Dynamo / Eisbären Berlin
Localisation
: Berlin, capitale de l'Allemagne, et plus précisément Berlin-Est lors de la partition de la ville pendant la guerre froide.Nom du club
: SC Dynamo Berlin puis en 1992 EHC Eisbären BerlinFondation du club
: 1950 (SG Deutsche Volkspolizei) puis re-fondation en 1954.Couleurs
: blanc et rougePalmarès
: Champion d'Allemagne de l'Est 1966, 1967, 1968, 1976, 1977, 1978, 1979, 1980, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1988 (15 fois). Champion d'Allemagne 2005, 2006, 2008, 2009, 2011, 2012, 2013, 2021, 2022, 2024, 2025 (11 fois).Numéros retirés
: 11 (Sven Felski), 14 (Stefan Ustorf), 19 (Mark Beaufait), 20 (Denis Pederson), 24 (André Rankel), 26 (Florian Busch), 27 (Steve Walker), 72 (Rob Zepp)
La date de création de ce qui deviendra le grand club de Berlin est étroitement liée aux conditions de jeu dans la capitale allemande en ruines après la guerre. Après le dernier "championnat de guerre" 1944, et à l'exception de leurs patins, les hockeyeurs berlinois avaient déposé leur équipement et leurs crosses dans la cave avant de repartir au front. Ces crosses sont devenues des objets précieux, puisque c'est avec elle que certains jeunes joueurs pratiquent le hockey à l'hiver 1945 sur des surfaces gelées, en zigzaguant entre les décombres.
Fin 1945, ces survivants de la guerre amateurs de hockey se retrouvent dans un entrepôt frigorifique conçu pour entreposer de la viande sur la Schwarnweber Strasse, près de l'actuelle Hauptbahnhof (gare principale). Le lieu est disponible... pour la simple et bonne raison qu'il n'y a plus de viande ! Ils arrosent donc le sol d'eau pour former une glace. Tant pis s'il fait moins 10°C et si la surface de jeu carrée de 30 mètres sur 30 a des piliers !
Nés sous le signe du D
La situation change du tout au tout en 1950 avec la construction de la Werner-Seelenbinder-Halle : la première patinoire couverte reconstruite à Berlin arbore fièrement une banderole à la gloire du communisme pour faire savoir laquelle des nouvelles autorités a réussi cette performance. Chaque administration forme son équipe et la police passe une annonce dans sa revue interne pour recruter les 15 hockeyeurs de son premier club, la SG Volkspolizei. Le 27 mars 1953, cette équipe est rebaptisée SG Dynamo Berlin, juste avant le match de deuxième division contre Zwickau (7-7) auquel assiste le chef de l'État, Walter Ulbricht, parmi 6000 spectateurs. Les hockeyeurs sont ainsi les tout premiers sportifs du pays à arborer le logo frappé du "D" qui marque le club sportif de la Sécurité d'État (Staatsichereit, abrégée en Stasi).
Aussitôt fondée, aussitôt dissoute. Cette SG Dynamo est éphémère et n'existe que quelques semaines. Hormis les meilleurs hockeyeurs sont envoyés dans l'équipe championne du pays, Weißwasser, rebaptisée Dynamo. Mais un an plus tard, un SC Dynamo Berlin est de nouveau fondé. Il gagne toutes ses rencontres la première année (1954/55)... mais aucune montée n'est prévue à cause de la réduction de l'élite. Au contraire, après une saison moyenne, ils sont repêchés l'année suivante en raison d'un nouvel élargissement du championnat.
En plus de l'unique patinoire de Berlin-Est partagée entre tous les clubs, le Dynamo part plein sud l'hiver pour s'entraîner à Geising, petite ville des Monts Métallifères (Erzgebirge) qui marquent la frontière tchèque. La patinoire naturelle qui y existe depuis deux décennies est un lieu important des sports de glace, dont seront issus plusieurs patineurs médaillés (en vitesse et en artistique). Ce village de 2000 habitants fournit en fait la moitié de l'équipe du Dynamo Berlin.
En 1957, le Dynamo fait revenir l'international Hans Frenzel - un ancien de la SG Volkspolizei - et lui confie la responsabilité d'entraîneur-joueur. L'effet n'est pas tout de suite spectaculaire la première saison puisque le club reste à la quatrième place. Le Dynamo devient vraiment le club-phare de la capitale en 1958/59 quand il récupère les meilleurs joueurs du SC Einheit en leur proposant de meilleures conditions financières (via des emplois qui sont de relatives planques dans une maison de repos des employés de la Stasi) : Bernd Hiller, Werner Künstler et surtout le très grand - 1m93 - Joachim Ziesche, qui devient déjà le buteur numéro 1 du championnat à 19 ans. À l'été 1958, il a aussi engagé un entraîneur qui aura bientôt une grande renommée, Vladimir Bouzek, qui améliore la condition physique des joueurs en mettant en place une préparation estivale intense "à la tchèque".
Les conditions d'entraînement s'améliorent aussi parce que le Dynamo dispose de sa propre patinoire. Le quartier de Höhenschönhausen n'abrite pas seulement la prison centrale de la Sûreté de l'État, construite en 1945 par la police politique soviétique puis transférée à sa petite soeur est-allemande (la Stasi), un lieu de tortures qui n'apparaît pas sur les cartes de la ville et qui sera transformée en mémorial après la chute du Mur. Il s'y construit aussi les installations sportives du club de la Stasi, le Dynamo. Les sports de glace s'y installent au Sportforum, construit en 1958 et totalement réaménagé en 1963. Les hockeyeurs restent liés à l'image de l'État oppresseur, surtout auprès du public du club rival de la ville (SC Einheit rebaptisé ensuite TSC) qui est particulièrement nombreux et motivé lors des derbys.
Interruption de programme : Berlin est champion
La meilleure équipe du pays reste l'autre Dynamo, celui de Weißwasser, même si Berlin réduit peu à peu l'écart en ne cessant de recruter de jeunes talents, comme Bernd Karrenbauer de Rostock. Le nouvel entraîneur de l'équipe berlinoise, Wolfgang Nickel, fait ainsi venir en 1963 un junior de Weißwasser, Hartmut Nickel, avec lequel il n'a aucun lien de parenté mais qu'il a connu là-bas. À 19 ans, Hartmut avait peu de chance d'y intégrer l'équipe première alors composée de titulaires intouchables. À Berlin, cet ailier droit qui allie vitesse et instinct de buteur est placé aux côtés du centre Joachim Ziesche, déjà bon meneur de jeu à 23 ans, et les deux hommes se servent de bons palets.
