Autriche 2022/23 : panorama

 

Le dernier championnat 2021/22 - Les présentations 2021, 2020, 2019, 2018, 2017, 2016, 2015, 2014, 2013, 2012, 2011, 2010, 2009, 2008, 2007, 2006, 2005, 2004, 2003 et 2002.

 

La ligue autrichienne a bien fait de se doter d'un nom (ICE HL) indépendant de l'identité de son sponsor. Bet-at-home ne sera pas resté longtemps en place, faute d'avoir le droit d'exercer. La plus haute juridiction du pays a retiré à ce site maltais sa licence pour casinos et paris sportifs. La loterie autrichienne a repris le flambeau et la ligue s'est donc vue accoler le nom de "Win2Day". Il n'y a pas que le sponsor qui soit plus national, les joueurs aussi. Le système alambiqué de points - conçu à l'origine pour modérer les salaires des principaux joueurs autrichiens (plus enclins aujourd'hui à l'expatriation) - a été abandonné pour un principe bien plus lisible et commun : chaque équipe doit aligner au moins 12 joueurs éligibles en équipe nationale dont au moins 2 de moins de 24 ans.

Le point d'achoppement de l'an passé, la non-inclusion de Feldkirch, est oublié : le seul club autrichien champion d'Europe a intégré la ligue au prix d'une (fausse) fusion et d'une perte d'identité. Le retrait définitif des Tchèques de Znojmo, dont le modèle économique ne fonctionnait plus, a été compensé par l'arrivée d'un troisième club italien, Asiago.

On s'apprêtait à vivre enfin une saison complète à 14 clubs... Patatras ! Les Bratislava Capitals se sont retirés tardivement fin juillet, perdant ainsi la caution versée lors de leur inscription. Rien à voir avec les drames qui avaient conduit à leur retrait en cours de championnat à l'automne dernier (mort d'un joueur en match puis suicide du manager). Le problème est tout autre. Le président et sponsor principal Ivo Ďurkovič, qui a fait fortune avec son entreprise IClinic dans la chirurgie des yeux bon marché ("deux yeux pour le prix d'un" selon son slogan de l'été 2021), est confronté à la fois à la multiplication des plaintes de patients, à une poursuite pour corruption et à des dettes fiscales... Le championnat se joue donc à 13, en espérant que cela ne portera pas malheur.

Accès direct à la présentation de chaque club : Salzbourg, Klagenfurt, Vienne, Fehérvár AV19, Bolzano, Villach, Innsbruck, Linz, Graz, Olimpija Ljubljana, Val Pusteria, Asiago, Voralberg (Feldkirch).

 

Le champion Salzbourg n'a perdu que deux joueurs qu'il avait voulu conserver : le vétéran Keegan Kanzig (retraite) et surtout le défenseur aux 27 buts T.J. Brennan (engagé en élite suisse par Ajoie) qui ne se remplace pas si aisément. Chay Genoway n'a pas la même puissance de slap, mais il a un patinage exceptionnel. L'international Dominique Heinrich demeure une très bonne alternative sur le powerplay. Ces deux arrières ont de petits gabarits mais leurs collègues compensent largement : Dennis Robertson est une muraille mais aussi un lanceur de contre-attaques tandis que Tyler Levington et plus encore Andrew MacWilliam sont de purs arrières physiques.

En attaque, les Red Bulls peuvent aligner 5 titulaires de l'équipe d'Autriche au dernier Mondial, des cadres indiscutables (Florian Baltram) et de jeunes talents issus de leur académie comme Luca Auer, capable de buts spectaculaires avec ses mains d'or mais qui doit encore travailler son patinage. Ils ont joué la majorité du début de saison avec une équipe presque 100% autrichienne, alors qu'ils ont théoriquement de la place pour 5 étrangers. C'est en partie dû à une volonté de patienter pour recruter (l'international danois Nicolai Meyer n'est arrivé que mi-octobre), mais aussi à des blessures. Troy Bourke, joueur créatif qui peut aussi marquer lui-même, le plus souvent de près, était le centre favori de Ty Loney en AHL : ils se sont plus réunis à l'infirmerie que sur la glace jusqu'à présent.

