Suisse - Suède (7 mars 1953)

 

Match comptant pour les Championnats du monde 1953.

L'entraîneur de la Suisse renie ses principes

Dans cette première compétition internationale mélangeant une patinoire couverte et des glaces à l'air libre, la Suède jouera ses adversaires une fois à l'extérieur et une fois à l'intérieur. Si elle est championne, elle pourra dire qu'elle l'aura été sur tous les tableaux. Les Scandinaves ont été la meilleure équipe européenne aussi bien en salle (au Vel d'Hiv de Paris en 1951) qu'en plein air (aux JO d'Oslo 1952). Même si elle est habituée au grand air frais, il est donc peu probable que le Hallenstadion quasi-plein de Zurich la désarçonne. Les spectateurs sont toutefois bien plus bruyants ici, agitant les clochettes de vaches et scandant un "Hopp Schwyz" à pleins poumons à la fin de l'hymne national puis à chaque reprise du jeu. En tout cas, ce fair-play se vérifie sur la glace : aucune pénalité ne sera sifflée dans ce match d'ouverture à Zurich !

Tactiquement avisée, la Suède lance sa deuxième ligne au début de match afin que ses meilleurs joueurs se retrouvent face au deuxième bloc suisse lors des premiers changements de joueurs après trois minutes. C'est lors du second changement volant (Handschin fait son retour sur la glace à la place de Schütz) que la défense rouge est désorganisée. Le capitaine Åke Andersson vient alors s'emparer du palet que le gardien Bänninger a faiblement repoussé face à Sven "Tumba" Johansson (0-1). Les rouges attaquent de manière régulière, ils défendent aussi avec vigueur à l'instar de cette mise en échec d'Otto Schubiger qui laisse un temps Stig Carlsson sur la glace pour reprendre son souffle. Les dribbles répétés d'Uli Poltera sont souvent vains parce que les passes suisses sont souvent interceptées et que les tirs sont contrés. Mais au quart d'heure de jeu, Uli est parfaitement démarqué par un service de son frère Gebi (1-1).

Les joueurs aux trois couronnes démontrent leur profondeur de banc car c'est leur troisième ligne qui fait la différence. Stig Andersson se jette tout d'abord courageusement dans la trajectoire de Trepp. Mais lorsque celui-ci quitte la glace (après une passe dangereuse manquée d'un cheveu par Schläpfer et Gebi Poltera), les jumeaux Andersson - "Tvilling" - déroutent la deuxième ligne helvétique et le défenseur Åke Andersson se connecte de nouveau à l'offensive pour fixer Bänninger à droite de son but et décaler Gösta Johansson avec la cage ouverte (1-2). C'est un joueur de Zurich qui a marqué, mais cela ne réjouit pas le public local car il porte un maillot bleu !

Pas toujours aidé par sa défense, Hans Bänninger ne peut s'en prendre qu'à lui-même sur le troisième but, un tir anodin qui roule par-dessus son épaule (1-3). La réaction est immédiate. Une passe de la zone neutre de Dürst est contrôlée du patin et convertie d'un tir du revers par Otto Schubiger, le seul à rivaliser ce soir avec la vitesse scandinave (2-3). Mais les Suédois appuient de plus en plus et un lancer lointain de Sven "Tumba" Johansson finit par passer sous Bänninger (2-4). On a dépassé la mi-match et la Suisse n'a déjà plus de forces. Sven Johansson est laissé seul sur le but suivant (2-5).

La lucidité a disparu dans les choix offensifs de la ligne de Trepp - qui semble déjà cramée - tout comme dans le positionnement défensif de l'équipe helvétique. Trois joueurs suivent Göte Blomqvist qui décale alors Erik Johansson tout seul sur la gauche pour une reprise directe (2-6). Dans la foulée, la passe de "Tumba" est déviée contre son camp par la jambe du pauvre Gebi Poltera (2-7). Rien ne va plus et Otto Schläpfer n'arrive pas à marquer à un mètre de distance juste avant la pause.

On a entendu les tribunes réclamer le jeune Wehrli, souhaitant du sang frais. L'entraîneur canadien Frank Sullivan va leur donner raison... en reniant ses propres principes. Il avait pourtant argumenté qu'il est impossible d'adapter le trio de Trepp et des frères Poltera à une rotation à trois lignes parce qu'ils sont habitués à un énorme temps de glace dans leur club d'Arosa et qu'à leur âge ils ne peuvent plus adopter un rythme de jeu supérieur - nécessitant un repos sur le banc.

L'argument est jeté à la poubelle après le huitième but suédois, marqué par Blomqvist sur un palet reçu d'un joueur suisse. La troisième ligne apparaît sur la glace et joue avec beaucoup de tempérament et de volonté. Wehrli et Blank marquent de près leurs adversaires directs pour gêner leurs mouvements, même s'ils ne peuvent pas s'imposer physiquement à cause de leurs poids légers. Face à cette énergie juvénile, la Suède adopte alors un jeu plus prudent et se contente de gérer son avance en se préservant pour la suite du tournoi. Sven Johansson ajoute un ultime but à la dernière minute sur une action individuelle.

La Suède confirme son statut de favorite. Elle peut compter sur la précision des tirs de "Tumba" et sur son pilier défensif Åke Andersson, toujours impressionnant de vitesse à bientôt 35 ans. La Suisse devra mieux affirmer ces choix stratégiques.

Marc Branchu

Suisse - Suède 2-9 (1-2, 1-5, 0-2)
Samedi 7 mars 1953 à 20h30 au Hallenstadion de Zurich. 13 500 spectateurs.
Arbitres : Willem Dwars et Ladislav Tencza
Pénalités : Suisse 0', Suède 0'.

Évolution du score :
0-1 à 07' : Å. Andersson assisté de S. Johansson
1-1 à 15' : U. Poltera assisté de G. Poltera
1-2 à 19' : G. Johansson assisté de S. Andersson
1-3 à 23' : Öberg
2-3 à 25' : Schubiger assisté de Dürst
2-4 à 31' : S. Johansson
2-5 à 33' : Öberg assisté de S. Johansson
2-6 à 37' : E. Johansson assisté de Blomqvist
2-7 à 37' : S. Johansson
2-8 à 47' : Blomqvist
2-9 à 59' : S. Johansson
 

Suisse

Attaquants :
Gebi Poltera (C) - Uli Poltera - Hansmartin Trepp
Walter Dürst - Otto Schläpfer - Otto Schubiger
puis à 47' Gian Bazzi - Michel Wehrli - Francis Blank

Défenseurs :
Ruedi Keller - Emil Handschin
Silvio Rossi - Armin Schütz

Gardien :
Hans Bänninger

Remplaçant : Martin Riesen (G). En réserve : Oscar Mudry (D).

Suède

Attaquants :
Rolf Pettersson - Sven "Tumba" Johansson - Hans Öberg
Göte Blomqvist - Stig Carlsson - Erik Johansson
Hans Andersson-Tvilling - Gösta Johansson - Stig Andersson-Tvilling

Défenseurs :
Åke Andersson (C) - Rune Johansson
Sven Thunman - Göte Almqvist

Gardien :
Hans Isaksson

Remplaçant : Thord Flodqvist (G). En réserve : Lars Björn (D, enrhumé), Sigurd Bröms (A).

 

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