Entre les vedettes installées de Weißwasser et les jeunes Berlinois, la passation de pouvoir survient en 1966. Pourtant privé de son buteur Joachim Ziesche cloué au lit par une sévère angine, le Dynamo Berlin s'impose 2-1 à l'extérieur par des buts de Hartmut Nickel et de Bernd Karrenbauer. La télévision est-allemande interrompt même le programme en cours pour retransmettre le match-évènement depuis Weißwasser.
Le Dynamo capitalise sur ce premier titre. Il organise à la rentrée une confrontation aller-retour contre le champion d'Allemagne de l'Ouest (Bad Tölz) et remporte la double confrontation (7-3 en Bavière puis 2-2 au match retour à Berlin) à laquelle il attache plus d'importance que son adversaire car il peut se proclamer "champion de toute l'Allemagne". Les Berlinois sont aussi le premier club de RDA à participer à la Coupe d'Europe, mais perdent nettement (3 défaites et 1 nul) face au champion finlandais Ilves.
Pour la seconde campagne européenne, le Sportforum, très souvent vide, fait le plein pour la première fois lorsque les 3000 spectateurs assistent à un véritable exploit, Le Dynamo se qualifie aux tirs au but face au champion de Suède (Brynäs), élimine le champion de Finlande (Ässät) et ne perd qu'en demi-finale face au champion tchèque Jihlava. Cela donne une idée du niveau de pointe alors atteint par le Dynamo Berlin en Europe.
Toujours le même adversaire... et les mêmes arbres
C'est donc au moment où le hockey est-allemand n'a jamais été aussi fort qu'il est condamné par une décision politique qui réserve le financement aux sports qui rapportent des médailles. Avec la hiérarchie assez marquée du hockey sur glace, on considère que le podium y est inatteignable (avec une ironie politiquement cruelle c'est l'Allemagne de l'Ouest qui prouvera le contraire aux Jeux olympiques 1976 !). Surtout, on calcule que les sports individuels sont bien plus rentables en investissement que les sports collectifs pour accumuler les médailles olympiques.
Erich Mielke, le chef de la Stasi, est le seul qui finance encore le hockey sur glace au sein de son Ministère de l'intérieur. Il ne reste plus que deux clubs de haut niveau, les deux Dynamo de Berlin et de Weißwasser. En pratique, ce sont les deux clubs qui trustaient tous titres depuis vingt ans mais réduire la compétition à eux deux est caricatural. Le plus petit championnat du monde deviendra un objet de moquerie. De lassitude aussi, pour ses acteurs : celui qui sera le meilleur joueur de cette nouvelle époque, Dieter Frenzel, déclarera ainsi qu'il "connaît chaque arbre" sur la route de Weißwasser, à force de faire sans cesse le même voyage
La vedette de l'ancienne époque dorée, Joachim Ziesche (photo de gauche), raccroche pour sa part les patins et devient entraîneur parce qu'il faut faire un peu de place aux huit nouvelles recrues. Le bon côté de la médaille pour le Dynamo Berlin est en effet qu'il récupère les meilleurs éléments des clubs obligés de disparaître, notamment les frères Peters de Rostock et les trois stars du TSC dont le centre stratège Rainer Patschinski. Le mauvais côté de la médaille est que ces deux clubs arrêtent leur bon travail de formation et que ces filières disparaissent. Même si Bernd Hiller reprend en charge la formation au Dynamo Berlin (qui n'avait formé presque aucun de ses champions), la relève se développera beaucoup moins dans un championnat à deux équipes. La motivation s'étiole aussi et le hockey est-allemand déclinera tout doucement.
Dieter Frenzel ne cesse de poser avec des trophées (photo de droite) car Berlin gagne tous les titres de champion de 1976 à 1988, sauf en 1981. Au match décisif à Weißwasser cette année-là, les hockeyeurs berlinois affirment n'avoir jamais vu leurs adversaires de toujours patiner avec autant d'endurance. En clair, ils les soupçonnent d'avoir été dopés, ce qui ne manque pas de sel dans un pays qui a instauré comme aucun autre le dopage d'État pour figurer au plus haut dans les tableaux de médailles. Le Dynamo Berlin gardera ce match en travers de la gorge et se vengera... en remportant les 19 confrontations suivantes contre le - seul - rival.
Ce championnat à deux est si peu palpitant que - contrairement à Weißwasser surtout motivé à l'idée de battre la capitale - le Dynamo Berlin réserve toute son attention à la Coupe d'Europe. Il y connaît ses principaux triomphes, notamment contre la riche équipe de Cologne en 1979, mais cela ne suffit pas à s'attirer un succès populaire malgré le relais de la presse. Le Dynamo joue enfin dans une patinoire archi-pleine lors du quart de finale 1981 face au HIFK... quand il passe presque toute la saison à Halle parce que sa patinoire est en travaux ! N'ayant pas l'habitude d'un tel soutien, Joachim Ziesche avait loué le public local au tour précédent où les 3000 places étaient déjà presque occupées.
L'exemple doit piquer les spectateurs berlinois. Les guichets du Sportforum sont enfin fermés en 1982/83 pour la réception de l'AIK, alors qu'il ne semble rien avoir à espérer après la défaite 2-7 au match aller à Stockholm. L'équipe répond par un succès 9-5, tout près de l'exploit, grâce à trois buts d'un Harald Kuhnke au sommet de son art. Le sommet de l'ambiance à Berlin-Est pendant la division de l'Allemagne est atteint l'année suivante, en 1983/84 quand le Dynamo Berlin élimine le HIFK avec 3 buts sur l'ensemble des deux rencontres pour Kuhnke mais aussi pour Thomas Graul. Il est qualifié pour le tournoi final organisé en plein mois d'août... pendant les Jeux olympiques d'été de Los Angeles.
