buts et 1 assist mais avec moins bonne fiche, -4) qui a gagné avec ce tournoi un contrat de deux ans en NHL (à deux volets), assez rare pour un joueur n'ayant évolué qu'en Extraliga slovaque. Le nouveau joueur de 17 ans, Adam Sýkora, a fait son tour forte impression, capable de porter et de passer le palet sans prendre de mauvaise décision.

Le seul perdant du tournoi est Kristian Pospíšil : l'attaquant a coûté deux buts contre le Kazakhstan par des pénalités idiotes (sa triste spécialité), qualifiées d'égoïste par Marián Gáborík dans le studio de la télévision slovaque. Mais c'est surtout son attitude par la suite qui a révolté les anciens internationaux reconvertis en consultants. Vexé de ne plus être aligné pendant les deux derniers tiers-temps, il s'est en effet assis sur la balustrade comme s'il voulait remonter sur la glace. Boris Valábik l'a laminé en direct : "Il ne peut pas s'asseoir sur le banc comme ça et attirer l'attention à lui. Quand on fait deux erreurs comme ça qui coûtent la première période à son équipe et qu'on est retiré de l'alignement par le coach, on s'assoit dans un coin et on ne se moque pas de ses coéquipiers." Pospíšil a passé la fin du tournoi en tribune et il devra sans doute se faire pardonner pour revenir en équipe nationale.

Outre ce cas particulier, la Slovaquie a encore un point faible dans les cages. Le gardien révélé aux Jeux olympiques, Patrik Rybár, s'est blessé et a cédé sa place après deux rencontres à Adam Húska, qui n'a pas toujours donné des gages de sécurité avec quelques mauvais buts.

 

Danemark (9e) : la relève est-elle prête devant les filets ?

Si le Danemark n'a pas pu rééditer l'exploit olympique en se qualifiant encore pour un quart de finale, il a été très désavantagé par le calendrier. Il a complètement succombé (1-7) face à des Slovaques reposés pendant deux jours alors qu'il avait fini 17 heures plus tôt un match très intense contre le Canada. Certains se sont demandés s'il n'aurait pas mieux fait de ménager ses meilleurs joueurs la veille pour mieux préparer ce match-clé. Soyons reconnaissants aux Danois d'avoir joué le jeu et de ne pas avoir calculé, ça les honore.

Le Danemark est vraiment digne de l'élite mondiale. En 2003, il y faisait ses débuts et remportait une victoire historique sur les États-Unis. En 2022, installé de manière stable au haut niveau, il a remporté le premier succès de son histoire sur le Canada. Un seul homme a participé à ces deux grandes premières : Frans Nielsen, qui a raccroché définitivement les patins comme prévu. Tous ses coéquipiers ont salué ce pionnier resté humble qui a passé ses deux dernières semaines de hockeyeur avec eux.

Un autre départ n'avait en revanche pas été annoncé, celui du gardien de 35 ans Sebastian Dahm (en photo), qui a lui aussi vécu les Jeux olympiques comme un aboutissement et a attendu trois mois de plus pour sa retraite internationale. Or, le Danemark n'a pas vraiment préparé la relève. Sur les 22 matches officiels qu'il a joués depuis l'an passé (depuis la pause forcée du Covid-19), Dahm en a débuté... 20 ! Fredrik Dichow en a joué 2, et la seule fois où il est entré en jeu dans ce Mondial, il a été remplacé après deux tiers-temps et cinq buts encaissés contre la Suisse. Mads Søgaard, apparu en NHL cette saison, était resté sur le banc ou en tribune au dernier Mondial aux qualifications olympiques. Ces deux gardiens ont tous deux 21 ans et représentent l'avenir, mais l'expérience internationale leur fait encore défaut. Sachant qu'on n'est pas sûr de revoir sous le maillot national le gardien de NHL souvent blessé Frederik Andersen, ce sera l'enjeu majeur des prochaines années.

 

Lettonie (10e) : le numéro 1 remplacé et vexé ?

Les supporters lettons sont nombreux à déplorer une "stagnation", comme si une progression permanente était possible a fortiori pour un si petit pays. La Lettonie n'a pas à rougir de perdre contre plus fort que soi, et elle a réussi des prestations solides contre la Finlande et la Suède. Mais on ne manquera pas de remarquer qu'elle finit avec seulement 8 points, quand elle en avait toujours obtenu au moins 9 pendant le mandat de Bob Hartley.

