Championnats du monde 1953
L'année précédente aux Jeux olympiques, révolté par le jeu dur des joueurs nord-américains, le président suisse de la fédération internationale, Fritz Kraatz, aurait déclaré : "Nous ne voulons plus voir les Canadiens et les Américains". Les fédérations concernées, le Canada et les États-Unis, l'ont pris au mot puisqu'elles ont renoncé à se rendre aux championnats du monde en Suisse. Les organisateurs suisses ont dit avoir dénoncé le mauvais comportement de certains joueurs américains sur et en dehors de la glace, mais n'avoir pas eu de problème avec les Canadiens, que visait surtout la presse nordique.
En conséquence, seules quatre nations sont engagées dans le groupe A. Les Soviétiques se préparent face à la Norvège mais ne sont toujours pas décidés à entrer en piste. Ils sont pourtant meilleurs individuellement en tout point que les autres nations européennes, ce que confirment les hockeyeurs tchèques qui se sont rendus à Moscou. Sept délégués russes sont accrédités aux championnats du monde... comme observateurs ! Le chef de délégation Pavel Korotkov livre l'explication officielle au journal allemand Die Welt : "Il manque à nos joueurs l'expérience internationale. Nous jouons au hockey sur glace depuis seulement sept ans, nous avons appris le jeu de façon autodidacte sans entraîneur étranger. Même si nous penserons que notre équipe peut remporter le championnat du monde et qu'elle n'a pas à craindre les Canadiens non plus, il y a beaucoup de facteurs imprévisibles dans un tel tournoi, surtout d'un point de vue nerveux. Regardez les Tchèques : ils sont meilleurs que les Suédois et ils ont quand même perdu ! Nous voulons épargner de telles défaites imméritées à notre équipe."
Le premier match listé pour chaque journée a lieu à Zurich, le second à Bâle.
7 mars Suisse - Suède 2-9 (1-2,1-5,0-2) Tchécoslovaquie - Allemagne de l'Ouest 11-2 (4-1,5-0,2-1) 8 mars Allemagne de l'Ouest - Suède 6-8 (1-4,3-3,2-1) Suisse - Tchécoslovaquie 4-9 (0-4,1-3,3-2) 10 mars Allemagne de l'Ouest - Suisse 2-3 (0-1,2-1,0-1) Tchécoslovaquie - Suède 3-5 (1-5,1-0,1-0) 12 mars Allemagne de l'Ouest - Tchécoslovaquie 4-9 (2-4,1-2,1-3) Suède - Suisse 9-1 (5-1,1-0,3-0) 13 mars Suède - Allemagne de l'Ouest 12-2 (2-0,5-1,5-1) Suisse - Tchécoslovaquie : prévu le 14 mars à Zurich mais annulé 15 mars Tchécoslovaquie - Suède : annulé Suisse - Allemagne de l'Ouest 3-7 (2-4,0-1,1-2)
Classement (4 matches)
Pts V N D BP-BC Diff 1 Suède 8 4 0 0 38-11 +27 2 RFA 2 1 0 3 17-26 -9 3 Suisse 2 1 0 3 9-27 -18 4 Tchécoslovaquie déclassée
Même si la Tchécoslovaquie a perdu le premier match face à la Suède, tout reste possible si elle prend sa revanche le dernier jour. Comme le règlement du tournoi prévoit que le titre mondial ne peut pas se jouer à la différence de buts, il y aurait alors un match d'appui. Le scénario est jugé assez probable pour que le Congrès LIHG vote pour savoir si les organisateurs suisses devront reverser une partie des recettes de ce match supplémentaire imprévu, motion défendue par la Grande-Bretagne mais repoussée par 21 voix à 16. Mais au lieu d'un match en plus... il y aura un match en moins !
Dans un étrange pied-de-nez du destin, le président tchécoslovaque Klement Gottwald est tombé malade en assistant dans le froid glacial à l'enterrement de Staline (mort deux jours avant le début du championnat du monde). Gottwald en meurt et le ministre des sports, le général Janda, ordonne à l'équipe de rentrer au pays en signe de deuil. Les billets du vol retour vers Prague sont commandés pour dimanche à la Swissair avant même que la nouvelle de la mort de Gottwald ne soit rendue publique au peuple tchécoslovaque par la radio (samedi 14 mars à 14h).