Les hockeyeurs du Dynamo Berlin, habituellement relégués au second plan dans leur pays, bénéficient pour une fois d'une excellente couverture médiatique des médias est-allemands, parce que la RDA boycotte - à la suite de l'URSS - ces JO aux États-Unis, en représailles au boycott de ceux de Moscou quatre ans plus tôt. Une aubaine pour un sport dédaigné. Malheureusement, privé de son capitaine Dieter Frenzel opéré des ligaments, le Dynamo est écrasé au premier match par le champion tchécoslovaque, le Dukla Jihlava. le jeune gardien René Bielke semble montrer ses limites... mais brille ensuite face au meilleur club du monde. Les Berlinois mènent pendant 45 minutes contre le grand CSKA grâce à deux buts d'un junior de 19 ans formé au club, Guido Hiller, et sont encouragés par les 3000 spectateurs italiens qui prennent parti pour le petit poucet proche de l'exploit. Le but gagnant des Soviétiques est accordé après dix minutes de discussion, et le CSKA n'en mène pas large. Le Dynamo bat le champion suédois Djurgården 5-3 et termine troisième, une performance historique. Il ne retournera jamais au tournoi final. Il sera battu les trois années suivantes par le Polonia Bytom (Pologne), Rosenheim (Allemagne de l'Ouest) et Lugano (Suisse), bien loin de ces exploits.
Un Mur qui tombe, comment survivre ?
Le système de la RDA est à bout de souffle, et la chute du Mur du Berlin en novembre 1989 annonce la Wende, un tournant politique et social inimaginable pour l'Allemagne de l'Est. Le Dynamo Berlin n'est alors plus que le deuxième club (sur deux...) de ce pays qui n'existera bientôt plus. Lors de cette dernière saison est-allemande, il compte 280 licenciés contre 350 pour le provincial Dynamo Weißwasser. Il perd le dernier mini-championnat, dont tous les participants ne rêvent que d'intégrer la Bundesliga aux adversaires plus variés. Le hockey sur glace est le sport où la réunification est la plus facile, il n'y a que deux clubs à intégrer sans que personne ne perde sa place.
Le grand moment du passage à l'Ouest arrive en 1990/91. Pour que les nouveaux ne soient pas lésés dans une économie de marché qu'ils découvrent, ils bénéficient d'une clause interdisant aux autres clubs de parlementer sans autorisation avec les joueurs est-allemands pendant deux saisons. Les deux clubs de l'Est ont donc deux ans pour créer une structure économique qui tienne la route avant de risquer un exode. Ils recevront la même part que les autres des droits télévisés (versés alors par les plus grandes chaînes allemandes qui diffusent le championnat).
Le Dynamo Berlin n'est pas pauvre avec une telle exposition télévisuelle. Il se dote même via une agence d'un sponsor - Toyota - qui offre une automobile à chaque joueur. Son budget est annoncé à 4,5 millions de marks contre 4,0 aux Preussen, le représentant de Berlin-Ouest qui a également un sponsor majeur japonais (Toshiba). Directeur de la section hockey sur glace du Dynamo depuis la plus funeste année pour ce sport en RDA (1970), Dieter Waschitowitz est aussi le président du nouveau club libéré de l'organisation policière, baptisé EHC Dynamo Berlin. Le résilient Waschitowitz bouclera son premier budget dans le monde capitaliste en bénéfice !
Et pourtant, s'il est financièrement compétitif, le Dynamo est sportivement déclassé. La transition est plus dure que prévu. Les joueurs berlinois pensaient qu'ils finiraient en milieu de tableau, mais les longs voyages vers l'ouest se révèlent plus fatigants que les quatre heures de bus du trajet vu et revu vers Weißwasser. Les hockeyeurs affrontent aussi une certaine hostilité dans ce nouveau monde. Les clubs de Bundesliga avaient recommandé aux Berlinois de garder ce nom, Dynamo, héritage communiste qui leur paraissait vendeur... parce que détesté. Rien de tel que la perception d'un ennemi pour accentuer la rivalité et décupler l'intérêt du public. Forcément, les étrangers d'hier se font traiter de "porcs communistes" par les supporters de l'ouest. Le Dynamo Berlin est dernier, et relégué après un barrage de maintien... contre Weißwasser, forcément. L'équipe est trop déséquilibrée, plus douée en attaque qu'en défense. Arrivé après avoir passé les huit premières journées sans joueur étranger, l'ex-international soviétique Sergei Yashin est devenu l'idole du public pour son talent offensif, mais dans le même temps, sa ligne a aussi encaissé le plus de buts. Il ne sera pas reconduit, d'autant que le conseiller du club arrivé en cours de saison - l'ex-idole de Berlin-Ouest Lenz Funk - a toujours préféré les Canadiens.
Avec la descente, des craintes existentielles commencent à poindre sur la pérennité du club. Il y a pourtant des signaux positifs. Chez les juniors, les Est-Allemands n'avaient pas été admis dans la Bundesliga à huit, mais le Dynamo Berlin monte dans l'élite allemande en 1991 et finira champion junior en 1992, preuve qu'il sait encore former la relève. Il place 3 à 5 joueurs dans les équipes d'Allemagne des différentes catégories d'âge. Il faut juste absolument remonter immédiatement pour ne pas sombrer dans l'oubli. Sinon, tous les talents partiront, jeunes et vieux, car la protection de deux ans sur les recrutements sauvages arrivera à échéance.
L'équipe du Dynamo reste intacte, y compris l'entraîneur Hartmut Nickel qui avait jeté l'éponge au cours de la saison de la relégation (remplacé de manière infructueuse par Gerhard Kiessling). C'est vraiment un club de deuxième division pas comme les autres, qui compte plus de 1000 sélections internationales cumulées, dont 94 sélections avec l'Allemagne de... l'Ouest pour la recrue inattendue Peter Schiller (ex-Mannheim). Mais dans cette période d'ouverture des archives de la Stasi, le Dynamo est irrémédiablement associé à cette organisation. Après les révélations gênantes sur un ancien joueur du club (Stefan Steinbock), les dirigeants convoquent une réunion où chaque hockeyeur doit jurer ne pas avoir été un informateur de la police politique !
Un nom et un passé devenus gênants
De l'extérieur, la réputation du Dynamo est trop entachée. Dans chaque patinoire ouest-allemande, les hockeyeurs berlinois se font traiter de "porcs de la Stasi". À force d'entendre ce mot dans toutes les insultes, le nouvel attaquant canadien Scott Metcalfe demande à ses coéquipiers ce qu'est cette "Stasi" dont il n'a jamais entendu parler. On lui répond par une analogie avec la CIA, il en ressent de la fierté. Quand un joueur de Berlin reçoit de la bière sur la tête pendant un match à Kassel, Metcalfe fait face à une caméra de la télévision régionale locale et déclarent que les fans locaux sont "100% Stasi, yeah".