Surtout, ces 8 points ont été acquis sans la manière. Avant de se faire peur mais de remonter au score contre les Britanniques, les Lettons avaient adopté une tactique très passive contre la Norvège et l'Autriche : dans ces deux victoires, ils n'ont tiré que 4 fois contre 19 pour leurs adversaires lors de la dernière période (et de la prolongation incluse dans le second cas). Et dire que leur entraîneur Harijs Vitolins (en photo) se plaignait... que ses joueurs avaient trop attaqué ! Le bilan offensif faiblard (14 buts, soit 2 par match) n'est donc pas seulement dû au manque de réussite des attaquants majeurs Rodrigo Abols (1 but en 22 tirs) et Ronalds Kenins (0 but en 12 tirs) ou du retour à l'ordinaire de l'inattendu meilleur marqueur balte aux JO Renars Krastenbergs (0 point, fiche de -6 et seulement 3 tirs tentés durant le tournoi).

Mais la principale déception, et la plus inattendue, est venue du gardien Elviss Merzlikins, qui devait être le numéro 1 incontesté - position qui lui sied maintenant en NHL - et qui a craqué dans les deux matches-clés, contre les États-Unis puis face à la Tchéquie où il a été remplacé après avoir pris cinq buts en vingt minutes. Alors que les gardiens expérimentés ne voulaient pas venir pour être juste la doublure de Merzlikins, le jeune Arturs Silovs (21 ans) s'est révélé au public letton et a montré qu'il existait une alternative d'avenir. Les mauvaises langues ont prétendu qu'il n'avait pas été choisi par ses entraîneurs parmi les trois meilleurs joueurs de l'équipe... pour ne pas vexer Merzlikins ! C'est peut-être prêter beaucoup de mauvaises pensées à Merzlikins, qui était légèrement blessé et qui a plaidé coupable pour les mauvais buts.

 

Autriche (11e) : un pari réussi... au bord de la catastrophe

L'Autriche a toujours cette tendance à se croire trop vite arrivée, comme si elle n'apprenait pas de ses erreurs après des années d'ascenseur. Ses excellentes prestations en début de tournoi, en prenant des points aux Américains et aux Tchèques, l'ont rendu un peu vite euphorique quant à son niveau réel et négligente des exigences défensives. Si sa tactique défensive avait fonctionné face aux grandes nations, elle a moins servi dans les défaites contre la Norvège et la Lettonie. L'Autriche a bien failli toucher le fond contre la Grande-Bretagne en subissant une nouvelle relégation douloureuse.

Si les Autrichiens se sont sauvés d'une situation très compromise (ils étaient menés 0-2 et 1-3 en début de troisième période), peut-être qu'Arno del Curto y est pour quelque chose. L'ancien sorcier du HC Davos, appelé comme simple conseiller à l'automne par son compatriote Roger Bader, a demandé au dernier moment qu'on lui réserve un billet pour faire le voyage à Tampere. Proche des joueurs, il s'est positionné directement derrière la balustrade, où on l'a vu donner des conseils immédiats et des gestes affectueux aux hockeyeurs qui sortaient de la glace. Cette confiance mentale a été utile à cette jeune équipe dans les moments décisifs, même si ce sont les deux doyens de déjà/bientôt 36 ans qui ont sauvé la mise face aux Britanniques : le gardien Bernhard Starkbaum en arrêtant trois breakaways et le capitaine Thomas Raffl par un forechecking gagnant.

Dans la mesure où la catastrophe a été évitée, ce Mondial est finalement une grande réussite. Parce que l'Autriche n'avait pas fait mieux que quatorzième aux Mondiaux depuis 2004 (!) et surtout parce que le pari du rajeunissement est réussi. La génération 1996/1997 que Bader a entraînée chez les juniors (le défenseur défensif Bernd Wolf et les attaquants Lukas Haudum, Ali Wukovits et Benjamin Nissner) s'est montrée prête à prendre les rênes. Les lignes arrières ne comptaient pourtant que deux joueurs ayant déjà connu un Mondial élite. Si l'un d'eux - l'offensif Dominique Heinrich - a connu le meilleur tournoi de sa carrière avec ses slaps précieux et de belles stats (7 points et +6), les très jeunes Kilian Zündel (21 ans) et David Maier (22 ans) ont été très intéressants dans un registre plus défensif.