Salzbourg se paie même le luxe de pouvoir doubler le gardien finlandais Atte Tolvanen - décisif dans l'obtention du titre - avec un des deux gardiens de l'équipe nationale David Kickert (qui a perdu la concurrence avec Bernhard Starkbaum à Vienne et ne l'a toujours pas supplanté en sélection). Doté d'une défense très physique et d'une grande profondeur offensive potentielle, le tenant du titre est le principal candidat à sa propre succession. Il a démontré ses compétences sur la scène européenne en se qualifiant pour les huitièmes de finale de CHL et en y poussant dans ses retranchements le champion sortant Rögle.

 

La veuve Heidi Goëss-Horten est décédée en juin à 81 ans, juste après l'ouverture du musée à son nom à Vienne. Une inauguration qui a aussi fait polémique quant à l'origine de sa fortune, issue de son premier mariage avec un Allemand qui fut membre du parti nazi et a bâti son entreprise de grands magasins en commençant par reprendre celui qui appartenait à ses patrons juifs exilés. La fondation qu'elle a créé a néanmoins continué de financer les travaux de rénovation complète de l'intérieur de la Stadthalle de Klagenfurt qui doit aussi perpétuer son nom. Le chantier ne fut pas sans inconvénient. Le KAC a dû commencer sa saison à l'extérieur et la retransmission télé du premier derby contre Villach car il manquait des câblages à cause des difficultés internationales d'approvisionnement.

Cela ne devrait normalement pas perturber une équipe solide dont le système de jeu présente peu de failles. Un système devenu presque plus important que les hommes, puisque même les cadres indéboulonnables ont été déboulonnés : le défenseur Martin Schumnig et les frères Geier n'ont pas eu de nouvelle proposition. Le club formateur préfère privilégier une nouvelle génération plus talentueuse emmenée par Lukas Haudum (photo), devenu un joueur dominant à seulement 25 ans comme l'a montré son très bon Mondial.

La volonté défensive devait même être consolidée par l'arrivée de Jesper Jensen Aabo, habitué à se sacrifier devant Sebastian Dahm, le même gardien qu'il côtoie en équipe nationale du Danemark. Plus surprenante était l'arrivée de Lucas Lessio, un buteur pas vraiment réputé en DEL pour son implication collective. Le KAC a de fait du talent offensif, surtout avec le joker Rihards Bukarts, désigné comme un des trois meilleurs joueurs de la Lettonie au dernier Mondial, mais il doit retrouver cette défense de fer qui fait normalement sa force.

 

À l'été 2021, les Vienna Capitals avaient subi un départ en masse de leurs joueurs viennois, déstabilisant la stratégie de formation du club. Mais cette année, ils ont réagi en recrutant de nombreux joueurs autrichiens : le défenseur international Nico Brunner mais aussi des attaquants formés dans la capitale (au WEV) comme Lukas Kainz et le revenant Rafael Rotter, sans doute moins cher après une saison ratée à Linz d'autant qu'il a débarqué lesté d'une suspension de 5 matches.

Vienne peut donc se permettre de n'utiliser que 8 des 10 places d'étrangers, et en particulier de n'en avoir plus que 2 en défense au lieu de 4. Le seul import conservé derrière est Alex Wall, un des meilleurs défenseurs de la ligue, deux autres ayant été recyclés en Ligue Magnus (Matt Prapavessis à Angers et Charlie Dodero à Rouen), mais il est un peu seul dans un profil offensif. Des renforts restent donc probables, et Vienne comme Salzbourg a gardé de la marge.

L'attaque est quant à elle bâtie de manière opposée à Salzbourg avec un premier trio très fort qui s'est très bien trouvé. Le centre canadien James Sheppard a trouvé une bonne alchimie avec ses ailiers Matt Bradley (arrivé en cours de saison dernière) et Max Zimmer, un Américain aux belles qualités de vitesse et de technique. Il faudra diversifier les atouts d'ici les play-offs en utilisant les deux jokers. L'entraîneur américain Dave Barr a prouvé qu'il savait faire et le club l'a convaincu de resigner même si femme est toujours retenue en Amérique pour raisons professionnelles. Cela fait six ans de suite que Vienne se qualifie en demi-finale, une constance remarquable ! Mais il faudrait dépasser la quatrième place qui empêche depuis deux ans de retourner en CHL.