Dans cette époque où les Est-Allemands se sentent méprisés et perdent parfois leur emploi après la vente des sociétés d'Etat à des entreprises privées occidentales, le Dynamo devient un phénoménal social. Ses supporters se mettent à chanter des chants de l'ancienne RDA pour répondre aux provocations. Le plus célèbre sera "Alle sind wir da, alle sind wir da, bis auf Erich Honecka" (nous sommes tous là sauf [l'ancien dirigeant communiste] Erich Honecker). Mais pour les dirigeants, ces sobriquets sont intenables, car ils dissuadent tous les partenaires. Le manager Lenz Funk veut se débarrasser du nom Dynamo aussi vite que possible et contacte même le Berliner Schlittschuh Club pour adopter son nom auréolé de grand prestige. Cette fusion ne se concrétisera pas. Le Dynamo sera simplement rebaptisé "EHC Eisbären Berlin", c'est-à-dire les "ours blancs", stars très consensuelles du Zoo de Berlin et symboles de la ville. Les supporters, eux, continueront très longtemps à brandir l'ancien logo avec une fierté provocante.
Ce changement de nom est voté en avril 1992 lors de l'assemblée générale qui élit Helmut Berg comme nouveau président, et il est officiellement enregistré. Pourtant, en août 1992, l'EC Ratingen dépose un recours à la fédération pour empêcher l'inscription des Eisbären, pourtant sportivement promus en première division (devant Ratingen) à cause d'une erreur de forme. "Les Ouest-Allemands montrent leur vrai visage", lit-on dans les journaux traditionnels de l'Est. La posture victimaire n'est pas justifiée : tous les clubs de Bundesliga ont voté pour les Eisbären et lui témoignent leur sympathie. Tous savent que Ratingen veut juste un moyen de pression pour embaucher gratuitement deux joueurs sous contrat à Berlin. Il n'y parviendra pas et devra payer 12 500 marks d'indemnité par année de formation : le gardien René Bielke était arrivé au Dynamo en 1975 et Torsten Kienass y avait commencé le hockey en 1979, ce qui fait 30 ans au total et une belle somme.
Ce dénouement est le bienvenu car les Eisbären font face à un autre problème lors de cet été 1992 : le budget de la rénovation du Sportforum a explosé (6 millions de marks au lieu de 2,4). La capacité a été portée à 4276 spectateurs (pouvant être haussée à 4600 après des travaux dans les virages) au lieu de 3000, avec une meilleure acoustique et des normes sanitaires (ouest-)allemandes : toilettes accessibles aux personnes en fauteuil, restaurant VIP. Les Eisbären disposent de vestiaires neufs qui sentent la peinture fraîche mais savent que ce bâtiment vieillissant ne durera pas bien longtemps. Les travaux ont pris six semaines de retard pour se terminer dans les derniers jours d'août, et la préparation sur glace a donc été perturbée.
Un riche sponsor qui est en fait un escroc
L'abandon de l'encombrante étiquette Dynamo au printemps a permis l'arrivée de nouveaux sponsors. L'un d'eux habille les joueurs en blue-jeans (veste et pantalon), un symbole occidental qui n'existait pas à Berlin-Est trois ans plus tôt. Mais le plus gros contrat de sponsoring est signé tard, seulement début septembre. Il s'agit de "Travimpex", qui est alors le troisième plus gros sponsor de tout le sport allemand derrière Mercedes et Opel. Mais si tout le monde connaît les deux constructeurs automobiles, on peine à comprendre d'où vient l'argent de cette mystérieuse holding dirigée par un agent immobilier de 30 ans, Norbert Metzler, qui se dit "fils d'un riche banquier". Outre les Eisbären, Travimpex signe aussi des contrats de financement avec un club de hockey sur glace de troisième division (EC Bad Nauheim) et des clubs sportifs - principalement dans les Länder de l'Est - de judo, de baseball et bien sûr de football (le Hansa Rostock qui joue en deuxième division étant le plus connu).
Il s'avèrera en fait que l'entreprise Travimpex, fondée trois ans plus tôt au Liechtenstein, est une coquille vide sans véritable activité rémunératrice, qui achète et revend des parts de sociétés immobilières. Un an plus tard, Metzler est arrêté par la police. Il a soutiré 120 millions de marks à 570 victimes, auxquelles il promettait des placements - fictifs - à 4% d'intérêt. Metzler sortira de prison en 1998, il épousera alors une femme pour prendre son nom, escroquera de nouveau sous cette autre identité (Norbert Wösternberg) et se fera de nouveau arrêter ! Parmi ses victimes, des hommes politiques, des avocats et même des Hells Angels. Même depuis sa cellule, il continuait de faire souscrire des crédits !
Pendant les quelques mois entre la signature et l'effondrement de Travimpex, les Eisbären ont cru être riches. Comme la tactique défensive de Hartmut Nickel semble moins bien fonctionner dans l'élite, Berlin recrute un nouvel entraîneur pendant la trêve de décembre après d'âpres négociations : "Andy Murray est un entraîneur renommé et il se vend cher", explique le président Helmut Berg. Au même moment, les Eisbären recrutent aussi le centre tchécoslovaque Jiri Dopita et le buteur canadien Dave Morrison, mais en attendant la naturalisation de ce dernier, cela fait quatre étrangers pour deux places (avec Metcalfe et le défenseur de NHL Normand Rochefort). Dernier de la saison régulière, Berlin se sauve dès le premier tour des barrages de maintien.
Quand les versements espérés de Travimpex partent en fumée, les Eisbären se révèlent incapables de payer les transferts qu'ils espéraient, mais ils doivent encore honorer les gros contrats déjà signés, notamment avec l'excellente paire tchèque Dopita-Zemlicka. C'est le président Helmut Berg qui devra remettre la trésorerie à flot de sa propre, poche. Le coach Andy Murray résilie alors son contrat, mais cela ne sera pas vraiment une économie car trois entraîneurs seront consommés pendant la saison 1993/94 : Walter Köberle, hué dès le premier match à domicile, se fait porter pâle en raison de problèmes cardiaques et ne passe que deux rencontres pour sa première expérience à la tête d'une équipe senior avant de laisser la place (après un intérim du tandem Peters/Schröder) au Canadien Marshall Kennedy. Celui-ci ne ramène que cinq maigres victoires avant d'être remplacé à son tour par Jaroslav Walter. Le fanzine critique et indépendant Eis-Dynamo, qui a publié son premier numéro en octobre 1993, a matière à commenter... Du côté des joueurs, un vent frais arrive grâce à un troisième trio local de 21 ans de moyenne d'âge (Steffen Ziesche - Sven Felski - Thomas Mitew) et les Tchèques sont dominants en première ligne, mais la deuxième ligne est brisée par les absences récurrentes du capitaine Mark Jooris : ce Canadien au beau maniement de palet est accusé d'avoir caché des problèmes de tendon qui provoquent des blessures à répétition. Comme l'an dernier, les Eisbären se sauvent en barrages contre Schwenningen.