Le président de la LIHG Fritz Kraatz essaie de négocier, il avance deux contre-propositions : 1) Avancer le match décisif Tchécoslovaquie-Suède au samedi soir avant que la délégation ne reparte, et payer un autre voyage pour que les Tchécoslovaques rencontrent la Suisse plus tard ; 2) Jouer le match contre la Suisse et rejouer la Suède plus tard, à Zurich voire à Prague. Le chef de la délégation Václav Pleskot dit non à tout et explique à la presse : "Vous devez comprendre que le décès de notre Président nous émeut très fort. Cela n'a rien à voir avec le fonctionnement de votre pays. Gottwald était le dirigeant d'une Démocratie populaire, notre libérateur [sic]. Sa mort nous choque - comme on dit dans la chanson des camarades - comme si on nous avait enlevé un morceau de nous-mêmes."
Un match amical de remplacement Suisse-Suède est improvisé pour ne pas planter les spectateurs qui ont payé leur billet du samedi soir. Tous les matches de la Tchécoslovaquie sont annulés. La Suède devient championne du monde pour la première fois sans vraiment combattre.
La veille de la mort de Gottwald, la presse suisse rapportait déjà une crise au sein de la délégation tchécoslovaque car certains hockeyeurs avaient eu des contacts avec leurs anciens coéquipiers exilés (dont l'ancienne vedette Vladimir Zabrodsky). Il était déjà question de retirer l'équipe, mais seuls les joueurs "fautifs" devaient finalement être punis...
L'Allemagne de l'Ouest récupère une médaille d'argent absolument inespérée. Et dire que le Tagesspiegel de Berlin avait écrit après le dernier match de préparation lourdement perdu contre la Suisse : "Le hockey allemand serait peut-être juste assez fort pour se vanter de gagner le tournoi junior comme il est appelé. Dommage que la fédération allemande de patinage (DEV) n'ait pas eu cette révélation." Heureusement qu'il n'a pas été écouté, sinon la DEV (la fédération allemande de patinage) se serait privée de sa meilleure place de l'histoire. Elle a réagi différemment aux échecs en préparation puisqu'elle avait licencié l'entraîneur canadien Joe Aitken, remplacé par le directeur technique Bruno Leinweber. Le Tagesspiegel ne fera pas son mea culpa mais restera assez critique : "Personne ne peut voir maintenant l'Allemagne comme la deuxième meilleure nation de hockey du monde. Mais peut-être que cette deuxième place du hockey allemand sera un aiguillon pour poursuivre le travail." Quant à la Suisse organisatrice, malgré sa dernière place, elle peut se targuer d'une médaille de bronze !
"Tournoi junior" (futur groupe B)
La Belgique déclare forfait parce que le tournoi lui paraît trop long pour que ses joueurs obtiennent un congé professionnel. Elle considère que le tournoi junior devrait se dérouler dans un lieu différent du tournoi principal pour être raccourci. La Pologne déclare forfait après la blessure de ses deux gardiens et de son meilleur défenseur. Les organisateurs complètent le championnat avec l'équipe B de Suisse.
7 mars Autriche - Italie 5-9 (1-3,3-4,1-2) [à Zurich] Suisse B - Grande-Bretagne 1-3 (1-0,0-1,0-2) [à Bâle] 8 mars Autriche - Pays-Bas 5-3 (2-0,2-3,1-0) [à Bâle] Suisse B - France 7-1 (4-1,1-0,2-0) [à Zurich] 10 mars Grande-Bretagne - Pays-Bas 8-4 (4-2,1-2,3-0) [à Zurich] 11 mars Autriche - France 8-1 (2-1,2-0,4-0) [à Zurich] Suisse B - Italie 1-2 (1-0,0-0,0-2) [à Zurich] 12 mars Italie - Pays-Bas 7-0 (4-0,1-0,2-0) [à Zurich] Grande-Bretagne - France 8-3 (3-0,3-1,2-2) [à Bâle] 13 mars Autriche - Grande-Bretagne 0-3 (0-1,0-1,0-1) [à Bâle] Suisse B - Pays-Bas 7-5 (1-1,5-2,1-2) [à Bâle] 14 mars Italie - France 5-2 (2-1,1-0,2-1) [à Bâle] Suisse B - Autriche 8-2 (2-0,1-1,5-1) [à Bâle] 15 mars Pays-Bas - France 8-3 (4-1,2-1,2-1) [à Bâle] Grande-Bretagne - Italie 2-3 (0-3,0-0,2-0) [à Zurich]
Classement (5 matches)
Pts V N D BP-BC Diff 1 Italie 10 5 0 0 26-10 +16 2 Grande-Bretagne 8 4 0 1 24-11 +13 Suisse B* 6 3 0 2 24-13 +11 3 Autriche 4 2 0 3 20-24 -4 4 Pays-Bas 2 1 0 4 20-30 -10 5 France 0 0 0 5 10-36 -26
* hors compétition
Les précédents championnats du monde "seuls" (1951)
Les Jeux Olympiques 1952 (qui comptent également comme championnats du monde)
Les championnats du monde suivants (1954)