 

Un temps menacée par d'autres clubs de son pays qui s'étaient inscrits en championnat slovaque, Fehérvár est redevenue la place forte du hockey sur glace en Hongrie. Atteindre la finale de la ligue autrichienne au printemps 2022 a constitué un sommet pour un club hongrois : l'entraîneur Kevin Constantine en a été récompensé en étant nommé aussi sélectionneur national.

Fehérvár a voulu tirer les leçons de sa finale perdue. Parmi les causes visibles, les mauvais buts encaissés par le gardien finlandais Rasmus Tirronen, pourtant auteur d'une bonne saison dans l'ensemble. On l'a donc remplacé par l'ex-portier de DEL Olivier Roy (Augsbourg), plutôt en difficulté ces dernières saisons en raison de blessures. L'autre raison de la défaite sans appel en finale est que les Hongrois ont été totalement éteints par le jeu rude de Salzbourg. Ils ont donc décidé cet été de devenir plus physiques avec des défenseurs qui aiment le contact (Andrew O'Brien) ou qui se font un devoir de faire patrouiller leur gros gabarit dans leur zone (Ben Betker).

Avec ses cinq changements dans son contingent étranger, l'équipe hongroise s'estimait donc au moins aussi forte. Quelle ne fut pas sa déception de ne plus arriver à gagner dans le temps réglementaire (5 fois seulement jusqu'à la trêve internationale). Deux des recrues estivales ont donc été virées à la faveur de la pause, Betker et l'attaquant Patrick Newell. Et cela va beaucup mieux sans eux ! Notamment parce que l'ancien ailier de Ligue Magnus Anze Kuralt, meilleur marqueur de l'équipe l'an passé aussi bien en saison régulière qu'en play-offs, était dans le doute et en semble sorti.

Le club est d'ailleurs bien inspiré de rester performant pour continuer à échapper au plan d'économies de la municipalité. Le Maire de Székesfehérvár a en effet déjà fermé deux piscines et le stade de football, en ne menaçant pas de pas le rouvrir en janvier pour une fédération qui veut chauffer les pleouses en pleine crise énergétique...

 

Pour la première fois depuis qu'il a intégré la ligue autrichienne, le HC Bolzano a raté les quarts de finale en 2022. Connaissant le tempérament sanguin du président italien - mais pas latin pour autant - Dieter Knoll, le remue-ménage a été terrible : 15 noveaux joueurs plus un nouvel entraîneur, Glen Hanlon. Mais confier à un coach de 65 ans à la réputation jaunie des hommes recrutés sur CV, n'est-ce pas prendre un risque ?

Tout le monde n'aurait pas parié sa chemise (même italienne) dessus, mais la mayonnaise a pris. Bolzano figure en haut du classement. Les deux ailiers étrangers conservés, Mike Halmo et Dustin Gazley, se sont bien adaptés à leur nouveau centre Brad McClure (bien que celui-ci ait joué précédemment à l'aile à Augsbourg). Les anciens joueurs de NHL puis de KHL Matt Frattin et Christian Thomas ne sont pas que des noms clinquants, ils sont performants avec le centre Mitch Hults (ex-TPS) à leur service pour créer le jeu.

Les Foxes ne font pas que s'appuyer sur les vétérans éprouvés en Europe. Ils ont aussi fait une trouvaille avec le gardien québécois de 24 ans Samuel Harvey (qui alternait entre AHL et ECHL), recruté comme numéro 1 car l'international italien Andreas Bernard a vu sa cote chuter pendant sa saison à Villach. Mais le plus impressionnant, c'est que les lignes arrières ont trouvé leur stabilité alors qu'elles ont été remplacées en totalité ! Le Néerlandais Mike Dalhuisen s'est imposé comme patron de cette défense physique où Ryan Culkin se distingue comme spécialiste du powerplay.

 

Après une belle qualification en demi-finale, Villach n'a pas pu rester sur la continuité et a enregistré par moins de douze départs à l'intersaison. Les deux meilleurs défenseurs Jamie Fraser et Brett Flemming ont pris leur retraite et le meilleur marqueur Scott Kosmachuk est parti en Finlande. Gêne supplémentaire, comme les joueurs non sélectionnables en équipe d'Autriche comptent dorénavant comme étrangers, Sebastian Zauner, qui a passé cinq ans de sa formation à Salzbourg mais n'a que la nationalité allemande, n'a pas pu être conservé, se recasant en DEL2. Le VSV a néanmoins largement compensé par les naturalisations du deuxième marqueur John Hughes (Canadien depuis dix ans dans le pays, marié à une Autrichienne) et de Dominik Grafenthin (ancien international junior allemand mais formé essentiellement en Autriche).