Héros du maintien deux ans de suite, le gardien bavarois Rupert Meister se fracture la clavicule à la huitième journée de la saison 1994/95. Les défaites s'enchaînent alors et l'entraîneur slovaque Jaroslav Walter recrute alors son compatriote Eduard Hartmann... qui établit un record de la DEL (tout juste créée) avec 13 buts encaissés en 1 seul match joué. Les supporters réclament l'éternelle doublure André Dietzsch : né à proximité du Sportforum, il était devenu gardien car il était trop "paresseux" pour les tours de piste en patinage. Sa mère avait quitté légalement l'ancienne Allemagne de l'Est en 1980 par un formulaire officiel (Ausreiseantrag) mais sans pouvoir emmener son fils avec elle. Dietzsch a donc été élevé par ses grands-parents, mais cela aurait pu lui coûter sa carrière car il ne pouvait voyager qu'avec autorisation de ses entraîneurs, par crainte qu'il rejoigne sa mère. Après la réunification, voilà ce fils d'exilée devenu chouchou du public nostalgique de la RDA. Il est le gardien le plus occupé de la ligue tant sa défense est faible. Walter est viré à son tour, remplacé par la légende Joachim Ziesche, qui aimerait punir certains joueurs peu engagés mais a trop peu de profondeur de banc pour le faite, d'autant que Felski (épaule) et Zemlicka (genou) se blessent en fin de saison. Même si Dopita finit meilleur marqueur de cette saison inaugurale de DEL, les Eisbären peuvent s'estimer heureux que celle-ci soit devenue une ligue fermée : ils sont derniers, et seuls non-qualifiés en play-offs !
Le directeur sportif Billy Flynn - diplômé de psychologie - débarque en 1995/96 après son éviction mouvementée chez les Preussen. Il sort les idoles des supporters que sont le gardien Meister et les maestros tchèques. Il dit vouloir de jeunes joueurs qui ont faim... et recrute Bernhard Kaminski, 39 ans, expliquant que c'est un joueur qui va là où ça fait mal comme du reste le défenseur canadien Daniel Poudrier (ex-Rouen et Wolfsburg). Le recrutement opéré surtout dans des clubs de deuxième division a surtout été motivé par des raisons budgétaires. L'entraîneur germano-canadien Helmut Bauer - ancien directeur sportif de la fédération - s'entend mal avec les cadres et est remplacé après quatre journées par Flynn lui-même. Ce dernier vire ensuite son attaquant américain Mark Maroste et met en réserve Poudrier pour trouver "mieux et moins cher". Igor Dorokhin convainc en effet son coach d'engager Aleksandr Galchenyuk et surtout Andrei Lomakin qui signe un hat-trick dans le grand derby contre les Preussen dès son arrivée. Le public chante "shaïbu, shaïbu" comme dans les patinoires russes. Les Eisbären sont alors dans une série de 6 matches sans défaite, mais l'euphorie ne dure pas car Lomakin se révèle extrêmement inconstant.
Les Eisbären finissent avant-derniers, une des deux équipes chassées des playoffs... en compagnie des cousins de Weisswasser. La luxation de l'épaule du jeune Sven Felski (aligné en première ligne avec Lomakin et Dorokhin) a été préjudiciable. Felski est le seul joueur avec une fiche nulle et pas négative. Alors qu'il se fait opérer de l'épaule ce été-là, Felski est à deux doigts de quitter le club. Son transfert aux Preussen est annoncé au printemps 1996... mais la transaction capote parce que l'arrêt Bosman permet à tous les clubs d'engager des étrangers bien moins chers que les Allemands. Rétrospectivement, les Eisbären l'ont échappé belle : dire que celui qui deviendra le "joueur à vie" du club a failli partir !
D'un extrême à l'autre
L'ouverture des frontières, les Eisbären vont en profiter largement. Réembauché avec les pleins pouvoirs, Andy Murray se désiste parce qu'il a été nommé entraîneur du Team Canada en juin 1996, mais il a eu le temps de composer l'équipe. En pouvant aligner une infinité de joueurs "européens", il a rassemblé des Nord-Américains à double passeport européen, comme le meilleur marqueur Chris Govedaris avec son passeport grec. Tant pis pour les Allemands, sauf Udo Döhler, un gardien manquant un peu de mobilité sur sa ligne, qui a la chance d'être encore sous contrat et reste comme gardien numéro 2 derrière Mario Brunetta. La meilleure recrue est un "vrai" Suédois, Leif Carlsson, défenseur offensif numéro 1 avec un slap et une passe de haut niveau. Le lien est encore renforcé entre cette équipe de toutes origines et les supporters, ravis que la saison 1996/97 aboutisse à une demi-finale après des années en queue de classement.
L'équipe est parfois accusée de brutalité, notamment Mario Chitarroni et Lenz Funk junior, mais les fans n'en ont cure. Eux-mêmes pâtissent d'une mauvaise réputation. En novembre 1997, un noyau dur de supporters des Eisbären provoque des dégâts et des violences dans la Ice House de Mellendorf dans la paisible de région du Wedemark, où jouent les Scorpions de Hanovre : une centaine de policiers sont mobilisés. Les tribunes, qui viennent d'être étendues à 5000 spectateurs mais restent pleines, sont-elles gangrenées par la violence ? La radicalité politique y est souvent assumée. Le "Block I" rassemble des fans d'extrême-gauche, mais des skins d'extrême-droite ont aussi leurs habitudes juste derrière la balustrade (ce que rappelle la couverture ci-contre publiée bien plus tard). La situation est potentiellement inflammable, les skins frappent tout ce qui ressemble à un punk à l'intérieur même de la patinoire. Le club parviendra à assainir la situation : la passion restera forte et populaire, mais sans la violence. L'extrême-droite disparaîtra, l'extrême-gauche restera visible mais marginalisée. Les tribunes sont toujours bien moins politisées dans le hockey sur glace que dans le football allemand.
