Suisse - Allemagne (15 mars 1953)

 

Match comptant pour les Championnats du monde 1953.

À chacun sa médaille

Petite déception : la patinoire de Bâle n'accueille "que" 10 000 spectateurs et n'est même plus pleine pour ce dernier match qui attribuera la deuxième place du championnat du monde, ce qui serait la meilleure de l'histoire tant pour l'Allemagne que pour la Suisse. Bien sûr, cette place est faussée par les circonstances spéciales et le départ soudain de la Tchécoslovaquie en cours de tournoi, mais c'est aussi une occasion unique. Peut-être que les évènements ont eu raison de l'intérêt d'une partie du public, ou que la curiosité du début de compétition s'est un peu dissipée, ou que les Bâlois sont lassés des défaites (c'est à Zurich que la Suisse a gagné le match "aller" contre les Allemands). L'annulation des résultats face aux Tchèques est en tout cas une bonne affaire pour l'Allemagne, qui a maintenant une meilleure différence de buts et doit donc gagner sans se préoccuper du score. L'ambiance reste très bonne et le public applaudit Walter Dürst qui reçoit un plateau et des fleurs pour avoir atteint le cap des 50 sélections. Le joueur de Davos a annoncé avant le match qu'il souhaiterait en rester là : partira-t-il sur un succès ?

Le match ne peut pas mieux débuter. Une passe de l'Allemand Fritz Poitsch reste dans les filets latéraux. Uli Poltera se saisit du palet, repique devant la cage et marque... après 10 secondes de jeu ! Les Allemands, aujourd'hui en tenue jaune après avoir joué en rouge (face aux Suédois en bleu) ou en vert, auraient de quoi en faire une jaunisse ! Ils vont vite reprendre des couleurs. Juste après le premier changement de lignes, le gardien Martin Riesen pare maladroitement un lancer de la ligne bleue de Bruno Guttowski, si bien que le palet roule derrière lui dans les filets. La Suisse ne se laisse pas désarçonner et Hansmartin Trepp lui redonne l'avantage en feintant joliment le gardien après avoir reçu une passe transversale d'Uli Poltera.

C'est après onze minutes de jeu que survient l'incident qui change le déroulement de la soirée. Trepp déborde sur l'aile gauche, poussé par un Allemand, et tombe la tête la première dans la bande. L'attaquant-vedette d'Arosa doit être pour quitter la glace et souffre d'une légère commotion cérébrale. Sur la glace, ses coéquipiers sont tout autant sous le choc. Le coach canadien Frank Sullivan aussi qui essaiera diverses solutions aux côtés des frères Poltera (Wehrli, Bazzi, Handschin, Schubiger...). Blank essaie de partir en breakaway, mais Jansen repousse son tir vers l'avant et la contre-attaque est immédiate, à 2 contre 1. Le défenseur honoré Walter Dürst se jette en désespoir mais Xaver Uninn le contourne et égalise. Deux minutes plus tard, Schläpfer perd le palet en dribblant en zone neutre et Toni Biersack lance Markus Egen d'une passe tendue. Riesen repousse le premier tir mais Egen place le rebond. Dans la foulée, le buteur se fait passeur et centre pour le 2-4 de Dieter Nieß. La deuxième ligne suisse est hors sujet avec un jeu confus, comme si les changements lui avaient fait perdre ses répères à son tour. En défaut au repli défensif, Francis Blank est laissé sur le banc pour la suite, remplacé par Oscar Mudry qui débute dans ce tournoi (après avoir été testé lors du match amical de substitution face à la Suède hier soir).

Les tentatives de Handschin et Gebi Poltera avant la pause avaient donné le ton. La Suisse élève le tempo à la reprise, mais elle est désorganisée collectivement. Les tentatives individuelles ne sont pas couronnées par manque de précision, à l'instar de l'échappée individuelle de Schläpfer dont le tir échoue dans le petit filet. Gian Bazzi - qui substitue Trepp - reçoit une passe de Gebi Poltera, efface son vis-à-vis et sert Uli devant la cage, mais il manque encore le dernier geste. Son frère Gebi aussi tire au-dessus. Ulli Jansen fait de superbes arrêts sur des actions chaudes. Mudry n'arrive pas à réceptionner la passe de Schubiger devant le but, Wehrli tire aussi à côté... Tous les attaquants suisses ont échoué et l'Allemagne leur donne une leçon d'efficacité : un revers de Guggemos entre dans la lucarne opposée de Riessen, masqué par des coéquipiers, et l'écart se creuse pour les jaunes sur leur seule occasion.