Le recrutement n'a pas lésiné sur les vétérans. Un des gardiens-vedettes de la ligue, J.P. Lamoureux, fait son retour six ans après, mais il a maintenant 38 ans et ne fait plus autant de miracles. Andrew Desjardins a passé cinq saisons chez les autres Adler, ceux de Mannheim, mais il est aujourd'hui âgé de 36 ans et ne score plus autant qu'autrefois, même s'il fait son travail défensivement et gagne les mises au jeu. Les supporters ont pu se montrer déçus. La campagne en CHL n'a pas été glorieuse : affaibli par une épidémie de gastro-entérite pour ses deux premiers déplacements, le VSV a terminé dernier de son groupe derrière les Polonais de Cracovie.

L'an dernier déjà, Villach avait plutôt démarré doucement. Même remaniée, l'équipe a gardé un peu le même visage, talentueuse offensivement mais pas toujours sûre défensivement. Elle a d'ailleurs semblé se résigner à conserver ce déséquilibre qu'elle voulait corriger puisque sa dernière place d'étranger a été accordée mi-octobre à Anthony Luciani, un petit ailier gauche droitier qui a une grande précision de passe mais est souvent en retard au repli défensif (il a fait carrière à plus d'un point par match dans des ligues comme l'Autriche mais n'a tenu que 8 parties et seulement 3 points cette saison au deuxième niveau suédois à Södertälje). Qu'importe, le VSV peut encore être dangereux grâce à son attaque emmenée par le trio Sabolic-Hughes-Collins et par l'ailier Alexander Rauchenwald en forme ascendante.

 

Le contrat de l'entraîneur Mitch O'Keefe avait déjà été prolongé par Innsbruck au cours de la saison dernière. Il s'est rendu indispensable dans le club tyrolien parce qu'il est capable de trouver de bons renforts étrangers avec des moyens limités à sa disposition. Il a encore bien recruté avec Adam Helewka (centre canadien d'AHL) et Brady Shaw (ailier américain de Fehervar au tir fulgurant). Son powerplay est toujours fort car il est bâti autour de ces étrangers, avec le slap de l'international danois Anders Krogsgaard comme atout.

O'Keefe a encore amélioré sa réputation avec une première moitié de championnat impressionnante qui a vu Innsbruck faire la course en tête. Jusqu'à quand ? Ce n'est pas la première fois que les Tyroliens partent fort, mais ils ne tenaient pas la distance parce qu'ils jouaient à trois lignes plus quelques présences symboliques pour le fond du banc. Cette année, les dirigeants ne se sont pas contentés de laisser le carnet de chèques à O'Keefe en pensant que les étrangers pouvaient faire tout seuls. Ils ont aussi engagé de jeunes Autrichiens capables de marquer comme Nico Feldner et Seena Peeters.

Il n'y a peut-être pas la même profondeur en défense et surtout dans les cages, où Tom McCollum, présent pour la troisième saison, semble se faitguer à la longue. Or, sa doublure René Swette est trop souvent blessée pour le soulager. Les adversaires principaux se renforcent progressivement au cours de la saison, alors que le HCI n'en a pas les moyens. L'hiver, avec son calendrier copieux comme de la cuisine montagnarde, sera donc le révélateur de ce qu'Innsbruck a vraiment dans l'estomac.

 

En renvoyant le manager Gregor Baumgartner au printemps dernier malgré un contrat en cours, le président Peter Nader a mis fin à la crise d'image qui secouait Linz. Baumgartner était vu comme le dernier représentant de ceux qui ont failli détruire le club. C'est une figure rassembleuse, Philipp Lukas, qui a été nommée avec la double casquette d'entraîneur et de directeur sportif. Il s'est tout de suite voulu prudent dans ses promesses : même s'il dispose d'un a priori favorable par son passé de joueur, il sait que le public mettra du temps à reprendre le chemin de la patinoire après deux saisons désastreuses. En outre, Lukas a peu de réseaux à l'étranger et le club lui a donc adjoint après coup Rick Nasheim pour sonder le marché international, en sachant que tous les étrangers étaient à remplacer.