Hormis un passage à vide qui provoque le remplacement en cours de saison de l'entraîneur Ron Kennedy par Peter John Lee, la saison 1997/98 est une franche réussite. Les Eisbären savourent de finir premiers de la saison régulière, même s'ils sont battus en finale par Mannheim. Ils sont aussi deuxièmes de la Coupe Continentale derrière Kosice après un tour de qualification gagné à domicile devant Grenoble. De grandes performances qui se confirment en 1998/99 avec une demi-finale en DEL, perdue encore contre Mannheim, mais aussi en EHL, une ligue européenne qui en est à sa troisième saison et où Berlin est le premier club allemand à atteindre le tournoi final.
Une ambition à l'échelle du continent, c'est aussi ce qui caractérise en cette année 1999 les activités d'AEG (Anschutz Entertainment Group), un groupe américain qui possède les équipes professionnelles de Los Angeles (Kings en hockey et Lakes en basket) et leur salle. AEG a pour but de dupliquer ce modèle économique en Europe et a déjà racheté des équipes dans quatre pays avec pour but avoué d'en faire des clubs résidents pour des arénas à bâtir dans de grands marchés (Londres, Genève-Servette, le Sparta Prague et Stockholm via le Hammarby IF). Berlin, gigantesque capitale où le marché immobilier est encore très sous-estimé, est donc un choix logique sur la carte de ses conquêtes.
Le rachat par Anschutz
De prime abord, les Eisbären ne paraissent pas le meilleur investissement d'AEG, encore moins quand les financiers du groupe découvrent l'état réel des comptes de cette société dont ils ont racheté toutes les parts. Et pourtant c'est la seule équipe qui restera durablement dans sa propriété, le seul élément restant de "l'empire Anschutz" (qui n'aura jamais vraiment été constitué). C'est pourtant un vrai mariage des contraires : le club qui revendique l'héritage communiste passe sous le contrôle d'un milliardaire américain religieux ultra-conservateur ! Décidément, les Eisbären sont un phénomène. Le documentariste Pepe Danquart en est tellement persuadé que son film Heimspiel (Les rois de la glace en français lors de son passage sur Arte) est élu deuxième au meilleur film documentaire (derrière le légendaire Buena Vista Social Club de Wim Wenders) lorsque ce prix est décerné pour la première fois en 2000 à l'équivalent allemand des oscars.
Si l'investissement d'Anschutz fonctionne alors qu'il échouera partout ailleurs, c'est grâce à un homme : Peter John Lee, ancien joueur-culte des grandes années de Düsseldorf qui a fini sa carrière à Berlin. Lee a installé sa famille tout près de la patinoire, dans un loft créé dans une ancienne fabrique de chocolat reconvertie (Elfe). Cultivant de bonnes relations avec les joueurs et les partenaires, il reste lors du rachat de Philip Anschutz qui sait apprécier sa valeur. Il deviendra le manager de confiance... mais ce processus prendra du temps.
Au début de la saison 1999/2000, Peter John Lee est encore entraîneur, poste auquel il est remplacé en janvier par Kent Forsberg, père de la star mondiale Peter Forsberg et entraîneur champion du monde 1998. Le nouveau coach n'améliore pas la situation. Lorsque les Eisbären perdent 0-3 contre lanterne rouge Oberhausen, leurs propres supporters chantent, moqueurs, "Weisswasser, nous arrivons", en référence à la relégation qui a été rétablie. Ce danger reste lointain mais pour les play-offs, c'est râpé. Anschutz a fermé son portefeuille après le rachat et le niveau des recrues s'en est ressenti.
Devenu manager général, Peter John Lee (photo de droite) a la main plutôt chaude dans le recrutement. Il fait venir le joueur de NHL Alex Hicks et le peu connu Steve Walker qui deviennent les deux meilleurs marqueurs berlinois en 2000/01. Mais la mayonnaise ne prend pas dans l'équipe et le licenciement du nouveau coach John Williamson (remplacé par Uli Egen) prend beaucoup du temps car il faut le faire valider au siège du groupe à Denver. Lee n'a encore aucune vraie délégation de pouvoir et les Eisbären restent à la même place décevante que l'année précédente, treizièmes.
En 2001, le Sportforum est officiellement appelé "Wellblechpalast" (palais ondulé), en allusion à la forme de son toit. Ce surnom donné après la réunification de l'Allemagne a été tellement adopté qu'il est entré dans l'usage. Dans le même temps, ce Wellblechpalast est devenu un lieu de culte sportif, dédié au peuple de Berlin-Est. Le projet d'Anschutz est alors de construire une aréna commune pour les deux équipes de Berlin... mais les Preussen sont en fin de vie et n'existeront bientôt plus. Cela retarde l'ambition immobilière qui prend de toute manière du temps
Le Wellblechpalast ne ressemble pas aux des salles multi-fonctionnelles des plus grandes clubs de DEL, mais ceux qui disposent de patinoires traditionnelles ont un atout, une forte ambiance qui rejaillit dans les résultats à domicile. C'est justement une série de contre-performances "à la maison" qui provoque mi-janvier 2002 le renvoi d'Uli Egen et le recrutement de Pierre Pagé, un entraîneur canadien de renom opportunément sur le marché.
Un premier titre... et beaucoup d'autres
Pagé met en place un système offensif baptisé "torpedo" (nom inspiré par Djurgården) qui fait briller les marqueurs canadiens comme Mark Beaufait mais utilise aussi les juniors allemands qui commencent à percer avec succès (Frank Hördler, André Rankel, Florian Busch...) car l'intensité de patinage requiert la contribution des quatre lignes. Le public est conquis... et les adversaires aussi ! La progression des Eisbären est régulière : quart de finale en 2002, demi-finale en 2003, finale en 2004 et... premier titre post-réunification en 2005.
Cette saison coïncide avec le lock-out NHL, et l'arrivée d'un renfort nord-américain de prestige, pourtant accueilli avec scepticisme. Alexander Barta a confié rétrospectivement : "Après le premier entraînement on s'est regardé avec Sven Felski et on s'est demandé : comment Erik Cole peut-il être une superstar ? Il réussissait peu de choses. Après deux semaines en Allemagne on a compris quel excellent joueur il était. En play-offs il a été élu MVP et a eu une grande contribution dans notre titre."