 

France (12e) : remettre l'église au centre du village

En battant le Kazakhstan puis l'Italie, l'équipe de France a rempli son objectif et conservé cette place dans l'élite récupérée par repêchage. Elle y est parvenue en dépit d'une attaque qui a confirmé les difficultés offensives constatées depuis un an (11 buts, à peine au-dessus des deux relégués). C'est grâce au gardien Henri-Corentin Buysse et à une défense très solide, portée surtout par l'excellent duo Yohann Auvitu - Hugo Gallet. Les questions concernant ces secteurs sont dorénavant passées au second plan.

L'alarme au poste de centre s'est en revanche allumée au rouge vif. Il paraissait évident qu'Alexandre Texier doive sauver ce poste dépeuplé, d'autant que Louis Boudon traînait une petite blessure depuis le dernier match de préparation. Mais l'évidence est vite devenue une utopie dès le premier match. Outre ses difficultés au centre, on a vite vu Texier aller au forechecking et laisser un de ses compagnons de ligne (Tim Bozon puis finalement Damien Fleury) se replier à la position du centre. Le changement opéré en cours de match a été définitif et l'hypothèse Texier au centre a été rangée au fond du tiroir en avalant la clé, quelles que soient les absences. On sait combien Texier a besoin de se sentir en confiance pour être performant, et indéniablement il l'est quand il joue à l'aile. Il a été le créateur majeur d'offensive des Bleus, et ses 28 tirs (4 par match) sont le troisième plus haut total de ce Mondial (derrière Meier et Pastrnak). Mais cela ne dit pas comment développer assez de candidats au centre pour être certain d'en avoir quatre ou cinq à emmener à Tampere l'an prochain. Ce sera le défi majeur... du prochain sélectionneur.

Et qui sera-t-il, ce brave homme ? La décision avait été logiquement reportée en attendant les élections à la FFHG, sachant que pour la première fois deux listes devaient s'affronter. Des rétractations au sein de la liste conduite par Jean-Luc Blache ont finalement provoqué son invalidation. Comme les opposants ne faisaient pas de mystère de leur volonté de changement à des postes-clés de la fédération, dont celui d'entraîneur national, ce rebondissement enlève de l'incertitude et rend plus probable une reconduction de Philippe Bozon dans la mesure où l'objectif minimal a été atteint (et où aucune alternative évidente n'apparaît). Mais les vraies questions sont : pour combien de temps, et avec quelle feuille de route ?

Se contenter du maintien serait un esprit gagne-petit qui ne plairait ni au public, ni à une grande partie du vestiaire. Pour autant, il faut bien avoir conscience qu'un quart de finale impliquerait un rare alignement de planètes. Si l'équipe de France définit son objectif dans ses extrêmes, il sera dénué d'ambition ou irréaliste. Le vrai défi - tant sportif que médiatique - est de redevenir une nation olympique, ce qui implique - en tenant compte de la place donnée au pays organisateur qui sera l'Italie en 2026 - d'être dans les 11 meilleurs pays du monde, ce qui permet d'organiser un tournoi de qualification. En supposant le retour de la Russie et en considérant que le Danemark a une longueur d'avance à court terme, cela implique de laisser derrière soi tous les pays suivants : la très constante Lettonie, une Norvège qui a son renouvellement devant elle et une Autriche en résurrection qui l'a déjà réalisé. Ce n'est pas un défi de gagne-petit...

Lire aussi notre article sur le bilan détaillé des Bleus.

 

Norvège (13e) : la stratégie risquée de l'impatience

C'est au moment de partir que le sélectionneur Petter Thoresen a le plus défendu son bilan, malgré la non-qualification olympique et un déclin des résultats. Il estime avoir fait le travail de renouvellement (9 débutants l'an passé et 6 cette année), évoquant ainsi implicitement que cela n'avait pas été le cas sous son prédécesseur Roy Johansen. On ne contestera pas l'effort, mais les nouveaux venus ne se sont pas vraiment imposés pour autant. Le premier trio constitué des frères Olimb et de Mats Rosselli Olsen a encore été responsable des principales séquences dangereuses de possession et il a marqué à lui seul 5 des 14 buts norvégiens.