Le recrutement n'est jamais une partie de plaisir. Le défenseur numéro 1 Victor Bartley est rentré dans son pays quatre jours avant le début du championnat, et son remplaçant Daine Todd (un vétéran qui a joué en KHL avec les Jokerit et dernièrement à Sheffield) n'a pas le même impact offensif. L'absence d'un vrai spécialiste pour le powerplay reste la principale faiblesse des Black Wings. Néanmoins, l'attaque a trouvé son centre numéro 1 avec l'international norvégien Michael Haga qui complète bien ses ailiers autrichiens, le pur buteur Brian Lebler et Stefan Gaffal. Et dans les cages, Rasmus Tirronen (ex-Fehérvár) ne peut que rassurer en succédant au catastrophique Jared Coreau.

L'avantage de Linz est aussi son réservoir, que Philipp Lukas connaît parfaitement. Il s'occupait en effet jusqu'ici de la réserve, les "Steel Wings" engagés en Alps Hockey League. Il y a développé sa philosophie de jeu fondée sur un patinage intensif et des sorties de zone rapides. Il la duplique chez les Black Wings, en faisant tourner quatre lignes à un tempo élevé. L'équipe-ferme peut fournir des joueurs à tout moment en cas de besoin, y compris des étrangers : le cas s'est présenté avec Marc-André Dorion, revenu de Rouen d'abord pour jouer avec les Steel Wings et finalement rappelé en équipe première lorsque le Tchèque à l'essai Jakub Kubes a été renvoyé. S'il ne se perd plus en déchirements internes, ce club avec des structures de base solides n'a donc plus rien à faire au fond du classement.

 

Malgré le faible succès du précédent coach Jens Gustafsson, Graz a encore choisi un entraîneur suédois. Johan Pennerborn a été viré de Färjestad le 25 février dernier après presque cinq ans aux commandes de ce club prestigieux. Ce fut donc d'autant plus frustrant quand son équipe est devenue championne de Suède sans lui dix semaines plus tard. Même si le FBK reste aujourd'hui le dernier des Mohicans à pratiquer une philosophie résolue de forechecking dans une SHL où la mode défensive se réinstalle, le système de Pennerborn était quand même critiqué comme trop laxiste. L'obsession tactique est moins présente en Autriche, ce qui pourrait lui convenir.

L'entraîneur qui aime donner de la liberté d'action à ses hommes doit néanmoins s'adapter à un effectif au talent plus limité. Lukas Kainz et Dominik Grafenthin, les deux principaux atouts offensifs autrichiens, se sont envolés cet été. Et parmi les étrangers de la saison passée, il n'en reste que quatre : l'indispensable gardien arrivé en décembre 2021 Christian Engstrand (qui couvre bien son filet avec une parfaite gestion des angles), le défenseur Michael Boivin (qui a dû être aligné au centre en raison des absences !), l'attaquant Mike Zalewski (souvent blessé) et enfin l'international slovène Ken Ograjensek, qui a lui même manqué les deux premiers mois pour cause de blessure.

Graz a été à la pointe de la "mode norvégienne" en recrutant deux ailiers de ce pays : Viktor Granholm s'est imposé en tant que buteur comme dans le championnat de Norvège, mais l'international Tobias Fladeby, réputé plus complet, a été ralenti par une blessure. Les 99ers n'ont décidément pas été épargnés par les soucis de santé avec jusqu'à quatre étrangers absents en même temps. Mais cette équipe équipe expérimentée a su surmonter les absences. Au complet, et avec en plus le joker de novembre Andrew Yogan (récent champion de Slovaquie avec le Slovan Bratislava et toujours au-dessus d'un point par match dans ses quatre saisons antérieures en ligue autrichienne), elle doit donc être capable d'atterrir en milieu de tableau. Et même de surprendre en play-offs comme Färjestad ?.

 

L'Olimpija Ljubljana a perdu cette saison ses deux joueurs-clés. Le Français Guillaume Leclerc, qui était de loin le meilleur marqueur de l'équipe, est prti en Suède à Östersund pour se confronter à un autre hockey et à un autre défi, dans une forte culture tactique cette fois. Le défenseur offensif canadien Sébastien Piché a été recruté par le club britannique de Sheffield.