Pour beaucoup de supporters, ce trophée de MVP aurait dû revenir à Steve Walker, leur plus grande idole (avec le héros local Felski qui est hors catégorie tant il leur est familier). Walker joue un rôle décisif, en particulier par un but décisif entré dans la légende au premier match lors de la finale contre Mannheim : le gardien adverse Cristobal Huet avait laissé la lucarne un peu trop ouverte sans se douter que Steve Walker serait capable d'y propulser le palet du revers à pleine vitesse. Lors des rencontres suivantes, Walker gagnera un face-à-face avec Huet, puis marquera encore du revers, gagnant son duel avec le Français labellisé NHL.
Berlin avait également engagé un gardien de NHL, Olaf Kölzig, mais celui-ci n'a pas réussi à déloger le titulaire en place Oliver Jonas et s'est finalement blessé. Agacé qu'on cherche sans cesse à recruter des gardiens au lieu de lui faire confiance, Jonas claque la porte à l'intersaison. La succession confiée à une concurrence entre jeunes portiers allemands est difficile, mais grâce au renfort d'un jeune portier tchèque nommé Tomas Pöpperle, les Eisbären réussissent à conserver leur titre en 2006, 3 victoires à 0 face à une DEG entraînée par... leur ancien assistant-coach Don Jackson. Néanmoins, les relations sont de plus en plus dégradées avec Pagé. Il n'a pas toujours eu que des amis au club, et après l'élimination en demi-finale 2003 il était même rentré à Berlin lui séparément de l'équipe sans saluer personne. Les victoires ont fait oublier les mauvais jours, mais la neuvième place en 2007 montre que son autorité a disparu et que son vestiaire s'est retourné contre lui.
Les saisons du mandat de Pierre Pagé : présentation et bilan 2001/02, présentation et bilan 2002/03, présentation et bilan 2003/04, présentation et bilan 2004/05, présentation et bilan 2005/06, présentation et bilan 2006/07.
À la place de Pagé, les Eisbären font revenir son ancien adjoint, Don Jackson. La première saison s'annonce déjà historique puisqu'il s'agit de celle des adieux au Wellblechpalast qui a fait son temps, elle le sera plus encore à bien des égards. Jackson lâche la bride à ses meilleurs joueurs en leur donnant énormément de temps de jeu, et le déchaînement offensif repart de plus belle. Au sein de la meilleure attaque du championnat, Steve Walker bat tous ses records personnels à 85 points... mais se blesse au dernier match de saison régulière. Les ligaments croisés sont touchés. On pense ne plus le revoir, mais il revient en demi-finale avec une protection spéciale autour de son genou... et obtient cette fois le trophée du meilleur joueur avant de se faire opérer à l'intersaison.
Une affaire rentable qui roule... et déraille
Berlin dit adieu au Wellblechpalast sur un titre... et dit bonjour par un autre titre aux 14 000 places de la nouvelle salle. Ce déménagement a été vécu avec nostalgie mais aussi avec polémique car le projet immobilier a rasé une portion historique du Mur avec ses graffitis et est devenu un symbole de la gentrification d'un centre ville très populaire. Certains appellent au boycott, d'autres s'étranglent devant l'américanisation des prix, mais le succès pardonne tout : les Eisbären font salle comble et Anschutz rentabilise à grande vitesse son investissement.
La seule fausse note est l'élimination prématurée en quart de finale en 2010 qui oblige les deux vedettes canadiennes Steve Walker et Denis Pederson à annuler leurs retraites annoncées parce qu'ils ne veulent pas partir sur un échec. Pour le reste, Don Jackson est devenu synonyme de victoires : cinq titres en six ans, tous obtenus avec le même gardien, Rob Zepp, et une dynastie jamais vue en Allemagne depuis que le hockey s'y est professionnalisé. La génération 1985 d'André Rankel et Frank Hördler tient désormais les rênes, à pleine maturité, elle qui n'a quasiment coûté qu'à la victoire. On ne fait plus attention au fait que la relève n'est plus au même niveau. AEG (Anschutz Entertainment Group) a supprimé l'équipe-réserve d'Oberliga qui servait de pépinière, contre l'avis de Peter John Lee, le groupe Anschutz refuse aussi l'augmentation de salaire de Don Jackson. L'ordre vient d'en haut, directement des États-Unis. Puisque les Eisbären sont maintenant une affaire qui roule, l'heure est aux économies pour accroître les bénéfices.
Les saisons du mandat de Don Jackson : présentation et bilan 2007/08, présentation et bilan 2008/09, présentation et bilan 2009/10, présentation et bilan 2010/11, présentation et bilan 2011/12, présentation et bilan 2012/13.
Ancien entraîneur de l'équipe-réserve supprimée et ancien adjoint de Don Jackson, Dave Tomlinson avait été envoyé se former comme entraîneur-chef à Nuremberg pour prendre la place du sorcier. Échec. On essaie ensuite un nom plus renommé avec l'arrivée en décembre 2014 de l'ex-sélectionneur national Uwe Krupp. Rien ne fonctionne. En fait, l'explication est simple. La concurrence est de plus en plus forte, les autres équipes accroissent leur budget, mais Anschutz veut garder sa rentabilité et ne veut pas dépenser plus. Comme la formation des jeunes s'est aussi dégradée, l'équipe berlinoise perd en compétitivité. Plus vexant encore, voilà que Munich - le club de Red Bull unanimement honni de tous les supporters berlinois comme symbole du consumérisme et des multinationales - commence à établir à son tour une dynastie avec sur le banc... Don Jackson.
AEG envoie alors à Berlin son haut cadre des Kings de Los Angeles, l'ancienne star du hockey Luc Robitaille, faire un bref audit de cette filiale-modèle devenue défaillante. Le diagnostic est clair. Il va falloir délier un peu la bourse, mais AEG ne le fera qu'avec un homme de confiance. Robitaille le trouvera avec un Québécois que les circonstances avaient ramené plus près de lui. Stéphane Richer avait été viré comme tous les employés des Hamburg Freezers, une franchise qui avait été créée de toutes pièces mais qui avait aussi été rayée de la carte du jour au lendemain comme on supprime une ligne d'un tableau Excel. Plutôt que de lui verser une indemnité, AEG avait gardé Richer avec un contrat de scout pour les Los Angeles Kings. En janvier 2017, le voilà nommé directeur sportif des Eisbären, en dessous d'un Peter John Lee promu directeur général.