Le désormais ex-sélectionneur a de quoi être frustré par une information publiée pendant le tournoi. En effet, dans les négociations, Thoresen et son fidèle assistant Sjur Robert Nilsen demandaient au minimum deux ans de contrat. Comme on ne leur proposait qu'un an, ils sentaient que la fédération avait un autre plan. Si la durée du contrat du futur entraîneur suédois Tobias Johansson n'avait pas été dévoilée, on a appris maintenant qu'il avait été engagé pour... cinq ans ! Un contrat qui courrait donc jusqu'au Mondial 2027 que la Norvège espère organiser... sauf que celui-ci est loin de lui être attribué, surtout avec l'Allemagne comme concurrente !

Présent sur place à Tampere, Tobias Johansson a gardé un devoir de réserve sur le jeu de l'équipe sous son prédécesseur, mais il s'est exprimé sur ses projets. Malgré ce contrat long, il a dit viser des résultats rapides. Il a dit ne pas être venu "pour voir et apprendre" et a insisté sur le fait qu'il ne "faudrait pas être trop patients". Il a fait référence à un plan stratégique de la fédération expliquant que l'équipe nationale devrait être tout le temps dans le top-8. C'est plus facile à écrire sur un powerpoint qu'à faire... Certes, des structures de formation ont été améliorées et de bons jeunes pointent le bout du nez, mais la Norvège a un creux générationnel qui risque de rendre le renouvellement compliqué. Thoresen a peut-être été malin d'anticiper la communication pour qu'on ne lui reproche pas rétrospectivement une situation qui n'est pas sa faute.

 

Kazakhstan (14e) : pas condamné à l'oubli

Le manque de préparation se fait ressentir pour le Kazakhstan, qui n'était pas prêt en début de tournoi. Il n'était pas au niveau contre le Danemark en ouverture du tournoi (1-9) et s'en ressentait encore le lendemain contre la France (1-2) qu'il aurait préféré rencontrer plus tard. Retombés sur terre après les performances de l'an passé, les joueurs d'Asie centrale ont dit qu'ils trouvaient le niveau plus fort cette année. Faut-il pour autant oublier le Kazakhstan ? Il a perdu quatre matches de seulement un but, souvent par ses pénalités inutiles qu'il a payé cher, et il a battu l'Italie de manière convaincante pour se maintenir.

Comment interpréter le retrait de la candidature à l'organisation des Mondiaux 2026 ? Certains y voient un signe de la perte d'influence d'Askar Mamin, qui était à la fois président de la fédération de hockey sur glace et Premier Ministre du Kazakhstan. On conjugue cette phrase à l'imparfait, car s'il a été réélu à ce premier poste en décembre 2021, il a perdu sa place au gouvernement un mois plus tard après la révolte de janvier qui a failli renverser le régime. Mais cela ne veut pas forcément dire que le hockey est moins soutenu ou que son développement s'arrête (la fédération communique encore sur une construction de patinoire au Turkestan dans le sud du pays où l'influence russe est la moins forte). Cette candidature était perdue d'avance face à la Suisse et le Kazakhstan a peut-être juste voulu éviter une défaite électorale.

Quant à un possible écroulement du "système Babayev", aucun indice ne permet de conclure. On appelle ainsi le fait que l'agent de joueurs Shumi Babayev - qui était également l'ancien manager général de l'équipe nationale du Kazakhstan - amenait ses clients au Barys où ils prenaient le passeport local, qui leur a ensuite ouvert les portes de toute la KHL sans être considérés comme joueurs étrangers. À ce stade, il ne semble pas que les Nord-Américains aient les mêmes scrupules que les Européens pour continuer à jouer en Russie malgré les sanctions internationales. Même les naturalisés qui évoluent en Russie (Valk et Blacker à l'Avtomobilist) honoreront encore leur contrat selon la presse russe. Le Kazakhstan est donc toujours là, et il révèle des joueurs chaque année. Le défenseur Valeri Orekhov (22 ans) a réalisé un étonnant tournoi - 7 points et fiche de +6 - qui lui a ouvert les portes d'un grand club russe (le Metallurg Magnitogorsk).