Quand le budget ne permet de recruter que cinq étrangers, il faut qu'ils puissent tirer l'équipe vers le haut. Cam Neill a assez d'expérience pour tenir la ligne bleue en jeu de puissance, mais les jeunes attaquants de NCAA (Chris Dodero) et d'ECHL (Joseph Garreffa) ne peuvent approcher l'apport offensif d'un Leclerc. Le contingent slovène reste pour sa part d'un niveau comparable : Blaž Tomaževič s'est suffisamment mis en valeur l'an passé pour taper dans l'œil de Villach, mais Rok Kapel, arrivé en janvier dernier, compense en devenant un meneur offensif qui pourrait s'imposer en équipe de Slovénie.

Les performances du gardien Žan Us étaient peut-être en sur-régime l'an passé, le gardien slovène peine en tout cas à les répéter cette saison. Son concurrent venu de Mulhouse, Anthony Morrone, n'a pas forcément un potentiel supérieur. Après une "année du retour" anormalement réussie, bien au-dessus des possibilités du club, l'Olimpija ne tutoie donc plus les sommets. Invités en CHL, les champions de Slovénie ont découvert un niveau trop élevé pour eux. En championnat, les hommes de Mitja Šivic sont juste à leur vraie place et doivent se satisfaire d'atteindre les pré-playoffs face à des concurrents financièrement mieux armés.

 

L'entraîneur italien le plus respecté, Stefan Mair, a signé cet été un contrat de trois ans avec Val Pusteria (Pustertal en allemand). Pourtant, il n'a tenu que 9 matches avant de se faire virer, plus tôt encore que Luciano Basile l'an passé (16 matches), qui n'a donc pas à rougir. Avec pour seule explication que "les objectifs ne pourraient pas être atteints", ni le club ni le coach ne se sont exprimés sur les raisons de cette séparation. L'Autrichien Phil Horsky, que Mair avait choisi comme adjoint, se retrouve donc aux commandes dans "son" championnat, après avoir fait ses classes d'entraîneur en Suède.

Les fameux "objectifs" vont devoir être revus à la baisse à Brunico. Cinquièmes la saison passée, les Wölfe étaient devenus le meilleur club italien et rêvaient de devancer de nouveau la référence Bolzano, mais le rival est aujourd'hui très loin devant. La seule cible valable pour Pustertal est donc d'accrocher la dixième place et donc les pré-playoffs, mais ce n'est même pas garanti. Le contingent italien n'a pourtant perdu qu'un joueur de second plan, le jeune Stephan DeLuca, censé être avantageusement remplacé par Daniel Catenacci (l'ex-international U18 canadien est statutairement italien après quatre ans dans le pays), mais celui-ci est bien moins performant qu'à Bolzano.

Le recrutement s'est planté dans les grandes largeurs. Olivier Archambault, un ailier technique et percutant, est le seul étranger vraiment régulier. Le plus gros échec a été le recrutement de petits gabarits à l'arrière. L'international danois Morten Jensen, qui devait devenir le défenseur offensif n°1, et Ben Newhouse, un pari venu de NCAA, se sont révélés trop légers pour le rude championnat autrichien et ont été renvoyés après respectivement 2 et 3 mois. À leur place, on a réactivé le vétéran de 36 ans Nick Plastino (un ancien d'Asiago et de Bolzano).

 

Tom Barrasso est arrivé en décembre 2021 à Asiago parce que le projet ICE HL était en bonne voie. Le niveau inférieur n'enthousiasmait guère l'ancien gardien double vainqueur de Coupe Stanley avec Pittsburgh, où il a aussi été de 1997 à 1999 l'entraîneur adjoint de Kevin Constantine (qu'il croise de nouveau dans la ligue autrichienne) : "En Alps Hockey League ce sont des gamins qui jouent, ici ce sont des hommes. Quand tu vois la taille et la vitesse des joueurs, tu vois la différence."

La marche est rendue d'autant plus haute que deux internationaux sont partis au passage chez le concurrent Bolzano, qui avait été échaudé l'an passé et n'allait plus laisser un "petit nouveau" italien lui tailler des croupières. La profondeur de banc peut donc en pâtir. L'élévation de niveau d'Asiago s'est donc faite essentiellement sur les étrangers : 3 en Alps HL, 10 maintenant. Les Italiens étaient même les seuls à en avoir 11 sous contrat et à devoir pratiquer une rotation : c'est parce qu'ils ont été piégés par le changement de règlement. Marek Vantus est un "joueur formé localement" (recruté à 16 ans dans cette optique) mais il est 100% slovaque et donc pas sélectionnable en équipe d'Italie. Surnuméraire, il est finalement retourné dans son pays fin novembre.