Pendant sa carrière de joueur, Stéphane Richer répondait "architecte" quand on lui demandait quel métier il aurait voulu accomplir s'il n'avait été hockeyeur. Il en a l'occasion en rejoignant Berlin. Il bénéfice des réseaux du groupe et le recrutement nord-américain est assez bon, mais Richer ne présente pas de prolongation de contrat à Uwe Krupp qui part pour un autre défi. Richer prolonge alors la filière québécoise en nommant tout d'abord Clément Jodoin. La greffe ne passe pas du tout. Richer est déjà contesté mais marque des points auprès des supporters en passant lui-même coach avec succès à la place de Jodoin en fin de saison 2018/19. Même si certains commencent à parler de copinage entre Québécois, le futur entraîneur viendra aussi de la Belle Province... et fera l'unanimité.
Les saisons de remise en question : présentation et bilan 2013/14, présentation et bilan 2014/15, présentation et bilan 2015/16, présentation et bilan 2016/17, présentation et bilan 2017/18, présentation et bilan 2018/19.
Les supporters qui préfèrent l'ambiance féminine du "Welli"
Cette période de remise en question pour les dirigeants a aussi été celle de la fracture au sein des supporters. En 2016, le petit groupe ultra "Black Corner" (fondé en 2007 et composé de 25 membres assez jeunes) déploie une bannière a priori innocente (photo de gauche), et même dans le ton de la politique officielle du club qui a annoncé s'associer avec une alliance contre l'homophobie. Mais les Fanatics Ost (le principal groupe fondé en 2002 à partir de supporters eux-mêmes orientés à gauche mais dont les nouvelles générations ne sont pas imprégnées des mêmes messages de tolérance) refusent de participer à soulever cette bannière arc-en-ciel. Ils publient même un communiqué avec d'autres groupes de supporters pour dénoncer une récupération politique du virage par le Black Corner. L'antagonisme croît et on ne s'adresse plus la parole.
C'est dans ce contexte que les supporters d'extrême-gauche - qui détournaient et ridiculisaient déjà les aspects masculinistes des chants ultras - s'éloigneront de l'ambiance commerciale de la salle multi-fonctions d'AEG (alors baptisée "Mercedes Benz Arena" par un nouveau contrat de sponsoring) et retourneront au Wellblechpalast - appelé "Welli" - pour y soutenir... l'équipe féminine des Eisbären, qui y joue encore ! Dans ce bercail historique, ils chantent leurs chants antifascistes en toute liberté. Ils fondent le premier mouvement de supporters d'un club féminin de hockey sur glace. Le nom qu'ils choisissent pour leur groupe est ouvertement politique : "Else Jahn" était une communiste berlinoise emprisonnée par les nazis puis tuée par les SS quand elle guidait l'armée rouge lors de la libération de Berlin. Ils sont rapidement 50 (plus nombreux que le Black Corner !) dans une ambiance festive et ouverte. Engagés, ils organisent des visites mémorielles sur des lieux de l'histoire juive de Berlin. Ils sont aussi très proches des joueuses (ravies de ce soutien), ce qui n'existait plus avec les pros masculins : ils organisent un dîner avec elles et font une collecte de fonds pour qu'elles puissent bénéficier d'un kiné.
Mais quand les Eisbären feront pour la première fois jouer les féminines dans la "grande salle" (dernier match de Bundesliga féminine 2023/24, le collectif "Else Jahn" est moins bien accueilli : on leur demande de ranger un Anschutz & Co enteignen ("expropriez Anschutz & Co"), et une banderole contre l'antésémitisme leur est violemment arrachée à l'entrée par le service d'ordre. Il faut dire que la banderole était provocatrice : Oma, Opa und Hans-Peter keine Opfer, sondern Täter. Antisemitismus bekämpfen. ("Mamy, papy et Hans-Peter ne sont pas des victimes mais des coupables. Combattre l'antisémitisme"). Hans-Peter est une allusion à Hans Peter Richter, écrivain allemand qui a décrit son enfance dans les jeunesses hitlériennes dans un célèbre roman pour enfants. Après cette mauvaise expérience, "Else Jahn" boycottera ensuite chaque match féminin organisé dans l'aréna. Les deux mondes sont irréconciliables.
Allez hop, au bain !
Stéphane Richer fait venir en 2019 Serge Aubin, à qui il a mis le pied à l'étrier comme entraîneur à Hambourg. Celui-ci s'appuie sur un duo allemand qui trouve une très belle complicité en première ligne, le passeur Marcel Noebels et le buteur Leo Pföderl. La pandémie de Covid vient interrompre la première saison de leur association prometteuse, et retarder la suivante où ils forment un trio fantastique avec le jeune espoir Lukas Reichel. Noebels est joueur de l'année et Berlin renoue avec le trophée suprême à la surprise générale après un championnat 2020/21 en deux poules géographiques et des play-offs raccourcis pour motifs sanitaires. Un titre qui aurait moins de valeur ? Les Eisbären prouvent le contraire en répétant leur marche triomphale en 2021/22.
Mais comme le gardien Mathias Niederberger a été happé par Munich, les lendemains sont difficiles. L'histoire se répète, et comme après le titre 2005, la concurrence programmée entre jeunes gardiens allemands en développement se termine avec un très jeune titulaire... étranger, sans succès cette fois. Les Eisbären ne se qualifient même pas pour les play-offs 2022/23, onzièmes, le pire classement depuis 2001. Pourtant, Aubin reste en poste... et trouve la solution en remportant deux nouveaux championnats d'affilée ! Le rite du succès survit aux oscillations des joueurs. Même si Noebels est peu à peu passé dans l'ombre, Pföderl devient lui-même MVP de la saison (2024/25) après avoir trouvé un nouveau compagnon, l'Américain Ty Ronning qui explose tous les records offensifs avec une réussite incroyable. Une saison phénoménale, mais aussi une saison endeuillée par le décès de Tobias Eder, décédé en quelques mois après la découverte de son cancer.
Les saisons du mandat de Serge Aubin : présentation et bilan 2019/20, présentation et bilan 2020/21, présentation et bilan 2021/22, présentation et bilan 2022/23, présentation et bilan 2023/24, présentation et bilan 2024/25.
Marc Branchu