Guttowski ayant retenu la crosse de Gebi Poltera juste avant la pause, la Suisse commence la troisième période à 5 contre 4... et c'est Biersack qui part seul en contre pour le 2-6. Les Allemands se succèdent en prison : Bierschel inflige un cross-check à Uli Poltera avec la crosse puis Guggemos charge Handschin avec le coude dans la bande. Mais le seul but suisse en supériorité numérique est marqué du patin par Schütz, et il est donc annulé. Les deux équipes réduisent leur rotation : le coach Frank Sullivan n'utilise plus Wehrli - pour le punir lui aussi de ses erreurs - tandis que Bruno Leinweber ne fait plus tourner que quatre attaquants. Les Allemands sont toujours seuls à remplir la feuille de match dans la section des buts (Egen sur passe de Nieß) et des pénalités (Beck qui a arrêté Uli Poltera genou contre genou). La Suisse, si peu concentrée qu'elle a joué de longues secondes à quatre sans s'en rendre compte, sauve l'honneur sur une reprise directe de Schläpfer, bien démarqué par Schubiger, mais il est bien trop tard.

Les Allemands sont vice-champions du monde, une place totalement inespérée qui récompense leur meilleure efficacité offensive mais aussi la persistance de leur engagement défensif : c'est très encourageant pour le pays qui organisera le Mondial 1955. La Suisse, qui avait remporté les cinq précédentes confrontations avec l'Allemagne au cours de la saison, a donc perdu la sixième, la plus importante. La médaille de bronze n'est pas en chocolat, mais elle est quand même un peu amère pour le pays organisateur, dont les joueurs ont été moins persévérants que les spectateurs... Un podium en finissant dernier, cela n'arrive pas tous les jours et n'arrivera jamais plus !

Marc Branchu

Commentaires d'après-match

Bruno Leinweber (entraîneur de l'Allemagne) : "C'était une belle conclusion à ces journées. Maintenant nous pouvons entrer dans le repos estival que nos joueurs ont honnêtement mérité. Peut-être aurions-nous pu obtenir ici ou là un meilleur résultat, mais dans l'ensemble le bilan est seulement positif."

 

Suisse - Allemagne 3-7 (2-4, 0-1, 1-2)
Dimanche 15 mars 1953 à 17h00 à la Kunsteisbahn Margarethen de Bâle. 10 000 spectateurs.
Arbitres : Gösta Ahlin et Axel Sandö
Pénalités : Suisse 0' (0', 0', 0') ; Allemagne 8' (0', 2', 6').

Évolution du score :
1-0 à 00' : U. Poltera
1-1 à 02' : Guttowski
2-1 à 06' : Trepp assisté de U. Poltera
2-2 à 11' : Unsinn
2-3 à 13' : Egen assisté de Biersack
2-4 à 13' : Niess assisté d'Egen
2-5 à 33' : Guggemos assisté de Poitsch
2-6 à 41' : Biersack assisté de Guggemos
2-7 à 53' : Egen assisté de Niess
3-7 à 58' : Schläpfer assisté de Schubiger
 

Suisse

Attaquants :
Gebi Poltera (C) - Uli Poltera - Hansmartin Trepp puis à 11' (surtout) Gian Bazzi
Francis Blank puis à 20' Oscar Mudry - Michel Wehrli - Otto Schubiger

Défenseurs :
Armin Schütz - Emil Handschin
Otto Schläpfer - Walter Dürst

Gardien :
Martin Riesen

Remplaçants : Hans Bänninger (G), Silvio Rossi (D). Absent : Ruedi Keller (luxation du poignet)

Allemagne

Attaquants :
Georg Guggemos (2') - Xaver Unsinn - Fritz Poitsch
Dieter Niess (C) - Markus Egen - Karl Enzler

Défenseurs :
Anton Biersack - Martin Beck (2')
Karl Bierschel (2') - Bruno Guttowski (C, 2')

Gardien :
Ulrich Jansen

Remplaçants : Alfred Hoffmann (G), Otto Brandenburg, Kurt Sepp, Hans Rampf (A). Absent : Walter Kremershof (fracture de la main).

 

Retour aux Mondiaux 1953