A contrario, la plupart des étrangers ne le seront bientôt plus. Si Asiago a fédéré autour du projet de rejoindre l'ICE HL, c'est pour devenir la "plateforme de naturalisation" de l'équipe d'Italie pour les Jeux olympiques 2026 de Milan et Cortina, imitant l'exemple chinois. Les deux ailiers Anthony Salinitri et Giordano Finoro, qui forment la meilleure ligne avec le centre aux passes intelligentes Allan McShane, étaient déjà présents l'an dernier et deviendront sélectionnables en équipe d'Italie dès 2023. D'autres recrutés cette année comme le défenseur offensif Randy Gazzola et l'ailier américain percutant dans le slot Nick Saracino le seront un an plus tard. Asiago, qui vise aussi la Coupe Continentale, est donc un prototype miniature d'une Italie olympique... qui ne s'annonce peut-être pas si sereine dans les cages. Les gardiens Gianluca Vallini et Justin Fazio (ex-deuxième gardien de Bolzano) ne donnent en effet pas toutes les assurances.

 

Après avoir vu leur dossier refusé en 2021, les dirigeants de Feldkirch ont voulu mettre toutes les chances de leur côté pour être acceptés. Ils se sont donc présentés cette fois sous l'étiquette "Team Voralberg", une coopération entre les clubs de ce Land situé à l'extrême ouest du pays, et fusionner avec le voisin Dornbirn au lieu d'entrer en concurrence avec lui. Sauf que, cinq jours après l'annonce, Dornbirn s'est retiré à la fois de la ligue et du projet après en raison de la perte de son sponsor Rauch. Feldkirch a donc pu prendre la place vacante, mais tout seul.

Les "Voralberg Pioneers" (est-ce un plagiat de Chamonix de vouloir accoler le terme de Pionniers à tout concept mort-né de fusion ?) ont en pratique les mêmes dirigeants que l'ancien VEU Feldkirch, mais ils ont créé une nouvelle structure. Objectif théorique : adopter un nom qui puisse fédérer tout le Voralberg. Mais les supporters locaux restent attachés à la tradition du club et certains préfèrent même suivre le VEU Feldkirch qui poursuit son existence sous son nom dans la (très faible) troisième division. Ils font remarquer que les initiales VEU - auxquelles ils tiennent - signifiaient "Voralberger Eishockey Union" (Union du Hockey sur glace du Voralberg). Il n'y avait donc pas besoin de jeter l'identité du club pour s'afficher comme porte-étendard régional. Se mettre à dos les partisans les plus fidèles n'est pas la meilleure manière de commencer une nouvelle aventure (théorème des Jokerit).

Conscients de leurs limites, les dirigeants ont été plus pragmatiques dans le projet sportif. Ils ont privilégié le choix de l'entraîneur, Marc Habscheid (59 ans), ex-coach du Canada qui a passé l'essentiel de sa carrière dans la ligue junior la plus exigeante, la WHL. Il a donc recruté des anciens de WHL passés par des universités canadiennes, source de recrutement bon marché inhabituelle en Autriche, en plus de joueurs de NCAA. Le recrutement d'universitaires encore célibataires permet de les loger dans des petites surfaces, car les prix de l'immobilier - du fait de la frontière suisse toute proche - sont très chers au Voralberg (encore un autre point commun avec les Pionniers de Chamonix ?).

Le recrutement d'Autrichiens éprouvés à haut niveau est un défi pour tout nouvel arrivant puisqu'ils sont souvent déjà sous contrat. En plus de récupérer logiquement des joueurs de Dornbirn, la nouvelle équipe de Voralberg a fait revenir deux internationaux originaires de la région : le défenseur Alexander Pallestrang (nommé capitaine) et l'ailier défensif spécialisé dans les tirs bloqués Patrick Spannring, revenu de deuxième division suisse (Thurgovie). Mais le meilleur élément du début de saison est un joueur présent à Feldkirch depuis six saisons : le gardien Alex Caffi, oublié depuis quatre ans par l'équipe d'Italie qui ne jure que par les Canadiens à ce poste...

 

Marc Branchu

 

 

Retour à la rubrique articles