 

Italie (15e) : pays organisateur JO cherche 15 hockeyeurs nord-américains

La "Blue Team" a longtemps tenu dans ce match grâce à son gardien Andreas Bernard  43 arrêts contre le Danemark (1-2) et 34 arrêts contre la France (1-2 après prolongation) dont l'égalisation à une minute de la fin a laissé beaucoup de regrets aux Italiens. Et si Bernard est sorti en troisième période du match décisif contre le Kazakhstan (2-5), il faut souligner que c'est parce qu'il souffrait de vertiges à la suite d'un choc survenu au deuxième tiers-temps avec un joueur adverse.

Malgré les belles prestations de son gardien, l'Italie est logiquement reléguée. Le compteur de tirs à chaque match est d'une réalité implacable. Elle a simplement limité les dégâts sur le plan du score par l'efficacité de son gardien et de ses attaquants (10,6% de réussite), mais la comparaison au dernier match face au Kazakhstan n'a pas fait de doute. L'entraîneur Greg Ireland a tiré des conclusions. Pour lui, le facteur qui fait le plus la différence avec les autres équipes est le patinage. Il a aussi indiqué que les entraînements dans les clubs n'étaient pas aussi intenses que ce qu'il voudrait mettre en place. Mais toutes ces considérations techniques sont peu examinées : l'Italie évoque beaucoup plus une solution de facilité, inspirée de la Chine, en prévision des Jeux olympiques de Milan et Cortina 2026.

Avant le championnat du monde, le président de la fédération italienne Andrea Gios avait évoqué dans une interview le projet de faire venir 15 Nord-Américains d'origine italienne pour qu'ils soient sélectionnables. Pour "rassurer" les joueurs locaux, il avait précisé qu'une règle interne serait mise en place pour qu'il n'y ait pas plus de 7 joueurs formés à l'étranger en même temps dans l'équipe. On en ferait donc venir le double pour garder les meilleurs. L'inclusion d'un troisième club italien dans la ICE HL autrichienne devrait servir de tremplin : il s'agit en effet d'Asiago, club d'origine de Gios qui a toujours beaucoup utilisé la filière des "oriundi". Le directeur sportif de l'équipe nationale Stefan Zisser a confirmé que le projet avait déjà été lancé et que des contacts avaient été pris en Amérique du Nord pour que le bouche-à-oreille permette de trouver des joueurs intéressés.

 

Grande-Bretagne (16e) : elle s'est piquée au jeu

On peut donner aux Britanniques le prix du fair-play. On ne parle pas des joueurs, qui ont pris un peu trop de pénalités mineures parce qu'ils ont logiquement un petit temps de retard à ce niveau, mais des supporters : ils ont applaudi les supporters autrichiens à la sortie de la patinoire en leur faisant une sorte de haie d'honneur. Un beau geste après un match très frustrant. La Grande-Bretagne s'est retrouvée dans la position des Français contre elle trois ans plus tôt : elle croyait son maintien acquis en menant au score mais s'est fait remonter.

Cette fois, les Britanniques n'ont donc pas gagné leur dernier match. Leur descente est logique et correspond à leur niveau. Ils ont manqué de constance, mais tout n'était pas à jeter. Les trois buts remontés face à la Norvège en fin de match pour la pousser en prolongation constituent un jalon marquant pour le moral de l'équipe. Avoir tenu un score vierge pendant respectivement 27 et 28 minutes contre les Tchèques et les Américains est en soi une belle performance, réussie par deux gardiens différents (Bowns et Whistle). Mener de deux buts à la mi-match contre la Lettonie et l'Autriche, aussi. Si on avait dit tout ça à la Grande-Bretagne il y a cinq ans, quand elle était en division I B et ne pesait rien dans le hockey mondial, elle ne s'en serait pas crue capable...

Il faut donc garder cette dynamique pour ne pas que le soufflé retombe. La Grande-Bretagne l'a bien compris. Les équipes reléguées, qui sont connues au dernier moment, n'ont le droit de se porter candidat pour organiser le Mondial de division I A que si les autres pays n'avaient pas déposé de dossier. Sachant que c'était le cas, les Britanniques ont proposé Nottingham, choisi de justesse par 54% des voix contre la candidature de Brunico déposée par l'autre pays relégué (l'Italie). En l'absence des deux pays aspirés dans l'élite par l'expulsion de la Russie et du Bélarus (Slovénie et Hongrie), la Grande-Bretagne pourrait faire figure de favorite pour remonter dans l'élite mondiale, surtout à domicile. Elle s'est prise au jeu et profite désormais de cette opportunité pour renaître au hockey international.

 

Marc Branchu

 

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